Par C. LEONARD Dossier

L’avènement d’un nouveau paradigme, la concomitance paradoxale de la responsabilisation du consommateur de biens collectifs et de sa nécessaire irresponsabilité comme consommateur de biens marchands

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Est-il responsable de s’interroger sur l’utilisation d’un mot, et donc d’un concept, aussi nécessaire, aussi fonctionnel, finalement aussi courant que celui de la ‘responsabilisation’? Qui pourrait en effet mettre en doute le bien-fondé des expressions adressées au chauffeur de voiture en état d’ivresse, à l’accro qui se ruine aux jeux de hasard, à l’adulte d’âge mûr qui quitte une famille nombreuse sur un coup de tête, au patron qui pille son entreprise avant de licencier ses employés? Tous irresponsables!
Qu’en est-il alors du cancéreux qui persiste à fumer, du cardiaque qui pratique un sport violent, de la personne obèse qui ne surveille pas son alimentation? Tous irresponsables!?
Que penser du sportif du dimanche matin qui a omis son check-up annuel, de la personne mince qui ne se soucie pas de son taux de cholestérol trop élevé, du jeune qui grille quelques cigarettes après les cours? Tous responsables? Mais responsables de quoi, envers qui et jusqu’à quel point?
Les politiques, à la recherche des moyens financiers pour compenser les réductions d’impôts et de cotisations sociales, semblent avoir trouvé la panacée: la responsabilisation des bénéficiaires des dépenses sociales et un jour sans doute, des dépenses publiques.
Nous tentons ici de clarifier ce concept, d’évaluer sa pertinence au regard des exigences d’efficacité et d’équité. Nous nous demandons si les effets de certains déterminismes ne sont pas tout simplement ignorés lorsqu’on en appelle à la responsabilité de celles et ceux qui sont, aussi, le fruit de rencontres, d’influences, de pressions souvent implicites et insidieuses qui les empêchent d’aboutir à cet individu réellement libre et responsable. Nous insistons sur les contradictions internes, sur les paradoxes d’une pensée néo-libérale et nous proposons une alternative à la dilapidation des ressources non renouvelables, de l’énergie humaine et d’une certaine manière de la nature humaine.
Nous lançons un appel à la sobriété dans la consommation quotidienne, comme réponse aux appels incessants d’une publicité liberticide. En cela, nous invitons chacun à prendre ses responsabilités de citoyen du monde, à s’engager dans une réelle fraternité avec nos contemporains et envers les générations futures.

Un contexte mondial porteur

On ne peut véritablement comprendre les tensions que subissent les systèmes sociaux sans faire un détour par le processus de mondialisation qui donne à la concurrence une nouvelle dimension d’expression. Le raisonnement est à présent bien connu, les échanges commerciaux avec les pays où un niveau très satisfaisant de la qualité de production s’accommode d’un faible coût salarial, contraignent les producteurs des pays industrialisés à délocaliser si la ‘charge’ salariale n’est pas réduite de manière drastique. Imperceptiblement, on est ainsi entré dans une vague de privatisation implicite dont la justification est également idéologique. Les réductions de recettes n’ont en effet pas pour seul but le rétablissement de positions concurrentielles, mais sont aussi la conséquence de volontés affichées plus ou moins ouvertement par les théoriciens de l’offre, voire par les adeptes d’idées libertariennes (2). Ce passage au néolibéralisme est d’autant moins perceptible qu’il s’accompagne des résistances qu’il suscite. Il s’agit d’un véritable paradoxe, énoncé par Pierre Bourdieu , pour qui la chute dans l’anomie (3) est justement évitée par toute une mobilisation d’institutions et agents de l’ordre ancien, dont l’action se fonde sur des valeurs de solidarités sociales ou familiales (4), en d’autres termes l’exercice de la solidarité empêche de percevoir les attaques dont elle est l’objet.

Le rôle de l’avènement de l’individualisme et de la solitude croissante

Les signes d’un individualisme croissant sont nombreux, et ce n’est pas l’action de nombreux bénévoles, dont le rôle est du reste très important, qui suffit à démentir une évidence acceptée par tous. Cet individualisme nous semble lié à la transformation du référent, de ce qui présente une valeur, de ce qui peut faire l’objet d’une recherche pour accomplir ce que l’on appelle une ‘vie bonne’. Depuis fort longtemps, des transcendances ont guidé l’homme dans cette quête d’une vie bonne. Les transcendances cosmologiques et ensuite théologiques ont fait place progressivement à la transcendance des utopies humanistes qui n’ont pu résister à une certaine forme de l’avènement de l’individu nietzschéen souverain (5), même si Nietzsche , qui n’accordait de l’importance qu’à la seule intensité de la vie, considérait comme une absurdité la notion de libre arbitre et l’aspiration du sujet concret à la responsabilité.
Ce sont peut-être les psychiatres et psychanalystes qui les premiers ont détecté ce basculement relativement brusque. Il y a quelques décennies encore, leurs patients les consultaient pour ce qui s’avérait être des sentiments de culpabilité.
La loi de Dieu et la loi des hommes dressaient, il est vrai, de véritables obstacles sur la route du futur pénitent. Progressivement, une société de l’interdit ou du permis a laissé la place à une société fondée sur la liberté, le «tout est possible». Ce qui n’est pas atteint est alors vécu comme un échec, la culpabilisation fait place à la responsabilisation et, dans les termes d’ Alain Ehrenberg , à ‘la fatigue d’être soi’. C’est-à-dire la pression de satisfaire aux standards de vie que les media déversent à longueur de journée, en nous proposant des exemples de réussites physiques, financières ou intellectuelles. Dans ce monde, quelle place reste-t-il pour le citoyen lambda, celui qui ne peut s’identifier à ceux dont on présente une réussite parfois indécente? Alain Ehrenberg considère que la dépression est «la pathologie d’une société où la norme n’est plus fondée sur la culpabilité et la discipline mais sur la responsabilité et l’initiative» (6). Il n’est alors pas étonnant que l’on ait versé dans une tyrannie de la performance car l’individu responsable n’a finalement pas le choix, il doit se prouver et prouver aux autres qu’il est capable d’utiliser au mieux sa liberté et, finalement, de se différencier d’eux.
Selon Eric Dupin (7) «tout se passe comme si le désir d’être comme les autres avait progressivement, mais fondamentalement, été remplacé par celui d’être différent des autres». (8)
Toutefois, certains auteurs, comme Alain Touraine veulent voir dans l’individualisme un moteur de libération de l’individu. Il serait ainsi salutaire, car au travers des droits individuels et associé à l’action rationnelle, il permettrait de rejeter «tout ordre social qui ne serait pas créé de ses propres forces et qui serait subordonné, par exemple, à une révélation divine» (9). C’est l’idée de modernité qui ne fait appel à aucun principe transcendant et qui, au contraire, affirme que la liberté créatrice de chaque individu est le bien suprême (10). L’auteur ajoute que «la destruction de l’idée de société ne peut nous sauver de la catastrophe que si elle conduit à la construction de l’idée de sujet, à la recherche d’une action qui ne recherche ni le profit ni le pouvoir ni la gloire, mais qui affirme la dignité de chaque être humain et le respect qu’il mérite» (11).
Qu’il est doux de rêver à cet individu-là! On retrouve une vision également positive de l’individualisme chez François de Singly , sociologue français, directeur du Centre de recherche sur les liens sociaux. Pour lui, l’individualisme est émancipateur car il désigne le refus de ‘tout enfermement identitaire involontaire’(12). Il est également créateur car il invite à l’édification d’un monde personnel, autonome, mettant en œuvre des normes que l’individu se donne’(13). De Singly reconnaît l’importance de la vie en société pour l’individu et surtout de la reconnaissance dont il a besoin pour se réaliser. On retrouve l’idée que la société de consommation rend l’individu trop hétéronome alors que l’individualisme vise à l’autonomie puisque les limites auxquelles l’individu singulier acceptera de contraindre sa liberté sont précisément celles qui soutiennent son autonomie. Cet individualisme devient un humanisme si les sources de reconnaissances permettent à la femme et à l’homme d’exister à titre personnel tout en étant rattachés à l’humanité. Nous restons cependant sceptiques quant à la capacité de tels individus à participer pleinement à l’humanité car il nous semble qu’ils instrumentalisent l’autre, celui qui leur apporte cette reconnaissance que l’apprentissage du don véritable rend finalement inutile.

