Il existe des personnes sans-abri qui vivent en rue durant de très longues périodes, sans doute parce qu’elles cumulent certaines problématiques qui vont freiner systématiquement leur intégration dans le circuit classique d’aide et pour lesquels aucune des solutions intermédiaires dans le circuit classique ne semblent fonctionner. Et si, pour ces personnes vivant en rue, il existait une solution ? C’est ce que nous démontrent les projets Housing First (HF). Depuis 2013, des projets inspirés de ce modèle ont vu le jour à Bruxelles et dans d’autres grandes villes flamandes et wallonnes.Education Santé est allé à la rencontre de deux opérateurs du projet en région bruxelloise ayant une spécificité dans le domaine de la santé : Muriel Allart, coordinatrice Housing First au sein de l’asbl Santé Mentale et Exclusion Sociale – Belgique (SMES-B), et Pierre Ryckmans, coordinateur chez Infirmiers de rue (IDR). Ils nous parlent du logement comme outil d’intégration sociale, de ce modèle qui fait écho à la promotion de la santé par sa finalité, ses méthodologies et son travail sur le logement. Un changement de paradigme est non seulement souhaitable, mais indispensable pour arriver à la fin du sans-abrisme.
Le modèle Housing First
Le logement est un droit fondamental pour tous. Cette notion est à la base des projets HF. C’est un psychologue new-yorkais, Sam Tsemberis, qui a développé ce projet dans les années ’90. L’idée et le modèle qui en découlent semblent, somme toute, assez simples : il s’agit de proposer un accès, directement depuis la rue, à un logement individuel et à bas prix à des personnes sans-abri qui cumulent précarité sociale, maladie mentale, assuétudes et affections physiques. Le modèle comprend deux volets (le logement et l’accompagnement) et s’articule autour de différents principes.Muriel Allart nous explique : « Finalement, le modèle du HF est très simple. Il repose sur l’offre de logement à ceux qui n’en ont pas. Cela peut paraître incroyable mais on le désigne comme l’une des principales innovations sociales. Le HF, c’est avant tout rétablir un droit fondamental. Les autres critères sont des moyens pour rendre ceci effectif : des logements à bas prix, individuels et dispersés. Le HF découle d’une série de questions évidentes : de quoi ont besoin des personnes sans-abri ? D’un logement. De quel type de logement ont-ils besoin ? D’un logement comme les autres. Pour combien de temps ? Le plus longtemps possible. Qui sait le mieux comment elle doit être accompagnée ? La personne elle-même. Etc. A mes yeux, l’ensemble du modèle HF répond à une série d’évidences. Et finalement, on constate que ça fonctionne. »
Un accès direct au logement
Dans le circuit classique d’aide aux sans-abri, accéder à ce type de logement est l’aboutissement d’un processus. Outre les centres d’hébergement d’urgence, les modèles de logements transitoires, semi-collectifs, avec ou sans accompagnement social constituent généralement la norme. Ces solutions sont soumises à certaines conditions, notamment l’obligation d’abstinence, le suivi d’un traitement… La personne doit « faire ses preuves » avant de pouvoir bénéficier d’un logement individuel et accessible. Et c’est souvent sur ses épaules que repose la responsabilité d’obtenir et parfois trouver ce logement. Pourtant, ces solutions rendent l’accès au logement difficile, voire impossible pour les personnes qui cumulent des problématiques multiples (maladies mentales, addictions…). Pour Muriel Allart, « il est fondamental de changer certaines idées préconçues comme « les personnes cumulant une série de problèmes ne peuvent pas se maintenir en logement » ou « il faut faire ses preuves pour obtenir un logement ». Le HF prend le problème dans l’autre sens : nous essayons de faire passer le message qu’une personne n’a pas à ‘être prête’ pour obtenir un logement. Elle rentre d’abord dans celui-ci, et ensuite elle apprend à vivre dans un logement.»
Un accompagnement sur-mesure
Le projet ne s’arrête pas là. Outre l’accès direct au logement, les équipes proposent un accompagnement mobile, pluridisciplinaire, sur-mesure en fonction des demandes et des besoins de la personne. Cet accompagnement n’a pas de limite dans le temps. Les équipes se composent de profils complémentaires qui varient selon les projets : médecins, assistants sociaux, infirmiers, psychologues… L’équipe du SMES-B comprend aussi par exemple une animatrice socio-culturelle, une experte en réduction des risques, une paire-aidante… « La présence d’une paire-aidante dans notre équipe est une réelle plus-value. Nous serions ravis de partager notre expérience auprès des acteurs qui souhaitent se lancer » ajoute Muriel Allart. Dans un premier temps, ces équipes amènent à la personne les domaines de compétence dont elle a besoin pour se rétablir. Mais l’idée à terme est de remettre progressivement la personne en lien avec les structures existantes, les professionnels, le tissu associatif…Dans la pratique, les deux volets (le logement et l’accompagnement) sont distincts et indépendants l’un de l’autre. En effet, une personne qui bénéficie d’un accès direct à un logement peut décider de ne pas poursuivre un accompagnement, sans entraîner la perte de ce logement. Pour la simple et bonne raison que la personne signe un contrat de bail et a les mêmes droits que tout autre locataire. Et cela fonctionne dans l’autre sens également : lorsqu’une personne perd son logement pour une raison spécifique, l’équipe d’accompagnement poursuivra son suivi si la personne le souhaite. Par exemple, les questions d’argent pour payer son loyer sont distinctes du volet accompagnement pour ne pas mettre celui-ci en péril . Pour cette raison, notamment, les équipes d’accompagnement essaient de ne pas interférer dans la relation entre le locataire et le propriétaire. Ce suivi est assuré par un autre intermédiaire au sein des projets.
Plusieurs tentatives sont possibles
Dans la même idée que l’accompagnement et le logement ne s’excluent pas l’un l’autre, il est fondamental de donner une seconde chance à la personne en cas de perte de logement. En effet, les équipes valorisent l’expérience en cherchant des solutions avec le locataire pour remédier aux problèmes rencontrés. « Par exemple, s’il y a trop d’amis de la rue qui sont passés dans le logement et que cela a mené à la perte du logement, nous établissons avec la personne une stratégie pour remédier à cette situation, comme ne plus donner son adresse. Si la personne oublie de payer son loyer, on peut mettre en place un système de payement automatique ou un administrateur de bien. » (Muriel Allart)
Une dispersion dans l’espace urbain
Il s’agit d’un autre principe du modèle : disperser les logements dans la ville afin de ne pas créer des « ghettos », mais prôner la mixité, et redonner un maximum de citoyenneté à la personne. « Pour commencer, nous ne parlons pas de ‘bénéficiaires’ mais de ‘locataires’. Lorsque nous croisons le voisinage lors de nos visites de suivi, nous ne nous présentons jamais comme ‘l’assistante sociale qui vient voir Mr X.’ mais comme des personnes qui viennent rendre visite. » souligne Muriel Allart.
Oser avec tous
Le projet s’adresse aux personnes qui cumulent des problématiques de santé mentale, d’addiction et/ou des affections physiques. C’est ce cumul qui, ajouté aux conséquences/impacts de la vie en rue, rend compliqué l’accès au logement et la réinsertion de ces personnes via le système tel qu’il fonctionne.Pierre Ryckmans : « Chez IDR, nous travaillons depuis toujours avec les personnes qu’on pense être ‘le plus en danger’, c’est-à-dire le plus à risque de mourir en rue. Et très éloignées de l’insertion sociale. Ces personnes n’ont pas leur place dans le système des maisons d’accueil tel qu’il fonctionne pour le moment, les barrières sont multiples. »Au SMES-B, les personnes arrivent dans le projet via les partenaires : Muriel Allart nous explique : « on demande à nos partenaires de nous envoyer les personnes pour lesquelles elles pensent que ça ne va pas marcher. Celles pour lesquelles rien n’a fonctionné et pour lesquelles plus personne ne croit à la possibilité de fonctionner en logement. Nous ne les connaissons pas au départ. Certaines ont l’air d’avoir un profil plus léger et on se dit qu’elles vont vite se rétablir et qu’il n’y aura pas besoin de trop d’accompagnement… mais ça demande parfois un accompagnement plus intense, il y a beaucoup de crises, etc. Et parfois on nous envoie des personnes qui ont un profil hyper lourd mais qui finalement se stabilisent très rapidement. En regardant la manière dont une personne a fonctionné en hôpital, en hébergement d’urgence, dans des logements communautaires, on ne peut pas prédire comment la personne fonctionnera en logement. Il faut faire le pari avec tous. »
… Et ça fonctionne !
Actuellement, une centaine de personnes ont été relogées grâce au HF à Bruxelles. La moyenne de maintien au logement tourne autour de 80%, le SMES-B par exemple obtient des résultats de 94%. Après une évaluation longitudinale (sur 2 ans) menée sur l’ensemble de la Belgique, il apparaît que les locataires HF présentent un meilleur état de santé que les personnes qui fréquentent ou ont fréquenté le système d’aide existant. Une stabilisation ou une amélioration est constatée, surtout concernant les problématiques de santé mentale.
« Ce qui est révolutionnaire et très important, c’est de pouvoir dire aujourd’hui « on peut remettre tout le monde en logement…et personne ne devrait se retrouver en rue ». Le HF a donné une légitimité et une crédibilité à cette revendication. Le programme n’est pas révolutionnaire en soi… mais ça amène la possibilité d’une révolution. » (Pierre Ryckmans)
« Il y a une dizaine d’années encore, c’était presque banal d’entendre : ‘on n’arrivera pas à remettre cette personne en logement, elle va mourir en rue, et c’est comme ça, c’est la vie’. A l’heure actuelle, plus aucune association n’oserait dire ça mais cette idée reste encore présente aux yeux du grand public. » (Pierre Ryckmans)
Les ponts avec la promotion de la santé
Le HF, par sa finalité d’intégration sociale et de mieux-être de la personne (…et de la société tout entière), est intrinsèquement lié à la promotion de la santé. La rue (entendons par là la vie en rue) est délétère pour la santé. Rappelons encore une fois que le logement est un droit fondamental qui répond à un besoin de base.
Le logement comme levier d’action
« Le secteur de la promotion de la santé fait le lien entre le logement et la santé. En cela, nous (les opérateurs du HF) rejoignons ce secteur » explique Pierre Ryckmans. Le logement est le levier d’action. Une fois acquis, cela offre la possibilité d’aborder d’autres facettes de la santé « qu’on ne peut pas, ou qu’on a pas l’occasion ou le temps d’aborder en rue ».
Le travail sur le « rétablissement »
Le rétablissement est la première étape lors d’une arrivée en logement. Ce terme nous vient tout droit du secteur de la santé mentale. Dans le sens commun, il renvoie à l’idée de se remettre d’une maladie. Pourtant, il s’agit d’une traduction du terme anglais ‘recovery’ qui a une signification plus large. « Nous allons travailler avec la personne sur ce qu’elle amène. La personne, avec sa/ses difficulté(s) ou sa/ses maladie(s), va trouver une manière de vivre qui lui convient le mieux possible. La démarche n’est pas d’éradiquer les symptômes mais d’essayer de ‘faire avec’, de vivre le mieux possible avec sa maladie. In fine, l’objectif est d’aller vers un bien-être. Mais ce bien-être est défini de manière individuelle et pas en fonction de la ‘norme’ » précise Muriel Allart.Comme l’expliquent nos deux interlocuteurs, travailler au rétablissement de la personne implique au départ de ne pas considérer les personnes qui vivent en rue comme étant différentes. « Par exemple, nous refusons de parler des ‘habitants de la rue’, par opposition aux ‘habitants des maisons’. Ce sont des gens qui assument à un moment donné des situations qui leurs sont imposées. On part du principe que la personne que nous rencontrons a toutes les capacités pour s’en sortir. Notre rôle est de l’aider à surmonter certaines difficultés qu’elle a pour le moment, mais on ne doit pas reconstruire quelque chose. C’est une vision de l’esprit mais cela nous aide à aborder les personnes de façon différente : il s’agit plus de retirer une partie de la charge des épaules d’une personne et lui permettre de reprendre sa vie en main plutôt que de ‘ reconstruire’ la personne. » (Pierre Ryckmans).
La réduction des risques
« Nous considérons que la vie en rue est en elle-même un risque majeur pour la santé et même la survie des personnes. Travailler sur la réduction des risques, nous le faisons depuis toujours chez IDR sans poser le nom dessus. C’est le travail de rue qui nous amène à ça. D’emblée, nous avons fait une croix sur l’abstinence des consommations. Une personne qui est en rue, même si elle n’est pas alcoolique, va boire pour des raisons qui sont liées au fait qu’elle vit en rue » nous explique Pierre Ryckmans.Au-delà, cette méthodologie est utilisée de manière globale dans les projets HF en réalisant un travail sur les risques de perdre son logement. Ceci permet d’aborder toute une série de facettes avec le locataire. « Par exemple, explique Muriel Allart, si la consommation de drogues de la personne lui coûte trop cher et qu’elle a du mal à payer son loyer, nous allons partir de son souhait de maintenir son logement pour travailler éventuellement ces questions de consommation, sans en faire une condition. »
Le logement, point de départ ou aboutissement ? Un changement de paradigme
Nous nous sommes posé la question de l’intersectorialité. Dans le modèle, les projets HF rassemblent des professionnels issus de secteurs divers : celui de la santé mentale, de la toxicomanie, du logement… qui collaborent ensemble au sein d’un même projet. Fantastique ! Mais est-ce aussi évident que cela ? Pour répondre à cette question, il nous faut revenir sur les politiques de lutte contre le sans-abrisme, y replacer les projets HF, et aborder la question centrale du logement.
Un changement de paradigme dans les politiques est nécessaire
Pour mettre fin au sans-abrisme, plusieurs éléments doivent entrer en jeu dans les politiques publiques :
mettre en place des politiques ambitieuses de logement. Y compris le fait d’arriver à reloger cette population très fragile pour laquelle il n’y avait pas de solutions avant.
Mettre en place une politique de prévention pour éviter que de nouvelles personnes se retrouvent sans logement.
Pourtant, « la politique bruxelloise des 20 dernières années visait à augmenter chaque année le nombre de places dans les hébergements d’urgence » souligne Muriel Allart. Cette année, ce sont 1000 places d’urgence qui ont été ouvertes dans le cadre du Plan Hiver « et ce nombre augmente chaque année » ajoute-t-elle. Nos deux interlocuteurs insistent sur le fait que les politiques se sont concentrées sur une gestion du sans-abrisme plutôt que sur la résolution du problème. Certains pays comme la Finlande ont choisi d’opérer ce changement il y a une dizaine d’années. D’une part, ils ont investi massivement dans la production de logements, mais également dans la reconversion des centres de logement communautaires en logements individuels. « A Helsinki, il y a 52 places d’urgence ! Si on fait le parallèle avec un service d’urgence hospitalière, un tel service fonctionne bien lorsqu’il est vide. En effet, les personnes qui entrent dans l’urgence n’ont rien à y faire, elles doivent être réorientées le plus rapidement possible vers des logements. L’urgence doit rester de l’urgence (un hébergement rapide et de courte durée). Bien sûr, il ne faut pas supprimer l’urgence sociale, mais on ne peut pas faire de l’urgence sociale le principal point d’aboutissement de la politique d’aide aux sans-abri. » nous dit Muriel Allart.Les résultats sont déjà au rendez-vous : la Finlande est le seul pays d’Europe à avoir vu diminuer son nombre de sans-abri ces dernières années, contrairement à tous les autres pays européens. Et Pierre Ryckmans d’ajouter : « ce que montre l’exemple de la Finlande, c’est que le HF n’est qu’une partie d’une politique plus globale et ambitieuse de logement et de prévention ».
S’atteler au problème du logement, le rôle des opérateurs du HF ?
A l’exception de la Belgique, tous les pays adeptes du HF ont mis des logements à disposition. Chez nous, la responsabilité de trouver ou créer des logements repose sur les équipes d’opérateurs. Dès lors, de nouveaux profils étaient nécessaires pour compléter les équipes HF. Au SMES-B, un responsable logement. Chez IDR, on parlera plutôt d’un créateur de logement. Pierre Ryckmans nous explique : « On s’est rapidement rendu compte qu’il fallait non seulement capter des logements existants mais également se mettre dans une dynamique de création de logements car il n’y en a pas assez en région bruxelloise qui compte environ 7% de logements sociaux alors qu’il en faudrait au moins 15%. Or, avec environ 4000 personnes sans logement dont environ 2000 en rue, il va falloir réagir très vite et très fort pour rattraper ce retard. (…) La difficulté que nous rencontrons avec le HF, c’est que la recherche et la création de logements sort un peu de nos compétences. La question de production suffisante de logement social, ce n’est pas notre domaine. Cela nous amène à être en contact avec tout un monde duquel nous sommes étrangers. Dès lors, on voit un peu ce décloisonnement comme une dérive car cela nous amène à faire des choses pour lesquelles nous ne sommes pas formés, qui sortent de notre champ de compétences et qui « diluent » quelque peu le travail de notre équipe. Ce n’est pas une solution à long terme.» Muriel Allart souligne également la charge de travail considérable que représente la recherche, la gestion et le suivi du volet logement.Travailler avec des secteurs tellement différents est une richesse. Nos deux interlocuteurs soulignent l’importance et la richesse du travail en réseau, le développement de nouveaux partenariats (avec des AIS, des hôpitaux, des services sociaux…), etc. Mais pour des opérateurs issus du secteur de la santé et de la santé mentale, la question du logement reste aussi une difficulté réelle si davantage de logements ou de partenariats effectifs avec ce secteur ne sont pas mis en place.
