Décembre 2009 Par T. PEREIRA Stratégies

Chaque année, Éducation Santé vous propose un article présentant la façon dont le budget ‘santé’ de la Communauté française a été ventilé et dépensé au cours de l’année précédente (1).
Cette fois-ci, nous pouvons aller plus loin grâce à une analyse réalisée par la Direction de la promotion de la santé, un des services de la Direction générale de la santé du Ministère de la Communauté française.
Cette analyse porte sur une législature presque complète, puisqu’elle s’est penchée sur les chiffres de 2004 à 2008.

Explication

La progression globale du budget santé au cours des cinq dernières années apparaît comme une évidence à qui fait une rapide lecture des données. Cela doit être considéré comme un signe encourageant, étant donné l’énorme retard d’investissement dans la ‘santé préventive’ par rapport à la ‘médecine curative’ (pour faire court!), dans notre pays comme dans beaucoup d’autres.
La Direction de la promotion de la santé a voulu décoder ce qui se cache derrière cette tendance positive.
Il lui semblait qu’il y avait moins de projets de promotion de la santé soutenus par la Communauté française qu’auparavant. On pouvait se demander alors à quelles interventions profitait cette modeste augmentation de moyens de la santé ‘communautaire’.
L’auteure, Tatiana Pereira , a creusé quelque peu les comparaisons pour voir de quelle manière la progression globale du budget avait concrètement été distribuée, et notamment la place prise par deux nouveaux programmes de médecine préventive lancés au cours de ces 5 dernières années (2). L’analyse sur 5 ans offre la possibilité de mettre en évidence des orientations éventuelles, de faire des projections pour le futur et d’exprimer des craintes et des satisfactions. Notons qu’il faut la lire en la situant dans le cadre du partage des compétences en santé propre à notre pays; la Communauté française n’a pas à sa charge tous les aspects de santé publique, loin de là.
Voici le résultat de cette recherche, illustré de quelques tableaux significatifs. Nous espérons que le lecteur y trouvera matière à réflexion!

Les programmes ‘santé’ de la division organique 16

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Tableau 1 – Programmes – Budgets engagés, exprimés en milliers d’euros (après ajustements et redistributions) 2004, 2005, 2006, 2007, 2008 – Crédits de base 2009

Programme

2004 2005 2006 2007 2008 2009
Programme 0: subsistance 74 72 72 68 70 74
Programme 1: accords de coopération et Académie royale de médecine 164 164 168 170 174 190
Programme 2: prévention et promotion de la santé 15.802 15.893 17.021 18.870 20.757 21.628
Programme 3: promotion de la santé à l’école 14.923 16.705 16.911 18.525 17.642 18.929
Total 30.963 32.834 34.172 37.633 38.643 40.821

Source – Ministère de la Communauté française, base de données de gestion des dépenses de la Communauté française.

Programme 0 «subsistance» : biens et services. Il s’agit d’un budget destiné aux dépenses pour le fonctionnement et la gestion de la Direction générale de la santé. On y retrouve les honoraires de médecins et d’avocats, les frais de justice, les jetons de présence des organes d’avis, les frais de route et de séjour pour des personnes étrangères aux administrations de la Communauté française, des prestations de tiers, des frais de réunion, d’enquêtes, de publications, d’imprimés…
Programme 1 «interventions diverses» : la dotation à l’Académie royale de médecine de Belgique et les dépenses relatives aux accords de coopération. Ces derniers concernent la part de la Communauté française dans le financement de la «Cellule politique de santé en matière de drogues», du Comité consultatif de bioéthique de Belgique et du NEHAP (environnement).
Le programme 2 «prévention et promotion de la santé» regroupe l’ensemble des budgets destinés aux services agréés de promotion de la santé, aux projets de promotion de la santé, aux programmes de médecine préventive ainsi que diverses subventions pour la recherche, des campagnes médiatiques, des brochures… (voir détails plus loin).
Le programme 3 «promotion de la santé à l’école» : paiement des équipes, des frais de fonctionnement, d’équipement, de formation et de transport.
Les budgets présentés dans les tableaux correspondent aux montants engagés (4) entre 2004 et 2008. Pour l’année 2009, il s’agit des montants prévus en début d’année; ils sont modifiables en cours d’année (transferts d’un programme à un autre et, une à deux fois par an, l’ensemble des budgets est ajusté, ce qui signifie que des montants sont transférés entre divisions organiques).
Dans le cadre de cette analyse nous nous attacherons essentiellement aux programmes 2 et 3.
Les différents programmes sont divisés en «allocations de base» (AB) qui correspondent à un type d’activités; elles sont numérotées ici de 1 à 25 (pour la facilité de lecture, cela ne correspond pas aux numéros réels…). Le programme 3 étant directement dépendant de critères de subventionnement précisés dans la législation de base, c’est le programme 2 qui sera le plus développé puisqu’il est le plus représentatif des politiques décidées.