Les modes de responsabilisation des consommateurs de biens et services collectifs – la promotion du ‘sanitairement et socialement correct’ et de l’hygiénisme

Parmi les critères de choix proposés pour établir des priorités en soins de santé, il en est un qui fait l’objet de nombreuses controverses, mais aussi d’un large support auprès des défenseurs du comportement ‘sanitairement correct’. Le concept de la ‘responsabilisation’ est, en effet, en raison de la multiplicité des interprétations dont il fait l’objet, l’instrument par excellence d’une réforme du système de soins (14). Il peut s’agir de responsabiliser les prestataires, les organismes assureurs ou les patients, et les exemples cités pour justifier de telles propositions relèvent souvent du bon sens. Aux Etats-Unis, les entreprises exhortent leurs employés à ‘faire attention à leur santé’ pour enrayer la hausse des coûts et donc des primes. Des hausses répercutées aux niveaux des salariés qui commencent à s’épier mutuellement pour détecter des comportements déviants pour la santé (15). En ce qui concerne le patient, on stigmatisera les ‘dérives ou abus de comportement’ (16) qui occasionnent des dégâts sur sa santé ‘largement tributaire de choix personnels’ (17). Ceux qui voudraient que les patients soient sanctionnés sous la forme d’une couverture moins importante des soins que leur ‘mauvais’ comportement a rendue nécessaire ignorent, mais l’ignorent-ils vraiment, que la santé est la résultante d’un ensemble de déterminants sur lesquels l’individu n’a pas une prise totale, loin de là. Le système de santé n’est pas la seule cible des défenseurs de la responsabilisation, les allocations de chômage se prêtent à merveille à ce jeu qui consiste à faire supporter aux victimes les décisions qui les dépassent.

La flexibilité, un ‘aiguillon’ stimulant pour l’emploi

Au Danemark (18), on insiste sur l’activation des chômeurs, les programmes de formation sont plutôt considérés comme des échecs. Les chômeurs qui refusent des emplois de manière injustifiée peuvent subir une interruption, temporaire ou définitive, du versement de leur allocation de chômage. Les employeurs peuvent licencier leur personnel sans difficulté, mais les allocations sont généreuses pour les personnes qui perdent leur emploi. Il s’agit du concept de ‘flex-sécurité’ qui semble séduire un nombre croissant de pays, mais dont l’aspect flexibilité l’emporterait sur celui de la sécurité. En effet, la loi ne fixe ni le salaire minimum, ni la durée de travail légale, elle n’assure pas le droit de grève et n’impose pas de modèle de contrat de travail. Les employeurs et les salariés négocient au niveau des branches ou même des entreprises et les conventions collectives couvrent 75 % des salariés. L’assurance chômage est généreuse pendant une durée limitée à 4 années au cours de laquelle le chômeur, qui a cotisé à une assurance spéciale et au moins travaillé 52 semaines au cours des trois dernières années, touche 90 % de son dernier salaire plafonné à 19.500 euros par an et cela sans dégressivité. Durant les six premiers mois du chômage, des programmes d’activation sont obligatoires. Le seul taux de chômage global qui est passé de 9,6 % en 1993 à 6,2 % en 2004 ne permet pas d’évaluer finement les effets d’un tel système, la flexibilité est en tout cas une réalité car 30 % de la main d’œuvre change de travail chaque année (19).
En Grande-Bretagne, la loi offre une telle flexibilité aux employeurs que la pratique tend à être plus stricte, par exemple la période d’essai peut légalement durer une année mais les contrats la réduisent à 3 ou 6 mois. Le licenciement est toutefois peu coûteux puisque l’employeur n’est redevable que d’une semaine de salaire par année d’expérience. En outre, il n’est pas nécessaire de prouver une quelconque difficulté au sein de l’entreprise pour justifier un licenciement et quant à la durée de travail, la Grande-Bretagne bénéficie d’une clause d’exclusion de la directive européenne en la matière qui établit une durée hebdomadaire maximale de 48 heures.
Quant aux allocations de chômage, inférieures à 75 euros par semaine quel que soit le dernier salaire, elles ne permettent pas de vivre décemment même si l’on doit y ajouter les aides sociales au logement (20). Voilà le prix d’un taux de chômage peu élevé! Il semble pourtant que la France se dirige également sur la voie de la flexibilité car le Conseil des ministres vient d’adopter les ordonnances du plan d’urgence qui prévoient notamment que les entreprises de moins de vingt salariés pourront procéder à un licenciement sans justification au cours des deux premières années de contrat (21). Une mesure, on s’en doute, qui réjouit le Medef (22) qui l’attendait depuis longtemps. Au vu de ces réformes, on peut se demander s’il existe ‘une autre voie que l’accroissement des inégalités et la réduction des protections, même transitoire, pour faire redémarrer la croissance et l’emploi’? (23)