L’effet positif : une (re)mise en évidence
Les deux coordinateurs sont unanimes, un effet positif indéniable des projets HF est la remise en évidence de la question du logement : « Le lien entre le sans-abrisme et le manque de logement est devenu beaucoup plus évident et direct. Avant, on parlait plus de ‘mettre les gens à l’abri’ mais la suite restait floue : on supposait vaguement que les gens allaient eux-mêmes trouver un logement à long terme, mais on ne se posait pas plus concrètement la question. Maintenant que nous devons nous-mêmes trouver ces logements, nous sommes confrontés de façon beaucoup plus directe au problème. Et comme le politique soutient ces projets et que, pour obtenir des résultats, nous avons besoin de logements, il y a là un levier à faire jouer, une prise de conscience qui peut amener de réels changements » nous dit Pierre Ryckmans.Du côté des autres acteurs de terrain également, un changement se fait sentir, « de plus en plus d’acteurs se dirigent vers des approches orientées vers le logement. Par exemple, les maisons d’accueil développent des projets de post-hébergement mais également des projets en lien avec la santé mentale, comme le fait l’Autre Lieu par exemple. » note Muriel Allart. Cela amène de plus en plus d’associations à s’impliquer dans la remise en logement directe et définitive des personnes vivant en rue. Et d’ajouter : « Le HF a réussi à trouver sa place, pas dans une visée de révolutionner le secteur mais plutôt dans une visée de se positionner en complément de ce qui existait déjà et de ce qui se développe. C’est assez bien accepté, nous collaborons avec un maximum d’acteurs du secteur, les partenariats se passent très bien. »
Un regard critique au-delà du modèle
Le HF se positionne de manière complémentaire au système d’aide déjà existant. C’est une approche de niche. Mais selon Pierre Ryckmans, « le besoin de créer ce genre de projet – adressé à des personnes pour lesquelles on considérait que ‘plus rien n’était possible’ – reste révélateur d’un dysfonctionnement profond au sein de notre société : d’une part, il y a la précarisation des personnes en général ; et d’autre part, un déchargement de la responsabilité dans la prise en charge des personnes les plus vulnérables, et notamment les personnes avec un problème de santé mentale ».« Pour le moment, on copie le système nord-américain car, comme chez eux, l’un des travers de notre société est de jeter toute une série de gens à la rue. On aurait probablement pu faire les choses différemment lorsque le problème a commencé à se poser, dans les années ’80. C’est à ce moment-là qu’il aurait fallu réagir et travailler à la prévention. Le système des maisons d’accueil, apparu dans les années ’60, a fonctionné pendant des années, les hébergements d’urgence ne sont apparus que plus tard, par nécessité. Ce système intermédiaire des maisons d’accueil fonctionnait bien et reste encore maintenant une solution pour un grand nombre de personnes. Mettre moins l’accent sur l’accueil d’urgence implique toutefois que le nombre de gens en rue diminue drastiquement, or on a un arriéré énorme à rattraper. Certaines personnes passent plus de 10 ans en rue ! Ces gens ont dès lors besoin d’un accompagnement intensif et ont d’autant plus de difficultés à s’intégrer dans une communauté, etc. Mais lorsque la plupart des sans-abri ont moins d’un an de rue, comme c’est le cas dans une ville comme Gand par exemple, le système des maisons d’accueil, bien géré, avec des logements en suffisance, pourrait sans doute à terme prendre en charge la grande majorité des cas : ces personnes ont encore une mutuelle, un réseau sur lequel compter, des repères par rapport à la vie dans un logement… Et le Housing First ne prend alors en charge qu’une petite minorité de cas, présentant des problèmes de santé mentale. Pour le moment, on est obligé de mettre en place un système qui ne devrait être destiné qu’à rattraper le temps perdu. »Et de soulever un autre problème de société : l’organisation du système fait que certains acteurs « excluent de facto les cas ‘les plus difficiles’. Une fois que la personne a passé le pas de la porte (d’une consultation, d’un service d’urgence, d’un hôpital psychiatrique…), on ne se soucie plus de ce qu’elle devient, si elle prend son traitement, si elle vit en rue, si elle vit tout court. Nous, on le fait… car personne n’est là pour prendre cette responsabilité. Et ça, c’est profondément interpellant. »
Quel message voudriez-vous faire passer au secteur de la promotion de la santé?
Pour conclure nos entretiens, nous avons posé la question : « quel message souhaitez-vous adresser aux intervenants en promotion de la santé ? ».Pour Pierre Ryckmans, il faut faire ressortir « l’importance de travailler sur les représentations des personnes qui vivent en rue ! Ce sont des gens comme vous et moi, qui à un moment donné dans leur vie se retrouvent dans des situations complexes. Mais leur situation peut changer. Il est indispensable de faire disparaître les étiquettes du type ‘sans abri un jour, sans abri toujours’. ».Muriel Allart ajoute qu’il faut, « continuer à partager l’expertise en matière de participation du public. C’est auprès de la promotion de la santé que nous allons chercher cette expertise. Mais surtout continuer et renforcer les collaborations avec les différents opérateurs, le service support du Centre bruxellois de promotion de la santé (CBPS), etc. Notre message depuis toujours au SMES-B est de décloisonner. Pour les personnes les plus vulnérables, seule une approche globale arrive à donner des résultats. ».
La multiplication des smartphones et le développement des nouvelles technologies mobiles révolutionnent notre manière de communiquer. Tabacstop, la « quitline » belge de la Fondation contre le Cancer, est depuis toujours restée attentive à ces évolutions et adapte ses services afin qu’ils puissent répondre aux besoins de l’ensemble de la population. Les chiffres du rapport annuel 2017 de Tabacstop montrent que le site web, la page Facebook et l’app Tabacstop connaissent une réelle croissance. Cette croissance est visible au nord comme au sud du pays, mais est un peu plus marquée en Flandre.Tabacstop est le service d’aide à l’arrêt tabagique de la Fondation contre le Cancer. Derrière le numéro gratuit 0800 111 00, une équipe de tabacologues professionnels répond à toutes les questions sur l’arrêt tabagique et propose des coachings téléphoniques à tout fumeur qui souhaite arrêter. En 2017, Tabacstop a géré 18.303 contacts dans le cadre de ses services classiques (permanence, coaching téléphonique et questions reçues par e-mail), soit une légère augmentation par rapport à 2016 (18.235 contacts).Une majorité de néerlandophones recourent aux services liés aux nouvelles technologies (54% de contacts NL contre 46% contacts FR), tandis qu’une majorité de francophones font appel à la quitline traditionnelle Tabacstop (59% de contacts FR contre 41% de contacts NL).
Tabacstop surfe sur la vague des nouvelles technologies
A côté de ses services traditionnels, Tabacstop a constaté en 2017 une augmentation particulièrement importante de ses services liés aux nouvelles technologies (site web, Facebook, application).322.594 visiteurs uniques ont surfé sur les sites www.tabacstop.be et www.tabakstop.be en 2017. C’est une augmentation de 15% par rapport à 2016. Ils étaient en moyenne 53,5 % à consulter les sites web depuis leur smartphone (+4,7% comparé à 2016), contre 38 % surfant sur un ordinateur fixe et 8,5 % sur une tablette. Le site de Tabacstop est régulièrement enrichi de nouveaux contenus et rassemble de nombreuses informations sur le sevrage tabagique.
Une communauté online qui s’entraide pour arrêter de fumer
Les pages Facebook de Tabacstop ont également connu un beau succès en 2017, avec 6.107 abonnés supplémentaires. Fin 2017, les pages francophones et néerlandophones rassemblaient au total 10.470 abonnés (contre 4.631 fin 2016). Le nombre d’abonnés a donc plus que doublé en un an (+226% !). Ces pages ont pour mission de réunir une communauté de fumeurs et d’ex-fumeurs qui se soutiennent. Des tabacologues y partagent des informations scientifiquement validées et en assurent l’animation et la gestion quotidienne. Ils ont également répondu à 227 messages via la messagerie de Facebook (Messenger). Ce service connaît un succès croissant.Les fumeurs peuvent également témoigner de leur expérience d’arrêt dans une rubrique du site web prévue à cet effet. Celle-ci comptabilise 470 témoignages (120 ont été publiés en 2017). En 2017, les présentateurs Adrien Devyver et Joëlle Scoriels, ont partagé leur expérience de l’arrêt tabagique dans des témoignages vidéo. La diffusion de ces témoignages a connu un franc succès sur les réseaux sociaux. En 2018, Tabacstop espère que d’autres personnalités belges se prêteront au jeu, pour encourager de plus en plus fumeurs à se lancer dans l’arrêt tabagique, mais aussi décourager les jeunes de commencer à fumer.
Une nouvelle application gratuite en 2018
En 2017, l’application Tabac-stop a comptabilisé 6.400 nouvelles inscriptions. C’est également une belle progression. Cependant, vu les nouvelles normes dans le domaine de la sécurité informatique et vu le potentiel important qu’offrent les applications dans le soutien des fumeurs vers l’arrêt tabagique, Tabacstop proposera cette année une toute nouvelle application. Celle-ci est en phase de test actuellement et sera lancée officiellement en septembre. Nous vous en tiendrons bien sûr informés !
Annexe : Que trouverez-vous dans les infographiques ?
I. Tabacstop : historique du projetII. Résultats des différents canauxIII. Appels permanence 1. Nombre d’appels par habitant 2. Répartition selon le sexe 3. Répartition selon l’âge 4. Répartition selon le produit consommé 5. Nombre de cigarettes par jour 6. Première tentative ou non ? 7. Par quel canal ont-ils connu Tabacstop ?IV. Appels coaching 1. Nombre d’appels par habitant 2. Répartition selon le sexe 3. Répartition selon l’âge 4. Répartition selon le produit consommé 5. Nombre de cigarettes par jour 6. Première tentative ou non ?V. E-mails 1. Répartition selon le sexe 2. Répartition selon l’âge 3. Evolution des contacts par e-mails dans le tempsVI. L’application Tabac-Stop 1. Nombre d’inscriptions 2. Activité professionnelle des utilisateurs de l’app 3. Niveau d’étude des utilisateurs de l’app 4. Répartition selon le sexe et l’âgeVII. Le site internet www.tabacstop.beVIII. Tendances année après année 1. Evolution du nombre de contacts téléphoniques 2. Evolution du nombre de dossiers de remboursement de substituts de nicotine (NRT) 3. Evolution du nombre de contacts par e-mail 4. Evolution du nombre de visiteurs sur le site web 5. Evolution du nombre de contacts téléphoniques francophones
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande à tous les pays de se doter d’objectifs concrets pour orienter leurs politiques en matière de santé. La Belgique en utilise déjà un certain nombre, mais ils sont assez disparates. En vue de mettre sur pied une approche plus cohérente, il a été demandé au Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) de dresser l’inventaire de tout ce qui existe au niveau fédéral.
Des objectifs de santé, pour quoi faire ?
Pour être cohérente, la politique de santé d’un pays (ou d’une région) doit idéalement viser certains objectifs plus ou moins concrets, ce qui donne à tous les acteurs du secteur des buts communs à poursuivre. C’est en tout cas la recommandation que font différentes institutions internationales comme l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ou l’Observatoire européen des Systèmes de Santé.De nombreux pays ont mis en place de véritables programmes globaux de fixation d’objectifs de santé. Ils contribuent à piloter l’ensemble de leurs actions en matière de santé, à les évaluer et, de façon générale, à orienter leur politique à plus ou moins long terme. Certains de ces pays ont même fait de ces programmes des outils de sensibilisation de la population, avec des sites web où sont publiées les valeurs-cibles à atteindre et où professionnels et communautés locales peuvent échanger leurs expériences de terrain.
Dresser l’inventaire de ce qui existe déjà
La Belgique fédérale n’a pas de tel programme de fixation d’objectifs ; elle a plutôt pris l’habitude de se fixer des objectifs au cas par cas. Nous en avons déjà un certain nombre, mais ils sont assez disparates, ce qui peut donner une impression de « patchwork ». Les réunir dans un programme structuré donnerait à l’ensemble une cohérence et une meilleure visibilité. Ce serait également plus motivant pour tous les acteurs de terrain, qui auraient ainsi des cibles bien définies à atteindre tout en ayant conscience de participer à un effort global à l’échelle de tout le pays.Un premier pas vers une telle approche structurée est de faire l’inventaire de ce qui existe déjà. C’est pourquoi la ministre de la Santé publique a demandé au KCE de dresser une liste des objectifs déjà définis au niveau fédéral (y compris les objectifs supranationaux tels que ceux fixés dans le cadre d’accord avec l’OMS par exemple).
Un inventaire à la Prévert
L’inventaire ainsi réalisé révèle un mélange d’objectifs très généraux (p.ex. réduire les inégalités d’espérance de vie liées au niveau socioéconomique au sein de la population belge), et d’autres beaucoup plus spécifiques (p.ex. un pourcentage minimum de prescriptions bon marché par chaque médecin ou dentiste individuel). On distingue aussi des objectifs de résultats (ce que l’on veut atteindre, avec éventuellement des objectifs intermédiaires), des objectifs de processus (les actions à entreprendre pour atteindre les résultats escomptés) et des objectifs de structure (les modifications structurelles à obtenir pour atteindre le résultat).Ces objectifs sont formulés tantôt par le niveau politique (p.ex. la ministre de la santé publique a formulé un objectif de réduction du nombre d’adultes fumeurs à 17%), tantôt par le monde scientifique (p.ex. les recommandations du Conseil supérieur de la Santé en matière de nutrition), tantôt encore à un niveau plus opérationnel ou administratif (p.ex. les objectifs du Conseil National de Promotion de la Qualité à l’attention des médecins).Il faut aussi ajouter à cet inventaire les divers plans d’action adoptés ces dernières années, comme par exemple le plan conjoint « Soins intégrés en faveur des malades chroniques » (lancé conjointement par les Ministres de la santé fédéraux et des entités fédérées) ou le plan d’action pour une réforme du système de financement des hôpitaux (lancé par la Ministre de la santé fédérale). Ces plans regroupent chacun plusieurs objectifs ambitieux.
Quelles devraient être les prochaines étapes ?
On peut donc dire que la Belgique a déjà bel et bien défini de nombreux objectifs de (soins de) santé mais qu’il faut leur donner un fil rouge et un encadrement. Le KCE propose de créer à cet effet une plateforme pour coordonner, soutenir et faire connaître la politique de fixation d’objectifs. Cette plateforme devrait réunir les représentants politiques et administratifs des différents niveaux de compétences et domaines pertinents, ainsi que des représentants des principales parties concernées sur le terrain et des scientifiques.Une des premières tâches de la plateforme devrait être de définir les priorités de la politique de santé. Cet exercice doit idéalement se faire en large concertation avec les acteurs de terrain afin de développer des objectifs concrets, des valeurs-cibles à la fois ambitieuses et réalistes, et ensuite des programmes d’action réellement portés par le secteur.D’autres objectifs pourront être ajoutés à ceux déjà inventoriés ; le KCE en a proposé une longue série en annexe de son rapport. Ils ont été élaborés sur la base de son exercice récurrent d’évaluation de la performance du système de santé, développé en collaboration avec l’ISP et l’INAMI. Ces propositions visent surtout à mettre en évidence la nécessaire cohérence entre cet exercice d’évaluation de la performance du système de soins et l’établissement d’objectifs tels que proposés dans le présent rapport. Ces propositions devront évidemment faire l’objet d’une réflexion plus avancée en concertation avec les parties prenantes avant d’être adoptées comme objectifs.À terme, avec un brin d’optimisme, cet exercice pourrait mener à un élargissement des objectifs aux autres secteurs et niveaux de gouvernance, pour atteindre le principe de la « santé dans toutes les politiques » (Health in all policies) qui constitue une sorte de Graal en la matière.
Les fédérations wallonne et bruxelloise de promotion de la santé et l’APES conviaient ce 15 septembre à Liège différents acteurs de la promotion de la santé à une matinée d’échanges autour de la présentation du premier manuel francophone de promotion de la santé. Cet ouvrage intitulé « La promotion de la santé. Comprendre pour agir dans le monde francophone » est le résultat de nombreuses collaborations qui nous font voyager, au premier sens du terme. En effet, nous y retrouvons la contribution de 41 auteurs issus de 6 pays différents à travers 3 continents ! Leur point commun ? La langue de Molière pour parcourir le domaine de la promotion de la santé, ses enjeux et ses défis pour demain.