Tableau 2 – Division organique 16 – détail des programmes 2 et 3

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Montants engagés 2004 Montants engagés 2005 Montants engagés 2006 Montants engagés 2007 Montants engagés 2008 Crédits de base 2009
Programme 2 – prévention et promotion de la santé
1. actions et recherches en promotion de la santé (AB 33.04) 3.956 3.220
2. prévention des assuétudes (AB 33.01.24) 1.031 1.230 1.422 1.322
3. prévention du sida (AB 33.02.24) 531 1.579 2.067 1.942 1.790 2.123
4. prévention des maladies cardiovasculaires (AB 33.04.24) 104 178 423 416 435 698
5. prévention des traumatismes et promotion de la sécurité (AB 33.06.24) 175 175 175 180
6. études et recherches en relation avec le pilotage du Plan communautaire opérationnel (AB 33.07.24) 373 444 476 363 164 343
7. subventions diverses pour la mise en œuvre du Plan communautaire opérationnel (AB 33.08.24) 989 1.151 905 611
8. problématiques émergentes et projets pilotes (AB 33.03.25) 462 525 §§9. programmes locaux de promotion de la santé (AB 33.04.24) 477 574 616 484 331 445
10. initiatives du gouvernement et problématiques émergentes (AB 33.02.25) 717 503
11. initiatives du gouvernement (AB 33.02.25) 428 569 473 195
Total ‘promotion de la santé’ 5.869 6.564 6.712 6.481 5.939 6.225
12. vaccination (AB 12.01.24) 3.000 2.876 2.730 5.187 6.151 6.002
13. prévention des cancers (AB 33.03.24) 826 820 1.404 811 1.935 2.046
14. prévention de la tuberculose (AB 33.05.24) 1.296 1.296 1.296 1.397 1.459 1.443
15. dépistage des anomalies congénitales (AB 33.05.25) 690 675 680 820 820 840
16. dépistage de la surdité néonatale (AB 33.06.25) 185 185 321 383
Total ‘médecine préventive’ 5.812 5.667 6.295 8.400 10.686 10.714
17. organismes agréés (AB 33.01.25) 2.422 2.202 2.577 2.630 2.741 3.075
18. dépenses de toute nature en promotion de la santé (AB 12.01.25) 331 191 225 152 132 193
19. Institut scientifique de santé publique (AB 45.40.25) 906 821 834 887 887 887
20. Programme de transition professionnelle (6) (AB 33.07.25) 13 4 4 0 0 13
21. subvention d’équipement aux organismes d’éducation pour la santé (AB 52.10.25)(7) 39 8 20 0 29 0
22. contrôle médicosportif (dopage) (AB 12.36.22 et 33.01.22) 410 436 354 320 343 521
Total programme 2 15.802 15.893 17.021 18.870 20.757 21.628
Programme 3 – promotion de la santé à l’école
23. services de promotion de la santé (programme 31) 14.457 16.337 16.668 18.328 17.499 18.617
24. formation continue PSE (programme 32) 394 165 90 40 0 154
25. équipement (programme 33) 72 203 153 157 143 158
Total programme 3 14.923 16.705 16.911 18.525 17.642 18.929
Total général 30.963 32.834 34.172 37.633 38.643 40.821

Source – Ministère de la Communauté française, base de données de gestion des dépenses de la Communauté française.