La perspective de l’assistance, un épouvantail qui doit inciter à travailler

En Allemagne, depuis le 1er janvier 2005, les allocations de chômage sont versées pendant au maximum une année, et dix-huit mois pour les plus de 55 ans, avant d’être fusionnées avec l’aide sociale qui complète les revenus au niveau du minimum vital. On prend en compte toutes les ressources du ménage, son logement qui doit être adapté au statut de chômeur et l’épargne éventuelle pour déterminer le montant de l’intervention de l’assistance (24).
Les contraintes imposées par ce quatrième volet de la réforme du marché du travail, appelé Hartz IV, concernent 4 millions d’Allemands. Un journaliste de Hambourg s’est plongé dans la situation d’un chômeur allemand au cours de quatre semaines, il a pu vivre ou plutôt tenter de survivre avec les 345 euros réglementaires (25). En plus de ce montant, le loyer est pris en charge à concurrence de 318 euros par mois, ce qui incite chaque bénéficiaire ‘à ramener ses frais de logement à un niveau adapté’ selon la formule employée par l’agence fédérale pour l’emploi. Des chômeurs sont remis au travail, mais peut-on vraiment se réjouir qu’ils soient forcés à travailler pour espérer améliorer un quotidien qui leur permet tout juste de couvrir leurs besoins de base et qui les exclut de toute vie sociale? Comment pourrait-on éviter une certaine indignation quand un système ‘organise’ la paupérisation d’une part de ses membres? En effet, en 2003, le seuil de pauvreté s’établissait à 938 euros pour l’Allemagne (26), un seuil redoutable pourtant bien au-delà de l’assistance financière réservée aux chômeurs allemands.
Certains n’hésiteront pas à voir dans la réduction spectaculaire des ‘arrêts maladies’, une preuve de l’efficacité de ce type de mesures. En effet, suite aux premières mesures de la réforme du système de santé allemand, la durée moyenne de ces ‘arrêts maladies’ a connu une réduction spectaculaire, elle est passée de 14,3 jours à 13,4 jours sous la pression imposée aux prescripteurs. Sans doute les contrôles plus sévères ont-ils également joué un rôle. Mais il semble que le climat social et la peur de perdre son emploi constituent les déterminants les plus forts de cette évolution (27). De telles mesures suscitent évidemment une certaine grogne de la population et à l’approche des élections législatives anticipées (28), le Parti social-démocrate (SPD) a approuvé un manifeste qui maintient le cap des réformes mais y ajoute des mesures sociales correctives. L’avenir dira s’il s’agit d’une réelle volonté de changement ou d’un simple calcul politicien (29). La droite allemande a rapidement réagi en proposant un assouplissement des règles de licenciement pour les entreprises de moins de 20 salariés et une réduction des ‘charges’ sociales compensées par une augmentation de la TVA, l’impôt le plus injuste socialement (30).
En France, l’application du plan de redressement de l’UNEDIC d’une part, et la réforme de l’allocation spécifique de solidarité (ASS) d’autre part, vont présenter une partie de cette facture aux chômeurs et aux plus démunis. L’octroi de l’ASS, minimum social accordé par l’Etat aux chômeurs en fin de droits est, depuis le 1er janvier 2004, limité dans le temps. Les nouveaux entrants peuvent en bénéficier pendant deux années et les autres pendant trois ans. Et selon une étude de la Dares (31), fin 2000, la moitié des bénéficiaires de cette allocation la percevaient depuis au moins trois ans et demi. Ces bénéficiaires étaient au nombre de 372.000 à la fin de 2002, et leur moyenne d’âge atteignait 47 ans. Leur âge, une qualification obsolète et des difficultés d’ordre psychologique rendent presque hypothétique leur embauche par des employeurs généralement prudents à l’égard des chômeurs de longue durée.
Même si les mouvements de défense des chômeurs, les syndicats et le gouvernement évaluent de manière différente le nombre de chômeurs qui perdront leurs droits suite à la réforme de l’UNEDIC, de nombreux drames humains risquent de se jouer dans les prochains mois. Ce régime indemnisait 53,7 % des chômeurs avant la réforme, et cette proportion devrait tomber à 45,3 %, ce qui signifie de substantielles économies pour le système et la précarité pour plus de 180.000 personnes (32). Il s’agit implicitement de faire peser la charge de la preuve sur les chômeurs chez qui les largesses de la protection sociale réduiraient la volonté de retrouver un emploi. Idée largement répandue, mais infirmée par les résultats d’une vaste enquête européenne réalisée par le sociologue Duncan Gallie (33). On peut d’ailleurs aisément percevoir le caractère contradictoire d’un raisonnement selon lequel un affaiblissement de la protection sociale inciterait le chômeur à retrouver un emploi plus rémunérateur que l’allocation de chômage, tout en souhaitant que chacun relance sa consommation et donc la croissance. En effet, dans un contexte d’insécurité, ceux qui en ont les moyens vont affecter une plus grande part de leur revenu à une épargne de précaution et non à la consommation. Et comme le souligne avec beaucoup de lucidité Jean-Paul Fitoussi , «c’est parce que le niveau de chômage est élevé que l’exigence de solidarité est forte et son coût élevé» (34), réduire cette solidarité accroît l’insécurité et sape les efforts de relance de la croissance (35). On ne s’étonnera pas que l’ abbé Pierre ait réitéré son appel en faveur des sans-logis de l’hiver 54, cinquante ans plus tard dans un pays qui pourtant appartient aux nations les plus développées du monde. Constatant que l’on trouve autant de résidences secondaires (trois millions) en France que de personnes mal logées, il appelait alors tous les citoyens à «passer à l’acte» contre l’exclusion (36). Le logement est indiscutablement un symptôme de la pauvreté, mais il en est également un déterminant car «ne pas être propriétaire ancre dans la pauvreté» (37). Il s’agit donc d’un angle d’attaque très pertinent de la précarité et de la marginalisation.
Il y a finalement beaucoup d’implicite dans les mesures prises, dans les propos tenus par les décideurs, l’implicite de l’efficacité de l’incitant financier pour initier tout comportement, l’implicite qu’il suffit de vouloir pour pouvoir. En Belgique, dans le rapport 2002 du Conseil supérieur de l’emploi, les auteurs soulignaient que les inactifs représentaient 33 % de la population en âge de travailler et ils en concluaient que «dans notre pays, un habitant de 15 à 64 ans sur trois ne souhaite donc pas travailler en 2000». A la lecture d’une telle sentence, on se demande si c’est voulu ou inconscient, en espérant qu’il ne s’agit pas d’un acte réfléchi (38).

