Il y a un an, le 2e Colloque international sur les programmes locaux et régionaux de santé rassemblait, dans la très jolie ville de Québec, quelque 700 personnes venues de 46 pays. Tout ce petit monde s’est rassemblé autour d’environ 300 conférences et présentations. C’est dire la richesse des propos tenus… et la difficulté d’en faire une synthèse. Education Santé était sur place et a épinglé pour vous quelques éléments dignes d’intérêt.
Donner la parole au terrain
Un des grands objectifs du colloque était bien de donner la parole aux acteurs, qu’ils interviennent sur le plan local, le plan régional ou le plan national, qu’ils soient praticiens, chercheurs ou décideurs politiques.
Sur le terrain, les acteurs sont tous les jours confrontés à l’application des concepts théoriques et validés de la prévention et de la promotion de la santé. Or, force est de constater qu’un écart existe bien entre ce qui est connu et validé, et ce qui peut être mis en application, faute notamment de financements, mais pour d’autres raisons aussi.
Par ailleurs, des écarts peuvent également exister entre les différents niveaux d’action, du micro au macro, notamment parce que la perception du temps n’est pas la même: pour certains, la visibilité rapide est nécessaire; pour d’autres, l’action demande tout un temps de maturation.
En matière de santé, nous savons que les choix individuels sont déterminés par une foule de choses: à nous, acteurs de la prévention et de la promotion de la santé, à quelque niveau que ce soit, de rendre les choix des comportements de santé naturels, durables et conviviaux pour les gens.
Ce défi, que ce soit au Canada, en France, en Tunisie ou en Belgique, c’est-à-dire dans des contextes différents, tous, nous y sommes confrontés d’une manière ou d’une autre.
Faire le lien entre les différents niveaux d’action, mais aussi entre la recherche et les programmes concrets était bien l’un des enjeux du colloque. De même que créer un lieu où des personnes peuvent échanger et essayer d’avancer ensemble.
«Penser globalement, agir localement»
Le thème du colloque était «Renforcer l’intégration de la promotion et la prévention dans les systèmes de santé». Pour ce faire, Jacques Bury , membre du comité scientifique, nous a rappelé l’importance d’agir sur le local, c’est-à-dire là où ça marche, là où il y a le pouvoir et la volonté d’agir. De multiples exposés nous ont donné l’occasion de prendre connaissance d’expériences locales originales. Mais, cette action locale est à mener en pensant globalement, c’est-à-dire dans une perspective articulée, et sur base de données probantes qui nécessitent des méthodes d’évaluation pertinentes.
Le colloque a mis en évidence l’intérêt d’organiser les relations entre les niveaux local, régional, national et international. Il s’agit d’organiser des échanges dans les deux sens, à tous les niveaux, de formaliser des partenariats et d’apprendre à définir les rôles respectifs de chacun.
Pour avoir une meilleure décentralisation, il faut renforcer les compétences centrales. Le changement qui reste local tend à être éphémère. Et au niveau central, il ne faut pas vouloir organiser et contraindre le local mais proposer des engagements crédibles et des plates-formes d’échanges de méthodes, d’outils et de concertation. L’intersectorialité au palier central oblige au partenariat local et produit des innovations structurantes.
Pour une meilleure intégration de la prévention et de la promotion de la santé dans nos systèmes de santé publique, il s’agit donc bien de renforcer les réseaux horizontaux et verticaux.
«Ca réseaute»
Sans pouvoir assister à l’ensemble des exposés, l’intérêt d’un colloque tel que celui-là était sans aucun doute la possibilité qu’il offrait de rencontrer des personnes et associations très diverses ayant toutes des expériences de travail fort intéressantes. Dans les dialogues entamés à chaque table, on a pu assister à des échanges interrégionaux ou internationaux. Quand dans deux systèmes, on se met à travailler sur les mêmes objectifs, il est intéressant de pouvoir confronter ses méthodes de travail, ses modes d’évaluation, ses résultats et la manière dont se structurent les acteurs.
Et les participants ne se sont donc pas privés de «réseauter» selon le vocabulaire québécois. Ainsi en témoigne une chercheuse canadienne intéressée à la base par les actions auprès de personnes avec une déficience intellectuelle. Au fur et à mesure du colloque, elle s’est intéressée à d’autres pistes qu’elle a pu finalement mettre en relation avec ses centres d’intérêt: « J’ai beaucoup entendu parler de préoccupations qui touchaient à l’environnement , qui touchaient les dynamiques politiques . J’ai senti qu’il y avait des initiatives de mises en réseau et il me semble que c’est gagnant .»
