Novembre 2002 Par M. DUFRASNE J. HUVELLE V. BOUTTIN M. ANDRIEN Locale Wallonie

Genèse d’un projet

En 2000, le Centre local de promotion de la santé (CLPS) des arrondissements de Mons et de Soignies a mené une enquête dans les 21 communes de ses deux arrondissements afin d’identifier les actions déjà menées et les perspectives d’action en matière de promotion de la santé (1). A la suite de cette enquête, la Ville de Saint-Ghislain a adressé au CLPS une demande d’appui à la mise en œuvre d’une politique de communication en matière de pollution intérieure.
Lors d’un premier échange de vues, en mai 2001, il est apparu que les responsables communaux, à savoir l’Echevin de la santé, M. Fabrice Fourmanoit , les fonctionnaires du service de l’urbanisme et la chargée de communication de la Ville de Saint-Ghislain, étaient intéressés par une assistance à l’élaboration d’un support écrit destiné à la population. L’objectif: sensibiliser cette dernière à l’importance de la lutte contre les diverses formes de pollution intérieure.
Avec l’appui du CERES, Centre d’enseignement et de recherche pour l’environnement et la santé de l’Université de Liège, le CLPS a animé plusieurs réunions de conception du projet, lesquelles ont abouti à la reconnaissance par toutes les parties de la nécessité d’une analyse préalable de la situation et de la construction ultérieure d’un plan de communication.
Un groupe de travail incluant des représentants du service de l’urbanisme, du CLPS et du CERES a été mis sur pied.

Analyse de la situation

Compte tenu de la place qu’occupent les médecins généralistes dans la prise en charge des maladies liées à la pollution intérieure, il est apparu essentiel de s’adresser prioritairement à eux pour analyser la situation locale.
Un questionnaire a été élaboré, pré testé et validé, puis envoyé aux médecins généralistes de l’entité. Ce questionnaire très court (deux pages) comprenait des questions relatives aux pathologies rencontrées (associées à une forme de pollution intérieure), aux polluants auxquels sont exposés le plus souvent les patients de ces médecins généralistes et à leur intérêt éventuel pour une formation ou toute autre forme d’appui en ce domaine.
Sur cinquante questionnaires envoyés, dix sont revenus et ont fait l’objet d’un traitement.
Le tableau 1 présente les pathologies associées à la pollution intérieure le plus souvent rencontrées à Saint-Ghislain, telles qu’elles ont été identifiées par les médecins de l’entité.
Pathologie

Nombre
Pulmonaire 7
Allergies 4
ORL 3
Effets bruit 2
Conjonctivites 1
Intoxication CO 1

Les pathologies de la sphère pulmonaire et ORL domineraient dans la patientèle de Saint-Ghislain. Il serait donc prioritaire de travailler sur les polluants responsables de ces pathologies.
Les polluants auxquels la population de Saint-Ghislain serait principalement exposée sont définis dans le tableau 2.Polluants

Nombre
Humidité 6
Radon 0
Champs électromagnétiques 1
Bruits et vibrations 5
Plomb 1
Tabagisme passif 8
CO 6
Composés organiques volatils 3
Amiante et fibres minérales 2
Solvants 2
Pesticides 2
Moisissures 7
Acariens 8
Cafards 2
Formaldéhyde 1
Allergènes d’animaux domestiques 10
Polluants industriels 1
Plantes 1
Odeurs 1

Selon l’avis des médecins locaux, les polluants les plus souvent rencontrés sont donc les allergènes d’animaux domestiques (10/10), les acariens (8/10), le tabagisme passif (8/10), les moisissures (7/10), le CO (6/10), l’humidité (6/10), le bruit et les vibrations (5/10).
Ces résultats ont été confrontés à l’expertise d’une spécialiste en matière de pollution de l’habitat (2), qui a ajouté les pesticides à la liste des polluants à traiter de façon prioritaire.
A l’exception du CO d’une part, du bruit et des vibrations d’autre part, tous ces polluants sont effectivement liés aux affections de la sphère pulmonaire et/ou de la sphère ORL.
Sur cette base, un plan de communication a été ébauché, comprenant des indications relatives aux publics-cibles, aux objectifs et aux messages à transmettre.