« La promotion de la santé est un des piliers de la santé publique. Pourtant, au regard des enjeux, elle est insuffisamment développée et étonnamment peu enseignée. Les ouvrages francophones sont rares ; celui-ci est d’autant plus précieux. » (Extrait de la préface de François Bourdillon)
Ce premier manuel francophone naît, 30 ans après la charte d’Ottawa, d’un constat assez évident : la majorité de nos références en matière de promotion de la santé proviennent du Québec et des pays anglo-saxons. Si la langue utilisée et le pays d’origine n’enlèvent rien à la qualité des productions, il n’en reste pas moins évident que cela influence le travail réalisé dans nos pays francophones.
Effectivement, l’anglais n’est pas maîtrisé par tout un chacun mais surtout, les connaissances développées dans la littérature anglo-saxonne par exemple se basent sur des réalités et des contextes (politiques, culturels, sociaux, …) différents de ce que nous connaissons chez nous. Alors, pourquoi ne pas produire en français ? De là est né l’idée de ce manuel …
Comment a-t-il été pensé ?
Le projet CompPH (Dempsey at al.) identifie 9 compétences liées à la promotion de la santé dont plaider pour la santé, la communication ou encore l’analyse des besoins et des atouts par exemple. Les éditeurs prennent appuis sur ces compétences pour penser l’ouvrage dans le but d’essayer d’y répondre et de permettre aux lecteurs de les développer. Le livre s’est ainsi construit autour de 5 questions :
Quels sont les éléments fondateurs et principes guidant la promotion de la santé ?
Comment améliore-t-on la santé d’une population ?
Comment se traduit la promotion de la santé dans le monde francophone ?
Comment organise-t-on les efforts ?
Comment pouvons-nous apprendre de nos efforts et produire des connaissances pour la décision ?
De ces 5 questions découleront les 5 parties du livre, elles-mêmes subdivisées en différents chapitres. Chacune des différentes parties proposées apporte un éclairage différent sur la thématique principale qu’est la promotion de la santé. Allant d’un retour sur l’histoire de celle-ci à la production de nouvelles connaissances en passant par des éléments clés de réflexion pour la construction de projets en promotion de la santé.
Nous pouvons par exemple découvrir une partie intitulée « Comment s’incarne la promotion de la santé dans le monde francophone ? » qui s’articule autour des notions de culture, d’histoire et de géographie. En effet, si la charte d’Ottawa est sans conteste la charte la plus connue de tous les acteurs de promotion de la santé et la plus utilisée, nous évoquions en début d’article les liens étroits qui existent entre cette dernière et le contexte dans lequel elle s’organise.
Nombreux sont ceux qui viennent étudier cette matière en Europe par exemple pour agir dans leur pays d’origine par la suite. C’est ici que l’importance du contexte prend d’autant plus de sens. Les auteurs mettent donc en lumière dans cette troisième partie la manière dont le secteur de la promotion est pris en compte et mis en place dans un contexte donné. Nous y retrouvons entre autre des chapitres dédiés aux pays du Maghreb et d’Afrique subsaharienne où l’ancrage historique et l’organisation du système de santé est différent d’un modèle nord-américain par exemple. Nous pouvons y voir ici une belle occasion de souligner à nouveau combien l’état de santé des populations est influencée par le milieu de vie dans lequel elle évolue.
Tourné vers l’avenir
Au fil des chapitres les auteurs nous amènent également à réfléchir sur ce que sera la promotion de la santé de demain. A quels enjeux devrons-nous faire face ? Croissance économique, financement du secteur, justice sociale, évolutions et événements climatiques, … Tant de secteurs qui influencent directement ou indirectement la santé de tous et de chacun et qui demandent réflexion et anticipation.
Sommaire
Partie 1
Quels sont les éléments fondateurs et principes guidant la promotion de la santé ?William Sherlaw Chapitre 1. Histoire de la promotion de la santé, Eric Breton, Alice Brochard Chapitre 2. Santé ou santés ?, William Sherlaw, Anthony Lacouture Chapitre 3. Déterminants de la santé et justice sociale, Cyrille Harpet Chapitre 4. Approches pour lutter contre les inégalités sociales de santé, Anne Guichard, Sophie Dupéré
Partie 2
Comment améliore-t-on la santé d’une population ?Eric Breton Chapitre 5. Stratégies par les politiques publiques, Valéry Ridde, Daniel Béland, Anthony Lacouture Chapitre 6. Stratégies axées sur les milieux de vie, Jeanine Pommier Chapitre 7. Stratégies d’action communautaire, Shelley Rose Hyppolite, André-Anne Parent Chapitre 8. Stratégies d’intervention axées sur les aptitudes individuelles, Carine Simar, Jocelyn Raude Chapitre 9. Stratégies de promotion de la santé à l’hôpital, François Martin, Isabelle Aujoulat
Partie 3
Comment s’incarne la promotion de la santé dans le monde francophone ?Jeanine Pommier Chapitre 10. Promotion de la santé sous les cieux du Maghreb, Omar Brixi Chapitre 11. Promotion de la santé en Afrique subsaharienne francophone, Issa Wone, Anta Tal Dia, Lara Gautie rChapitre 12. Promotion de la santé en France, Marion Porcherie, Jeanine Pommier, Christine Ferron, Françoise Jabot Chapitre 13. Promotion de la santé au Quebec, Élisabeth Martin
Partie 4
Comment développer un projet en promotion de la santé ? Jeanine Pommier Chapitre 14. Enjeu démocratiques de la participation en promotion de la santé, Guillaume Campagné, David Houéto Alain Douiller Chapitre 15. Analyse de situation au service d’un projet en promotion de la santé, Chloé Jomier, Christian Wilhelm, Chantal Vandoorne Chapitre 16. Modèles de planification, Gaëtan Absil, Chantal Vandoorne
Partie 5
Comment produire des connaissances pour la décision ?Françoise Jabot Chapitre 17. Evaluation en promotion de la santé, Françoise Jabot, Jeanine Pommier, Marie-Renée Guével Chapitre 18. Recherche interventionnelle en promotion de la santé, Christine Ferron Chapitre 19. Evaluation d’impact sur la santé, un atout pour la promotion de la santé, Françoise Jabot, Anne Roué Le Gall Chapitre 20. Démarche probante et transfert de connaissances en promotion de la santé, Linda Cambon, François Alla, Karine Souffez
« Ce manuel pédagogique francophone en promotion de la santé est un beau cadeau d’anniversaire pour toute la communauté de pratique de la promotion de la santé en cette année qui a marqué le 30e anniversaire de la Charte d’Ottawa. 30 ans, l’âge de la maturité. » (M-C Lamarre, postface)
À destination de tous ceux qui évoluent, travaillent, touchent et étudient la promotion de la santé, le manuel se veut compréhensible de tous et surtout pédagogique ! Qu’il soit utilisé comme source de références techniques, de concepts ou encore de méthodologies, il y a une volonté de « contribuer à faire progresser la promotion de la santé dans le monde francophone ! » (É. Breton at al. Introduction)
Référence :La promotion de la santé. Comprendre pour agir dans le monde francophone. Sous la direction de Éric Breton, Françoise Jabot, Jeanine Pommier et William Sherlaw
Édition Presses de l’EHESP
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande à tous les pays de se doter d’objectifs concrets pour orienter leurs politiques en matière de santé. La Belgique en utilise déjà un certain nombre, mais ils sont assez disparates. En vue de mettre sur pied une approche plus cohérente, il a été demandé au Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) de dresser l’inventaire de tout ce qui existe au niveau fédéral.
Des objectifs de santé, pour quoi faire ?
Pour être cohérente, la politique de santé d’un pays (ou d’une région) doit idéalement viser certains objectifs plus ou moins concrets, ce qui donne à tous les acteurs du secteur des buts communs à poursuivre. C’est en tout cas la recommandation que font différentes institutions internationales comme l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ou l’Observatoire européen des Systèmes de Santé.
De nombreux pays ont mis en place de véritables programmes globaux de fixation d’objectifs de santé. Ils contribuent à piloter l’ensemble de leurs actions en matière de santé, à les évaluer et, de façon générale, à orienter leur politique à plus ou moins long terme. Certains de ces pays ont même fait de ces programmes des outils de sensibilisation de la population, avec des sites web où sont publiées les valeurs-cibles à atteindre et où professionnels et communautés locales peuvent échanger leurs expériences de terrain.
Dresser l’inventaire de ce qui existe déjà
La Belgique fédérale n’a pas de tel programme de fixation d’objectifs ; elle a plutôt pris l’habitude de se fixer des objectifs au cas par cas. Nous en avons déjà un certain nombre, mais ils sont assez disparates, ce qui peut donner une impression de « patchwork ». Les réunir dans un programme structuré donnerait à l’ensemble une cohérence et une meilleure visibilité. Ce serait également plus motivant pour tous les acteurs de terrain, qui auraient ainsi des cibles bien définies à atteindre tout en ayant conscience de participer à un effort global à l’échelle de tout le pays.
Un premier pas vers une telle approche structurée est de faire l’inventaire de ce qui existe déjà. C’est pourquoi la ministre de la Santé publique a demandé au KCE de dresser une liste des objectifs déjà définis au niveau fédéral (y compris les objectifs supranationaux tels que ceux fixés dans le cadre d’accord avec l’OMS par exemple).
Un inventaire à la Prévert
L’inventaire ainsi réalisé révèle un mélange d’objectifs très généraux (p.ex. réduire les inégalités d’espérance de vie liées au niveau socioéconomique au sein de la population belge), et d’autres beaucoup plus spécifiques (p.ex. un pourcentage minimum de prescriptions bon marché par chaque médecin ou dentiste individuel). On distingue aussi des objectifs de résultats (ce que l’on veut atteindre, avec éventuellement des objectifs intermédiaires), des objectifs de processus (les actions à entreprendre pour atteindre les résultats escomptés) et des objectifs de structure (les modifications structurelles à obtenir pour atteindre le résultat).
Ces objectifs sont formulés tantôt par le niveau politique (p.ex. la ministre de la santé publique a formulé un objectif de réduction du nombre d’adultes fumeurs à 17%), tantôt par le monde scientifique (p.ex. les recommandations du Conseil supérieur de la Santé en matière de nutrition), tantôt encore à un niveau plus opérationnel ou administratif (p.ex. les objectifs du Conseil National de Promotion de la Qualité à l’attention des médecins).
Il faut aussi ajouter à cet inventaire les divers plans d’action adoptés ces dernières années, comme par exemple le plan conjoint « Soins intégrés en faveur des malades chroniques » (lancé conjointement par les Ministres de la santé fédéraux et des entités fédérées) ou le plan d’action pour une réforme du système de financement des hôpitaux (lancé par la Ministre de la santé fédérale). Ces plans regroupent chacun plusieurs objectifs ambitieux.
Quelles devraient être les prochaines étapes ?
On peut donc dire que la Belgique a déjà bel et bien défini de nombreux objectifs de (soins de) santé mais qu’il faut leur donner un fil rouge et un encadrement. Le KCE propose de créer à cet effet une plateforme pour coordonner, soutenir et faire connaître la politique de fixation d’objectifs. Cette plateforme devrait réunir les représentants politiques et administratifs des différents niveaux de compétences et domaines pertinents, ainsi que des représentants des principales parties concernées sur le terrain et des scientifiques.
Une des premières tâches de la plateforme devrait être de définir les priorités de la politique de santé. Cet exercice doit idéalement se faire en large concertation avec les acteurs de terrain afin de développer des objectifs concrets, des valeurs-cibles à la fois ambitieuses et réalistes, et ensuite des programmes d’action réellement portés par le secteur.
D’autres objectifs pourront être ajoutés à ceux déjà inventoriés ; le KCE en a proposé une longue série en annexe de son rapport. Ils ont été élaborés sur la base de son exercice récurrent d’évaluation de la performance du système de santé, développé en collaboration avec l’ISP et l’INAMI. Ces propositions visent surtout à mettre en évidence la nécessaire cohérence entre cet exercice d’évaluation de la performance du système de soins et l’établissement d’objectifs tels que proposés dans le présent rapport. Ces propositions devront évidemment faire l’objet d’une réflexion plus avancée en concertation avec les parties prenantes avant d’être adoptées comme objectifs.
À terme, avec un brin d’optimisme, cet exercice pourrait mener à un élargissement des objectifs aux autres secteurs et niveaux de gouvernance, pour atteindre le principe de la « santé dans toutes les politiques » (Health in all policies) qui constitue une sorte de Graal en la matière.
Depuis 2013, le Fonds Baillet Latour, via son initiative ‘L’extrascolaire au coeur de l’intégration’, menée en partenariat avec la Fondation Roi Baudouin, stimule la participation d’enfants issus de milieux précarisés à des activités extrascolaires de qualité en Région de Bruxelles-Capitale. L’initiative a permis de financer 52 organisations qui ont accueilli quelque 4.000 enfants dont près de 50% venaient pour la première fois dans une structure d’accueil. L’identification des facteurs de succès et des difficultés le plus souvent rencontrées par ces projets a mené à la formulation de recommandations à destination des décideurs publics ou privés qui désireraient s’impliquer dans l’extrascolaire en tant qu’outil d’intégration sociale. Ces recommandations ont été affinées et validées par des professionnels des secteurs de l’extrascolaire, de la petite enfance et de la lutte contre la pauvreté.
Aider les enfants et les jeunes à se construire
En Belgique, le taux de risque de pauvreté des enfants de 0 à 15 ans s’élève à 18,5%; en Région de Bruxelles-Capitale il est estimé à 40%. Parmi les jeunes enfants vivant sous le seuil de pauvreté en Région bruxelloise, les trois quarts ont une mère d’origine non européenne.On sait dorénavant à quel point la pauvreté affecte le développement de l’enfant en termes de santé, d’éducation et de bien-être psychosocial. On sait moins à quel point la pauvreté a un impact négatif sur la participation aux activités extrascolaires. En Belgique, plus de 30% des enfants de 1 à 15 ans vivant dans un ménage à risque de pauvreté ne peuvent pas exercer régulièrement des activités de loisirs en dehors du logement, contre environ 3% des enfants vivant dans un ménage qui n’est pas à risque de pauvreté (Enquête sur les revenus et les conditions de vie, Direction Générale Statistique. 2014).L’accueil extrascolaire joue pourtant un rôle important dans le développement des enfants et est un levier efficace pour améliorer leurs conditions d’intégration, en particulier chez ceux qui sont en situation de précarité. Les activités extrascolaires peuvent en effet favoriser l’intégration de ces enfants car les structures qui les encadrent peuvent les aider à se socialiser, à développer leur confiance en eux, à prendre conscience de leurs atouts en dehors du contexte scolaire, à découvrir de nouveaux environnements, à sortir de leur quartier…
Pourquoi agir au niveau de l’extrascolaire ?
L’enfance est cette période-clé de la vie où tant de choses se jouent et se nouent : acquisition du langage, confiance en soi, relation aux autres, équilibre physique et psychologique, développement social, cognitif et émotionnel. Les bases qui sont jetées à ce moment-là conditionneront dans une large mesure la scolarité de l’enfant, sa vie sociale et professionnelle, sa santé, son bien-être physique et mental – bref, tout son avenir de citoyen. L’extrascolaire est reconnu comme un levier efficace pour améliorer les conditions d’intégration des enfants, en particulier ceux en situation de précarité. Ses différents avantages :
une fonction éducative au travers de la stimulation du développement physique, psychique et social de l’enfant; elle permet notamment de valoriser la confiance en soi de l’enfant en mobilisant d’autres compétences que celles mobilisées à l’école;
une fonction économique puisqu’elle facilite, à certaines conditions, la mise à l’emploi des parents, en particulier des femmes, en offrant une prise en charge avant et/ou après l’école, les mercredis, les weekends et/ou pendant les vacances scolaires.
une fonction sociale dans le sens où l’accueil offre des opportunités de soutien à la parentalité et peut faciliter l’inclusion de familles vulnérables.
Qu’est-ce que l’accueil extra-scolaire ?
Par accueil extrascolaire, on entend, au sens le plus large, l’accueil d’enfants en âge scolaire, en dehors du cadre familial : avant et après les heures d’école, pendant la pause du midi, le mercredi après-midi, le week-end et pendant les congés ou vacances scolaires. Cela englobe les activités autonomes encadrées, les animations éducatives, culturelles, sportives ou autres.