Parcours de soins, différenciation des tarifs et contrats responsables

En France, la loi du 13 août 2004, réformant l’assurance maladie a prévu, par son article 8, la possibilité de pénalités financières pour les patients dont le comportement ne s’inscrirait pas dans le ‘parcours de soins coordonnés’. Il incombe en effet au patient de se choisir un médecin traitant par lequel il s’engage à passer avant de consulter un spécialiste (39). En dehors de ce ‘parcours de soins’, le patient paiera un ticket modérateur supérieur et devra supporter la ‘liberté’ tarifaire des spécialistes. Il s’agit du volet ‘responsabilisation’ du patient qui est doublé d’un volet ‘responsabilisation’ des complémentaires de santé. Ce système est devenu réalité le 1er juillet 2005 et ne cesse de faire couler beaucoup d’encre en raison des doutes que suscite l’efficacité attendue sur l’évolution des dépenses de santé en France (40). Les médecins de famille craignent en effet que les salles d’attente ne désemplissent pas de patients venus chercher leur ‘bon’ pour le spécialiste. En outre, ils perçoivent difficilement l’économie là où deux consultations, l’une chez le généraliste et une chez le spécialiste, seront nécessaires à la place d’une seule directement chez le spécialiste. Pour certains, cette responsabilisation du patient permet simplement d’augmenter les rémunérations des spécialistes et elle introduit ou plutôt renforce une médecine à deux vitesses car ceux qui en ont les moyens pourront toujours se payer le luxe du spécialiste hors parcours de soins (41).
La mise en oeuvre de la réforme de l’assurance maladie se poursuit actuellement avec la définition de ce que l’on appelle les ‘contrats responsables’. Ce concept complète, fort logiquement, la responsabilisation financière du patient qui doit suivre le parcours optimal. Un contrat offert par une assurance complémentaire sera qualifié de responsable s’il exclut, au moins partiellement, la couverture des dépassements d’honoraires qui frappent le patient ‘irresponsable’. La reconnaissance comme ‘contrat responsable’ est essentielle, car elle permettra à la mutuelle ou la compagnie d’assurance de bénéficier d’avantages fiscaux, mais sera également une condition pour que l’accès au dit contrat soit favorisé par un système de crédit d’impôt. En outre, les complémentaires qui n’offrent pas de ‘contrats responsables’ seront redevables d’une taxe de 7 % (42). On peut cependant craindre que ce crédit d’impôt, qui devrait se situer autour de 150 euros par an, ne permette pas d’acquérir une complémentaire qui pallie réellement les insuffisances sans cesse croissantes de l’assurance obligatoire. Il est d’ailleurs interpellant que le pouvoir public trouve les moyens financiers pour octroyer des crédits d’impôts pour compenser l’insuffisance des recettes affectées à l’assurance obligatoire! Comme le soulignent Catherine Mills et José Caudron dans une critique très pertinente de la réforme de Douste-Blazy , «le crédit d’impôt prévu apparaît plus comme un instrument de désolidarisation du système de santé, alors qu’on nous prétend l’inverse» (43).

Une autre forme de responsabilisation: la différenciation des risques

L’obésité est devenue un réel problème de santé publique dans plusieurs pays et tous les observateurs s’accordent à dire que le phénomène est croissant et que son coût humain et financier doit nous amener à agir (44). Il semble que les compagnies d’assurance n’aient pas attendu l’effet de campagnes de prévention, mais surtout l’effet d’un hypothétique mais souhaitable avènement d’une réelle égalité des chances, pour structurer leurs primes en fonction des profils de risques des assurés, et particulièrement des assurés touchés par une surcharge pondérale. Une étude effectuée par la compagnie de réassurance Swiss Re, met en évidence les causes de l’obésité et ses conséquences en ce qui concerne notamment l’aggravation de risques morbides, mais également la perte d’espérance de vie qu’elle génère (45). Insidieusement, le discours glisse vers la responsabilisation financière des assurés quand le rapport suggère la plus grande prudence dans le calcul des primes, compte tenu de l’incertitude qui plane sur l’évolution de la morbidité associée à l’obésité (46). Une responsabilisation qui ne semble poser aucun problème à l’association Test-Achats, dont le représentant reconnaît être, pour une fois, en accord avec les assureurs. Car si la discrimination sur la base de facteurs que l’assuré ne peut influencer, l’âge et le sexe par exemple, reste inacceptable, il n’en va pas de même pour le surpoids qui constitue bien la conséquence d’un comportement volontaire comme celui de fumer ou de pratiquer un hobby à risque (47).

Une politique de prévention responsabilisante

Il semble qu’une nouvelle approche existe pour se démarquer d’une représentation normative d’un ordre biosocial préétabli. Selon cette vision, on a tenté et l’on tente encore de normaliser le comportement des individus, afin qu’ils se conforment à des règles préexistantes. Pour Luc Berlivet , chargé de recherches au CNRS (48), les spots actuels de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES, ex-CFES) mettent plus l’accent sur l’appui d’un processus d’individualisation déjà existant. Selon cet ‘implicite individualiste’, l’individu qui se réalise va être amené à rompre avec un certain nombre de pressions sociales jugées néfastes. «Loin de prétendre restreindre les attitudes dans un cadre comportemental défini a priori, l’éducation pour la santé se base sur l’idée selon laquelle se réaliser pleinement comme individu va de pair avec l’adoption d’un style de vie faisant l’économie des ‘comportements à risque’, dangereux pour l’organisme autant qu’aliénants». Ce programme semble très prometteur, mais ne se fonde-t-il pas sur un dangereux présupposé qui consiste précisément à projeter dans chaque individu une capacité similaire à se réaliser autrement qu’en adoptant les comportements présentés comme ‘socialisants’ par les messages publicitaires à vocation mercantile?