Esquisse d’un plan de communication

Le plan de communication comprend six axes thématiques:

  • les acariens;
  • les allergènes d’animaux domestiques;
  • le tabagisme passif;
  • l’humidité et les moisissures;
  • les pesticides;
  • le monoxyde de carbone (CO).

L’exemple donné dans le tableau 3, relatif aux acariens, définit les publics-cibles primaires, secondaires et tertiaires (3), les objectifs à poursuivre et les messages à transmettre. Les messages s’inspirent largement du contenu du projet Sandrine(4).

Tableau 3: plan de communication (acariens): publics-cibles, objectifs et messages

POLLUANTS Enfants <12 ans
Seniors >60 ans

PERSONNES A RISQUE PUBLICS-CIBLES OBJECTIFS MESSAGES
ACARIENS Toute la population, mais en particulier:
I. Primaires
Habitants >10 ans
Personnes ayant autorité sur les enfants
Aides familiales
Responsables de MRS/MRPA
Responsables de sociétés de logement

II. Secondaires
Médecins
Assistants sociaux du CPAS
Enseignants
‘Communicateurs’ de diverses professionsIII. Tertiaires
Communes
CLPS

Diminuer l’incidence et la prévalence des allergies.

Supprimer les allergènes par une meilleure hygiène de vie

1.Réduire l’humidité, aérer, contrôler la température, favoriser l’éclairage naturel.
2.Eviter les tapis, les mobiliers en textile, les bibliothèques non fermées, les bibelots, les jouets pendulaires, les peluches, les revêtements muraux avec aspérités (crépis).
3.Prendre les poussières avec un chiffon humide ou un aspirateur (filtre Hepa).
4.Nettoyer régulièrement la literie (à la plus haute température possible).
5.Placer les peluches au congélateur (24h-48h), puis les aspirer.
6.Utiliser des housses anti-acariens pour couvrir les matelas.
7.Préférer aux tentures les systèmes d’occultation mécaniques ou facilement lavables.

Pour être complet, le plan devra inclure les modalités de communication. Par quels médias, selon quelle synergie, quel calendrier les messages seront-ils transmis? Quels supports devront-ils être produits? Ces questions seront traitées dans une étape ultérieure du projet.
Elles rendent nécessaire une étude des moyens de communication disponibles à Saint-Ghislain pour atteindre les publics-cibles définis ci-dessus.

Organisation d’un symposium de sensibilisation

Le 20 avril 2002, la Ville de Saint-Ghislain a organisé un symposium destiné à sensibiliser les médecins généralistes (5) et les responsables des sociétés de logement. Ce symposium a réuni dans un cadre agréable – le Golf de Baudour – une vingtaine de participants, dont deux experts en matière de pollution intérieure (6) et les membres du groupe de travail ayant procédé à l’analyse de la situation et à l’élaboration de l’esquisse du plan de communication.
Les résultats de l’enquête auprès des médecins de l’entité ont été présentés. Les participants ont en outre bénéficié des interventions des deux experts. Ils ont ainsi appris de Françoise Jadoul que nous passons 80 à 90 % de notre temps dans des milieux intérieurs, que plus de 100.000 substances chimiques différentes sont présentes sur le marché européen et que l’on déplore une augmentation constante des personnes atteintes d’allergies (actuellement 15 % de la population), d’asthme ou de cancers.
Le Dr John Pauluis a fait un plaidoyer en faveur de la communication environnementale mettant en évidence le devoir pour chaque médecin de communiquer au patient les risques encourus pour sa santé du fait de son environnement.
Les deux responsables des sociétés de logement représentées au symposium ont témoigné de la difficulté de convaincre les locataires de respecter les règles minimales d’aération, en raison de leur volonté de diminuer le coût du chauffage de l’habitat (qui les incite à se calfeutrer au maximum).
Le plan de communication a fait l’objet d’une discussion et d’amendements. Les participants ont témoigné de leur volonté de faire avancer la communication en matière de pollution intérieure à Saint-Ghislain. Les médecins ont cependant évoqué la difficulté de la démarche préventive, notamment en raison du manque de supports de communication lorsqu’ils se trouvent face à face avec leurs patients (7). Un rapprochement a été opéré entre l’Administration communale et les groupements de médecins généralistes présents dans l’entité.