Les recommandations
Recommandation n°1 : Améliorer l’offre et la qualité des activités extrascolaires à Bruxelles
Il faut lutter contre la pénurie actuelle, dans la région bruxelloise, d’offre d’activités extrascolaires accessibles à un public défavorisé. Sur base d’un état des lieux des besoins non rencontrés, une offre d’activités accessibles et de qualité doit être développée dans les quartiers défavorisés. Une attention spécifique pour les moins de 6 ans est préconisée, compte tenu du manque d’offres observé pour cette tranche d’âge.Parallèlement, la qualité de l’offre doit être améliorée. Les projets doivent être encadrés par un personnel capable de nouer des liens de confiance avec les familles et d’élargir les horizons des jeunes enfants. Une formation initiale et continue de qualité, des modes de recrutement plus ouverts et plus mixtes, des conditions d’emploi moins précaires et une sensibilisation aux réalités de vie de ces familles en difficulté sont nécessaires pour répondre au mieux aux besoins des enfants du public cible et maximiser les chances d’une participation régulière aux activités. La régularité de la programmation et une réflexion sur le contenu sont aussi des éléments déterminants pour la qualité de l’offre.L’amélioration de la qualité passe par le soutien de projets viables financièrement et pilotés de manière rigoureuse. Les acteurs doivent être soutenus grâce à un renforcement de leurs compétences en matière de gestion de projet, de gestion financière et d’auto-évaluation. Il est également impératif de sécuriser le financement des projets, notamment grâce à des soutiens pluriannuels qui permettent aux porteurs de projet de déployer les activités dans le temps afin d’arriver aux meilleurs résultats possibles. Favoriser l’accès des enfants issus de milieux défavorisés au ‘monde de l’extrascolaire’ passe enfin par la mise en place d’un pilotage efficace et efficient du secteur par les autorités compétentes et par les pouvoirs subsidiants.Quelle est la formule la plus efficace ?L’expérience acquise dans la mise en œuvre du programme ‘L’extrascolaire au cœur de l’intégration’ montre que le type de projet le plus efficace est celui qui repose sur la gestion, en interne dans une organisation, d’une activité offerte régulièrement et dans la durée au même groupe d’enfants. Cette formule permet de renforcer l’expertise du porteur de projet vis-à-vis de son public cible et augmente la probabilité d’avoir des effets bénéfiques durables sur les enfants. Les activités uniquement ponctuelles n’ont qu’un impact à court terme visant plutôt la détente que le développement de l’enfant.
Recommandation n°2 : Améliorer l’accessibilité aux activités extrascolaires
Répondre à la demande ne suffit pas. Pour atteindre les familles ‘non utilisatrices’ des services, il faut mener une politique volontariste pour réduire les barrières à l’entrée des milieux d’accueil extrascolaires et encourager les pratiques proactives et inclusives à l’égard de ces familles afin de créer du lien et de gagner leur confiance.L’accessibilité ‘physique’ peut être facilitée grâce au partage de locaux avec l’école ou d’autres associations, à la proximité des transports publics, par l’organisation d’un transport spécifique ou par la prise en charge directe des enfants à la sortie des classes. Il faut aussi encourager les projets initiés au plus près des familles, ceux qui proposent des activités ‘au pied des immeubles’, des activités ‘mobiles’, dans l’espace public ou sur le site de l’école, en particulier pour les plus jeunes enfants (moins de 6 ans). Le contact avec les familles éloignées des activités extrascolaires sera amélioré si l’on intègre dans les équipes des personnes issues du public cible (‘jeunes ambassadeurs’ du projet, figures clés, témoins du vécu).L’efficacité passe par une adaptation au public concerné. L’intégration des familles issues de milieux défavorisés dans les activités nécessite une communication adaptée (des documents facilement compréhensibles et disponibles en plusieurs langues) et des modalités d’inscription adéquates (accompagnement dans les démarches d’inscription, présence d’un interprète, …). L’accessibilité doit être maintenue une fois ‘la porte franchie’ en adaptant notamment les outils de communication pour surmonter la barrière linguistique. Des dessins, des photos et des symboles peuvent être utilisés pour l’information. Il faut aussi proposer des formules suffisamment souples (horaires flexibles, activités ‘one shot’, etc.) pour permettre à l’enfant de s’intégrer dans le groupe malgré les contraintes liées à ses conditions de vie ou au contexte (absences prolongées, irrégularité dans la participation, moindre maîtrise de la langue parlée par le groupe).Les pratiques incluant les familles doivent être privilégiées. Il est important de susciter des moments conviviaux (goûters, représentations, etc.) pour prévenir les a priori réciproques entre familles et professionnels et d’offrir des opportunités de rencontre entre familles issues de milieux socioculturels divers. Il importe aussi, dans la perspective de créer et de maintenir le lien de confiance avec les familles, de recourir à des méthodes participatives qui incluent la famille et les enfants, y compris pour l’évaluation des projets.L’accessibilité économique s’avère particulièrement déterminante. Pour être accessibles, les activités doivent être proposées gratuitement ou, au minimum, bénéficier d’un tarif social.
Recommandation n°3 : Favoriser les partenariats et le travail en réseau
Le partenariat entre les asbl et l’école constitue un facteur décisif d’intégration des enfants. L’école étant le lieu de rencontre de tous les enfants, le renforcement des liens entre les structures d’Accueil Temps Libres et l’école semble donc pertinent et nécessaire, particulièrement dans le cas des enfants du public cible. L’expérience flamande de ‘Brede School’ est inspirante. Ce concept, dont l’objectif est d’améliorer les opportunités de développement des enfants, favorise la collaboration entre les écoles et une large palette de partenaires de différents secteurs (loisirs, culturels, sociaux, économiques, environnementaux…) présents dans le quartier. Le partenariat avec l’école pourrait aussi permettre aux projets de mieux mesurer leur impact sur les enfants grâce aux échanges plus réguliers avec l’école pour suivre l’évolution et le développement de l’enfant, ses résultats scolaires.Les parents doivent être associés en tant que partenaires dans une alliance éducative. Accorder une ‘vraie’ place aux enfants et à leurs familles constitue un facteur clé de réussite pour les projets. Les partenariats doivent être développés pour élargir les horizons des jeunes et les faire sortir de leur quartier. Les partenariats sont un formidable moyen de créer des opportunités, de faire sortir les jeunes de leurs quartiers. Ils peuvent prendre différentes formes : projets co-construits, découverte de nouveaux horizons (liens avec les artisans du quartier, organisation d’initiatives telles que ‘Place aux enfants’…), etc. Encourager les échanges entre associations des différentes communautés peut également s’avérer très enrichissant.Le travail en réseau sur le plan local doit être stimulé. Celui-ci permet d’améliorer la prise en charge globale des familles en coordonnant les interventions des différents acteurs sociaux (suppression des demandes multiples ayant le même objet, meilleur accès aux différentes aides sociales existantes, …). Le travail en réseau permet aussi d’optimiser la couverture de tous les publics en interrogeant la façon dont s’articulent les multiples dispositifs présents sur un même territoire. En effet, malgré le nombre élevé des dispositifs existants sur le plan local, de nombreuses familles et leurs enfants restent en dehors de toute affiliation sociale tandis que d’autres sont au contraire usagers multiples de ces services. Il est donc essentiel d’encourager le développement de stratégies communes à plusieurs associations pour mieux toucher tous les publics d’un même quartier.
En juin 2017, l’Institut national de santé publique, mandaté par la Direction générale de la santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux, publiait sa synthèse des connaissances sur les champs d’action pertinents en promotion de la santé mentale chez les jeunes adultes. Cette synthèse, écrite par mesdames Roberge M-C et Déplanche F, est produite au départ d’un recensement des écrits déjà réalisés tant dans la littérature scientifique que dans la littérature grise. Elle fait suite à plusieurs travaux qui démontrent que, bien que corrélés il y a une distinction à faire entre la santé mentale et le trouble mental. Cela mène également à faire une distinction entre l’objectif de réduire les troubles mentaux et celui de soutenir une bonne santé mentale.
Des balises pour soutenir l’action en santé mentale
Afin de déterminer la pertinence des actions de promotions de la santé menées, les auteurs identifies quatre balises :
Distinguer la santé mentale des troubles mentaux : réaliser cette distinction a pour mission de pouvoir scinder les objectifs menés tant pour favoriser la santé mentale que pour atteindre une réduction des troubles mentaux. Rappelons que promouvoir la santé mentale c’est également participer à la diminution du nombre de troubles mentaux.
Favoriser l’épanouissement de tous : soutenir les actions qui visent le développement positif des individus et de leurs milieux de vie engendrent des résultats positifs variables avec une portée plus large que celles qui se limitent à réduire les problèmes ou les manquements.
Agir sur les déterminants sociaux de la santé mentale et leur distribution : les déterminants sont interreliés entre eux et distribués de façon inégale. Ils sont divers et interviennent à différents niveaux. Agir sur les déterminants au niveau sociétal qui reprennent par exemple l’accès à la scolarisation, peut mener à un accroissement et une égalisation des opportunités qui s’offrent aux jeunes. Les actions sur les déterminants au niveau des milieux de vie, comme par exemple les conditions de travail, et ceux au niveau individuel peuvent influencer l’exposition de différents groupes aux facteurs de risque et de protection, contrecarrer les conséquences d’une mauvaise santé mentale ou encore d’agir directement sur les désavantages des personnes socioéconomiquement défavorisées.
Adopter une perspective de parcours de vie : les trajectoires familiales, éducationnelles, professionnelles et citoyennes se construisent au travers des interactions omniprésentes et complexes entre les individus, leurs milieux de vie et le contexte globale dans lequel tout ceci s’inscrit. Ces interactions se produisent tout au long de la vie des individus et influencent la construction de la santé mentale et physique.
Un champ d’action à différent niveau
« La recension des champs d’action pertinents atteste que favoriser et préserver la santé mentale des jeunes adultes relève d’un ensemble coordonné d’actions, à différents niveaux qui visent l’ensemble des jeunes tout en considérant leurs besoins variés. » Par ces actions, les jeunes peuvent avoir un meilleur contrôle de leur vie, un accès aux ressources sociales, participer à la vie économique, etc. et ce sans discriminations ou violence.La synthèse identifie trois niveaux d’action :
Sociétal : on y propose des politiques qui influencent positivement les trajectoires de vie en promouvant un soutien aux familles, à la scolarisation, l’accès aux services de santé mentale de qualité orienté vers le bien-être et l’inclusion sociale dans un but d’outiller les jeunes adultes et ainsi protéger leur santé mentale.
Contextes et milieux de vie : l’idée est de créer des initiatives coordonnées dans les différents milieux de vie grâce à des acteurs de terrain qui connaissent les réalités de vie auxquels les jeunes adultes sont confrontés. Ces initiatives peuvent contribuer à réduire la violence, favoriser les habitudes de vie saines ou encore à renforcer les liens sociaux. En somme des actions qui visent à renforcer l’épanouissement, la réussite et l’engagement des jeunes.
Individuel : ces interventions doivent viser le développement des compétences personnelles des jeunes adultes mais aussi leurs compétences sociales sans se limiter à une transmission d’informations. Afin de pouvoir exercer ces nouveaux acquis il est nécessaire de leur associer des actions qui soutiennent l’accès à des conditions sociales, matérielles et physiques dans les différents milieux de vie.
Formulation de constats et de recommandations
« Cette synthèse de connaissances montre que la santé mentale, à l’instar de la santé physique, est le résultat de l’interaction dynamique, tout au long du parcours de vie, entre les individus, les groupes, les caractéristiques des milieux de vie et le contexte socioéconomique plus large.Quelques constats et recommandations se dégagent de cette synthèse :Les jeunes adultes ont des enjeux distincts qui doivent se refléter dans les politiques, les interventions et en recherche;2. La promotion de la santé mentale des jeunes adultes nécessite d’adopter une perspective holistique fondée sur leurs forces et leurs atouts;3. Les approches globales et intégrées doivent être soutenues dans les divers milieux côtoyés par les jeunes pour favoriser leur santé mentale;4. La participation des jeunes à l’élaboration et au déroulement des actions leur étant destinées doit être encouragée;5. Le développement de compétences des gestionnaires et des professionnels en faveur d’une perspective de promotion de la santé mentale des jeunes adultes doit être encouragé.6. Plusieurs interventions susceptibles d’influencer la santé mentale et de réduire les inégalités sociales de santé mentale devaient faire l’objet d’une évaluation d’impact sur la santé;7. La mesure de la santé mentale positive et des facteurs associés est un champ de connaissances émergent, dont le développement devrait être poursuivi.En somme, favoriser et préserver de la santé mentale des jeunes adultes relèvent d’un ensemble coordonné d’actions. Ces actions doivent viser l’amélioration des conditions de vie, la mise en place de normes et de règles favorisant la réduction des inégalités sociales de santé mentale, l’accès aux ressources et services dans les divers milieux de vie ainsi que la participation des jeunes à la vie économique et sociale. Ces actions ne seront possibles que par une collaboration accrue entre les acteurs de santé publique et ceux d’autres secteurs. »
Roberge MC. Déplanche F. (2017). Synthèse des connaissances sur les champs d’action pertinents en promotion de la santé mentale chez les jeunes adultes.
Roberge MC. Déplanche F. (2017). Synthèse des connaissances sur les champs d’action pertinents en promotion de la santé mentale chez les jeunes adultes.
Le Plan de Promotion de la Santé bruxellois est actuellement en cours de finalisation. La proposition de cadre stratégique élaborée par l’Ecole de Santé Publique de l’ULB en concertation avec les acteurs de promotion de la santé a permis d’alimenter son chapitre « Attitudes saines ».
En février 2016, le Parlement francophone bruxellois a adopté le nouveau Décret de Promotion de la Santé porté par la Ministre Jodogne. Ce Décret prévoit la mise en œuvre d’un Plan de Promotion de la Santé de cinq ans (2018-2022) visant à promouvoir la santé et à réduire les inégalités sociales de santé en Région de Bruxelles-Capitale.À l’initiative de la Ministre de la Santé du Gouvernement francophone bruxellois, l’École de Santé Publique (ESP) de l’ULB a été mandatée en septembre 2016 pour élaborer, dans un délai de six mois, une proposition de cadre stratégique afin de promouvoir les « attitudes saines » au sein de la Région bruxelloise.
Cette dénomination, peu adaptée[1], recouvre à la fois la promotion d’une alimentation favorable à la santé, d’une activité physique régulière, d’une consommation responsable d’alcool et d’une réduction du tabagisme.Les stratégies reprises dans cette proposition ont permis d’alimenter le Plan de Promotion de la santé de la Cocof, qui couvre l’ensemble des thématiques et domaines visés par le champ de la promotion de la santé pour la Région bruxelloise.
Des enjeux de santé publique importants
Les problèmes de santé associés à une alimentation peu équilibrée, à un manque d’activité physique, au tabagisme et à la consommation d’alcool sont responsables d’une importante morbi-mortalité et constituent dès lors des priorités de santé publique. Travailler sur ce « quatuor » semble donc indispensable afin de promouvoir des modes de vie et des environnements favorables à la santé et prévenir ainsi certaines maladies (maladies cardiovasculaires, diabète, certains cancers, ostéoporose, fractures, etc.).
Il s’agit avant tout de développer des moyens qui permettent de tendre vers une meilleure santé globale, un état de bien-être, une vie de qualité, d’aller vers plus d’autonomie et vers la réalisation de choix collectifs et individuels plus éclairés. Cela passe par une vision multifactorielle de ces problématiques. Il s’agit d’abord de prendre conscience de la constellation de facteurs qui les déterminent. Il est ensuite nécessaire d’agir sur ces déterminants à travers le développement d’approches systémiques, en s’appuyant sur la diversité des acteurs en lien avec les matières abordées et en les ancrant dans les milieux de vie.
Méthodologie
Les propositions de stratégies reprises dans le document élaboré par l’ESP de l’ULB se basent essentiellement sur des programmes et activités existants.Les structures de promotion de la santé qui travaillent à Bruxelles, en lien avec l’une ou l’autre des quatre thématiques abordées, ont été dans un premier temps rencontrées de manière individuelle. Ces entretiens ont permis de mieux connaitre les actions de ces structures et d’assurer ainsi « une continuité » des stratégies à renforcer. Plusieurs concertations ont par la suite eu lieu afin de s’assurer que les besoins de la population bruxelloise et du secteur de la promotion de la santé étaient correctement pris en compte. Une réunion de concertation a également été réalisée avec les acteurs de terrain et autres relais qui travaillent en lien avec la thématique de l’alimentation et/ou de l’activité physique.
Parallèlement à cela, divers cabinets et administrations bruxellois dont les compétences sont liées à l’une ou l’autre des quatre thématiques, ont été rencontrés afin d’aborder les stratégies/pistes d’actions qui impliquent à la fois le secteur de la promotion de la santé et leur Ministère. Le développement d’une approche intersectorielle liée à ces thématiques est en effet un élément fondamental afin de proposer des stratégies cohérentes.
Plusieurs rencontres ont par ailleurs eu lieu avec le service d’Appui du Service de Promotion et Education pour la Santé (APES-Ulg), service communautaire chargé d’élaborer le chapitre « Alimentation et activité physique à des fins de santé » du Plan Prévention Santé de la Région wallonne. L’objectif de ces rencontres était de favoriser une cohérence et une continuité entre les stratégies des deux Plans en cours de rédaction.Une après-midi de restitution et d’échange autour de la proposition de cadre stratégique s’est finalement tenue le 24 mars 2017.
Cette séance s’est déroulée en présence de tous les acteurs ayant participé au processus d’élaboration de la proposition (acteurs de promotion de la santé/de terrain, représentants des cabinets et l’APES-Ulg) ainsi que d’autres acteurs travaillant sur ces thématiques.L’élaboration de la proposition de cadre stratégique a été pilotée par le service de la santé du Service public francophone bruxellois et le Cabinet de la Ministre Jodogne.
