« Trop cool les galipettes. Dépisté.e.s, on s’prend pas la tête ». La campagne « Lapin » prend ses quartiers d’été sur les radios, les télés, TikTok et même sur les emballages de préservatifs. Son objectif : parler de manière fun et légère des comportements protecteurs vis-à-vis des infections sexuellement transmissibles et du VIH/SIDA. Ce projet a été largement concerté, revu et augmenté.
Les lapins sont de retour ! Couleurs flashy, messages percutants : « Ça te dit une banane ? Oui mais avec la peau »… Ces petits mammifères, connus pour leur connotation sexuelle, n’ont pas de tabou. Ils parlent du préservatif interne et externe, du carré de latex…
La campagne Lapin est une campagne grand public, initialement créée en 2008. Relancée à l’été 2023, et amendée pour cet été 2024, cette nouvelle édition reste fidèle à l’esprit d’origine : alerter sans dramatiser. Pourquoi alerter ? Parce qu’en Belgique, les comportements protecteurs s’arrêtent trop tôt, ce qui conduit depuis plusieurs années à une augmentation des infections sexuellement transmissibles (IST) (lire notre encadré).
Enclencher la discussion
L’idée est de responsabiliser les partenaires sur leur santé sexuelle et de lever les tabous autour du préservatif, du dépistage et des traitements comme moyen de prévention. Pour beaucoup de personnes, ces gestes protecteurs sont encore trop souvent perçus comme des « tue-l’amour », ou à tout le moins comme une contrainte ou un frein au plaisir. Les messages adoptent un ton ludique et positif qui aide à surmonter les tabous et les perceptions négatives autour des comportements protecteurs.
« Sucette enrobée, plaisir protégé ». Dans chaque vignette, deux lapins miment une discussion entre partenaires sexuels. Le premier propose un rapport sexuel, le second pose une condition sine qua non : se protéger avec un préservatif ou faire un test de dépistage préalable des IST.
« Le préservatif, parlez-en comme vous voulez, mais parlez-en ! » Menée sous ce slogan entre 2008 et 2010, la toute première campagne lapin était devenue culte. En partie parce que son concept permet d’enclencher la discussion sur un ton léger et drôle bien que le sujet ne le soit pas !
Depuis plusieurs années, de nombreux partenaires de la Plateforme Prévention Sida et le public faisaient part de leur envie de retrouver les lapins. Les équipes de la Plateforme Prévention Sida ont donc remis la campagne au goût du jour pour favoriser une approche plus large de la santé sexuelle.
Consentement et responsabilisation au cœur de la campagne
L’édition a été revue et augmentée de manière participative et en mettant au centre du travail de conception les trois stratégies de la prévention combinée contre le VIH/SIDA et les infections sexuellement transmissibles :
- l’utilisation des préservatifs ;
- le recours au dépistage ;
- l’avancée des traitements.
Pour cette édition, les duos, trios, voire la troupe de lapins informent aussi de manière didactique sur la charge virale indétectable et sur les traitements innovants. Le slogan : « j’ai eu un accident hier soir, dépannage dans les 72h » informe sur le traitement d’urgence après une exposition au VIH (TPE). « A vos marques, PrEP, partez ! » présente le traitement préventif pour les personnes séronégatives.
La campagne prête une attention particulière à la qualité des dialogues entre partenaires. « Soit c’est capote, soit c’est papote ». Ainsi, elle cherche à faire rimer information avec consentement et responsabilisation. Ancrée dans l’actualité, elle s’inscrit aussi dans le contexte post #MeToo.
Tous concernés, tous consultés
Plus de 60 associations ont participé à la refonte de la campagne. Elles travaillent dans le secteur de la promotion de la santé, de la prévention du VIH/sida et/ou de l’EVRAS, et beaucoup d’entre elles ont des services actifs auprès des populations plus vulnérables par rapport à l’infection par le VIH et les IST. Ces services ont été consultés lors de réunion ou par mail afin de définir ensemble le fond et la forme des outils de la campagne.
La Plateforme Prévention Sida a également fait participer le public-cible en organisant 11 focus groups pour s’assurer que la campagne soit proche tant des publics finaux que des professionnel.les qui l’utiliseront.
Septante étudiant.es en communication/publicité de l’IHECS et de l’Ecole supérieure des arts de Saint-Luc Bruxelles ont ainsi brainstormé sur des slogans et outils. Le brief leur demandait de créer des textes et des visuels qui parlent à leur génération et d’autres qui puissent être compréhensibles pour des non-francophones.
Hot combien qu’on se protège ?
Certaines propositions faisaient référence à des séries teenage et young adult tandis que d’autres faisaient allusion à des références musicales intergénérationnelles ou très spécifiques. Quelques-uns se sont amusés à utiliser un langage propre. « Hot combien qu’on se protège ? Hot 1 ! » : dans cette expression de défi ou de pari, répondre « Hot 1 » signifie un accord maximal.
D’autres partenaires ont collaboré avec la Plateforme Prévention Sida pour organiser et animer ces focus groups (AMO, Centre de référence VIH, Maison des Jeunes, Haute École, …)
Ces rencontres ont permis de récolter une information plus ciblée et de développer des messages qui répondent au mieux aux attentes et besoins spécifiques des publics cibles. Au total, 135 personnes aux profils divers ont été sondées : hommes, femmes, parents, jeunes, hétérosexuel·les, homosexuel·les, séropositif·ves, séronégatif·ves, belges, migrant·es, de Bruxelles et de la Wallonie.
