Il devient de plus en plus difficile de distinguer une information sérieuse d’une autre. Voici un truc: si elle est gratuite, elle est forcément orientée. Quelqu’un, quelque part, a payé (cher, très cher!) pour que vous la lisiez.
Les suppléments gratuits dédiés à la santé font florès ces jours-ci: chez votre pharmacien, dans votre quotidien ou votre hebdomadaire d’information. Le plus souvent, les articles qui y figurent ne sont là que pour créer un «environnement», pour donner l’illusion d’un vrai support de presse à ce qui ne serait, sans eux, qu’un prospectus publicitaire. Ces articles ne sont pas forcément faux, ni trompeurs. Au mieux, leur contenu est banal, consensuel et sans intérêt. Et, condition sine qua non, ils ne contiennent rien qui puisse contrarier des annonceurs potentiels. Lisses et sans aucun sens critique donc. C’est du marketing au premier degré: on y promotionne des crèmes contre les cors aux pieds et des tisanes pour maigrir.
Mais il y a des gratuits plus pervers. Les deux quotidiens leaders d’opinion de notre pays (au nord comme au sud) ont ouvert leurs pages depuis quelques mois à des suppléments qui affichent un look sobre et très sérieux, des interviews d’experts reconnus, et une prose de qualité. Et très peu de publicité… Ne vous laissez pas berner. Ces suppléments sont majoritairement financés par l’industrie pharmaceutique et servent à contourner très habilement l’interdiction qui leur est faite de diffuser de la publicité auprès du grand public pour les médicaments sur prescription. Cette interdiction, ultime bastion de la protection du consommateur en Europe, est devenu un Graal pour les labos, l’enjeu d’un féroce lobbying, et pourrait bien vaciller cette année.
Dans ces suppléments, l’information est correcte. Mais elle est tronquée. En renforçant l’éclairage biomédical dominant, on écrase le patient dans son rôle passif, on ne lui offre comme unique solution que l’issue médicamenteuse. Et on se paie même le luxe d’une image charitable en saupoudrant habilement le tout de fausse sollicitude à l’égard des associations de patients, dont la dépendance vis-à-vis des firmes est criante… pour des raisons financières bien compréhensibles.
Équilibre n’est pas un magazine de consommateurs. Notre but n’est pas de débusquer les innombrables arnaques que recèle le secteur de la santé. D’autres s’y emploient, et bien mieux que nous. Nous ne sommes pas davantage des activistes militants, pourfendeurs d’industrie pharmaceutique, car il serait absurde de diaboliser les médicaments. Simplement, nous essayons de véhiculer une approche positive et responsable des problèmes de santé. Sans dramatiser, ni minimiser. Mais sans jamais vous enfermer dans un sentiment d’impuissance, de passivité et de dépendance. Nous ne nous adressons pas au malade désemparé qui sommeille en chacun de nous, mais à l’individu bien vivant, optimiste et positif, qui prend sa santé en main et va de l’avant, libre dans sa tête.
Karin Rondia , rédactrice en chef Équilibre
Extrait de l’éditorial du n° 45 d’Équilibre, l’excellent mensuel indépendant de la santé et du bien-être