Juin 2010 Par B. CERISIER Initiatives

La campagne «Apprivoisons le soleil» (1) s’appuie sur un projet éducatif mené dans plusieurs écoles du Hainaut concernant la prévention du mélanome malin. Ce projet est mené par l’Association pour la lutte contre le mélanome malin (asbl), en partenariat avec le Réseau hospitalier de médecine sociale, le Centre local de promotion de la santé du Hainaut Occidental, l’Observatoire de la santé du Hainaut et des services de promotion de la santé à l’école (PSE).
Pour diffuser plus largement les messages de prévention, le ministère de l’Enfance, de l’Aide à la jeunesse et de la Santé a chargé, en 2007, le Service communautaire de promotion de la santé Question Santé, de réaliser une campagne de communication pour l’ensemble de la Communauté française.
S’appuyant sur l’approche pédagogique faite dans le Hainaut, Question Santé s’est tourné vers le conte…

Il était une fois

Il était une fois , il suffit de lancer ces quelques mots dans une classe ou dans une chambre à coucher pour que le silence se fasse, et que des expressions de contentement se lisent sur les visages. L’auditoire sait qu’il va voyager dans un monde certes imaginaire mais d’où émergent des thèmes et des valeurs universels et intemporels comme le courage, le danger, la récompense, l’amitié, la bravoure. S’ils prennent des formes bien différentes selon notre culture, notre âge, notre vie, ils sont pourtant toujours présents.

Pourquoi un conte ?

Le conte est un outil de partage, transversal, compréhensible de tous.
Les enseignants l’ont bien compris et l’utilisent fréquemment. Parfois pour le patrimoine culturel et historique qu’il véhicule, parfois pour accrocher les élèves car ils ne dédaignent pas une histoire simple où les personnages sont jeunes ou vieux, enfants ou parents, amis ou ennemis et où les situations sont claires: une princesse orgueilleuse qui traite mal son soupirant , un paysan pauvre qui va chercher conseil auprès du roi … Cette simplicité offre des repères faciles aux enfants pour reproduire des pensées ou des sentiments difficiles à exprimer dans la vie.

En promotion de la santé

C’est sans doute pour ces raisons que nous nous sommes tournés vers le conte pour expliquer aux enfants qu’il fallait prendre quelques précautions quand le soleil luisait. Il s’agissait de présenter les quatre recommandations de base (mettre des lunettes de soleil, porter un couvre-chef, un vêtement à manches longues, et ne pas s’exposer entre 12 h et16 h) de manière non-injonctive de façon à ce qu’elles soient comprises et acceptées.
Un conte se raconte, se transmet oralement, c’est un moment privilégié, entre un parent et son enfant, entre un enseignant et ses élèves, entre un animateur et son groupe d’apprenants. Ces actions de proximité ont plus d’impact et de durabilité auprès du public visé.

À exploiter en classe ?

Vinciane Trigalet , une enseignante de 4e primaire à l’école communale d’Houdeng (2) exploite l’histoire de Palou en classe depuis trois ans. Elle suit les élèves pendant deux ans (3e et 4e) et enseigne le français et l’histoire tandis que sa collègue professe les maths et les sciences. Vinciane a ainsi instauré depuis la troisième année un système de lecture obligatoire par fiches. Elle s’est peu à peu constitué une bibliothèque personnelle de livres en autant d’exemplaires que d’élèves.
Dans ces lectures imposées figurent déjà des contes. « J’en fais lire beaucoup , c’est un bon entraînement , ça leur plaît et ça fait partie des classiques ». Chaque livre fait l’objet d’une fiche qui mêle des questions ouvertes, des «vrais/faux», des mots à retrouver etc. Les élèves de 3e année ont un livre à lire et une fiche à compléter par semaine. En 4e, le livre est à lire en 10 jours mais livres et fiches sont plus longs et «difficiles».
Bettina Cerisier: Selon votre expérience, pour quelles années le conte convient-il le mieux?
Vinciane Trigalet : Chaque année, en mai, je ressors Palou. Il plaît beaucoup: les images sont belles, le vocabulaire est riche et le niveau de difficulté du texte correspond bien à un degré moyen (3e et 4e années primaire). En 3e année, on verra essentiellement le conte; en 4e année, on exploitera en plus la deuxième partie plus «scientifique». Celle-ci intéresse beaucoup les enfants, qui ont plein d’anecdotes à raconter sur le soleil. Pour le 3e degré (5e et 6e), je pense que c’est trop «bébé», et pour le premier degré, ce serait bien que le récit soit écrit avec deux niveaux de lecture. L’écriture la plus simple serait destinée aux enfants qui commencent à lire seuls. Un petit truc pour faciliter la lecture, quand un dialogue commence, c’est de mettre la tête du personnage avant la ligne, ainsi les enfants savent qui parle.
B.C.: Comment exploitez-vous ce matériel éducatif?
V . T . J’exploite Palou un peu comme l’histoire de Christian Merveille «Qui es-tu Léon?» Cette histoire est conçue et réalisée dans le cadre de l’évaluation externe des acquis des élèves de 3e année primaire en Communauté française. Moi, je «vois» «Qui es-tu Léon» comme une évaluation: les enfants lisent l’histoire et répondent ensuite aux questions seuls car le vocabulaire et l’histoire sont simples.
Pour Palou, je consacre deux fois trois séances à l’exploitation entière du livret. Les deux premiers cours, je lis le conte et j’entrecoupe ma lecture de questions orales qui se trouvent dans la fiche, mais aussi je réponds à toutes les questions, anecdotes des enfants au sujet du soleil. Ensuite lors du troisième cours, les élèves répondent par écrit au questionnaire portant sur le conte. La deuxième partie consacrée aux vrais / faux se déroule de la même manière en trois séances avec beaucoup de recherche de vocabulaire dans le dictionnaire.