Le programme 2 de ce tableau mérite quelques explications.
Pour en faciliter la lisibilité, les différentes allocations de base du programme 2 ont été rassemblées pour distinguer d’une part ce qui est consacré plus spécifiquement aux projets de promotion de la santé, et d’autre part ce qui est consacré aux programmes de médecine préventive. Elles sont numérotées pour faciliter le référencement.
Quelques précisions supplémentaires ne sont pas superflues.
Les organismes agréés (17) sont les Services communautaires de promotion de la santé (au nombre de 4) et les Centres locaux de promotion de la santé (10 en 2004, 9 entre 2005 et 2008, 10 à nouveau à partir de 2009).
Les montants qu’ils reçoivent sont automatiquement indexés chaque année. Cette prise en compte des sauts d’index ne permet toutefois pas de couvrir les augmentations barémiques liées notamment à l’ancienneté.
Les dépenses de toute nature (18) correspondent à des commandes de documents et des frais de manifestations (colloque, journée d’étude…) organisées par le Ministre.
En 2006, de nouvelles allocations de base ont été créées (les allocations numérotées 2, 5, 7 et 8) pour couvrir de manière explicite les priorités du plan communautaire opérationnel (PCO)(8). Auparavant, la plupart des projets de promotion de la santé étaient pris sur une même allocation de base sans distinction de problématique, «Actions et recherches en promotion de la santé» (1); celle-ci a disparu logiquement la même année 2006.
L’allocation relative aux programmes locaux (9) couvrait en 2004 et 2005, outre certains projets locaux (pour environ 120.000 euros), les projets pilotes de promotion de la santé à l’école et les projets «communaux» (pour des budgets variant entre 170 et 240.000 euros chacun). Ces derniers ont disparu en 2006.
À partir de 2006, les projets de promotion de la santé se sont répartis entres les différentes allocations de base suivant la problématique abordée; les allocations «projets locaux», «sida» et «cardiovasculaire» ont été plus investies que précédemment.
La réorganisation en «thèmes» du budget alloué aux projets de promotion de la santé, si elle fait référence à la nécessité de rendre visible les priorités du PCO, suscite des réflexions par rapport à l’approche de promotion de la santé. En effet, dans l’allocation de base unique on pouvait voir le reflet de l’approche globale de promotion de la santé, détachée des problématiques spécifiques de santé dans la mesure où elle s’attache avant tout au bien-être des personnes et à leur pouvoir d’agir sur leur propre santé.
En identifiant les projets de promotion de la santé suivant une problématique de santé spécifique, on est confronté à la difficulté de les faire tous entrer dans des «cases», ce qui n’est pas toujours aisé. Les projets de santé communautaire, les projets développant un travail de formation avec les relais ou les projets abordant une «problématique» non couverte par le PCO mais néanmoins jugés prioritaires ont été repris dans des allocations de base créées à cette fin: subventions diverses (7), et problématiques émergentes et projets pilotes (8).
Il existe depuis toujours une allocation de base réservée aux initiatives du gouvernement (11 et puis 10). Il s’agit d’un budget dont le Ministre dispose pour soutenir ce qu’il juge opportun. Cette allocation de base a la particularité de n’être soumise à aucune procédure d’avis. En 2008, cette allocation de base a été fusionnée avec celle réservée aux problématiques émergentes. Source: Ministère de la Communauté française, base de données de gestion des dépenses de la Communauté française

