Août 2005 Par S. ZOMBEK Initiatives

En introduction à la première des 3 rencontres (voir ci-dessus), Serge Zombek, psychiatre et directeur d’Interstices CHU St-Pierre, président de la FEDITO bruxelloise, a synthétisé de maîtresse façon les enjeux actuels en matière de gestion du cannabis. Voici le texte de son intervention, légèrement modifié pour les besoins de la publication.
Je rappellerai le contexte de la rédaction de ces «pistes de réflexions» de la FEDITO Bruxelloise. L’enfer de la drogue est en partie aussi pavé des bonnes intentions des femmes et hommes politiques qui nous promettent, depuis fort longtemps, des changements significatifs dans la gestion des drogues et ce vers une politique annoncée comme toujours plus claire, plus cohérente, plus pragmatique, moins répressive, plus sociale et plus sanitaire, plus respectueuse des droits de chacun… Ne voyant toujours rien venir, la FEDITO bruxelloise a désiré sortir de sa réserve et a réussi le pari de produire une réflexion quasi consensuelle sur la question du cannabis.
Du document synthétique que vous avez étudié avec la plus grande attention, je me suis permis d’épingler quelques éléments qui me semblaient pouvoir interroger les secteurs de l’enseignement et de l’éducation que vous représentez: je les énumère presque en vrac, pardonnez-moi le style quelque peu décousu.
32% des 15-16 ans ont expérimenté et 16% consomment régulièrement du cannabis; il y a là de quoi nous rendre soucieux, d’autant que cette consommation est un phénomène qui tend à s’épuiser avec l’âge; les 14 – 25 forment ainsi la grande majorité des consommateurs.
Les adultes (parents et éducateurs de «seconde ligne» dirons-nous) nous interpellent à ce sujet et nous demandent informations, avis, aide et conseils… alors que les jeunes ne sont que fort rarement en demande de la moindre aide à cet égard… Il nous faut donc œuvrer à leur intention de façon moins frontale…
Deux mythes demeurent particulièrement « actifs » s’agissant de la population des plus jeunes, mythes qui doivent être impérativement déconstruits:
-la théorie de l’escalade à laquelle nous préférons celle non moins préoccupante mais d’une toute autre nature, la notion de porte d’entrée, sorte de contagion sociale de proximité;
-le syndrome a motivationnel , que l’on applique abusivement selon nous à une entité complexe faite de désintérêt, de dépressivité, de décrochage scolaire ou social, d’isolement relationnel, etc. dès que la consommation de cannabis y est associée.
Les dérives de nos sociétés ou leurs valeurs majoritaires participent largement au conditionnement des différents types de consommation des jeunes, dès lors plus ou moins «problématiques», vous remarquerez les guillemets: relâchement du lien social, étanchéité entre les sous-cultures, chômages et ghettos urbains, société à deux ou trois vitesses, rentabilité des rapports sociaux, consumérisme, culte de la performance, lutte des places, individualisme, hédonisme, etc.; la consommation de cannabis y sera tantôt réactive, tantôt s’y conformera de façon caricaturale.
Parmi les programmes que la cité ( polis en grec) met en œuvre à l’adresse de nos jeunes têtes de toutes les couleurs, la FEDITO continue à déplorer vigoureusement les interventions policières (répressives et/ou préventives) dans les écoles et autres lieux de rassemblement des jeunes.
Si l’on songe aux actions qu’il conviendrait de multiplier à l’adresse de cette sous-population particulièrement exposée, il est tragique de constater que 50 % des moyens en matière de drogues sont destinés à la répression, et 4 % seulement à la prévention!
Dans ce même registre, la FEDITO rappelle que le régime illégal d’un produit (comme le cannabis) n’influence en rien le nombre de consommateurs mais affirme au contraire que le maintien de sa pénalisation handicape l’éducation à et la promotion de la santé; en outre, c’est une redite, ce régime pénal favorise le contact des plus jeunes avec certains réseaux criminels. En résumé, le régime actuel, où tout est interdit, rend tout possible et donc le pire et ce particulièrement en ce qui concerne les plus vulnérables… à savoir les adultes en voie de développement.
C’est pourquoi la FEDITO pense que la dépénalisation assortie d’une légalisation et d’une réglementation précise, sont des options de nature à mieux prévenir les abus et les problèmes.
Enfin, deux des «cannapistes» que nous avons esquissées nous semblent particulièrement sensibles en ce qui concerne les «jeunes».
La première piste est celle de l’organisation de l’approvisionnement par l’Etat: à cet égard, nous suggérons la majorité légale à 16 ans comme pour l’alcool…
En ce qui concerne l’indispensable développement des programmes de prévention, il nous semble que des modules spécifiques pour les adolescents, centrés sur la prévention de l’usage «problématique», devront être impérativement mis en œuvre, entre autre par les acteurs que vous êtes.
Au nom de la FEDITO, je vous le demande solennellement, qu’en pensez-vous?
Serge Zombek