Le questionnaire (extraits)

2. Réponds à ces deux questions
Pourquoi les gens du village ne rient-ils plus?
……………………………………………………………………………………………………………………………………………….
Palou, que décide-t-il de faire?
………………………………………………………………………………………………………………………………………………..
3. Place dans l’ordre chronologique les rencontres de Palou
– une belle jeune fille
– un vieil homme
– un pic-vert
– un chat
4. Qui donne chacun de ces conseils ?
– Tu devrais mettre un chapeau……………………………………………..
– Tu devrais mettre des lunettes de soleil………………………………………..
– Tu devrais te reposer à l’ombre……………………………………………
– Tu devrais mettre des habits………………………………………………….
5. Comment est Palou? Entoure en rouge les adjectifs qui le décrivent le mieux .
Comment est le soleil? Souligne en bleu les adjectifs qui le décrivent le mieux .
vieux – fier – charmant – malade – résolu –
dangereux – fidèle – brûlant – obéissant – espiègle –
courageux – poli – lumineux – extravagant – petit

Pour le conte, les élèves doivent repérer l’auteur, l’illustrateur et le site. Il y a des questions de vocabulaire et de recherche dans le texte suivies de questions ouvertes portant sur le sens de l’histoire. Les différentes recommandations sont repérées dans le texte et les élèves doivent retrouver qui parle. L’élève doit aussi entourer de couleurs les adjectifs qui qualifient Palou et le soleil: vieux, fier, charmant, malade, résolu, dangereux, fidèle, brûlant, obéissant, espiègle. Des images de Palou sont à compléter pour qu’il soit prêt à rencontrer le soleil.
Pour la deuxième partie, il faudra distinguer les «vrais» du «vrai ou faux» en barrant et corrigeant la faute dans chacune des phrases. Ensuite, des petites questions qui demandent de petites réponses comme: comment s’appelle le cancer de la peau? Qu’est ce que les UV?
La question n°3 reprend une horloge sans aiguilles où il faut colorier la période où il n’est pas conseillé de s’exposer au soleil.
Les «pourquoi» font l’objet de la question n°4: «pourquoi le soleil est-il utile pour les os?», «Pourquoi l’eau ne protège-t-elle pas du soleil?» La dernière question demande de résumer en quelques phrases ce que l’on doit faire quand il y a du soleil.

Un éclairage pédagogique

Cette approche permet aux élèves d’apprendre à faire des inférences.
L’ inférence est une opération mentale qui consiste à tirer une conclusion d’une série de propositions reconnues pour vraies. Elle fait comprendre aux élèves qu’ils ont besoin tant du texte que de leurs connaissances sur le sujet pour répondre aux questions. Les élèves développent ainsi un comportement stratégique en lecture pour s’adapter à chacune des sources où peut se trouver l’information. On distingue deux sources d’informations: «le texte et la tête de l’enfant» qui, elles-mêmes, se divisent en deux autres sous-catégories («dans une phrase ou plusieurs phrases» et «dans ma tête et le texte ou dans ma tête seulement»).

B . C .: Utilisez vous les autres supports de la campagne ( signets , affiches , site internet , enregistrement audio ?
V . T .: J’exploite le conte souvent en même temps que sont diffusés les spots en radio. C’est donc une accroche supplémentaire pour les élèves. Certains enfants me racontent avoir été sur le site. Malheureusement, le parc informatique de l’école ne permet pas l’exploitation de www.palou.be.
B.C.: Seriez-vous intéressée par la visite d’un dermatologue en soutien à Palou?
V . T .: Ça dépend, il faut voir son approche avec les élèves, il doit alors être pédagogue.
B.C.: Replacez-vous la lecture du conte dans le contexte de la campagne (réduction des risques de mélanome liés à l’exposition solaire) de la Communauté française?
V . T .: Non, par contre, on a étudié l’état fédéral, les communautés et les régions et donc ils identifient très bien le logo de la Communauté française.
B.C.: Est-ce que vous seriez intéressée à recevoir d’autres types de brochures en lien avec la santé?
V . T .: Oui bien sûr. En variant les supports, j’aborde par exemple l’alimentation au départ d’un article de presse du genre «un Belge sur deux mange mal». Nous débutons en septembre notre nouveau projet d’établissement triennal «le jeu au service de la pédagogie». Un nouveau jeu serait donc apprécié!
B.C.: Quelle serait la meilleure façon à votre avis d’informer les enseignants de l’existence de ces outils?
V . T .: Si vous pouviez envoyer 25 exemplaires du conte par école accompagnés des leçons à photocopier et les placer sur le site en téléchargement je suis persuadée que les enseignants seraient enchantés (je mets bien volontiers mon questionnaire à disposition de tout un chacun).
Propos recueillis par Bettina Cerisier (1) Voir C. DE BOCK, ‘Le petit garçon qui voulait devenir l’ami du soleil’, Éducation Santé n° 225, juillet-août 2007, p. 6 et 7 : www.educationsante.be/es/article.php?id=926; B. TAEYMANS, ‘Apprivoisons le soleil – le deuxième épisode de Palou’, Éducation Santé n° 234, mai 2008, p. 7 à 13 : www.educationsante.be/es/article.php?id=1014.
(2) École communale, rue de l’Abattoir, 7110 Houdeng.