Procédure d’avis

Depuis 1997, c’est sous forme de « projets » (et de «programmes de médecine préventive» depuis 2003) que la Communauté française applique ses compétences en matière de promotion de la santé.
La promotion de la santé s’appuie sur une approche globale de la santé plutôt que de se centrer sur une problématique de santé en particulier (la médecine préventive est toutefois axée sur un thème de santé précis tout en tentant de développer une approche globale). Les «projets» ne s’inscrivent donc pas nécessairement dans une thématique identifiable. C’est dans cette logique que l’ensemble des «projets de promotion de la santé» étaient regroupés dans une même AB jusqu’en 2006.
Réglementairement, les projets de promotion de la santé sont soumis à une procédure d’avis. Il s’agit des avis rendus par trois Commissions (9) (Commission d’avis des projets locaux, Commission d’avis sur les programmes, Commission «épidémiologie») et par l’Administration (10). Cette procédure a pour but de garantir la qualité des projets en regard des stratégies défendues (notamment) par le décret de promotion de la santé et une certaine équité dans le traitement des demandes de subvention.
Les programmes de médecine préventive sont soumis quant à eux à l’avis du Conseil supérieur de promotion de la santé.
Une série d’activités étaient jusqu’en 2006 soutenues sans procédures d’avis établies (les ‘collectes de données’ par exemple prises sur l’AB « études et recherches en promotion de la santé » n’étaient pas systématiquement soumises à l’avis d’une commission) ou nécessaires (c’est le cas des « initiatives » du gouvernement).
Ainsi donc, jusqu’en 2006 les procédures d’avis sur les projets étaient explicitement liées à une allocation de base. Avec la division en plusieurs allocations de base (découpées en thématiques) il n’y en a plus une réservée aux projets de promotion de la santé (essentiellement d’approche globale), mais bien des projets qu’il faut «caser» dans des allocations de base. Malgré la négociation des procédures d’avis entre le Cabinet et l’Administration dès 2006, l’éclatement en plusieurs allocations de base a rendu difficile leur application et il est arrivé d’ailleurs que des subventions soient octroyées sans y être soumises (par exemple des registres, des activités d’initiatives ministérielles -campagnes médiatiques, animations…). Par ailleurs, le flou autour de l’application des procédures d’avis a généré aussi de la confusion auprès des demandeurs de subvention qui ne savaient plus très bien où s’adresser ou comment le suivi de leur demande allait être assuré.
Depuis 2008, progressivement, l’Administration tente de ramener toutes les subventions dans le même cadre et de soumettre la plupart des activités aux procédures d’avis (notamment les «registres» qui jusque-là en avaient été dispensés). Néanmoins il subsiste toujours la possibilité pour le Ministre de soutenir une activité sur «les initiatives», ce qui ne nécessite pas de procédure d’avis.

Que trouve-t-on à l’intérieur des allocations de base ?

Afin de cerner les activités de «prévention» nous nous attachons ici aux programmes et projets en promotion de la santé y compris la médecine préventive (soit le programme 2, AB de 1 à 16). Une distinction est faite dans le texte qui suit entre les «projets de promotion de la santé» qui sont ceux ayant suivi les procédures d’avis et les «activités de promotion de la santé soutenues par le Ministre» qui n’ont pas fait l’objet des procédures d’avis.
Par ailleurs, les programmes et activités de médecine préventive considérés sont identifiés à part, sans pour autant remettre en question le fait qu’ils sont bel et bien intégrés dans la «promotion de la santé» au sens du décret de 1997.
Pour donner une idée du contenu des allocations de base et donc de leur utilisation, voici un aperçu de ce qui a été pris en charge pour deux années, 2004 et 2008. Nous commençons par la promotion de la santé .