Principales lignes de force
Des lignes de force transversales ont guidé l’identification des stratégies et des pistes d’actions reprises dans la proposition de cadre stratégique.
1. La responsabilisation collective et individuelle
La proposition de cadre stratégique vise avant tout le renforcement de la responsabilisation sociale plutôt qu’individuelle, tout en travaillant sur les représentations et en développant l’esprit critique et la liberté de choisir. Un de ses objectifs est de rendre disponibles un savoir-être et un savoir-faire qui permette à la population d’acquérir des comportements favorables à la santé et de contribuer à la création d’environnements porteurs de bien-être et de qualité de vie en matière d’alimentation, d’activité physique, de consommation d’alcool et de tabagisme.
2. L’action dans la continuité, la participation et le renforcement des ressources existantes
La Région bruxelloise compte un nombre important d’organismes qui mobilisent du personnel et des volontaires pour améliorer la qualité de vie au sein des communautés. Les stratégies proposées sont là avant tout pour renforcer les multiples actions existantes et souvent de grande qualité. Elles misent sur la mobilisation des organisations intervenant dans les milieux de vie, les quartiers ou pour des groupes d’âges spécifiques.
3. Des actions de proximité et structurelles pour réduire les inégalités sociales de santé
La proposition de cadre stratégique entend mieux appréhender les inégalités sociales de santé pour mieux les combattre. Des collaborations avec les partenaires d’autres secteurs que celui de la santé sont indispensables, tout en poursuivant le travail de sensibilisation et de mobilisation sociale sur ces enjeux majeurs de santé publique.
Prendre en compte les vulnérabilités des publics plus vulnérables est une autre stratégie fondamentale pour lutter contre les inégalités sociales de santé. On parle d’universalisme proportionné pour désigner des actions qui concernent l’ensemble de la population et qui sont adaptées au degré de désavantage de certains groupes qui la composent. Cette adaptation des actions n’est envisageable qu’à travers l’adoption d’une approche de proximité, prenant en compte les besoins.
4. L’accessibilité à tous les niveaux
Les comportements en matière d’alimentation, d’activité physique, de consommation d’alcool et de tabac sont influencés par une série de critères d’accès : accessibilité géographique, accessibilité financière, accessibilité à l’information. Les expériences et ressources psychosociales, les habitudes familiales et culturelles, les appartenances sociales conditionnent également les choix et les comportements. Cette proposition de cadre stratégique entend en tenir compte.
Objectifs du Plan
Le Plan a comme objectif général l’amélioration de l’état de santé de l’ensemble de la population bruxelloise en agissant sur certains déterminants majeurs que sont l’alimentation, l’activité physique, la consommation d’alcool et de tabac tout en maitrisant les inégalités sociales de santé.Il s’agit à la fois de promouvoir des modes de vie favorables à la santé et des environnements qui facilitent l’adoption, le renforcement et le maintien d’habitudes de vie bénéfiques sur le plan de la santé.Cet objectif vise avant tout
le développement d’offres de promotion de la santé et de soutien social, accessibles par tous ;
le soutien aux professionnels et le renforcement de leurs actions auprès de la population ;
la mobilisation des acteurs politiques et des responsables institutionnels dans une vision intersectorielle (Health in all policies)
l’amélioration des cadres de vie et des environnements en lien avec des modes de vie favorables à la santé.
Structure de la proposition
La proposition de Plan est composée de 21 stratégies regroupées en 4 axes. Chacune des stratégies est déclinée en une série de sous-stratégies ou de pistes d’actions. Ces dernières ne sont pas exhaustives. Certaines ont été mises en avant pour leur efficacité supposée et la nécessité de les renforcer. D’autres sont innovantes et méritent d’être développées.
Axe 1. Etat des lieux
Cet axe reprend les éléments indispensables qui doivent être mis en place de façon continue afin de mieux comprendre l’état de santé de la population bruxelloise en matière de modes de vie favorables à la santé et ce qui détermine l’adoption de ces derniers.
Axe 2. Cadre institutionnel
Promouvoir les « attitudes saines » nécessite des approches pluri- et intersectorielles et l’intégration de la santé dans toutes les politiques publiques (« health in all policies »), qu’elles soient locales, régionales, communautaires ou fédérales. Les stratégies de cet axe visent dont une meilleure cohérence des politiques publiques développées tant en promotion de la santé que dans les domaines de la santé, de l’agro-alimentaire, du commerce, de l’enseignement, de l’aménagement urbain, du logement, etc.
Axe 3. Soutien aux acteurs de terrain
Cet axe propose des stratégies d’appui aux démarches communautaires et de qualité qui outillent et renforcent la population bruxelloise. Ces initiatives se font par des acteurs de terrain, en partenariats intersectoriels. Elles doivent être accompagnées (besoin de ressources complémentaires), transposées à d’autres quartiers / communautés et évaluées. Ce soutien « aux acteurs de terrain » ne pourra par ailleurs se faire que si les informations et besoins des acteurs « remontent » auprès des instances décisionnelles qui ont la responsabilité des allocations des ressources.
Axe 4. Soutien à la population bruxelloise
Il s’agit de développer et de renforcer les connaissances et capacités de la population bruxelloise (adaptées aux publics visés) sur base des ressources existantes et d’actions de proximité mais aussi de faciliter l’accessibilité à une alimentation favorable à la santé et à des environnements favorisant la l’activité physique.La figure ci-dessous présente les différents axes d’intervention en regard des principaux déterminants pris en compte dans la proposition et en lien avec l’amélioration de l’état de santé.
Figure 1 : Présentation des axes d’intervention en regard des groupes de déterminants
La proposition de cadre stratégique pour promouvoir une alimentation favorable à la santé, une activité physique régulière, une consommation d’alcool responsable et une réduction du tabagisme est disponible sur le site :
Perspectives
Les stratégies intégrées au Plan de Promotion de la Santé bruxellois seront opérationnalisées de différentes façons :
lancement d’appels à projets permettant de désigner et de financer des activités en lien avec les thématiques abordées ;
appui aux acteurs pour contribuer de manière qualitative à la mise en œuvre de ces actions ;
développement ou renforcement de concertations intersectorielles entre les différentes autorités compétentes ;
mise en place d’un cadre de suivi et d’évaluation ;
coordination et suivi de la mise en œuvre du Plan de promotion de la santé par l’instance de pilotage telle que prévue par le Décret de promotion de la santé de la Cocof.
[1] Nous avons cherché mieux, mais en vain… Vous avez une meilleure idée ? N’hésitez pas à contacter la rédaction pour nous le faire savoir !
Cécile Jodogne, Ministre de la Santé au sein du Gouvernement francophone bruxellois, présente le tout premier Plan de Promotion de la santé pour la période 2018-2022. À la suite de la sixième réforme de l’État et des accords intrafrancophones, la promotion de la santé est désormais exercée à Bruxelles par le Gouvernement francophone bruxellois (Cocof).
Un Décret a été voté en février 2016 : il prévoit notamment l’élaboration d’un Plan de promotion de la santé définissant pour cinq ans les priorités transversales et thématiques, identifiées à partir des besoins des citoyens bruxellois.Ces besoins sont nombreux ! La population bruxelloise est extrêmement diversifiée et est plus jeune que dans les deux autres Régions du pays. Son caractère urbain, son statut de « grande ville », sa diversité ethnique et culturelle, l’importance de populations en situation d’exil et les disparités de diplômes et de revenus constituent quelques-uns des facteurs qui influencent l’état de santé de la population.
Ils expliquent également la présence d’inégalités importantes en matière de santé et d’accès aux soins entre groupes sociaux mais également au niveau territorial.Les objectifs transversaux définis mettent l’accent sur la qualité des interventions qui seront soutenues : développement de moyens de communication modernes et adaptés aux réalités des groupes les plus vulnérables, renforcement des compétences des acteurs de terrain, promotion d’une culture de l’évaluation au sein du secteur et valorisation des « bonnes pratiques ».
Les objectifs thématiques combinent la prévention de problèmes de santé et les interventions globales dans des milieux de vie ou auprès de publics cibles prioritaires : promotion de l’alimentation équilibrée et de l’activité physique, promotion de la santé mentale, dépistage des cancers, prévention des infections sexuellement transmissibles, prévention et réduction des risques en matière d’usage de drogues licites (notamment l’alcool) et illicites.
Le Plan comporte un axe d’intervention vis-à-vis de la population générale et un axe plus spécifique permettant d’intervenir auprès de publics prioritaires : les jeunes, les personnes vivant dans des quartiers moins favorisés ou dans des situations de vulnérabilité accrue, en prison, etc. Les appels à candidatures et les appels à projets basés sur les priorités du Plan sont lancés dès ce mois de juin. Ils permettront de financer dès le 1er janvier 2018 les opérateurs qui seront chargés de sa mise en œuvre : des acteurs de terrain seront financés afin de travailler soit directement avec les publics cibles prioritaires, soit via les relais en contact avec la population. Des services mettront leur expertise scientifique à la disposition des acteurs de terrain afin de guider leur action sur des bases scientifiques et méthodologiques rigoureuses.
La question des inégalités de genre et celle de la santé des femmes occupent une place centrale dans le plan, qui invite les acteurs à mettre en place des projets spécifiques à destination des femmes et de leur santé, mais aussi à intégrer une préoccupation pour le genre de manière transversale à travers la constitution d’un réseau spécialisé en la matière.
La Ministre précise : « J’ai souhaité mettre l’accent sur le genre car on sait que les hommes et les femmes ne sont pas égaux en matière de santé notamment en ce qui concerne la distribution et la fréquence des pathologies ou encore le mode de recours aux soins. Comme pour la question des inégalités sociales, il s’agit d’adapter les actions aux spécificités et aux besoins des différents publics ».
La Ministre insiste sur les défis à relever en Région bruxelloise étant donné les caractéristiques de ses résidents : « La population bruxelloise est plutôt jeune en comparaison des autres Régions et elle est extrêmement diversifiée. Elle présente un potentiel considérable mais on sait aussi que des inégalités sociales de santé sont plus que jamais présentes. Les interventions que nous soutiendrons doivent tenir compte de ces inégalités en mettant l’accent là où les besoins sont les plus criants, tout en étant disponibles pour tous les Bruxellois ».
Le transfert des compétences permet de définir une politique de santé plus en phase avec les besoins réels de la population bruxelloise. Mais, en même temps, il a scindé le budget de la promotion de la santé, désormais réparti entre Région wallonne et Cocof. La rareté des moyens et l’ampleur des défis à relever à Bruxelles nous obligent à mener une politique claire, rigoureuse et rationnelle. Sur le plan politique, cette clarté et cette rigueur sont données par le Plan de promotion de la santé.
La Ministre adresse aussi un message fort au secteur de la promotion de la santé : « Je souhaite que chaque euro investi le soit pour répondre à des besoins identifiés. Et si certains se regroupent pour diminuer des frais de gestion et maximiser les frais dédiés à l’action, je ne pourrai que soutenir ces démarches ! Sur le terrain, je suis sûre que les acteurs comprendront l’importance de travailler plus que jamais en synergie, en concertation, autour de projets communs, en parfaite complémentarité. »
Partant du principe que toutes les politiques peuvent avoir un impact sur la santé, ce que l’OMS définit comme « La santé dans toutes les politiques », le Plan identifie aussi les nombreuses concertations interministérielles à mener avec les autres autorités.
Ce point est particulièrement important à Bruxelles où la complexité institutionnelle ne doit pas être un frein à la promotion de la santé des Bruxellois : « Mes collègues Didier Gosuin et Guy Vanhengel chargés de la santé à la Cocom partagent ce même souci de cohérence qui doit dépasser l’écheveau institutionnel bruxellois. C’est pourquoi nous nous engageons à mettre en place des mesures de gouvernance permettant une concertation structurelle en matière de santé du point de vue régional, mais aussi des synergies en matière de médecine préventive. Ces mesures sont décrites dans le Plan Santé bruxellois, document de référence pour les politiques de santé. Celui-ci sera présenté prochainement. »
L’état de santé d’une personne se caractérise par des interactions complexes entre plusieurs facteurs individuels, socio-environnementaux et économiques.
Les déterminants
Le premier niveau, « Facteurs liés au style de vie personnel », concerne les comportements et styles de vie des individus, influencés par les modèles qui régissent les relations avec l’entourage et dans l’ensemble de la collectivité. Ces comportements sont rarement le fait d’un choix volontairement néfaste pour la santé mais sont plutôt déterminés par une série de facteurs socio-économiques : pauvreté et difficultés à faire face aux dépenses, littératie en santé insuffisante, isolement, mauvaise estime de soi, etc.
Par ailleurs, les « life skills » ou « compétences de la vie » sont les aptitudes pour un comportement adaptatif et positif qui permet aux individus de faire face efficacement aux exigences et aux défis de la vie quotidienne. Le second niveau, « Réseaux sociaux et communautaires », comprend les influences sociales et collectives : la présence ou l’absence d’un soutien mutuel dans le cas de situations défavorables a des effets positifs ou négatifs. Le troisième niveau, « Facteurs liés aux conditions de vie et de travail », se rapporte à l’accès au travail, l’accès aux services et aux équipements essentiels : eau, habitat, services de santé, nourriture, éducation mais aussi conditions de travail. Enfin, le quatrième niveau « Conditions socio-économiques, culturelles et environnementales », englobe les facteurs qui influencent la société dans son ensemble.
Les thématiques prioritaires
Selon le rapport 2015 de la performance du système de santé belge, 22% des Wallons de plus de 15 ans sont des fumeurs quotidiens, 16% des Wallons de plus de 18 ans sont obèses, 66% des Wallons entre 18 et 64 ans font moins de 30 minutes d’activité physique quotidiennement et 5% des Wallons de plus de 15 ans ont une consommation d’alcool à risque.
Problèmes liés à la nutrition
En 2014, 51% de la population âgée de 3 à 64 ans présente un IMC (indice de masse corporelle) considéré comme normal, 29% de la population est considérée comme étant en surcharge pondérale et 16% comme étant obèse. À l’inverse, 4% de la population possède une carence pondérale. En termes de consommation quotidienne de fruits et légumes, on observe, après standardisation pour l’âge, qu’autant de femmes (13%) que d’hommes (11%) consomment la quantité journalière recommandée de fruits et légumes.
En Wallonie, la prévalence de consommation quotidienne de boissons rafraîchissantes sucrées est, après standardisation pour l’âge, significativement plus élevée chez les hommes (33%) que chez les femmes (26%). Le pourcentage le plus élevé est observé chez les 15-24 ans (48%), mais aussi parmi les 25-34 ans (46%).Un autre phénomène présent en Wallonie est la dénutrition de nos aînés.
Sédentarité
En Wallonie, le pourcentage de la population de 15 ans et plus qui déclare pratiquer au moins 30 minutes par jour d’activité physique (modérée ou intense) est relativement bas (31%).25% de la population de 15 ans et plus pratique une activité physique suffisante pour avoir un impact positif sur la santé.
Consommation de tabac
D’après l’Enquête de santé par interview, en 2013 sur la population âgée de plus de 15 ans, c’est en Wallonie que l’on trouve le plus grand nombre relatif de fumeurs (25%) et fumeurs quotidiens (21,5%).Le pourcentage des grands fumeurs (plus de 20 cigarettes par jour) quant à lui diminue, passant de 12% de la population en 2004 à 8% en 2013.
Consommation d’alcool
Les données issues de l’Enquête par interview (2013) montrent qu’en Belgique 82% de la population âgée de 15 ans et plus consomme des boissons alcoolisées.35% avait consommé de l’alcool de manière hebdomadaire mais pas quotidienne tandis que 16% avait bu de manière quotidienne. Les 51% de Wallons qui consommaient de manière hebdomadaire consommaient en moyenne 11 verres par semaine.
Le pourcentage des consommateurs hebdomadaires en Wallonie qui présentait une surconsommation (plus de 14 verres par semaine pour les femmes et de 21 verres pour les hommes selon les recommandations de l’OMS) s’élevait à 15%.8% de la population présente un comportement d’hyper-alcoolisation (consommation de 6 boissons alcoolisées ou plus en une même occasion).
Enfin, le « binge-drinking » (consommation de 6 boissons alcoolisées en 2 heures) concerne 5% de la population. Le binge-drinking est en augmentation auprès des jeunes (15 – 24 ans) : de 12% en 2008, il est passé à 14% en 2013. 29% des jeunes wallons auraient déjà présenté ce type de comportement contre 15% des jeunes néerlandophones et 5% des jeunes bruxellois.
Les autres drogues
La prévalence de l’usage de cannabis au long de la vie (expérimentation du produit au moins une fois au cours de la vie) était, en 2013, de 15% dans la population wallonne âgée de 15 à 64 ans. Elle est plus marquée au sein de la tranche d’âge des 25-34 ans (32%) ainsi que pour les 15-24 ans (21%).Celle de l’usage actuel (au moins une consommation au cours des 30 derniers jours) était de 4% en Wallonie en 2013.