Devenir dément volontairement

Selon une étude menée à l’Université de Floride (49), il semblerait qu’il existe un lien entre la richesse calorique de l’alimentation et le taux de destruction de cellules génétiquement programmée, ce que l’on appelle l’apoptose (50). La lecture de cette étude amenait un journaliste du Financiële Economische Tijd à intituler son article ‘Blijf verstandig, eet weinig’(‘restez intelligent, mangez peu’) (51). Le journaliste citait une autre étude réalisée sur 13.113 adolescents américains (52), qui montrait que la seule égalisation des conditions de revenus et d’éducation ne suffisait pas à rendre le taux d’obésité des adolescents similaire entre quatre groupes ethniques (Blancs, Africains, Hispaniques et Asiatiques). Les auteurs de l’étude concluaient que des facteurs biologiques, socioculturels et environnementaux déterminaient la prévalence de l’obésité, bien plus que le revenu ou l’éducation, une conclusion complètement renversée par le journaliste du quotidien belge.
Il est alors éclairant que ces deux études donnent naissance à ce discours responsabilisant: «la mauvaise alimentation est éducationnelle et les gros consommateurs de cuisine rapide riche en graisses et de sucreries ne veulent rien entendre, ils seront peut-être amenés à la raison en apprenant les effets de leur comportement alimentaire sur la dégénérescence de leur cerveau car ‘qui voudrait maintenant devenir volontairement dément?».
Certains n’hésitent donc pas à appliquer des règles de transitivité dans le raisonnement que devrait tenir tout bon citoyen: je suis responsable de ce que je mange et ce que je mange peut accélérer un état de démence, en mangeant de manière déséquilibrée je deviens responsable de mon état de démence éventuel.
Toutefois, rien n’est jamais acquis et surtout les découvertes scientifiques qui peuvent parfois jeter de fameux pavés dans la marre des certitudes ronronnantes. Katherine Flegal , chercheuse au prestigieux Centre for Disease control and Prevention (CDC) à Atlanta vient de réaliser une étude selon laquelle il n’y aurait pas de lien statistique significatif entre les risques de morbidité et l’obésité. Une étude qui complexifie un peu plus l’implantation de mesures de responsabilisation justes et efficaces (53)!

La contractualisation à l’anglaise de la responsabilité individuelle

On ne sera sans doute pas étonné que la Grande-Bretagne n’échappe pas à ce phénomène de responsabilisation. En mai 2003, le Labour a rendu public un document où il propose notamment l’établissement d’un contrat de comportement sanitairement correct entre le médecin et son patient (54). Le patient serait ainsi amené à s’engager à s’alimenter correctement, faire du sport, cesser de fumer et de boire ou du moins se contenter d’une dose quotidienne raisonnable d’alcool. Selon ce document, qui a fait l’objet de nombreuses critiques lors de sa parution, ce contrat n’aurait pas de force légale mais consisterait simplement à un engagement de ‘bonnes intentions’ afin, non pas d’exclure le patient qui n’adapte pas son comportement, mais plutôt de lui rappeler d’utiliser le service de soins publics de manière responsable. On peut cependant se demander jusqu’où le Labour serait disposé à aller dans la responsabilisation pour qu’elle soit ‘performante’ en termes de réduction des dépenses.

Aux Pays-Bas, le ‘No-Claim bonus’ pour inciter à modérer la consommation de soins

Depuis le 1er janvier 2005, l’assuré hollandais peut bénéficier d’une ‘ristourne’ s’il adopte un comportement responsable comme consommateur de soins de santé. En effet, à l’issue d’une année civile, l’organisme assureur ristournera la différence entre 255 euros et la somme de toutes les interventions dont l’assuré aura bénéficié. Dans le cadre de la réforme du système de santé hollandais (55), cette ‘ristourne’ va donner lieu à des calculs dont le résultat va (devrait), selon les initiateurs du projet, induire un comportement d’optimisation tenant compte de la prime versée à l’organisme assureur et des coûts générés par la consommation de soins. En effet, pour une couverture identique, les organismes assureurs exigent une prime qui varie d’environ 240 euros à plus de 455 euros.
Les plus chers arguent du fait que leur service est meilleur et que leur portefeuille d’assurés présente un risque moyen plus élevé. Cela signifie que la ristourne peut être supérieure à la prime versée, ce qui ne correspond peut-être pas à l’esprit de bonne gestion financière des assurances. Plus important, et même plus grave, les assurés qui, à l’approche de la fin de l’année, auront généré des interventions de leur organisme assureur pour un montant inférieur au montant de la ristourne maximale, 255 euros, ne seront-ils pas tentés de sous-consommer? Cette propension ne risque-t-elle pas d’être d’autant plus forte que la situation financière de la famille concernée est précaire?
Les Pays-Bas ne vont sans doute pas s’arrêter là, car le Ministre de la Santé Publique Hoogervorst a fait savoir qu’il souhaitait que les personnes qui sont touchées par une maladie qui est la conséquence de leur style de vie supportent une charge financière supplémentaire.