Tableau 3 – Evolution du nombre de projets en promotion de la santé

2004 1 projet de soutien aux politiques communales Soutien à 19 associations pour participation à un colloque (11)

Nombre de projets de promotion de la santé (avec procédure d’avis) Nombre d’activités soutenues par le Ministre Autres
1. actions et recherches en promotion de la santé 49
3. prévention du sida et des IST 2
4. prévention des maladies cardiovasculaires
6. études et recherche en relation avec le pilotage du PCO 4
9. programmes locaux 3 11 projets dans le cadre de l’appel à projets communaux
10. initiatives du gouvernement 6 cofinancements Interreg 37 1 appel à projets EVRAS (40 plannings).

2008

Nombre de projets de promotion de la santé (avec procédure d’avis) Nombre d’activités soutenues par le Ministre Autres
2. prévention des assuétudes 11 (+ 1 cofinancement Interreg) 9 points d’appui «assuétudes» (CLPS)
3. prévention du sida et des IST 11
4. prévention des maladies cardiovasculaires 4 (+ 3 cofinancements Interreg) 2 1 appel à projets en collaboration avec la Fondation Roi Baudouin
5. prévention des traumatismes et promotion de la sécurité 1
6. études et recherche en relation avec le pilotage du PCO 2 1 suivi de la population de Mellery
7. subventions diverses pour la mise en œuvre du PCO 10
9. programmes locaux 7
10. initiatives du gouvernement+ problématiques émergentes 3 (1 avec deux avis défavorables et 2 projets EVRAS) 24 2 activités de récolte de données (type registre)

Nous observons que le nombre de projets de promotion de la santé est passé de 64 à 53 et les activités de 37 à 27. La diminution du nombre de projets s’accompagne d’un statu quo des subventions. Certains projets ont donc bénéficié d’une augmentation budgétaire, mais au prix de la perte de diversité de projets. Cette diversité représente un élément essentiel en promotion de la santé dans la mesure où elle permet d’envisager un ensemble de besoins et d’attentes de la population par des stratégies adaptées au public. Stratégies qui se déclinent notamment au travers de « nombreux » projets locaux plutôt qu’au travers d’un « gros projet » communautaire.

En médecine préventive

En prévention des cancers , on retrouve en 2008 (12): les subventions à Brumammo et au Centre de référence pour le dépistage du cancer du sein et du cancer du colon; les Centres provinciaux (cancer du sein); le registre du cancer; les campagnes médiatiques; des logiciels… Le budget 2004 porte sur les mêmes objets, à l’exception du dépistage du cancer colorectal qui n’était pas encore lancé (préparation en 2008, démarrage effectif en 2009).
Les dépistages (tuberculose, anomalies congénitales et surdité) sont payés à l’acte. Les montants sont indexés chaque année. Le dépistage de la surdité néonatale a débuté au cours de l’année 2006.
En ce qui concerne le programme de vaccination , il s’agit de l’achat et la livraison de vaccins, ainsi que de la convention avec PROVAC (environ 300.000 euros par an).
Les vaccins pris en charge en 2008 sont:
Imovax®, vaccin inactivé monovalent contre la poliomyélite;
Infanrix Hexa ®, vaccin hexavalent contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, l’Haemophilus influenzae de type b, l’Hépatite B et la poliomyélite;
Tetravac ®, vaccin tétravalent contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, et la poliomyélite;
Tedivax Pro Adulto®, contre la diphtérie et le tétanos (dosage adulte);
Priorix®, contre la rougeole, la rubéole et les oreillons;
Hbvapro®, contre l’hépatite B;
Menjugate ®, contre le méningocoque C;
Prevenar ®, vaccin conjugué heptavalent contre 7 types de pneumocoque.
Tous ces vaccins existaient déjà en 2004 (certains sous un autre nom) à l’exception du Prevenar, pris en charge à partir de 2007. Il est le responsable de la forte augmentation budgétaire de cette allocation de base (doublement entre 2004 et 2008).

