La fin du paludisme comme problème prioritaire de santé publique n’est plus une utopie. Aujourd’hui des moyens de lutte efficaces existent et d’importants financements de la communauté internationale sont disponibles. Reste aux États à former le personnel de santé et à organiser le combat contre ce fléau qui pèse sur leur développement.
Jamais la conjoncture n’a été aussi favorable à une lutte efficace contre le paludisme. Depuis dix ans, les financements internationaux ont été multipliés par dix et de nouveaux traitements très efficaces ont vu le jour. Longtemps délaissée, cette maladie, qui tue 2,6 millions d’Africains chaque année, dont de très nombreux enfants, est sortie de l’oubli grâce au sida. La forte mobilisation contre cette pandémie a entraîné dans son sillage celle contre le paludisme qui pèse lourd sur les économies africaines. ‘ Le paludisme est à la fois une cause et une conséquence de la pauvreté ‘, reconnaît-on aujourd’hui. Il ferait perdre près d’1,5% de croissance chaque année à l’Afrique. A l’échelle locale, c’est, par exemple, la première cause de non-remboursement des micro-crédits comme l’ont montré les études menées par Planet Finance au Bénin. Il représente près d’un quart des dépenses globales des familles et 40 % des dépenses de santé publique.
La création du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme en 2001, qui regroupe actuellement les deux tiers des fonds mondiaux internationaux, a marqué un tournant dans l’implication de la communauté internationale. Le Fonds travaille main dans la main avec Faire reculer le paludisme , un partenariat lancé en 1998, qui regroupe organismes internationaux, gouvernements des pays du Sud, entreprises privées, organisations non gouvernementales, et permet de coordonner les actions, d’éviter les incohérences et de renforcer les synergies.
Des moyens de lutte efficaces
Ces actions s’appuient sur les résultats de la recherche qui ont démontré l’efficacité des nouveaux médicaments à base d’artémisinine, à condition que celle-ci ne soit pas administrée seule pour éviter l’apparition de résistances, comme celle à la chloroquine: ce sont les combinaisons thérapeutiques, appelées communément ACT, encore onéreuses (1,3 $ par traitement pour un adulte) largement financées par les bailleurs de fonds.
Seulement, là où le bât blesse trop souvent, c’est dans l’administration de ces traitements. Pour avoir les meilleurs résultats, il faut traiter le plus tôt possible, dès l’apparition de la crise. Or, la plupart du temps, les malades commencent par se soigner eux-mêmes avec les médicaments dont ils disposent chez eux et ne vont au centre de santé le plus proche qu’en dernier recours. Là, ils ont souvent affaire à du personnel de santé mal payé, peu formé et mal informé des nouveaux traitements. Des études menées par l’IRD (Institut de recherche pour le développement) au Cameroun ont montré que ces soignants prescrivaient des anti-paludéens dépassés ainsi que des antibiotiques inutiles.
Le constat est unanime: le secteur de la santé publique, rendu exsangue par les ajustements structurels qui ont stoppé les recrutements, a donc besoin d’être reconstruit. Mais les populations ont aussi besoin d’être mieux informées. Comme l’explique Flore Gangbo , ex-ministre de la Santé du Bénin, gouvernants et société civile doivent s’impliquer. Dans son pays, des téléthons ont ainsi été organisés ainsi que des tontines pour l’achat de moustiquaires. La prévention par l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide a depuis longtemps prouvé son efficacité. Mais il ne suffit pas de les rendre disponibles à bas coût ou de les distribuer gratuitement, il faut ensuite savoir si et comment elles sont utilisées, si, par exemple, elles ne sont pas revendues ou utilisées comme filets de pêche ! Autre mode de prévention complémentaire: la pulvérisation d’insecticides répulsifs, en particulier de DDT, dans les maisons, est la dernière arme de l’arsenal, déjà effective dans quelques pays comme le Rwanda.
Des résultats spectaculaires
Là où les gouvernements ont pris le problème à bras le corps, les résultats ont été spectaculaires. C’est le cas, par exemple, au Mozambique où le nombre de morts du paludisme a diminué de plus de 80 %, ou du Burundi où les ACT sont désormais disponibles dans tous les centres de santé primaire et où les cas de paludisme ont diminué de 39 % entre 2000 et 2005. En Éthiopie, les trois quarts des enfants dorment maintenant sous une moustiquaire ce qui fait baisser drastiquement le nombre de morts des moins de 5 ans. Ces chiffres donnés par le Fonds mondial montrent bien l’efficacité de la lutte lorsqu’elle est menée à grande échelle dans un pays. Certains espèrent même que cette maladie ne sera plus un problème de santé d’ici une dizaine d’années.
C’est désormais aux Etats, insiste Awa Marie Coll-Seck , Secrétaire exécutive du partenariat Faire reculer le paludisme , de se prendre en charge. Seule une forte volonté politique pour mettre en œuvre des programmes nationaux peut permettre de juguler ce fléau ont affirmé les participants à la conférence ‘Faire plus et mieux contre le paludisme’, tenue en septembre 2007 à Paris, et qui a réuni les principaux opérateurs de la lutte, chercheurs comme financeurs.
En 2000, les chefs d’État africains se sont engagés à réduire de moitié d’ici 2010 la mortalité liée au paludisme et, en 2001, à allouer 15 % des budgets nationaux au secteur de la santé. Les conditions d’une lutte efficace contre ‘ cette maladie invisible qui nous perturbe sans cesse ‘, comme le dit Flore Gangbo, sont réunies. Les premiers résultats sont là, l’espoir aussi.
Marie-Agnès Leplaideur , InfoSud – Syfia