Une logique responsabilisante qui mène à la méritocratie

Derrière l’idée de la responsabilisation des bénéficiaires de biens collectifs, on retrouve l’idée que chacun doit recevoir ce qu’il mérite (56). Ne dit-on pas ‘tout travail mérite salaire’ ou également, en parlant d’une personne qui a connu un revers de fortune qui nous apparaît justifié ‘il l’a bien mérité’, voire ‘il l’a cherché’?
Le mérite émane d’une sorte de ‘sagesse populaire’ qu’il est difficile et parfois périlleux de contester. Nous devrions cependant nous rendre compte qu’en tenant de tels propos nous posons plus un jugement qu’un constat. Nous ignorons généralement les éléments qui pourraient, éventuellement, permettre de conclure à un lien de causalité entre le comportement de la personne incriminée et ce qui lui arrive. Les voix qui s’élèvent en faveur de l’application de ce principe méritocratique sont cependant de plus en plus nombreuses. Elles s’unissent à toutes celles qui sont à la recherche d’un bouc émissaire lorsque les périodes d’austérité succèdent aux périodes de croissance, que le financement de la solidarité est perçu comme une charge pour la société et que son bénéfice doit forcément se mériter, oubliant ainsi qu’elle repose sur un système d’assurances sociales qui sont tout simplement un droit.
Au printemps 2004, un professeur émérite de cardiologie de la KUL avait suscité un débat à la fois vif et court, ce qui est sans doute symptomatique d’une société qui éprouve des difficultés à s’indigner. Dans une interview à un journal du nord du pays (57), ce professeur estimait que l’âge de 85 ans constituait une limite convenable pour l’arrêt de traitements en raison de leur inefficacité après cet âge qui deviendrait alors fatidique. Il persistait en publiant un article dans le même journal, où il insistait cette fois sur le mode de vie qu’il fallait adopter afin de rester en bonne santé; manger des fruits et des légumes, ne pas boire, ne pas fumer, faire de l’exercice et occasionnellement boire un verre de vin rouge. L’auteur pouvait alors dans une formule ramassée nous annoncer qu’il s’agissait du ‘secret d’une vie longue et en bonne santé’ et que ‘chacun était par conséquent responsable de sa santé’ (58).
Nous avons analysé quelques tentatives de procédures de choix en soins de santé, ainsi que des enquêtes menées pour déterminer les critères qui devraient y présider (59). Aux Pays-Bas, le rapport Dunning rendu public en décembre 1991, prévoyait de faire passer chaque prestation de santé par un entonnoir constitué de filtres évaluant la nécessité, l’efficacité et l’efficience qui caractérisent les soins et enfin la responsabilité financière qui pouvait être laissée à l’individu qui en bénéficiait. Les membres de la commission Dunning avaient finalement décidé que la responsabilité individuelle ne pouvait être imposée sur la base du non respect d’un mode de vie ‘sain’. En revanche, les patients devaient supporter la charge de traitements estimés comme non nécessaires, insuffisamment efficaces et peu efficients. Il reste évidemment à définir ces critères.
En soutien aux travaux de la commission Dunning, deux enquêtes ont été menées aux Pays-Bas pour connaître l’avis des médecins, des infirmières et des citoyens concernant le système de soins hollandais et les critères à incorporer dans une procédure de choix de prestations à couvrir par l’assurance obligatoire. Globalement, ce sont plus de 75 % des personnes interrogées (60) qui s’expriment en faveur, systématiquement ou occasionnellement, de la prise en compte du fait que la maladie est attribuable au comportement du patient pour déterminer l’accès aux prestations de santé. En 1993, en Allemagne, un Conseil consultatif d’action concertée dans les soins de santé rendait un rapport qui préconisait une réforme du système de soins fondée sur l’application du ‘benefit principle’, principe selon lequel on doit être couvert proportionnellement aux primes versées, et du ‘merit principle’, principe selon lequel la couverture doit dépendre de l’adéquation du comportement du patient avec des règles sanitaires et hygiéniques de base.
Le mérite, un concept dont on évalue pleinement la subjectivité, en comparant la forte propension que nous avons à nous auto-déclarer ‘méritants’ à la réticence qui habite ceux qui hésitent tant à reconnaître nos mérites. Cependant, l’exemple de quelques figures transformées en icônes de la réussite qui symbolisent notamment le ‘rêve américain’ nourrissent l’imaginaire de millions de personnes qui croient que ce qui est possible pour un seul est forcément possible pour tous. Comme l’écrit Alain Touraine dans son dernier ouvrage, «la pensée néo-libérale propose un hédonisme empirique qui a l’avantage de ne pas contrarier nos désirs mais qui n’apporte aucune garantie de liberté de choix à ceux qu’influence le marketing» (61). Comment ignorer que notre vie est, même partiellement, déterminée par toutes ces pressions extérieures?

Les limites techniques à l’application d’une réelle responsabilisation individuelle

Idéalement, une responsabilisation optimale devrait tenir compte de tous les éléments qui permettent de définir de manière exhaustive la responsabilité de chacun. Il serait en effet optimal que chacun paie, pour chacun des risques sociaux ou non, non seulement en fonction de son profil de risque identifié avec certitude, mais aussi en fonction de son exacte participation à l’occurrence de ces risques. Ainsi, le principe assurantiel de la couverture des risques par une prime qui permet aussi de réaliser un profit se doublerait d’un processus d’adaptation constante de l’assuré qui tenterait de réduire son profil de risque par un comportement adapté.
Si l’on pouvait identifier avec exactitude les modes et la proportion de la participation de chacun dans la réalisation de ces divers aléas, on pourrait être tenté de penser que le système qui glorifie le marché, apporte une contribution à une certaine forme de traitement équitable des individus. Si l’on écarte les inévitables jugements moraux que les comportements peuvent susciter, il suffirait en effet de tenir compte de la part de déterminisme biologique, génétique et des différentes composantes de déterminisme social, ainsi que de leurs multiples interactions pour déterminer la proportion exacte de la responsabilité réelle de chacun.
Il n’est pas nécessaire de tenir de longs discours pour se rendre compte que cette procédure est irréalisable et d’ailleurs non souhaitable. Les promoteurs de la responsabilisation en sont d’ailleurs conscients lorsqu’ils proposent finalement de responsabiliser tout le monde de la même manière par une hausse linéaire de tickets modérateurs en soins de santé ou par la fixation d’une allocation de chômage suffisamment faible pour que le besoin d’assurer les fonctions vitales fassent taire la fierté qui empêcheraient certains d’accepter les ‘petits boulots’. La responsabilisation linéaire de tous, c’est l’aggravation de la situation des plus faibles, de ceux qui ne pourront l’éviter en recourant aux assurances privées ou à leur propre capacité financière.
En outre, il s’agit toujours de stigmatiser les effets négatifs de comportement ‘déviant’ mais, en toute rigueur et logique, il faudrait tenir compte des effets positifs de ces comportements. Le prix des cigarettes et de l’alcool comprend des taxes indirectes importantes qui alimentent les caisses de l’état. Certains proposent d’incorporer la diminution de l’espérance de vie de ceux qui ont adopté un comportement sanitairement incorrect, une diminution qui s’accompagne évidemment d’une réduction de la période au cours de laquelle les diverses allocations sociales sont versées (62).