Quelques commentaires à propos des programmes de médecine préventive.
Il faut noter qu’une collaboration financière avec l’INAMI réduit considérablement les coûts pour la Communauté française. C’est le cas des vaccinations (payées à raison de 2/3 par l’INAMI), mais aussi du dépistage du cancer du sein dont les actes sont entièrement financés par l’INAMI laissant à charge de la Communauté française l’organisation du programme. En ce qui concerne le dépistage du cancer colorectal (commencé officiellement en 2009), des négociations ont prévu une prise en charge similaire qui n’est cependant pas encore effective.
En revanche, les programmes de dépistage néonatal sont entièrement pris en charge par la Communauté française. Une priorité devrait être une concertation avec l’INAMI pour une prise en charge des actes de dépistage, d’autant que de nouveaux dépistages génétiques seront probablement envisagés dans le futur.
Par ailleurs, le programme de la tuberculose, non réglementé à l’heure actuelle par le décret de 1997, comporte une série d’actes dont la prise en charge par la Communauté française relève d’un certain flou. En effet, le partage de compétences avec le niveau fédéral reste encore à comprendre clairement dans ce domaine.
Ces programmes reflètent une même idée : la Communauté française centralise l’organisation qu’elle délègue pour chaque programme à un centre de référence ou une structure de coordination assumant la coordination des acteurs, l’information, les invitations, le suivi, la formation, le recueil des données…
D’une manière générale, l’organisation des programmes de médecine préventive gagne à intégrer des stratégies de promotion de la santé telles que l’action intersectorielle (travail avec divers relais locaux) et le développement des compétences des personnes pour permettre au public de se sentir concerné par le programme et d’avoir envie d’en bénéficier. Toutefois, à ce stade, il faut noter que les divers engagements financiers de ces structures, ainsi que les plans et rapports d’activité ne reflètent pas un intérêt marqué pour les stratégies de promotion de la santé. Ainsi, les services préventifs existent et peuvent être sous-utilisés (c’est le cas du dépistage du cancer du sein) ou vécus comme des obligations dont le sens échappe aux usagers (le dépistage des anomalies congénitales par exemple), en contradiction avec l’objectif du décret de permettre à chacun d’être acteur de sa santé.

Regard sur les montants

Comme on peut le constater, globalement, le budget de la «santé» a augmenté de près de 25% en 5 ans, passant de 31 millions d’euros en 2004 à près de 39 millions en 2008. À titre de comparaison, sur la même période l’index santé est passé de 100 à 111,24 (13), soit une augmentation d’un peu plus de 11%.
La PSE a été revalorisée au cours des années (il s’agit de payer des salaires), notamment pour tenir compte des accords du non-marchand (+18,22% entre 2004 et 2008). La PSE représente 45,65% du budget total de la santé en 2008 (48,20% en 2004).
Les allocations de base réservées aux projets de promotion de la santé (AB de 1 à 11 dans le tableau 2) n’ont guère pris de valeur (+1,19% entre 2004 et 2008). Il faut souligner que la dynamique de projets qui a remplacé le subventionnement de services en 1997 s’accompagne de la définition de budgets dits «facultatifs». Cela veut dire qu’ils ne sont pas fixés et peuvent à tout moment être rabotés, notamment pour financer des activités très précises de services ou quand un besoin d’argent se fait sentir ailleurs. En 2008, les subventions aux projets représentent 15,37 % du budget santé total, contre 18,95 % en 2004. Globalement l’orientation qui se dégage est une diminution du nombre de projets avec une concentration des moyens disponibles vers les services agréés et les «gros» projets récurrents. Les projets locaux et les nouveaux projets se font de plus en plus rares. Notons à ce propos que les services agréés, les centres de référence et les actes de dépistage sont protégés par les règles législatives qui fixent des budgets et octroient automatiquement les indexations (même si ces dernières sont insuffisantes pour compenser l’évolution des coûts salariaux). Ce n’est pas le cas des projets de promotion de la santé dont certains ont pu bénéficier d’augmentations mais au détriment de projets plus petits qui ont disparu. Si la concentration des moyens peut donner le sentiment d’une plus grande efficacité, cela n’est qu’une apparence. En effet, la promotion de la santé tend à développer des approches collectives «communautaires», c’est-à-dire proches des «communautés de vie» pour pouvoir travailler avec celles-ci de manière adaptée. Cela nécessite donc des approches locales (projets locaux) complémentaires aux approches qui visent l’ensemble du territoire de la Communauté française.