Toutefois, il concerne surtout les 15-24 ans (8%) ainsi que les 25-34 ans (7%).L’usage quotidien (ou presque) de cannabis concernerait 0,7% de la population wallonne âgée de 15 à 64 ans.Enfin, la prévalence d’usage sur la vie d’une drogue illicite autre que le cannabis était de 2,6% dans la population wallonne âgée de 15 à 64 ans.
Les enjeux majeurs de la prévention et de la promotion de la santé en Wallonie
Suite à la 6e réforme de l’État et aux accords de la Sainte Émilie, de nombreuses compétences en matière de santé publique ont été confiées à la Wallonie. C’est notamment le cas de la prévention et de la promotion de la santé dont le transfert permet d’en redéfinir le cadre pour une meilleure prise en compte des enjeux dans notre région.
Au cours des 50 dernières années, les modes de vie se sont considérablement modifiés. Si les progrès spectaculaires de la médecine ont permis d’allonger sensiblement l’espérance de vie, la chronicisation accrue des maladies impacte lourdement la qualité de vie des patients mais aussi le budget des soins de santé.
À cela s’ajoutent d’autres problématiques telles que celles de la santé mentale ou encore certaines maladies infectieuses qui restent d’actualité malgré les progrès de la science. Or, un mode de vie sain permettrait d’éviter un grand nombre de ces maladies, voire même 75% des maladies chroniques selon l’Organisation mondiale de la santé. Il est dès lors fondamental de doter la Wallonie d’un Plan Prévention ambitieux qui contribuera au bien-être de chacun.
Une note-cadre qui définit les ambitions de la politique que la Wallonie veut mener en matière de prévention et de promotion de la santé balise les orientations stratégiques du Plan de prévention et de promotion de la santé dont l’objectif est de contribuer à l’amélioration de l’état de santé de la population wallonne grâce à un dispositif solide dont les effets se déploieront sur le long terme, à l’horizon 2030.
Les grandes lignes et les objectifs du plan
Une méthodologie rigoureuse
Depuis un an, une analyse en profondeur des données épidémiologiques des indicateurs de santé (voir plus loin dans ce numéro l’article « Le contexte épidémiologique en Wallonie ») ainsi que des principaux déterminants de la santé (voir l’article suivant « Les déterminants de santé et les thématiques prioritaires en Wallonie ») a été menée pour avoir une vision globale de la situation.
Ce travail rigoureux a été réalisé avec l’appui de l’administration wallonne, de l’AViQ (Agence pour une Vie de Qualité) et des acteurs ayant une expertise méthodologique en matière de documentation, de recherche et d’évaluation dans le domaine de la promotion de la santé, tels l’Observatoire wallon de la Santé et les services communautaires de promotion de la santé (APES de l’ULg, RESO de l’UCL, SIPES de l’ULB et l’asbl Question Santé).
Les bases du Plan de prévention et de promotion de la santé ont ensuite été présentées et débattues avec des experts scientifiques au Bureau régional européen de l’OMS à Copenhague en novembre 2016 afin de bénéficier de leurs conseils et de la validation de la méthodologie suivie.Concrètement, le Plan wallon est décliné en deux parties. La première, présentée au Gouvernement wallon le jeudi 16 février 2017, se fonde sur l’analyse du contexte institutionnel et épidémiologique en Wallonie.
Cette analyse permet de définir les priorités de santé publique et donc les objectifs stratégiques thématiques de manière fondée, cohérente et objective. Avant de décliner les mesures concrètes dans la deuxième partie, il était indispensable de réaliser cette analyse de l’état de santé de la population wallonne.
Cinq axes stratégiques thématiques
Après l’analyse du contexte épidémiologique de la Wallonie, cinq axes d’actions prioritaires ont été retenus selon leur importance en termes de santé publique, leur gravité et le potentiel avéré en matière d’éviction ou de réduction. D’autres thématiques de santé pourront être ajoutées en fonction de problèmes de santé publique émergents.
Promotion des modes de vie et des milieux de vie favorables à la santé :
promotion d’une alimentation équilibrée, lutte contre la consommation excessive d’alcool et contre le tabagisme, promotion de l’activité physique et lutte contre la sédentarité.
Promotion d’une bonne santé mentale et du bien-être global :
ceci comprend également la confiance, l’estime de soi et le développement des « life skills » (ou « compétences liées à la vie quotidienne »). Il s’agit de la promotion du bien-être et d’une bonne santé mentale, de la prévention de l’usage addictif d’alcool et d’autres substances psychoactives (cannabis, héroïne, psychotropes…) et de la prévention du suicide.
Prévention des maladies chroniques :
prévention de maladies de l’appareil circulatoire, du diabète de type II et des maladies respiratoires ainsi que des cancers.
Prévention des maladies infectieuses,
y compris la politique de vaccination et les infections sexuellement transmissibles.
Prévention des traumatismes non intentionnels, promotion de la sécurité.
Onze objectifs transversaux
Les différents axes stratégiques étant à présent identifiés, ils vont faire l’objet d’une déclinaison opérationnelle qui sera concertée avec l’ensemble des parties prenantes (les secteurs concernés, l’AViQ, les acteurs associatifs, les professionnels de la promotion de la santé et de la première ligne de soins, les pouvoirs locaux…). Les mesures concrètes qui en résulteront seront proposées d’ici la fin de l’année 2017 au Gouvernement wallon et répondront à onze objectifs stratégiques transversaux applicables à l’ensemble de ces priorités de santé.
Promouvoir la santé dans toutes les politiques
Le Plan s’intéresse principalement aux domaines pour lesquels la Wallonie dispose de leviers d’action. Pour les autres, des protocoles de collaboration devront être conclus avec les autres niveaux de pouvoir. De plus, le Gouvernement wallon souhaite mettre en place l’évaluation systématique des effets sur la santé (EIS) et suivre l’exemple de la Finlande où des évaluations intégrées incluant la santé sont requises dans toutes les propositions législatives.
Adapter les stratégies pour faire face aux inégalités sociales de santé
À mesure que les pressions économiques s’accentuent et que les coûts des soins de santé augmentent, le risque d’exclusion s’accroît, laissant souvent de côté ceux dont les besoins sanitaires sont les plus grands. Il s’agit d’abord et avant tout de donner les mêmes chances à tous de développer et maintenir un bon état de santé et les capacités maximales à mener une vie de qualité satisfaisante.
Favoriser l’accessibilité et veiller à une bonne couverture territoriale
Complémentairement à la lutte contre les inégalités sociales de santé, il importe également d’assurer une bonne couverture territoriale en matière de programmes de prévention et de promotion de la santé.
Veiller à l’efficience des actions et instaurer une culture d’évaluation continue
Au vu du contexte budgétaire actuel et de la diversité d’acteurs en promotion de la santé, les ressources disponibles doivent être utilisées le plus efficacement possible. De plus, pour répondre aux besoins de la population, il faut proposer des interventions pertinentes qui ont fait preuve de leur efficacité. Par conséquent, en Wallonie, la gestion et l’analyse de données de santé doit se concrétiser dans un système intégré de collecte et de traitement de données sanitaires.
Intégrer les priorités de santé dans une approche selon le parcours de vie
Il s’agit de mener des politiques cohérentes qui ciblent l’ensemble de la vie humaine, à tout âge toutes les générations confondues, et ne se contentent pas de répondre aux besoins et maladies spécifiques à des stades de la vie définis avec précision.
Intégrer les priorités de santé dans une approche selon un continuum
L’approche « parcours de soins » place la réflexion stratégique dans l’optique d’un continuum promotion de la santé/prévention des maladies/soins curatifs et réduction des risques/revalidation (accompagnement)/soins palliatifs, d’où faire en sorte qu’une population reçoive les bons soins par les bons professionnels dans les bonnes structures au bon moment, et au meilleur coût, en veillant à conserver l’ancrage de la personne dans son milieu de vie et en impliquant les proches dans les soins.
Renforcer l’action communautaire (bottom-up), promouvoir la participation citoyenne et l’empowerment
Il importe que tous les acteurs participent : les citoyens, les professionnels (de la santé et des autres secteurs), les institutions (publiques et privées) ainsi que les pouvoirs publics. Au niveau individuel, cette compétence passe par la littératie en santé : la possibilité de mobiliser ses ressources pour faire le meilleur usage possible des informations disponibles et du dialogue avec les professionnels. L’empowerment consiste à rendre à chacun la capacité de contribuer aux décisions dans le champ de sa propre santé et dans celui de l’action communautaire.
Développer le travail en réseau et le partenariat intersectoriel
L’intersectorialité favorise le décloisonnement, l’élargissement du cadre de référence, la mise en commun de ressources diversifiées, la coordination des actions menées au sein des différents secteurs ou encore la diffusion de messages cohérents (travail en réseau, partenariat intersectoriel et alliance entre services publics et monde associatif, concertation des différents niveaux de pouvoirs).
Créer des environnements favorables à la santé (milieux de vie)
Il faut prendre en compte les soins mais aussi un ensemble de déterminants sociaux qui contribuent tant à la prévention qu’à la restauration d’un bien-être. Les milieux de vie renvoient aux habitants, à leurs environnements quotidiens ainsi qu’aux dynamiques sociales dans lesquelles ils sont immergés.
Inscrire la promotion de la santé dans une perspective durable
Il est possible de recadrer toutes les actions envisagées selon les trois piliers reconnus du développement durable (social/sociétal, économique et environnemental), ainsi que selon les différentes composantes du système de santé (principalement prévention/promotion, soins et accompagnement) dans une matrice qui permet de mettre de la cohérence dans les politiques de santé et de vérifier pour chaque intervention la prise en compte des différentes dimensions.
Promouvoir l’innovation au service de la santé
Le domaine de la santé prône cette innovation qui, in fine, profitera à l’amélioration de la santé de la population wallonne. Ainsi, l’innovation peut être comprise comme étant une réponse nouvelle à une problématique ou à un besoin identifié en vue de l’amélioration de la santé de la population concernée. Aujourd’hui, un projet est pertinent par rapport aux enjeux actuels lorsqu’il ouvre également des perspectives pour le futur.
Un décret organisant le secteur de la prévention et de la promotion de la santé sera proposé avant la fin de l’année afin de définir les rôles et missions des différents acteurs de la santé qui interviendront dans l’exécution de ce plan.
Première constatation : là où, jusqu’en 2013, il était relativement simple d’obtenir les chiffres à la Fédération Wallonie-Bruxelles, c’est devenu beaucoup plus compliqué aujourd’hui après la 6e réforme de l’Etat. Les trois sources sont bien identifiées mais il faut aussi « pister » les montants transférés du niveau fédéral (prévention dentaire, plan national nutrition santé, achat des vaccins…). Le tableau ci-dessus ne prétend pas être tout à fait complet. Il donne néanmoins des indications crédibles :
les moyens ont augmenté, passant d’environ 43.000.000 à plus de 47.000.000 €, grâce en partie aux transferts « fédéraux » ;
le grand bénéficiaire de l’évolution institutionnelle est l’ONE qui hérite de 78,5% des moyens, pour environ 16% à la Wallonie et 5% à la Cocof bruxelloise.
Occasion de rappeler une fois de plus le caractère tout relatif de la régionalisation intrafrancophone ;
il y a une particularité en 2015 en Wallonie: certaines subventions n’ont pas été octroyées sur une année complète. L’objectif était de faire coïncider la date des subventions avec l’année budgétaire. Dès lors afin d’uniformiser les dotations, des subventions n’ont été accordées que sur le reste de l’année afin que l’année suivante on puisse redémarrer au 1er janvier ;
il semble aussi, en cumulant les trois dotations, que les quatre Services dits communautaires s’en tirent mieux que les autres opérateurs francophones…
Merci à François Claerhout, Émilie Delferrière, Alec de Vries, Vladimir Martens, Naïma Regueras et Tatiana Pereira pour leur aide.
Il y en a 9 en Wallonie et 1 à Bruxelles, ce qui explique la grande différence entre les deux montants.
Il s’agit de la subvention bruxelloise hors points d’appui EVRAS et assuétudes, qui se retrouvent dans les rubriques adhoc du tableau.
Un état des lieux de la mise en œuvre de la 6e réforme de l’État en matière de santé
De longues négociations ont débouché, en 2011, sur l’Accord papillon, qui a donné forme à la sixième réforme de l’État. Cet accord a un impact important sur les soins de santé. Il prévoit notamment le transfert de nombreuses compétences de ce secteur de l’autorité fédérale vers les gouvernements régionaux. L’accord est entré en vigueur le 1er juillet 2014.
Nous vous avons déjà longuement présenté dans Éducation Santé l’évolution du dossier dans le sud du pays. Mais quelle est la situation en Flandre? La Mutualité chrétienne a publié fin de l’an dernier un article très intéressant faisant un point complet sur cette matière particulièrement complexe. En voici deux extraits significatifs. Le premier a trait à l’élargissement de la politique de santé préventive au nord du pays et le second à l’impact important de la 6e réforme institutionnelle sur le travail mutuelliste.
Le contexte flamand
Suite au transfert complémentaire dans le cadre de la sixième réforme de l’État, les Communautés (ou Régions) sont pleinement compétentes en matière de prévention. Plus concrètement, il s’agit à présent du transfert de la prévention du tabagisme et du remboursement de l’aide à l’arrêt tabagique (financement axé sur les prestations des consultations chez des tabacologues ou des médecins reconnus). Dans l’enveloppe flamande actuelle, des moyens fédéraux supplémentaires sont apportés par le fonds tabac, pour l’aide à l’arrêt tabagique.
Toujours dans le cadre de la prévention, le nouveau projet flamand BOV ou ‘Bewegen op verwijzing’ (qu’on pourrait traduire par ‘bouger sur prescription’) est progressivement déployé en Flandre depuis septembre 2016.
Les éléments (transférés par la 6e réforme de l’État) dans le cadre de la prévention ne sont toutefois pas intégrés dans la Vlaamse Sociale Bescherming (protection sociale flamande). Ce sont dès lors les mutualités et pas les caisses de soins, qui se chargeront de la mise en œuvre.
Rôle pour les mutualités flamandes
La Vlaams Agentschap Zorg en Gezondheid (Agence flamande soins et santé) a demandé aux mutualités d’assumer la mise en œuvre des deux produits de remboursement du BOV et du sevrage tabagique. Elles élaborent pour ce faire un nouveau circuit administratif pour le remboursement en Flandre des tabacologues d’une part et le remboursement des ‘coaches BOV’ d’autre part.
Le nouveau système central, dont la gestion est assumée par le Collègue intermutuelliste national, réglemente le remboursement et soutient le compte rendu remis aux organisations partenaires pour le suivi de la politique.
Outre le remboursement, la MC collabore en tant que partenaire actif à cette politique de prévention sanitaire flamande.
Accompagnement au sevrage tabagique par des tabacologues
Jusqu’à présent, toute personne qui souhaitait arrêter de fumer demandait une intervention pour huit séances d’accompagnement au sevrage tabagique par un tabacologue reconnu. Ce système de remboursement fédéral était opérationnel jusque fin 2016. À partir de 2017, un nouveau système flamand est entré en vigueur avec de nouvelles règles et de nouvelles primes qui sont réglées par le principe du tiers payant. La Flandre adopte ainsi une politique de lutte contre le tabagisme globalement accessible, qui met l’accent sur l’arrêt, la prévention (ne pas commencer à fumer) et la lutte contre le tabagisme passif (ne pas fumer au travers des autres).
La gestion de cette politique est confiée à une organisation partenaire. La politique de sevrage tabagique, notamment Tabakstop et le remboursement des consultations, s’inscrivent dans cette politique. Les tabacologues et les coaches BOV doivent répondre à des critères qualitatifs (formation préalable, enregistrement, formation continue, intervisions, etc.) suivis par les organisations partenaires concernées.
Dans le nouveau système, les utilisateurs paient uniquement une participation personnelle. Cette participation est plafonnée et elle est différente pour les personnes bénéficiant ou non d’un droit à une intervention majorée. Il y a aussi une différence entre les sessions individuelles et de groupe.
Le calcul de la participation personnelle est réalisé en fonction de la durée de la session, exprimée en UTS, l’Unité de temps standard valant un quart d’heure. Une consultation de groupe compte pour un tiers dans le nombre d’UTS. Par exemple: une personne suit une session de groupe de 1h30. Cela correspond à 6 UTS, mais comme la session se fait en groupe, seules 2 UTS sont consommées. Un maximum de 28 UTS (7h) est financé par personne et par année calendrier. Un maximum de 4 UTS individuelles ou 7 UTS en groupe est financé pour une journée.
Bewegen op verwijzing avec les coaches BOV
BOV ou ‘Bewegen op verwijzing’ est un nouveau projet flamand qui sera progressivement déployé en Flandre. Il a pour objectif de faire pratiquer des activités physiques, sur avis médical, par les Flamands les plus sédentaires. Les généralistes peuvent renvoyer les patients exposés à un risque de santé accru vers un ‘coach BOV’. En concertation avec le participant, le coach recherche des possibilités d’activités physiques sur mesure dans le cadre de la vie quotidienne et/ou de l’offre d’activités locales régulières. Les consultations chez le coach BOV sont remboursées par les autorités flamandes par le biais d’un système de tiers payant.