Au cours de la table ronde finale, il a été mis en avant qu’apprendre à travailler en réseau était une nécessité pour travailler efficacement en promotion de la santé.
Mais nous sommes là face à un beau défi: développer ses capacités de gestion de réseau ne fait actuellement pas partie des formations existantes. Et il est difficile de l’enseigner car il s’agirait plus d’un art que d’une science. Le milieu des affaires, construit souvent sur du «réseautage», aurait-il quelque chose à nous apprendre? Le réseau est bien cette mise en relation des gens pour faire émerger des ressources. Creuser ce concept est une des pistes soulevées par le colloque, avec notamment l’articulation de deux visions du réseautage: le réseau orienté vers un but spécifique, ou le réseau entretenu pour mieux gérer nos relations.
Une présence très vivante de la Communauté française
Autant dans le nombre de participants que dans le nombre de présentations retenues, la Communauté française était bien représentée. Une quarantaine de Belges se sont retrouvés à Québec et une bonne vingtaine de présentations ont pu être faites. Luc Berghmans , directeur de l’Observatoire de la Santé du Hainaut et vice-président du comité scientifique du colloque, est heureux de le souligner: « J’ai participé à la sélection des communications qui s’est faite de manière assez rigoureuse . Un certain nombre de propositions ont malheureusement dû être refusées . Le fait d’avoir été accepté pour des présentations , c’est la preuve qu’il y a une certaine qualité d’expression de ce qui se fait sur les terrains locaux en Communauté française .»
L’apport de la Communauté française était donc assez impressionnant. Pour ceux qui ont eu l’occasion de présenter leur projet, comme Elise Malevé , du CLPS de Liège, « c’était surtout intéressant de se remettre les idées en place , de réfléchir par exemple à ce que le partenariat va apporter au projet , question que je n’avais pas pris le temps de me poser .» Chacun a ainsi pu se confronter aux questions et réactions de personnes évoluant dans toutes sortes de contextes.
Une chaleureuse ambiance québécoise
Le contact humain et la découverte conviviale étaient au centre de l’organisation: d’une disposition en tables rondes pour les conférences aux pauses santé, d’une soirée animée sous forme de souper-spectacle à un salon d’exposants très convivial, d’un cocktail de bienvenue par les organisateurs canadiens à un walking dinner «entre Belges» sur invitation de Pierre Ansay , Délégué Wallonie-Bruxelles à Québec, d’une visite du vieux Québec ô combien charmant à une excursion aux chutes de Montmorency ou à l’île d’Orléans, tout était mis en place pour vivre ces quelques jours dans une ambiance particulièrement agréable et propice aux échanges.
Il est un peu étonnant de devoir aller si loin pour finalement rencontrer beaucoup de compatriotes et nourrir avec eux des échanges très constructifs!
En route vers un prochain colloque
La Déclaration de Québec est claire: l’objectif est bien de tenir un 3e colloque international sur les programmes locaux et régionaux de santé, sur base des modèles développés à Amiens et à Québec. Gageons que celui-ci permettra autant de «réseautage», de participation active de la Communauté française de Belgique et de richesses entre des expériences de terrain et des réflexions théoriques. D’autres idées sont aussi à l’étude comme des circuits de conférences.
Ce qui est certain, selon Luc Berghmans, c’est que non seulement la notion de réseau d’acteurs locaux est intéressante, mais celle de réseaux internationaux est très riche aussi. « On pourrait créer des réseaux – et il faut le faire – au niveau de la Communauté française , mais finalement , le fait de pouvoir se comparer , travailler avec des situations et des contextes différents , c’est fort enrichissant . On espère , par exemple au niveau du Réfips ( Réseau francophone international en promotion de la santé ) continuer à enrichir non seulement les aspects d’échanges très pratiques mais aussi réellement des aspects de recherche .»
En route donc vers de meilleures pratiques: comme le rappelle Alain Poirier , Directeur de la santé publique du Québec, l’action de prévention restera un défi! Dans ce cadre, la question du sens et de l’organisation des partenariats est cruciale.
Anne Avaux , Mutualité chrétienne – Education Santé
Pour en savoir plus, le site http://www.colloquequebec2004.com propose diverses informations ainsi que l’ensemble des résumés des présentations et certains exposés dans leur intégralité. Un moteur de recherche permet d’introduire des mots-clés, un thème ou un auteur.