Les programmes de médecine préventive bénéficient quant à eux d’une large augmentation (+83,86% entre 2004 et 2008), dont la plus grosse part est réservée à la vaccination. C’est une obligation incontournable, qui malgré le cofinancement important de l’INAMI pèse lourdement sur le budget santé de la Communauté française. En 2008, la vaccination représente 15,92 % du budget total de la santé (pour 9,69% en 2004). Dans le futur, en l’absence d’une prise en charge plus conséquente par l’INAMI, les coûts en augmentation de la vaccination vont probablement grever encore plus le budget santé.
Les autres programmes de médecine préventive ont également pris de l’élan depuis 2004, notamment via le lancement du dépistage du cancer colorectal et du dépistage néonatal de la surdité.
Globalement la médecine préventive représente 27,72 % du budget total en 2008 (18,77% en 2004).
Les choix politiques sur la période 2004-2008 ont porté, comme on peut le constater, sur les programmes de médecine préventive, au détriment des budgets consacrés aux projets de promotion de la santé (budgets dont l’augmentation est même loin d’atteindre l’augmentation de l’index santé).
La question de la répartition budgétaire entre les deux groupes de programmes n’est évidemment qu’une composante visible du constat que nous faisons aujourd’hui. Il invite à réfléchir d’une part sur la pertinence à maintenir une diversité utile et cohérente dans les stratégies proposées pour améliorer la santé de la population et, d’autre part, à poser la question de savoir quelles sont les stratégies les plus adéquates pour réduire les inégalités de santé.
En pratique ces deux groupes de programmes répondent à des stratégies d’action très différentes mais complémentaires. Les programmes de médecine préventive proposent un acte standard (de dépistage, de vaccination) organisé et recommandé pour l’ensemble de la population ciblée (le plus grand nombre). La promotion de la santé vise quant à elle le renforcement du pouvoir d’agir des populations et un environnement favorable à la santé.
Elle a pour but d’améliorer les déterminants sociaux de la santé avec un objectif d’équité (14). Les stratégies concertées qui en découlent nécessitent de travailler sur des populations de petite taille et à long terme. Ces stratégies sont particulièrement adéquates et efficaces pour bien comprendre les déterminants de la santé et mettre en place des actions utiles pour des populations spécifiques (femmes, jeunes, personnes isolées, primo-arrivants, sans emploi, peu scolarisés…).
Un des enjeux majeurs en matière de santé publique d’aujourd’hui, c’est de réduire les inégalités de santé. C’est bien connu, une personne qui a obtenu un diplôme d’enseignement supérieur a beaucoup plus de chance d’être en bonne santé qu’une personne qui a fait peu ou pas d’études (15). Ces inégalités sont aujourd’hui largement documentées (16). L’inadmissible écart entre les riches et les pauvres est plus que jamais d’actualité mais il est difficile à résorber. Il faut travailler sur des dimensions sociales, culturelles, environnementales, comportementales… et en partenariat avec l’enseignement, la culture, le sport, etc. Ce travail de promotion de la santé devrait être renforcé et, à tout le moins, suivre l’évolution budgétaire des programmes de médecine préventive universels ; programmes qui seraient plus et/ou mieux utilisés par les publics si par ailleurs un travail était fait avec ces publics sur les déterminants de la santé.
En conclusion, c’est la diversité des programmes et des actions qui permet de répondre à la diversité des mécanismes individuels. Elle permet d’améliorer l’efficacité des actions de la Communauté française et la santé des populations.
