Rédigé par le GT Démarches communautaire
Une quinzaine d’institutions membres de la Fédération bruxelloise de promotion de la santé (FBPS) mettant en œuvre des projets de démarche communautaire se sont réunies pour générer une parole concertée sur les spécificités de la/des démarches communautaires dans le champ de la promotion de la santé. La principale ambition de cette note est de clarifier les spécificités et apports des démarches communautaires dans le champ de la promotion de la santé et de diffuser ces approches au sein des autres politiques de santé, plus particulièrement dans le cadre de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19. La crise actuelle est bien plus que sanitaire : elle est totale, car elle touche toutes les sphères de la société et de l’humanité. Au même titre que la santé est un fait social total : elle est la résultante de tous les facteurs qui définissent la société ( l’économie, le rapport à l’éco-système, l’habitat, l’insertion dans le tissu social, etc.)La situation sanitaire occasionnée par la Covid-19 a révélé une fois de plus que les déterminants sociaux de la santé (logement, conditions de travail, éducation, littératie…), moins pris en compte que les aspects médicaux dans la gestion de cette crise, sont pourtant essentiels pour réduire les inégalités en santé. En effet, cette non prise en compte des déterminants sociaux de la santé dans la première phase de la crise a eu de nombreux effets collatéraux : absence d’instances sociales pouvant faire « tiers », rupture de liens, sentiment d’angoisse et de solitude exacerbés, fracture numérique, etc. Et l’épidémie de Covid-19 frappe particulièrement durement les populations les plus précaires et nécessite une prise de responsabilité collective.Le rapport à l’Etat et aux communautés d’appartenance (communautés locales, culturelles, etc.) est également remis en question par la situation sanitaire et sa gestion : le confinement, les injonctions aux «gestes barrières » et à la restriction de sa « bulle sociale », sont autant d’épreuves qui ont fortement fragilisé le lien social, et impacté durement la population et les groupes les plus vulnérables.
Il est incontestable que la démarche communautaire en santé constitue une stratégie adéquate dans la gestion de la situation sanitaire. Ses spécificités méthodologiques sont en effet caractérisées par la mise en contact des individus, leur participation et leur implication dans le processus collectif mis en place. Il s’agit de rappeler la force du travail en groupe, une bonne proximité pour des dynamiques de groupe constructives permettant de faire émerger des solutions collectives face à des problématiques collectives. Si les problématiques actuelles sont totales, la démarche communautaire constitue bien une force par sa méthodologie concrète : meilleure adhésion des populations aux politiques de prévention, amélioration de l’adéquation des politiques de santé aux besoins des populations…
La/les démarches communautaires en santé consistent à travailler collectivement et de manière participative sur les déterminants de la santé afin de réduire les inégalités en santé et ainsi d’améliorer la santé de toutes et tous. Cette stratégie de travail est balisée par des repères méthodologiques qui permettent une large adaptation dans la mise en œuvre : les démarches communautaires en santé donnent lieu à de multiples mises en pratique, adaptées notamment aux contextes et aux besoins spécifiques des communautés concernées.Ces communautés, nous les définissons comme des regroupements de personnes partageant un sentiment d’appartenance à un « commun » qui peut être un territoire partagé et/ou des intérêts convergents et/ou des expériences de vie communes et/ou une même culture, etc. Ce sentiment d’appartenance peut également ne pas préexister au processus communautaire et se développer au cours de celui-ci.
