Décembre 2001 Par A.-M. PIRARD Initiatives

Difficultés liées à la lourdeur des traitements, sentiments de rejet ou d’exclusion, mais soutien des proches et du personnel soignant… Telles sont les lignes de force exprimées par les personnes atteintes du cancer lors d’une étude sur leur vie quotidienne réalisée par la Fédération belge contre le cancer.
En quelques décennies, le visage de la lutte contre le cancer a bien changé. Au début, cancer et décès étaient toujours synonymes. Puis de meilleures conditions de guérison ou de survie ont largement modifié le champ des possibles. Et, pour ceux qui ne pourront guérir, le développement des soins palliatifs a fait naître de nouvelles priorités.
Certes, le cancer demeure une maladie fatale pour de nombreux patients. Mais les survies de plus en plus longues, les guérisons de plus en plus nombreuses constituent des progrès considérables. Et elles font évoluer les mentalités et les recherches. Si de nombreux traitements sont encore fort agressifs, de nouveaux médicaments permettent une lutte efficace contre les principaux effets secondaires en cours de traitement…
Aujourd’hui, le temps de la lutte à tout prix s’éloigne et une attention croissante se développe pour la qualité de vie des patients. Il ne s’agit plus seulement de savoir si l’on va survivre, mais dans quelles conditions. Il ne s’agit plus seulement de guérir, mais de savoir dans quelles conditions on va traverser l’épreuve de la maladie. En effet, les personnes qui survivent restent marquées leur vie durant par l’expérience de la maladie.

Des patients témoignent

Cette nouvelle réalité de la maladie a décidé la Fédération belge contre le cancer à consacrer une enquête au vécu quotidien des malades en Belgique, à tous les stades de la maladie et toutes formes de cancers confondues. L’objectif était de cerner les principales préoccupations des patients en termes de qualité de vie depuis l’annonce du diagnostic jusqu’au terme des traitements. Dans un premier temps, des enquêteurs de la société Pocket marketing ont réalisé une quarantaine d’entretiens qualitatifs d’une heure trente environ par patient. Sur cette base, ils ont réalisé un questionnaire général de 46 questions (ouvertes et fermées) sur les attentes et l’expérience des patients. Quinze cents questionnaires ont été distribués et plus de 220 réponses ont été dépouillées.
Premier enseignement de l’enquête: la maladie affecte durement la vie familiale et sociale. Près de trente pour cent des patients estiment que les principales difficultés rencontrées durant la maladie sont liées à la lourdeur des traitements et à leurs effets secondaires. 11,6 % des malades citent le sentiment de rejet ou de discrimination sociale et professionnelle parmi les difficultés les plus lourdes. Enfin, 10,4 % des personnes interrogées regrettent le nombre extrêmement limité de « vrais » amis c’est-à-dire d’amis compréhensifs, disponibles, apportant un véritable soutien.

Ecoute, respect, soutien moral

Deuxième enseignement de l’enquête: le cancer modifie les valeurs des patients. 45,7 % d’entre eux déclarent que l’amour est devenu la valeur la plus importante pour eux depuis leur maladie, 44 % citent l’écoute du partenaire et 42,2 % l’écoute de la famille et des amis.
Très normalement, la maladie a une influence majeure sur les relations conjugales. Et c’est d’un impact plutôt positif dont il s’agit: 44,4 % des patients estiment que le cancer n’a rien changé à leurs relations conjugales et 45 % déclarent qu’il les a améliorées. Interrogés sur leurs attentes vis-à-vis de leurs proches, les personnes malades du cancer citent tout d’abord la compréhension et le soutien (39,9 %) ou un comportement normal à leur égard (19,9 %). Ces attentes sont-elles effectivement rencontrées par leur entourage? 27,5 % des patients estiment avoir bénéficié d’une véritable écoute, 22,5 % disent avoir eu le sentiment d’être respectés et 21,4 % avoir pu compter sur un soutien moral.
Troisième et dernier enseignement de l’enquête: les malades expriment un degré de satisfaction très élevé envers les professionnels de la santé, spécialement les médecins et les infirmières, aux différents stades de la maladie.

Les soignants: proches et compétents

Leurs attentes vis-à-vis des professionnels sont en effet très claires. Au moment du diagnostic, ils souhaitent bénéficier de l’information la plus compréhensible possible (36,4 %). Au regard de cette attente, les résultats sont très favorables pour les médecins (75,5 % dispensent l’information souhaitée), bons pour les infirmières (67,5 % donnent l’information demandée) et un peu plus faible pour les travailleurs sociaux (61,7 % donnent l’information souhaitée). En revanche, ils sont médiocres pour les autres services (46,4 % de satisfaction seulement).
La même tendance est observée en matière de disponibilité. Ce résultat constitue une heureuse surprise qui doit être confirmée. En revanche, en matière de prise en charge, les résultats sont plus réservés et les patients témoignent de pas mal d’angoisses et d’incertitudes.
Médecins et infirmières obtiennent un taux de satisfaction correct (55 % environ) dans leur manière de rencontrer la demande des patients. En revanche, la satisfaction vis-à-vis des travailleurs sociaux n’est que de 40 % et elle tombe à 27,1 % pour les autres services hospitaliers.
La Fédération belge contre le cancer a manifesté son intention de poursuivre l’enquête auprès d’un nombre plus élevé de patients afin de confirmer et de préciser ces premières réponses. L’analyse des résultats sera elle aussi poursuivie et affinée. Mais, déjà, la Fédération tire trois enseignements de cette enquête: nécessité de continuer à améliorer la qualité de vie des patients en cours de traitement, importance de soutenir les proches des malades afin qu’ils puissent répondre efficacement aux nombreuses attentes des patients et nécessité d’améliorer la prise en charge sociale et l’approche des autres services.
Fédération belge contre le cancer, chée de Louvain 479, 1030 Bruxelles. Tél.: 02-736 99 99. Fax: 02-734 92 50.
Anne-Marie Pirard