L’analyse budgétaire présentée dans ce document doit dès lors être lue comme un élément de réflexion sur lequel les choix futurs pourraient s’appuyer. Elle doit être complétée par une évaluation du dispositif complet.
Tatiana Pereira , Direction de la promotion de la santé, Ministère de la Communauté française. Avec la collaboration de Roger Lonfils et de la cellule socio-sanitaire de la Direction générale de la santé.
Adresse de l’auteure: DG Santé Communauté française, Bd Léopold II 44, 1080 Bruxelles. Courriel: tatiana.pereira@cfwb.be 1 Voir par exemple, pour 2007, le texte ‘Le budget de la Communauté française en 2007’, de C. De Bock et D. Lebailly dans le numéro 241 ( http://www.educationsante.be/es/article.php?id=1078 ). Le site de la revue propose cette information pour les années 2000 à 2007.
2 Notons au passage que ces deux programmes sont gérés au sein de la même Direction du Ministère que les programmes de promotion de la santé.
3 Dans le jargon administratif, chaque division organique représente une matière gérée par la Communauté française: enseignement obligatoire, sport, santé, enfance, culture…
4 Ils ont pratiquement été entièrement utilisés. Dans certaines situations, de l’argent «engagé» peut ne pas être utilisé, il retourne alors au «trésor», c’est-à-dire dans la manne globale de la Communauté française.
5 S’il n’apparaît pas de montant dans une case, c’est que l’allocation budgétaire n’existe pas (ou plus) cette année-là.
6 Programme de transition professionnelle: contribution pour l’engagement de chômeurs dans le secteur non-marchand. Cette contribution est payée au Forem.
7 Les subventions d’équipement aux organismes d’éducation pour la santé couvrent des frais d’équipement pour les projets (ou les services agréés). En théorie, la législation exclut l’achat d’équipement dans le cadre des subventions à des projets. Dans certaines circonstances exceptionnelles, des équipements sont pris en charge sur cette allocation de base spécifique. Il s’agit de montants très modestes.
8 Les problématiques prioritaires reprises dans le plan communautaire opérationnel (PCO):
-prévention du sida et des IST – éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle;
-prévention des assuétudes;
-prévention des cancers;
-lutte contre la tuberculose;
-prévention des traumatismes et promotion de la sécurité;
-programme de vaccination;
-promotion de la santé cardiovasculaire;
-dépistage néonatal de la surdité et dépistage des anomalies congénitales. 9 Il y a aussi une Commission d’avis sur les campagnes radiodiffusées de promotion de la santé, qui ne se prononce pas sur des allocations budgétaires, mais sur des temps d’antenne concédés gracieusement aux promoteurs de campagnes médiatiques.
10 Les projets «INTERREG», en cofinancement avec l’Europe notamment, ne sont pas soumis à l’avis d’une de ces commissions, mais à une autre procédure extrêmement exigeante qui comporte aussi un avis de l’Administration.
11 «Programmes locaux et régionaux de santé» au Québec
12 L’achat de matériel pour le centre unique de 2ème lecture a provoqué une augmentation temporaire des coûts qui devraient à terme s’avérer moins conséquents que ceux liés à la présence de 5 centres de seconde lecture.
13 http://statbel.fgov.be/indicators/cpi/cpi_fr.asp
14 Combler le fossé en une génération, instaurer l’équité en santé en agissant sur les déterminants sociaux de la santé, OMS, 2008
15 Enquête nationale de santé
16 Rapport sur les inégalités, Fondation Roi Baudouin. Rapport sur la pauvreté, ATD Quart Monde. Rapport sur la consommation de soins, Fédération des maisons médicales, parmi d’autres.