Parmi les déterminants, les capacités de résilience individuelles et collectives et les compétences psychosociales sont des ressources qui doivent être renforcées, et sur lesquelles il est nécessaire de s’appuyer. Les projets de démarche communautaire contribuent au premier plan à les soutenir. Ces compétences psychosociales sont fortement sollicitées dans des situations de crise que nous traversons. Elles renforcent le recours à la ou aux communautés, qui jouent un rôle de « roues de secours » pour les individus tant pour gérer des situations angoissantes que pour se positionner sur un plan éthique, ou encore pour adopter de nouveaux comportements. Or ce recours à la communauté est questionné par la nature de la crise actuelle et sa gestion.La nécessaire récolte des besoins des publics, et de leurs ressources, de façon structurée à travers les diagnostics communautaires constitue un levier utile pour faire face à cette crise sanitaire. Ces diagnostics permettent en effet d’identifier les priorités des citoyen.nes et sont des cadres dont les différents pouvoirs (communaux, COCOF, COCOM, etc.) pourraient se saisir pour planifier leurs différentes réponses. La question du financement de ces instruments est donc centrale.L’évaluation participative partagée et permanente des politiques sanitaires et de leur communication est également un apport essentiel de la démarche communautaire dans la crise actuelle. Elle permet d’adapter continuellement la planification sanitaire aux nouveaux événements et obstacles identifiés par les publics concernés et de favoriser une meilleure adhésion à ces politiques et aux consignes sanitaires par l’ensemble des citoyen.nes.La participation au sein des démarches communautaires en santé s’inscrit dans un réel partage de pouvoir décisionnaire. Les opérateur.trices de la démarche communautaire en santé reconnaissent la capacité des communautés à être des acteurs responsables de leur propre santé. La « participation citoyenne » dépasse donc la consultation des communautés et de leurs besoins, ainsi que la formulation de propositions et de conseils. Elle implique les communautés dans un véritable partenariat où la prise de décision est négociée et partagée entre les communautés, les acteur.trices de terrain, les expert.es et les politiques au sein de structures décisionnaires réunissant toutes les parties prenantes.Alors comment cultiver cette force que constitue la stratégie communautaire, et pouvoir, dans le contexte actuel, transformer les nouveaux freins en atouts ? Autrement dit, si les actions basées sur la proximité physique entre les personnes sont aujourd’hui rendues difficiles, la distanciation physique ne constitue pas forcément une « distanciation « sociale » » contrairement à l’expression consacrée. Il s’agit là aussi d’être créatif.ves et de ré-inventer de la proximité, tant en présentiel que par les outils numériques.En dépit des difficultés qu’ont rencontrées et rencontrent encore actuellement les professionnel.les de la démarche communautaire en santé, force est de constater que le secteur a pu s’adapter durant la crise et fait preuve de « grande créativité », de « force de proposition » pour maintenir en tout ou en partie leurs activités, mais surtout les liens avec les participants de leurs projets, et initier de nouvelles activités, de nouveaux outils.Cette créativité vigilante en Région de Bruxelles-Capitale a donné lieu à la mise en place de permanences, de lignes téléphoniques de soutien auprès des publics, à la mise en place d’outils numériques et d’appropriation de ces outils, au transfert des campagnes et outils de prévention après adaptation aux spécificités des publics (traduction, mise en image, etc.), etc.Des collectifs citoyens se sont également spontanément mis en place et ont œuvré solidairement dès le cœur de la crise ; il y a lieu de s’en inspirer et de les soutenir en reconnaissant l’effet régulateur de la responsabilité collective. D’ailleurs, à l’échelon local, certaines communes ne se sont pas contentées d’appliquer les règles fédérales, elles ont utilisé leur pouvoir autonome pour activer, en fonction de leur contexte, des mesures qui leur semblaient plus adaptées parce qu’elles avaient pu entendre la parole des habitants qui ont ainsi contribué à l’orientation de ces décisions. Les assemblées délibératives prévues par la COCOF vont dans ce sens et constituent donc une belle méthodologie de participation citoyenne, à condition de veiller à ce que les plus vulnérables puissent y faire entendre leur voix.Il est d’ailleurs essentiel de ne pas se focaliser sur la seule épidémie de Covid-19 mais de poursuivre le travail sur les problématiques que nous rencontrons habituellement et qui s’avèrent cruciales dans la situation sanitaire actuelle : le lien social, l’urbanisme, le logement, les assuétudes, le sida, le diabète, la parentalité, etc.
Aujourd’hui, où mettre le curseur entre le risque épidémiologique que constitue le rassemblement de personnes et les gains en termes de santé publique de l’action communautaire (donc au rassemblement collectif) ?Les personnes les plus fragiles constituent justement les publics impliqués dans nos institutions (publics vulnérables, jeunes et 3ème âge, sans papiers, sans domicile, publics migrants, porteur.ses de pathologies telles que VIH ou diabète, etc.). La notion de « bonne proximité » ou de « proximité suffisamment bonne », à envisager différemment en fonction de chaque groupe, du contexte, de la vulnérabilité des participants, etc. est propre à la stratégie de démarche communautaire. Cette notion nous semble être un modus operandi à promouvoir dans la situation pandémique actuelle.La démarche communautaire génère de multiples effets salvateurs pour la santé tant au niveau individuel (compétences psycho-sociales, résilience, lutte contre le repli sur soi, bien-être et joie de vivre, etc.) qu’au niveau collectif (maintien des liens sociaux, lutte contre le repli communautaire, adoption des comportements dits « gestes barrières », expression des besoins pour une prise en compte dans la gestion de la crise sanitaire par les autorités, etc.). Il est nécessaire de développer des projets selon cette stratégie d’action et de promouvoir la démarche communautaire et la participation citoyenne dans tous les secteurs, et dans le décisions politiques. Et d’appliquer les stratégies de réduction des risques, pour permettre d’engranger les bénéfices de la mise en présence collective.A partir de ces constats, nous souhaitons reprendre ci-dessous les apports des démarches communautaires qu’il nous semble essentiel de développer, de soutenir ou de renforcer, d’autant plus dans cette situation de crise sanitaire au regard de décisions prises précédemment.
