Mars 2002 Par A.-M. PIRARD Lu pour vous

Comment faire du lieu où nous passons une grande partie de notre vie, notre logement, un espace propice à une bonne santé? Comment remédier au fait que tant de gens n’aient pas un logement décent? Ces questions sont au coeur du dossier ‘Ensanter l’habitat’ publié par la Fédération des maisons médicales et collectifs de santé.
Le rapport entre santé et habitat existe depuis les premières cavernes. Mais il connaît des développements nouveaux avec l’essor technologique. La Fédération des maisons médicales et collectifs de santé francophones aborde quelques aspects de cette vaste problématique dans un cahier spécial de son trimestriel, Santé conjuguée . Ce dossier se limite à l’habitat et à l’espace privé. Mais les relations qu’il entretient avec la politique de la ville, la santé mentale, les questions d’urbanisme, d’espace public et de santé communautaire seront abordées dans de prochains numéros.
Le champ d’analyse est déjà très vaste. En effet, ‘les conditions dans lesquelles se déroule la vie domestique influencent de manière non négligeable la santé et le bien-être des habitants’ constate Françoise Noël , directrice du Centre de recherche urbaine à l’ULB en conclusion générale à ce cahier qui traite de la santé dans son acception la plus large.

Alerte à la pollution

Elle rappelle que, selon l’OMS, les accidents (blessures accidentelles, intoxications, noyades, etc.) restaient les premières causes de décès chez les enfants de 4 à 14 ans en 1995 et que la majorité d’entre eux se déroulaient dans l’espace du logement. Elle note aussi que certains composants matériels agissent défavorablement sur la santé: exposition à l’amiante, exposition aux polluants chimiques ou biologiques (par exemple suite à un excès d’isolation ou un manque de ventilation). Enfin, elle met en cause les pollutions de l’air à l’intérieur du logement.
Le dossier détaille un certain nombre de ces problèmes: analyse des nuisances, rapport entre problèmes de santé et pollution intérieure, saturnisme infantile, intoxications au CO (monoxyde de carbone)… Il présente aussi une série d’initiatives destinées à rendre l’habitat plus sain: le projet Sandrine qui vise à prévenir les problèmes de santé liés à la pollution intérieure, le projet-pilote Ambulance verte mené au Luxembourg et dans quelques maisons médicales bruxelloises, en collaboration avec l’Institut bruxellois de la gestion de l’environnement, le projet Hector qui veut combler au plan communal le déficit de communication dans le domaine de la santé environnementale, etc.

Architecture, bien-être et santé

Le logement constitue aussi un élément clé sur le plan de la santé mentale et du bien-être psychologique. ‘Parler de son logement, en fin de compte, c’est parler de soi’ remarque encore Françoise Noël. Les permanences ‘logement’ sont d’ailleurs l’occasion pour de nombreuses personnes de parler de leur mal-être. Ne pas avoir de ‘chez soi’ agréable voire simplement décent constitue une souffrance d’autant plus grande que notre société privilégie fortement les valeurs d’intimité et d’épanouissement personnel et assigne au logement le rôle de ‘camp de base’, lieu privilégié du déploiement de la vie privée.
Dans la deuxième partie du dossier, plusieurs architectes se penchent sur ces différents thèmes: pour les auteurs, la santé devrait être l’affaire de tous et donc aussi des architectes (1). Les sujets abordés sont passionnants: comment concilier patrimoine historique et rôle du logement social, avec le cas concret de la cité Hellemans, à Bruxelles; le choix utopique (?) de l’habitat groupé; une approche de la distance fondamentale qui existe entre ‘loger’ et ‘habiter’ qui prend tout son sens quand on s’intéresse à l’impact de l’environnement immédiat sur la santé. Ces apports ouvrent des pistes de réflexion vraiment originales.

Les mal logés

Enfin, les problèmes cruciaux et souvent scandaleux qu’éprouvent certaines personnes à posséder un logement, entendu ici en son sens plein d’habiter, composent le troisième volet du cahier. Le thème est abordé sous des angles très différents: difficulté de vivre le lien de l’habitat avec le quartier et la ville, l’habitat comme facteur d’intégration, de marginalisation ou d’exclusion et dès lors vecteur d’épanouissement ou d’aliénation, rôle clé – mais exigeant humilité – des professionnels de la santé comme témoins et mobilisateurs. Et puis, la problématique décourageante du lien entre habitat et santé quand la pauvreté apparaît, difficulté pour les personnes vieillissantes de trouver un logement adapté, problèmes d’accès au logement d’une partie significative de la population et rôle de l’accompagnement social en matière de logement comme moyen de réinscription dans le milieu de vie.
Enfin, le cahier présente l’expérience menée à ‘L’Autre Lieu’ qui offre des possibilités d’accueil individualisées et chaleureuses aux personnes en difficulté.
Au total, un dossier très riche, très fouillé, bien au-delà des clichés et propos lénifiants trop souvent de mise en ce domaine.
A.M.P.
‘Ensanter l’habitat’, dossier spécial de Santé conjuguée n° 18 d’octobre 2001. Prix: 8,68 €. Numéro disponible à la Fédération des maisons médicales et collectifs de santé francophones, boulevard du Midi 25 bte 5, 1000 Bruxelles. Tél. : 02-514 40 14. Fax: 02-514 40 04. Courriel: fmmcsf@fmm.be. Site internet: http://www.maisonmedicale.org

(1) Sur ce sujet, signalons également la publication par Educa-Santé d’une enquête de la société Cooparch-R.U. sur l’intégration de la prévention des accidents dans les pratiques des architectes, qui s’inscrit dans un programme quadriennal de prévention des traumatismes et de promotion de la santé financé par la Communauté française Wallonie-Bruxelles. Renseignements: Martine Bantuelle, Educa-Santé, av. Gl Michel 1B, 6000 Charleroi. Tél.: 071-30 14 48. Fax: 071-31 82 11. Courriel: martine.bantuelle@educasante.org.