Responsabilité rétrospective versus responsabilité prospective, entre ‘complexite’ et ‘diligence’

Parallèlement aux difficultés techniques liées à l’application des mesures de responsabilisation, il est essentiel de prendre en considération les difficultés qui relèvent de la prise de responsabilité de celles et ceux qui sont ainsi responsabilisés. Il nous paraît en effet indispensable d’au moins souligner deux axes qui sous-tendent implicitement la responsabilisation dans le chef de ceux qui la subissent.
A un moment où il faut prendre une décision quant à la participation d’un malade à sa maladie, la question se pose de la ‘sanction’ à prendre à l’égard d’une responsabilité ‘rétrospective’, qui porte sur le comportement passé. C’est en effet en raison de son comportement de fumeur, que la personne qui souffre d’un cancer du poumon pourrait être amenée à supporter une charge financière plus importante pour couvrir le coût de son traitement. Toutefois, avant que le comportement à risque ait débuté, le futur patient pourrait être amené à adopter une attitude empreinte de responsabilité ‘prospective’. Ici, ce serait l’individu lui-même qui, suite à une démarche de conscientisation de la collectivité, se projetterait dans le futur pour évaluer les conséquences de ses actes. Une telle responsabilisation exige évidemment une grande capacité à intégrer les messages de santé publique et présuppose une égalité d’accès aux informations et, plus important encore, une égalité de leur assimilation et compréhension.
Une situation qui restera longtemps illusoire, tant les interactions entre les multiples déterminants de la santé sont nombreuses, et il apparaît tout aussi illusoire que le principe de précaution puisse s’appliquer aux patients ou chômeurs sans aggraver les inégalités dont ils sont déjà victimes. Même le simple principe de prudence ou de ‘diligence’ qui ne fait référence qu’à une obligation de moyens semble bien loin des possibilités des moins nantis de la société.

Un culte à la santé, la jeunesse et la beauté parfaites et éternelles ou la réhabilitation de la souffrance et de la mort?

Si de nombreuses voix s’élèvent pour responsabiliser les consommateurs de soins de santé, on se doit également d’entendre celles qui invitent à la modération dans cette volonté d’imposer un comportement ‘sanitairement correct’. Des positions qui peuvent être extrêmes comme celle de Michel Onfray (63) selon qui le retour du libéralisme reprend le schéma d’un corps performant. Les publicités fabriquent ainsi ‘une sorte d’idéal du moi, un idéal platonicien, qui nous place dans le corps chrétien, un corps qui fait souffrir’. Nous adhérons au constat de Michel Onfray quant aux effets désastreux de la publicité, mais nous sommes plus que réservés à l’égard de l’association du corps performant, souffrant et chrétien. On retrouve toutefois une idée similaire chez Roland Gori et Marie-José Del Volvo (64).
La souffrance doit-elle être cachée et est-elle évitable et donc inutile? En supprimant la souffrance physique ou en la cachant, s’assure-t-on de la disparition de la souffrance psychique? La souffrance ne fait-elle pas partie de notre humanité ou plus précisément, ne sommes-nous pas plus proches des autres humains dans les moments de souffrance ou dans ceux de joie, même intérieure et profonde? Le statut de la souffrance est indiscutablement une problématique qui traverse les temps et qui nous renvoie à notre conception de l’humain. Nous ne pouvons faire l’économie de ce débat, car la responsabilisation, d’abord financière, mais elle n’est jamais que cela, des malades et des exclus de la société de production et de consommation, semble trouver sa justification dans une causalité entre comportements et occurrence de risques sociaux et donc souffrance. La souffrance n’étant finalement que symptomatique d’un comportement sanitairement ou socialement incorrect. Le patient atteint d’un cancer du poumon souffre dans sa chair, mais n’est-ce pas la conséquence de son absence de volonté d’arrêter de fumer? Le chômeur souffre de son exclusion, mais ne subit-il pas simplement son incapacité à s’adapter aux nouvelles exigences de l’économie mondialisée? La souffrance, d’abord évacuée par les portes des chambres d’hôpitaux aseptisées, reviendrait par la fenêtre de la responsabilisation comme confirmation de l’inadéquation de nos comportements. Elle est pourtant bien plus que cela, elle est notre humanité et sans vouloir la rechercher ou la magnifier, la rencontrer nous permet d’être conscients de son omniprésence dans le monde et de la nécessité de la prendre en charge quelle qu’en soit la cause. L’écrivain et psychanalyste bulgare Julia Kristeva confirmait cette conviction au moment des funérailles du Pape Jean-Paul II en écrivant «lorsque la société, pressée par le culte de la performance, de l’excellence et de la jouissance, manifeste les carences de sa culture d’entraide, et au-delà de l’identification avec la souffrance du Crucifié, ou de l’aisance dans le sadomasochisme chrétien, que Jean-Paul II réussit à maintenir jusque dans son agonie, le corps du Pape en situation de handicap fut et demeure une invitation à apprivoiser la vie jusque dans ses limites. Et à développer cette solidarité avec les personnes dépendantes, handicapées ou vieillissantes, que l’humanisme moderne a tant de mal à réaliser» (65).
Il nous semble donc que ce rôle de la souffrance doit être réhabilité et que la mort elle-même doit reprendre sa place dans notre vie. Contrairement à Michel Serres (66) qui exprime son exaspération à entendre que la mort est congédiée du monde contemporain, car elle est présente quotidiennement dans tous les médias, nous pensons que cette ‘banalisation’ ne nous la rend pas plus familière, elle ne nous empêche pas de la trouver inacceptable lorsqu’elle nous touche de près. Pouvons-nous pourtant rêver d’y échapper?
C’est en quelque sorte ce que propose la publicité (67) sous toutes ses formes, rester beau ou le devenir, rester jeune et lutter contre le vieillissement, voilà le programme qui est sans cesse véhiculé. Une livraison récente du magazine ‘La Libre Essentielle’ en est un bel exemple: alors que l’éditorial appelle à la raison et la modération, à l’acceptation de son âge et même à la valorisation de chaque période de la vie, chaque article du magazine est, rentrées financières obligent, ponctué de publicités qui vantent la jeunesse et la beauté (68).