BOV accorde une attention particulière aux participants vulnérables. Ce projet se fonde sur une collaboration intersectorielle au niveau d’une région de soin correspondant à une petite ville. Les administrations flamandes locales et autres peuvent introduire une demande auprès du LOGO le plus proche pour lancer une BOV dans la région. La gestion est confiée à l’organisation partenaire VIGeZ (Vlaams Instituut voor Gezondheidspromotie en Ziektepreventie). Plus d’infos: www.bewegenopverwijzing.be
Le calcul de la cotisation personnelle est effectué de la même façon que pour l’aide à la désaccoutumance tabagique. Dans ce contexte, un maximum de 16 UTS est financé par personne et par année calendrier.
Un fameux défi pour les mutualités belges
La Mutualité chrétienne se donne comme ambition de jouer un rôle incontournable dans le secteur de la santé au sens large. Au quotidien, cela se traduit par une veille active des politiques sociales et de santé afin de défendre les intérêts de ses membres. Cela implique également d’assurer une coresponsabilité assumée dans la définition, l’évaluation et l’évolution de celles-ci. Notre organisme assureur continue, quand cela est encore possible selon les différents modèles de gouvernance en Belgique, à cogérer les budgets ad-hoc. Enfin, nous restons aujourd’hui encore incontournables dans la gestion opérationnelle des différents dispositifs assurant le remboursement des soins.
La sixième réforme de l’État, et c’était inévitable, engendre des évolutions différentes selon l’entité fédérée dans laquelle on se trouve. Concrètement, un citoyen néerlandophone, bruxellois, wallon ou germanophone ne bénéficiera plus du même soutien en matière d’aide et de soin.
C’est un fait; dont acte.
Nous devons constater que différents systèmes de protection sociale sont en passe d’être créés (par exemple pour la gestion des allocations familiales) et qu’une fragmentation de la solidarité en sera une des conséquences logiques. Un autre constat est la complexification pour nos membres, citoyens, patients, même si une simplification administrative est recherchée dans beaucoup de domaine.
Ce qui était moins prévisible par contre, ce sont les conséquences sur notre propre organisation interne si nous souhaitons poursuivre avec le même professionnalisme nos missions, à savoir tout mettre en œuvre pour que la santé, les soins de santé et de bien-être de qualité soient accessibles à tous.
Un rapide constat pour illustrer notre propos: assurer aujourd’hui le suivi politique des matières transférées implique l’investissement de nos collaborateurs auprès de six modèles de gouvernance différents et de pas moins de huit ministres. Et ce tout en veillant à une articulation avec ce qui se passe encore au niveau fédéral voire européen.
Le Collège Intermutualiste National (CIN), plateforme de concertation entre organismes assureurs, a depuis développé quatre sous-sections: Le VICO (Flandre), le CIN Wallonie-Fédération Wallonie Bruxelles, le CIN Bruxelles et enfin le CIN germanophone. Si nous souhaitons maintenir notre capacité d’influence et faire percoler notre projet, notre vision de la santé voire de la société, une action intermutuelliste est nécessaire et dès lors une implication active dans ces nombreux lieux est indispensable.
Une coordination politique interne spécifique a également dû être développée: néerlandophone d’une part et francophone-germanophone d’autre part. Cette coordination nécessite le déploiement de différents experts, collaborateurs politiques et de l’équipe de R&D. Progressivement, il faudra également veiller à l’accompagnement de nos différents mandataires dans les instances externes. À titre d’exemple, cela signifie la coordination de près de 40 mandats au sein de la seule AViQ…
Enfin, les politiques prenant des orientations différentes dans les quatre coins de notre pays, cela implique également des modalités d’intervention distinctes mais aussi des développements informatiques spécifiques et des collaborateurs supplémentaires pour en assurer la gestion. Pour les économies d’échelle, c’est raté…
Un enjeu important pour notre mouvement sera donc dans les années à venir l’adaptation de notre organisation à la poursuite de nos missions mais aussi et surtout la prise de conscience par le monde politique de la nécessité de dégager les moyens adéquats pour les poursuivre, que ces missions soient des missions politiques, de gestion ou de services.
Avec l’aimable autorisation de MC-Informations
Lire l’article de J. Bouvy, N. De Palmenaer, P. Hannes et L. Jauniaux, ‘Mise en œuvre de la 6e réforme de l’État en matière de soins de santé: état des lieux dans’ MC-Informations 266, décembre 2016.
C’est un consortium composé de la VRGT (Vereniging voor Respiratoire Gezondheid en Tuberculosebestrijding), de KOTK (Kom op Tegen Kanker), de STK (Stichting tegen Kanker) et du VIGeZ (Vlaams Instituut voor Gezondheidspromotie en Ziektepreventie). Cette organisation est donc le centre d’expertise des Autorités flamandes en matière de politique de lutte contre le tabagisme.
Lokaal Gezondheidsoverleg (Concertation locale sur la santé): 15 Logos en Flandre et à Bruxelles collaborent à l’élaboration de la politique de santé préventive et des objectifs de santé de la Flandre.
Lors des journées de réflexion et d’échanges autour du projet de société hérité de la Charte d’Ottawa, en novembre 2016 à Lyon, Christine Ferron, déléguée générale de la Fédération nationale d’éducation et de promotion de la santé (Fnes) en France, a pointé les lacunes du secteur en matière de plaidoyer, l’une des trois stratégies d’action plébiscitée par la charte. Qu’à cela ne tienne, il est toujours temps d’apprendre et de développer ses compétences individuelles et collectives.
Sous l’intitulé «Plaidoyer pour la santé», les rédacteurs de la Charte d’Ottawa ont inscrit cette phrase : «La promotion de la santé a précisément pour but de créer, grâce à un effort de sensibilisation, les conditions favorables indispensables à l’épanouissement de la santé.»
Un effort de sensibilisation, dites-vous? S’il n’en fallait qu’un, il y a longtemps que les valeurs et les principes de la promotion de la santé auraient conquis le monde, irrigué toutes les politiques publiques, convaincu chacun de la pertinence d’une approche globale de la santé prenant en compte ses multiples déterminants, conféré aux individus et aux populations les moyens de participer au déploiement de leur propre santé…
Force est de constater que nous n’en sommes pas là. Pas encore. C’est donc qu’un effort de sensibilisation n’a pas suffi et qu’il faut en faire d’autres. Plaider en faveur de la promotion de la santé, la défendre même, comme un avocat son client. Advocate, disent les anglo-saxons. Pour Christine Ferron, déléguée générale de la Fédération nationale d’éducation et de promotion de la santé (Fnes, France), plaider revient à «promouvoir le projet de société porté par la Charte d’Ottawa dans tous les espaces possibles : professionnels, personnels et dans toutes les instances où l’on est impliqué à quelque titre que ce soit, afin de faire entendre la conception et l’éthique de l’action en santé publique propre à promouvoir la santé.»
Un travail de tous les jours, notamment auprès des institutions et des élus, sur son lieu de travail et dans son environnement professionnel mais aussi dans la vie quotidienne avec les membres de sa famille, ses amis, ses relations. «On ne cesse pas d’être porteur de cette vision de la société quand on ferme la porte de son bureau le soir», s’amuse Christine Ferron.
Cependant, l’exercice, jamais terminé, peut user à la longue. «Au départ, nous pensions faire du plaidoyer pendant un temps puis qu’il deviendrait moins nécessaire parce que la culture de la promotion de la santé aurait infusé les actions et les décisions politiques. Nous nous serions alors positionnés plutôt en soutien. Or nous devons continuer, encore et toujours.
On a même parfois l’impression d’un retour en arrière autour de notions que l’on croyait acquises au niveau politique. Je pense par exemple à la prise en compte du gradient social ou encore aux calamiteuses campagnes de prévention par la peur, dont on sait pourtant qu’elles donnent des résultats très discutables et au sujet desquelles il n’y a même pas de débat !»
Doucement mais sûrement
Il y aurait de quoi baisser les bras, à moins d’y regarder de plus près. «Tous les événements organisés en 2016 autour des 30 ans de la Charte d’Ottawa ont rassemblé des centaines de personnes», rapporte Christine Ferron. «Cet intérêt manifeste m’incite à penser que le soufflé n’est pas retombé et que les efforts portent.»
Il y a aussi toutes les dynamiques contribuant à la reconnaissance de la promotion de santé comme démarche efficace, pertinente et utile pour améliorer la santé des populations, à l’instar des travaux sur la promotion de la santé fondée sur des données validées par la recherche ou l’expérience, des initiatives en faveur du partage et de l’application des connaissances (PAC), ou des appels à projets récurrents en recherche interventionnelle [1].
Autant de raisons de croire que le plaidoyer porte ses fruits, doucement mais sûrement, et que cela vaut la peine de s’accrocher. Pour autant, les tentatives pour faire entendre la voix de la promotion de la santé ne sont pas toujours concluantes. Les membres de la Coalition Promotion Santé française créée en 2013 au moment de l’élaboration de la stratégie nationale de santé en savent quelque chose, eux qui se sont essayé au plaidoyer politique à l’échelon national. La Fnes en faisait partie, parmi d’autres associations d’horizons divers mais partageant valeurs et principes d’action. La coalition a rédigé un manifeste qui a été transmis à la ministre de la Santé avant d’être diffusé dans les régions. Puis la loi de modernisation du système de santé français a vu le jour et il a bien fallu regarder la réalité en face : «Il y a des avancées en matière d’actions sur l’environnement et de réglementation. Ceci dit, le résultat est décevant par rapport aux ambitions que nous portions, autour de l’intersectorialité et des approches territoriales notamment.»
Limiter le nombre de messages
Le message n’est probablement pas bien passé, ou n’était pas audible, ou s’est heurté à d’autres messages plus forts, plus clairs ou plus convaincants que lui.
« On n’est pas bon sur les messages”, reconnaît Christine Ferron. «On veut trop en dire, ne rien omettre des orientations que nous portons, et cela nous dessert.»
Et si le secteur ne devait porter que deux messages? «Le premier valoriserait les approches par milieux de vie. Le second mettrait en avant, preuves scientifiques à l’appui, l’intérêt qu’il y a à investir dans la promotion de la santé pour économiser des fonds publics et maintenir la soutenabilité de notre système de soins.»
À défaut de convaincre dans les ministères, le plaidoyer auprès des élus, quel que soit leur niveau d’exercice du pouvoir, reste utile en vue d’atteindre une masse critique et d’infléchir les politiques. «On sait que les élus parlent aux élus et qu’ils sont les mieux placés pour montrer à leurs homologues que c’est faisable.»
Quant au plaidoyer auprès des populations, rien de tel que les rencontres de terrain pour lui donner corps. «C’est ce que font chaque jour un grand nombre d’acteurs de proximité, parfois sans le savoir : les enseignants, les référents santé des missions locales, les éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse, les travailleurs sociaux, etc.» À chaque fois que l’un d’eux invite un groupe à réfléchir sur ce qui produit de la santé ou au contraire la met en péril dans le milieu de vie où il exerce, il distille un peu de promotion de la santé.
Les réseaux sociaux constituent un outil de communication qui pourrait également être mis à contribution, à condition de s’en servir habilement. «Nous avons tout à apprendre dans ce domaine», concède Christine Ferron. La Fnes réfléchit actuellement à une expérimentation de participation citoyenne et de démocratie en santé faisant appel aux réseaux sociaux et s’interroge sur la pertinence d’ouvrir un espace étiqueté promotion de la santé. «Ce terme n’est ni compréhensible ni fédérateur. Sans doute serait-il plus judicieux de nous greffer sur des communautés numériques déjà constituées et qui portent en germe, sans le savoir, une démarche de promotion de la santé.»
La section de promotion de la santé du Conseil consultatif bruxellois francophone a décidé d’émettre un avis d’initiative contenant des points d’attention et des recommandations concernant la confection du futur plan quinquennal de promotion de la santé et de réduction des inégalités sociales de santé ainsi que des appels à projets/candidatures qui en découleront.
Ce plan est prévu par Décret relatif à la promotion de la santé en Région de Bruxelles-Capitale adopté en février 2016 par l’Assemblée de la COCOF. Il constitue le «document de référence présentant l’ensemble des objectifs, des programmes et des approches stratégiques prioritaires définis par le Collège» pour «améliorer l’état de santé de la population et réduire les inégalités sociales de santé».
La section se réfère au texte du décret qui précise les contenus à traiter par le futur plan et les stratégies de promotion de la santé à prioriser.
Au cœur des réalités de vie de la population, les inégalités sociales sont en augmentation constante en Région bruxelloise et impactent lourdement la santé; le secteur veut souligner la nécessité d’une réponse ambitieuse, rappelle la pertinence de la promotion de la santé à y contribuer, et insiste en conséquence pour que les moyens soient accordés à la hauteur de cet enjeu.
Méthode
Un groupe de travail interne à la section a été mis en place pour préparer l’avis.
Un questionnaire en ligne a été envoyé à l’ensemble des membres de la section. Ce questionnaire les interrogeait individuellement et nominativement sur leurs attentes à l’égard du plan de promotion de la santé et sur les critères de qualité d’un tel plan. Le questionnaire invitait également les répondants à identifier un ou des experts (en planification par exemple), en Belgique ou dans les pays limitrophes, susceptibles d’être contactés comme personnes ressources pour l’élaboration du plan.
Les réponses à ce questionnaire ont été étudiées par le groupe de travail et soumises ensuite à la discussion plénière de la section (séance du 10/11/2016).
L’avis a été rédigé sur la base de ces deux sources (analyse des réponses au questionnaire et discussion en plénière) puis approuvé par la section (séance du 9/12/2016).
Points d’attention et recommandations
Cet avis est structuré sur la base des différentes dimensions habituellement attribuées à une planification des interventions en promotion de la santé. Ces niveaux ne sont évidemment pas cloisonnés; construire un plan cohérent et global implique de veiller à leur articulation et à leur liaison interactive.
Dimension politique
La section recommande que le plan soit construit sur l’analyse des déterminants environnementaux, sociaux, éducationnels et institutionnels qui ont un impact sur la santé des Bruxellois.
En conséquence, la transversalité et l’intersectorialité doivent impérativement être au cœur des fondements stratégiques du plan puisqu’une série de déterminants concernent d’autres politiques (régionales, communautaires et fédérales, mais aussi européennes) et d’autres secteurs d’activité susceptibles d’avoir une influence déterminante sur la problématique (par exemple éducation, emploi, égalité des chances, logement, soins et ambulatoire, environnement).
La section ne peut donc qu’insister sur la nécessité, déjà prévue par le Décret, d’articuler le plan de promotion de la santé aux autres plans existants et à venir (en particulier le plan santé bruxellois de la COCOM) et d’assurer des modalités de coopération entre la promotion de la santé et d’autres niveaux ou domaines de compétence politique.
Par conséquent, le plan se doit d’être un outil compréhensible (lisible) et appropriable par les autres secteurs et les diverses instances (inter)ministérielles. Le plan devra aussi faire l’objet d’une large diffusion (visible).
La gestion des espaces audiovisuels gratuits par les différentes entités doit, dans ce but, trouver à être consolidée et valorisée pour promouvoir les stratégies et actions du secteur.
Dimension stratégique
Le plan constitue un cadre de référence pour les acteurs de la promotion de la santé en Région bruxelloise, d’abord pour ceux qui sont subventionnés par le Décret et ensuite pour ceux qui ne sont pas subventionnés mais qui peuvent contribuer à sa mise en œuvre. La section attend du plan qu’il contribue à une meilleure santé – dans toutes ses dimensions – des Bruxellois dans une visée de réduction de l’impact des inégalités sociales de santé. Le plan doit pouvoir défendre une vision ouverte et positive de la santé.
La section recommande que le plan, d’une part fasse figurer les principes spécifiques de promotion de la santé (en complément du décret) et d’autre part, traduise ces principes à un niveau opérationnel.
Le plan doit notamment mettre en avant:
une approche par déterminants de santé qui vise un changement des conditions de vie ayant un impact sur la santé;
la notion d’équité en santé en invitant à prendre en compte de manière systématique le gradient social (les désavantages sociaux) et les besoins de publics prioritaires;
la participation des usagers et plus largement des citoyens en favorisant leur capacité d’agir (empowerment) individuellement et collectivement.
La section recommande que le futur plan soit fondé sur l’analyse des spécificités bruxelloises concernant les besoins, les publics et les environnements (par exemple l’accroissement des inégalités sociales de santé et de la dualisation sociale, augmentation des populations jeunes et vieillissantes, enjeux liés au multiculturalisme).
Le plan doit permettre de développer une approche de santé globale et multifactorielle, mais aussi rationnelle et cohérente en vue d’assurer une couverture populationnelle et territoriale suffisante. Le plan doit ainsi assurer la complémentarité entre des actions globales et locales/spécifiques et des approches généralistes et thématiques.