1. Gestion politique
Constats concernant la gestion politique de la pandémie et concernant les comportements des populations |
Apports des démarches communautaires à mettre en place ou à renforcer |
Moyens |
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2. Communication et effets sur la population
Constats concernant la gestion politique de la pandémie et concernant les comportements des populations |
Apports des démarches communautaires à mettre en place ou à renforcer |
Moyens |
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3. Aspect sociologique
Constats concernant la gestion politique de la pandémie et concernant les comportements des populations |
Apports des démarches communautaires à mettre en place ou à renforcer |
Moyens |
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4. Situation de pandémie
Constats concernant la gestion politique de la pandémie et concernant les comportements des populations |
Apports des démarches communautaires à mettre en place ou à renforcer |
Moyens |
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Conclusion
La méthodologie et les valeurs sous-tendues par cette démarche communautaire constituent l’apport essentiel que les promoteur.trices de démarches communautaires peuvent apporter dans les groupes de travail actuellement mis en place, notamment dans le cadre de la gestion de la pandémie mais aussi dans le cadre du Plan social santé intégré : nécessaire concertation intersectorielle avant toute décision, nécessaire concertation avec les publics concernés, en s’assurant de la présence ou tout au moins de la représentation des plus « vulnérables » dans cette concertation, notamment des plus isolés et/ou désinstitutionnalisés.
La démarche communautaire est un processus qui s’inscrit dans une vision à long terme afin d’agir sur les déterminants sociaux de la santé. Il est donc nécessaire de développer un financement structurel et pérenne des organismes et associations de démarche communautaire en santé parallèlement aux financements par projet.
Enfin, la mise en œuvre des démarches communautaires (maintien du lien avec la population, diagnostics et recueil des besoins, mises en place de stratégies locales et de stratégies adaptées aux besoins et aux contextes de vie, etc.) est et sera essentielle dans la gestion des crises climatique et socio-économique présentes et à venir. Cela nécessite un changement structurel qui pérennise la démarche communautaire dans toutes les institutions, à tous les niveaux de pouvoir et dans tous les secteurs.
Pour toute demande d’information supplémentaire:
- Coordination de la Fédération bruxelloise de promotion de la santé: coordination@fbpsante.brussels
- Pour le GT Démarches communautaire: Frédérique Déjou (asbl@lespissenlits.be) et Bruno Vankelegom (bruno.vankelegom@f-q-s.be)
Voir « Note mars 2017, GT Demcom FBPS, en vue du Plan de Promotion de la Santé ».
Cf Carte blanche 2020, FBPSanté
Andréa Réa, notamment, a démontré que les inégalités sociales de santé s’observaient aussi dans le cadre de la pandémie actuelle : https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/video-covid-19-et-inegalites-sociales-il-faut-en-finir-avec-la-moralisation-des- conduites_147197
Les différentes mises en œuvre constituent la raison pour laquelle certaines institutions préfèrent parler deS démarcheS communautaireS en santé au pluriel.
Cf Repères méthodologiques de la démarche communautaire in Brochure Sepsac réactualisée, téléchargeable : https://www.maisonmedicale.org/Action-communautaire-en-sante-un-outil-pour-la-pratique-2013.html
Pour cela, il est nécessaire d’accompagner les publics dans la capacité à s’approprier ces outils numériques pour ne pas renforcer les inégalités https://www.kbs-frb.be/fr/Newsroom/Press-releases/2020/20200828NDBarDigIncl?utm_source=newsletter&hq_e=el&hq_m=6285082&hq_l=6&hq_v=8ef52c5b7c