Perspectives d’intervention

A la suite du colloque de Baudour, la Ville de Saint-Ghislain a déposé une demande de subvention, acceptée depuis lors, auprès de la Communauté française dans le cadre du réseau des mandataires communaux. Ce projet inclut non seulement la production de supports de communication de divers types et pour des publics diversifiés, mais aussi l’ouverture d’un guichet communal d’information de la population de Saint-Ghislain.
Un plan de communication devrait donc être prochainement dressé, puis appliqué dans le but de réduire la pollution de l’habitat sur le territoire de la commune de Saint-Ghislain.

Conclusions

La genèse de ce projet illustre un mode d’intervention possible d’un CLPS, en réponse à une demande du terrain. D’abord, cette demande de la Ville de Saint-Ghislain résulte d’une enquête qui avait conduit le CLPS à se faire connaître et reconnaître dans les 21 communes de son ressort territorial. Ensuite, la demande formulée par les responsables communaux a été analysée et interprétée. Ce n’est pas seulement de supports écrits que la commune a besoin, mais d’un véritable plan de communication, qui implique le développement de partenariats fondés sur une analyse participative de la situation.
Cet exemple démontre aussi que la formulation d’un projet de communication en matière de santé prend du temps et, corollairement, suppose la mise à disposition de ressources non négligeables. Le CLPS et la commune de Saint-Ghislain ont contribué avec leurs ressources propres à la réalisation de cette phase préparatoire, par la mise à disposition de personnel, par l’engagement d’experts en communication et en environnement et par l’organisation d’un symposium.
Le projet d’intervention conçu de cette façon a toutes les chances de porter ses fruits, dans un domaine encore largement inexploré par les spécialistes de la promotion de la santé.
Michel Andrien , CERES-Université de Liège, Véronique Bouttin , CLPS Mons-Soignies, Maïté Dufrasne et Jacky Huvelle , Service de l’Urbanisme, Ville de Saint-Ghislain(1) V. BOUTTIN, M. ANDRIEN, 21 communes pour un 21e siècle en santé, Une enquête sur la promotion de la santé dans les arrondissements de Mons et de Soignies, in Education Santé , n° 158: 12-14 (avril 2001).
(2) Il s’agit de Françoise JADOUL, chargée de mission à Espace Environnement, auteur de La Terre est notre maison, Construire, rénover, habiter en respectant l’homme et l’environnement , Bruxelles, Luc Pire, 2002, 208 p.
(3) Les publics-cibles primaires sont composés de personnes qui, par leur comportement, peuvent réduire la présence de polluants dans leurs habitations; les publics-cibles secondaires sont composés de personnes qui, par leurs conseils avisés, peuvent faciliter le changement de comportements au sein des publics-cibles primaires; les publics-cibles tertiaires sont les personnes ou les institutions qui peuvent faciliter la communication sociale au sujet de ce thème de la prévention.
(4) Les résultats du projet Sandrine sont accessibles sur le site internet suivant: www.ful.ac.be/hotes/sandrine.
(5) Ce symposium a bénéficié de l’accréditation INAMI. Ceci signifie que les médecins peuvent valoriser leur participation à ce symposium dans leur cursus de formation continuée.
(6) Il s’agit de Françoise JADOUL, déjà présentée, et de Dr John PAULUIS, médecin généraliste, président de l’asbl HECTOR (« Health Environmental Care Technical Organisation »).
(7) Une brochure sortie de presse à la veille du colloque a été remise aux participants comme un exemple de support, à adapter aux réalités locales et aux besoins particuliers de l’éducation du patient: G. REGOUT, Ma maison est en bonne santé , Namur, Inter-Environnement Wallonie, 2002, 20 pages.