Pour cela, le plan doit prendre en compte l’ensemble des publics et des secteurs géographiques de la Région. Il doit cependant porter une attention particulière aux populations vulnérables et précarisées. Il sera attentif aux zones en difficulté, où les besoins sont importants alors que le tissu psycho-médico-social est insuffisant pour y répondre. Il ira à la rencontre des problématiques émergentes pour leur prise en considération.
Dimension programmatique et opérationnelle
La section estime que le plan devrait atteindre un niveau d’opérationnalité suffisant en donnant un cadre et des directions pour sa mise en œuvre. La période de cinq ans du plan est relativement courte pour mesurer des effets probants en termes de santé. C’est pourquoi la section recommande que le plan énonce des objectifs généraux qui se situent davantage à un niveau d’objectifs intermédiaires réalistes, faisables et évaluables, plutôt qu’à un niveau plus haut de santé publique (avec mesure d’impact). De plus, le plan doit s’inscrire dans un calendrier réaliste pour atteindre lesdits objectifs.
Le plan doit donc donner des indications et orientations concrètes en ce qui concerne:
les objectifs et les priorités pour améliorer la santé des Bruxellois;
les domaines/secteurs d’intervention;
les niveaux d’intervention et leur coordination;
les leviers à activer (stratégies et types d’action attendues).
En même temps, le plan devrait assurer une certaine souplesse dans les propositions de mise en œuvre que les opérateurs pourront soumettre, en laissant une place à l’initiative nécessaire pour s’adapter aux spécificités locales, mais également une place à l’émergence de pratiques innovantes.
La section insiste pour que les ambitions du plan soient assorties des moyens nécessaires à sa réalisation; il y va de sa faisabilité. Ces moyens sont financiers, mais portent également sur les connaissances, les capacités d’évaluation, la formation et l’échange de pratiques. Le plan devrait notamment permettre d’identifier là où des ressources supplémentaires sont requises. De plus, le plan devrait indiquer précisément quels sont les processus et critères d’allocation et/ou de renouvellement des ressources.
Pour éviter de fragiliser les acteurs de promotion de la santé, une attention particulière doit être portée sur l’impact du calendrier de confection et de démarrage du plan sur la gestion des ressources humaines. Sa mise en place doit garantir les conditions de continuité des services et des programmes ainsi que le maintien des emplois pendant la transition. En particulier, les modalités de mise en place du nouvel organigramme dépendant du plan veilleront à épargner le recours aux préavis conservatoires.
En matière d’évaluation des projets portés par les acteurs et services, il s’agit d’évaluer non seulement les effets mais également les processus. La section recommande une évaluation continue sur la base d’outils construits en concertation. Ceux-ci comprendront des critères et indicateurs tant quantitatifs que qualitatifs, et progressivement des standards de qualité d’une intervention/démarche de promotion de la santé.
À propos de la méthodologie d’évaluation du plan lui-même, la section estime que cette question cruciale doit être abordée dès la construction du plan et être co-construite avec les acteurs. La section recommande que plusieurs critères de qualité soient retenus dans l’évaluation du plan:
la prise en compte les inégalités sociales de santé;
la participation des publics et populations concernées;
l’actualisation du plan en fonction des avancées et évolutions (un plan évolutif);
l’articulation du plan avec les autres plans et politiques s’appliquant sur le territoire bruxellois.
Dimension ‘projet’
Concernant les appels à projet, la section estime que le plan devrait préciser que le terme ‘projet’ peut désigner aussi bien des projets ponctuels que des programmes d’action.
Conformément aux priorités du plan et à la complémentarité des axes stratégiques de la Promotion de la santé (Charte d’Ottawa), la section préconise une certaine diversité quant au type de projets pouvant être soutenus: outre des actions en direction des publics cibles, des actions impliquant les usagers ou la participation de populations, d’interventions visant les individus ou les environnements sociopolitiques, d’approches de type généraliste ou thématique et des projets de plaidoyer, de recherche, de formation des acteurs et d’échanges de pratiques devraient pouvoir être financés.
Pour être pertinents, les stratégies, objectifs, méthodes et priorités du plan doivent correspondre à des problématiques identifiées et documentées par des études scientifiques, des diagnostics communautaires, des données expérientielles (expertise du terrain et vécu du terrain (des usagers, des citoyens)), tant quantitatives que qualitatives.
Dans le plan, les objectifs, les thématiques et publics prioritaires devraient être précisés mais sans exclusivité afin de permettre l’émergence de propositions innovantes. Il en est de même pour la diversité des stratégies et des méthodologies.
Avis émis le 9 décembre 2016 par la section Promotion de la santé du Conseil consultatif bruxellois francophone
Le Gouvernement wallon a décidé de pérenniser les Réseaux Locaux Multidisciplinaires (RLM) et d’élargir leurs missions afin de pouvoir continuer d’organiser au mieux la collaboration entre les patients souffrant d’une maladie chronique, leur médecin généraliste, leur spécialiste et les autres professionnels de la santé.
Initialement, les RLM étaient des projets-pilotes de l’INAMI qui avaient pour objectif de gérer les ‘trajets de soins’ de deux maladies chroniques, le diabète et l’insuffisance rénale. Lors de la 6e réforme de l’État, cette compétence a été transférée aux Régions.
Après une large concertation avec ce secteur, le Ministre Prévot a proposé aux RLM de pérenniser leur action et d’assurer leur continuité dans le cadre d’une convention pluriannuelle de 3 ans s’étalant du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019, moyennant un plan d’action pluriannuel décliné par chaque RML.
Au-delà de maintenir ces structures, la volonté du Ministre est de faire évoluer leurs missions pour que les patients de toutes les maladies chroniques puissent aussi être au cœur de ce dispositif. Les pathologies liées aux maladies cardio-vasculaires, respiratoires… seront donc progressivement aussi concernées.
De plus, leurs tâches ne seront plus uniquement centrées sur la logistique des ‘trajets de soins’ et s’élargiront progressivement à d’autres actions afin d’être encore plus efficaces. Concrètement, les RLM devront développer, en collaboration avec les autres acteurs existants, des activités de prévention, en y incluant les aidants proches, de l’empowerment du patient, davantage de concertation et de coordination entre les différents acteurs de la santé, y compris des échanges de bonnes pratiques, et le développement d’une culture de qualité, conformément au rapport du Centre fédéral d’expertises des soins de santé KCE.
Le budget consacré par la Wallonie au fonctionnement des 12 RLM s’élèvera à 1.652.000 € pour la première année de la convention pluriannuelle.
Pour Maxime Prévot, si l’objectif principal des RLM est clairement d’améliorer la prise en charge des patients atteints de maladies chroniques, le soutien qu’ils apportent à la première ligne de soins est incontestable. Par la philosophie de réseau et de multidisciplinarité qu’ils véhiculent, les RLM facilitent, dans l’intérêt du patient, la communication et les collaborations entre chaque intervenant.
Cette décision constitue un pas supplémentaire dans la concrétisation de la note cadre sur l’organisation de la première ligne des soins de santé et dans l’avancée d’une vision intégrée de la santé.
Le Gouvernement wallon, sur proposition du Ministre de l’Action sociale et de la Santé, a approuvé un projet d’arrêté portant sur l’hébergement des personnes en difficultés sociales. Outre la création de nouveaux abris de nuit, de nouvelles maisons d’accueil pour femmes victimes de violence conjugale verront également le jour en Wallonie.
Davantage d’abris de nuit, mieux soutenus et mieux répartis
Actuellement, la Wallonie compte 8 abris de nuit pour une capacité d’accueil totale de 166 places agréées. Concentrés le long de la dorsale wallonne, ces abris de nuit ne permettent pas de répondre de manière adéquate aux besoins et attentes en matière d’hébergement d’urgence sur l’ensemble du territoire wallon.
Face à ce constat, le Ministre Maxime Prévot a proposé au Gouvernement wallon de soutenir la création de 5 abris de nuit supplémentaires, soit au minimum une soixantaine de places complémentaires qui seront mises à disposition en 2018 au plus tard.
L’objectif est de compter au moins un abri de nuit dans chaque province wallonne ainsi que dans chaque ville de plus 50.000 habitants. Autrement dit, 5 abris de nuit supplémentaires seront situés à Verviers, Tournai, Mouscron, un dans le Brabant wallon et un en province de Luxembourg, plus que probablement à Arlon.
Le Gouvernement wallon a également approuvé le financement additionnel qui permettra de pérenniser le fonctionnement des abris de nuit. Désormais, en plus de diverses subventions (plan de cohésion sociale, emplois APE…), les abris de nuit seront financés sur base d’un montant forfaitaire par place agréée. Outre la pérennisation de leurs activités sur le long terme, ce financement améliorera l’accompagnement social des citoyens en difficulté. Au total, ce sont 500.000 € supplémentaires qui seront dégagés annuellement. En contrepartie, les acteurs de terrain s’engagent à ouvrir les abris de nuit au minimum 8 mois par an en ce compris les mois concernés par le Plan Grand Froid (du 1er novembre au 31 mars).
Au moins 3 maisons d’accueil en plus pour femmes victimes de violences conjugales
À l’heure actuelle, 15 maisons de ce type existent déjà sur le territoire wallon. La Wallonie mobilisera les moyens budgétaires nécessaires pour encourager la création d’au moins 3 nouvelles maisons d’accueil supplémentaires au 1er janvier 2017. Ce sont dès lors 165.000 € de subsides additionnels qui seront dégagés dans le cadre de la politique wallonne en matière de santé et d’action sociale.
À terme, le budget devrait permettre de faire passer le réseau d’accueil des femmes victimes de violence conjugale à 24 maisons d’accueil, réparties au prorata de la population des 5 provinces wallonnes.
Aide alimentaire
Le Gouvernement wallon a aussi validé l’avant-projet de décret visant à pérenniser l’action des épiceries sociales et des restaurants sociaux auprès des personnes en situation de précarité.
Les épiceries sociales et les restaurants sociaux jouent un rôle essentiel en matière lutte contre la précarité, une des priorités du Gouvernement wallon. Ces structures favorisent la réinsertion sociale des personnes précarisées en leur permettant de bénéficier de repas à un coût réduit et d’un accès à des produits alimentaires et d’hygiène de qualité à un prix inférieur à celui pratiqué dans le circuit commercial.
Ces deux démarches s’inscrivent pleinement dans une dynamique de responsabilisation des personnes en situation de précarité en leur donnant les moyens de gérer elles-mêmes leurs achats ou de participer aux frais d’un repas, bases qui leur permettront de retrouver la dignité.
Partant du constat que le secteur de l’aide alimentaire est morcelé en de nombreuses petites structures, le Ministre Maxime Prévot a proposé au Gouvernement wallon d’adopter un décret visant à:
renforcer la concertation entre les acteurs de terrain au sein d’une coupole participative. Les moyens à disposition des associations pourront ainsi être renforcés et optimisés par la mutualisation et la recherche de moyens additionnels;
soutenir les opérateurs dans la formation des travailleurs et des bénévoles pour améliorer l’accueil et l’accompagnement des personnes précarisées;
encourager une alimentation saine, équilibrée et de qualité;
limiter le gaspillage alimentaire;
etc.
Afin de pérenniser le fonctionnement des épiceries sociales et restaurants sociaux, ils recevront un financement annuel complémentaire en portant la subvention que la Wallonie leur consacre à 935.000 € annuels. Ce budget garantira ainsi leurs activités sur le long terme et l’amélioration de l’accompagnement social des citoyens les plus fragilisés.
Maxime Prévot se réjouit de pouvoir donner de l’oxygène aux épiceries sociales et restaurants sociaux en pérennisant leur financement: «Ces associations réalisent un travail de terrain essentiel pour les personnes précarisées: elles créent du lien et en font des acteurs de leur propre réinsertion sociale.»
Voici un courrier adressé le 14 octobre 2016 à Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales et de la santé en France. Son contenu pourrait s’appliquer à notre pays…
Madame la Ministre,
À votre demande, l’Institut national du cancer vient de rendre public, après une concertation du grand public et des parties prenantes, le rapport de la Concertation citoyenne et scientifique sur l’actuelle politique de dépistage organisé du cancer du sein. Celui-ci rejoint, en les actualisant, les constats dressés par de nombreux acteurs indépendants.
Ce rapport fait notamment le constat que le dépistage des cancers du sein fait l’objet d’une controverse scientifique et non d’un consensus, que ce soit sur la réalité ou l’importance des bénéfices attendus ou sur l’importance de ses effets indésirables, liés aux sur-diagnostics et sur-traitements, initialement sous-estimés.
Il souligne la nécessité de poursuivre les recherches scientifiques pour essayer de lever les incertitudes actuelles. Le document insiste également sur le déséquilibre de la communication à destination des femmes en âge de participer au programme, qui relève davantage de l’injonction que de l’information, spécialement la campagne ‘Octobre Rose’ et ses déclinaisons.
Le rapport émet de nombreuses autres propositions, et notamment: une évaluation du dispositif qui se penche sur la question du surdiagnostic et du surtraitement; l’arrêt des dépistages chez les femmes âgées de moins de 50 ans sans facteur de risque; l’arrêt ou la transformation profonde du dépistage organisé chez les femmes âgées de 50 ans ou plus. L’idée est d’établir des grilles de risque permettant de personnaliser la décision de dépister ou de ne pas dépister, et de faire passer l’information par les médecins généralistes.
Ce rapport appelle naturellement des actions fortes, et c’est pourquoi nous accueillons favorablement l’annonce par votre Ministère, d’ici la fin de l’année, d’un plan de rénovation du dépistage organisé du cancer du sein. Dans ce cadre, nous souhaiterions attirer votre attention sur deux points qui doivent constituer, à notre avis, le fondement de cette politique: le droit des femmes à un choix libre et éclairé de s’inscrire ou non dans les démarches de dépistage organisé; la prise en compte de l’absence de consensus scientifique à propos du dépistage et des critiques de la Concertation citoyenne et scientifique sur son organisation. Ce droit et cette prise en compte n’auront de réalité qu’à deux conditions.
D’une part, l’information disponible, tant pour les femmes que pour les professionnels de santé, doit être rendue plus objective, en présentant aussi bien les avantages que les inconvénients du dépistage, à partir des données de la science, recensées par exemple dans le rapport de la Concertation citoyenne et scientifique.
D’autre part, les médecins doivent être mis en situation de délivrer une information non biaisée à leurs patientes. Cela suppose une formation adéquate des professionnels de santé concernés, afin qu’ils soient en mesure d’expliquer la controverse, les effets indésirables et les inconnues du dépistage. Par ailleurs, il est indispensable que soit retiré des critères de la rémunération sur objectifs de santé publique des médecins généralistes le niveau de participation de leur patientèle au dépistage du cancer du sein. C’est seulement ainsi que les femmes pourront en toute confiance se tourner vers leur médecin pour discuter de leur choix, comme elles sont déjà 56 % à le faire.
Paul Aymon, Porte-parole du groupe PRINCEPS, Alain Bazo, Président de l’UFC-Que Choisir, Dr Cécile Bour, Membre fondatrice du Collectif Cancer Rose et Bruno Toussaint, Directeur éditorial de Prescrire
La MC, dans le périmètre de la revue Education Santé, utilise des cookies sur ce site web pour rendre votre expérience de navigation plus agréable et pour adapter le contenu à vos besoins et préférences. En utilisant des cookies, la MC peut utiliser les informations collectées à des fins d’analyse, pour améliorer l’expérience utilisateur.
Accepter les cookies nous aide à faire évoluer la revue et améliorer son contenu en promotion de la santé.
Ce site n’est pas à vocation commerciale et ne comprend pas de publicité.
En acceptant un ou plusieurs cookies, vous acceptez que nous les utilisions comme indiqué dans cette politique concernant les cookies. Si vous acceptez l’utilisation des cookies, cet accord s’étendra à vos prochaines visites sur le site web d’Education Santé. De cette façon, vous n’avez pas à sélectionner vos préférences de cookies à nouveau. Si vous le souhaitez, vous pouvez modifier vos paramètres de cookies à tout moment.
Fonctionnel
Toujours activé
Le stockage ou l’accès technique est strictement nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de permettre l’utilisation d’un service spécifique explicitement demandé par l’abonné ou l’internaute, ou dans le seul but d’effectuer la transmission d’une communication sur un réseau de communications électroniques.
Préférences
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de stocker des préférences qui ne sont pas demandées par l’abonné ou la personne utilisant le service.
Statistiques
Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement à des fins statistiques.Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement dans des finalités statistiques anonymes. En l’absence d’une assignation à comparaître, d’une conformité volontaire de la part de votre fournisseur d’accès à internet ou d’enregistrements supplémentaires provenant d’une tierce partie, les informations stockées ou extraites à cette seule fin ne peuvent généralement pas être utilisées pour vous identifier.
Marketing
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire pour créer des profils d’internautes afin d’envoyer des publicités, ou pour suivre l’internaute sur un site web ou sur plusieurs sites web ayant des finalités marketing similaires.