La Plateforme s’est aussi appuyée sur des experts.
- Des spécialistes du VIH : plusieurs médecins des Centres de Référence VIH ont été consulté·es à diverses reprises afin de garantir la diffusion d’informations scientifiques et médicales de qualité.
- Trois agences de communications :
- Havas. L’Agence de communication avait développé le concept et réfléchi aux outils de la campagne de 2008 tant au niveau du design que des messages.
- Globule Bleu. Une agence de communication en charge des sites de la PPS qui a réalisé le générateur d’affiches personnalisées.
- Stellar. Une agence de communication digitale qui a aidé à travailler avec des influenceur·euses pour cette campagne.
- L’asbl Promotion Santé & Médecine Générale asbl (PSMG), qui soutient et accompagne la démarche de Promotion de la Santé et de Prévention dans la pratique des médecins généralistes, en partenariat avec les acteurs.actrices de la santé. Cette collaboration a permis de mettre au point une affiche spéciale pour les médecins généralistes. A leur demande, elle est plus classique.
Une évaluation à mi-parcours
En 2023, la Plateforme a réalisé une évaluation de la nouvelle campagne auprès de 51 personnes de tout âge représentant les publics cibles de la campagne ainsi qu’avec 42 services actifs dans la promotion de la santé sexuelle. Leur avis a permis de souligner certains points qui ont été améliorés pour l’été 2024.
- Les slogans sur la PrEP, le TPE et la charge virale indétectable servaient bien d’accroche pour renvoyer vers le site, mais il fallait entrer davantage dans le détail sur l’affiche initiale.
- Le premier spot TV conçu sans dialogue, n’était pas assez accrocheur pour un public adepte du multi-écran et du multi-tasking. Le message a été renforcé pour l’édition 2024 ;
- La campagne 2024 développe des activités pour mettre en pratique des conseils et des astuces pour instaurer le dialogue : événements, animations, renforcement de l’affichage en salles d’attente des plannings familiaux et des maisons médicales.
L’évaluation a souligné des points forts :
- la grande diversité des codes/affiches permet de toucher un grand nombre de personnes aux profils variés, et notamment des personnes qui ne parlent pas le français grâce aux codes visuels ;
- la pertinence du sujet : la campagne aborde l’ensemble des outils de la prévention combinée, ce qui la rend très complète et ce d’autant plus que l’on y aborde le VIH et toutes les autres IST dans les slogans ;
- le ton de la campagne : approche ludique et positive d’un sujet qui peut rester difficile et tabou. Cela permet de dédramatiser la prévention des IST/du VIH et le fait d’en parler ;
- des slogans très positifs et non moralisateur : ils responsabilisent les partenaires sexuels à propos de leur santé sexuelle en les invitant à dialoguer, échanger ; il n’y a pas d’injonction de la part du promoteur ;
- le graphisme : campagne jolie, colorée et attractive avec un graphisme simple mais impactant qui permet de l’identifier très facilement (leitmotiv visuel des lapins).
La campagne battra son plein cet été avec des moments dédiés : des interviews quiz avec les influenceurs, des live tik-tok, des face-cams.
Retrouvez toute la campagne sur le site preventionIST.org
Enrayer l’augmentation des Infections Sexuellement Transmissibles
Cette campagne vise à renforcer la connaissance sur les IST et contrer un phénomène de banalisation. Elle intervient dans un contexte d’augmentation des contaminations. En effet, selon Sciensano, les contaminations ont augmenté pour trois IST en 2023 :
+ 21% pour la chlamydia – l’IST la plus fréquente qui touche majoritairement les femmes
+ 99% pour la gonorrhée
+ 13% pour la syphilis
Cette augmentation des IST est attribuable à un délaissement des comportements protecteurs, et à une méconnaissance sur le sujet. Elle témoigne de l’importance de continuer à se mobiliser pour sensibiliser la population. Une concertation des acteurs concernés au niveau fédéral serait également un point fort afin de dégager un plan d’action commun et cohérent face à cette situation.
Une IST ne provoque pas nécessairement de symptômes immédiatement – c’est pour cela qu’il est important de se dépister pour éviter de contaminer son/sa partenaire et prévenir d’éventuelles complications. La gonorrhée et la chlamydia peuvent entraîner une inflammation pelvienne et causer des douleurs chroniques à long terme et la stérilité. Non traitée, la gonorrhée peut se propager et provoquer des inflammations aux articulations. Quant à la syphilis, elle peut avoir de graves conséquences neurologiques et cardiologiques. Une infection à la syphilis pendant la grossesse ou l’accouchement peut aussi avoir de graves conséquences pour l’enfant.
Le VIH/ SIDA, un cas particulier
Depuis 2017-2018 l’épidémie recule en Belgique. Le nombre d’infections est passé de trois à deux par jour. La PrEP montre des résultats efficaces chez les HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes). Il est donc pertinent de renforcer l’information sur ce mode de prévention de sorte que les autres publics particulièrement vulnérables par rapport au VIH puissent en bénéficier, notamment les personnes issues de la migration. Rendre le PrEP accessible via la médecine générale est également une piste pour renforcer son accès.