Responsabilisation et déterminismes psychique et sociologique

En appeler au concept de ‘déterminisme’ exige de faire preuve d’une grande prudence au niveau des conclusions que l’on est amené à tirer de son influence sur nos trajectoires de vie. Il est en effet primordial d’éviter l’image de ‘rails sociaux’ que l’on ne pourrait quitter, ce qui ne manquerait pas de plonger le plus grand nombre dans un fatalisme destructeur. Cependant, il est tout aussi primordial de mettre en évidence un certain déterminisme, afin de contextualiser les velléités de responsabilisation dont l’application ne pourrait que renforcer les inégalités sociales. La prudence s’applique, dans les deux sens, également au déterminisme ‘naturel’ qui s’exprime par des caractéristiques biologiques ou génétiques. Gori et Del Volvo ont raison de mettre en garde contre la tentation de considérer que les conduites sont déterminées par la nature, car on devrait alors en déduire que «le sujet ne saurait s’en exempter et la loi ne saurait que réprimer ce qui ne convient pas à la convention établie par la tyrannie du plus grand nombre» (69).

Des trajectoires sociales au sein d’une fragmentation croissante de la société

Une analyse rapide et superficielle de l’évolution de nos sociétés pourrait aboutir à la conclusion que le progrès a infiltré tous les espaces de vie. Indiscutablement, le taux de possession d’appareils électroniques d’une sophistication croissante est en hausse permanente. La mode alimentaire et vestimentaire semble être à la portée de tous, étalée dans les hypermarchés. Toutes les références et valeurs sont remises en question, un signe de la postmodernité, souvent associée à un progrès, à une libération de l’esprit et du corps. Cependant, malgré une richesse, voire une opulence croissante, mais mal répartie ou redistribuée, on doit déplorer une stagnation de la réduction de la pauvreté, et même une croissance de la fragilisation de catégories entières de personnes vivant pourtant dans des sociétés riches.
En outre, et il s’agit sans doute autant d’une conséquence que d’une cause, la société se caractérise par une forte immobilité sociale. A la fin des années 70, le sociologue français Pierre Bourdieu constatait que ‘les individus ne se déplacent pas au hasard dans l’espace social’(70), car des forces qui structurent cet espace s’imposent à eux par des mécanismes d’orientation ou d’élimination. Mais également, parce qu’ils sont l’objet, certains diront le sujet, d’une inertie propre qui correspond à leurs propriétés, c’est-à-dire leurs dispositions, leurs différentes formes de capital qu’il soit patrimonial, financier ou culturel. Selon Pierre Bourdieu, «la position et la trajectoire individuelle ne sont pas indépendantes statistiquement, toutes les positions d’arrivée n’étant pas également probables pour tous les points de départ: cela implique qu’il existe une corrélation très forte entre les positions sociales et les dispositions des agents qui les occupent» (71). Le sociologue français insiste également sur l’importance de la ‘distribution dans un espace géographique socialement hiérarchisé’ (72), pour expliquer la difficulté d’accès à la culture des personnes qui sont géographiquement éloignées des lieux où elle s’exprime. Une distance géographique qui explique ainsi une part de la distance sociale réelle et qui répond à des ‘lois’ de distribution dans l’espace. Plus de 25 années plus tard, l’économiste Eric Maurin publie un ouvrage sur le séparatisme social en France par lequel il offre une image de forte immobilité sociale dans l’Hexagone (73). Il met également en évidence l’importance d’un ‘effet de contexte’, selon lequel la probabilité de réussite versus d’échec, dépend de la proximité sociale qui est liée à une fragmentation géographique. Le principe fondamental de la ségrégation territoriale n’est cependant pas tant la richesse actuelle des familles que ce qui permet à leurs membres de se projeter dans l’avenir, d’acquérir un statut, d’élargir ce que Pierre Bourdieu appelle ‘le champ des possibles’.
Eric Maurin constate notamment que la concentration des personnes les mieux diplômées est encore plus intense que la concentration des personnes jouissant des plus fortes rémunérations. Il constate un ‘rassemblement’ de ceux qui ont des affinités culturelles au sens large du terme dans des espaces géographiques dont sont exclus par les effets des forces du marché immobilier les membres des classes sociales qui leur sont ‘inférieures’. Cette proximité sociale des égaux n’est cependant pas uniquement la manifestation de ce que certains nomment erronément un ‘communautarisme’, elle détermine une probabilité de trajectoire sociale qui, nous le verrons plus loin, est elle-même corrélée, et offre même un lien de causalité, aux multiples formes d’inégalités de santé. C’est ainsi qu’en France, «plus de 20 % des inégalités devant le retard scolaire primaire et au collège sont en réalité dues aux inégalités de voisinage social» (74). Et pour Charles du Granrut , la ségrégation spatiale liée à la sélectivité du système scolaire résulterait en partie de la stratification du marché de l’emploi (75), un constat qui confirme le caractère inopérant de politiques cloisonnées.
Il semble que l’efficacité des ‘stratégies’ développées par les parents pour offrir la meilleure scolarité possible à leurs enfants dépende de la classe sociale à laquelle appartiennent les parents. Selon la sociologue Agnès van Zanten , «les classes moyennes présentent des dispositions à appréhender le monde de façon stratégique, à croire à la possibilité de le transformer» (76). Mais elle constate qu’aux extrémités de l’échelle sociale, les inégalités culturelles se renforcent surtout en milieu urbain où ‘la sectorisation de l’enseignement a entériné une ségrégation résidentielle forte et qui s’est accentuée’. (77)
Il est à la fois interpellant et symptomatique que le lieu par excellence où les inégalités devraient être réduites, où le principe de l’égalité des chances devrait être le plus défendu et promu, c’est-à-dire l’école, soit et reste le lieu où ces inégalités se renforcent. Si le titre scolaire ou académique dispose d’une légitimité supérieure aux ressources financières, car il représenterait une évaluation scolaire apparemment égalitaire, il devient aussi l’outil de renforcement des inégalités. Pour la France, la situation ne semble pas s’être améliorée; la scolarité s’allonge pour ceux qui ont le parcours le plus long, les enfants des catégories modestes sont éliminés progressivement du système à partir du collège et il ne reste qu’un pourcent d’enfants d’ouvriers au niveau des grandes écoles et 5 % en troisième cycle universitaire (78). Les derniers résultats du bac confirment cette immobilité sociale . Les taux élevés de réussite aux bacs généraux ne sont atteints que par les enfants de professeurs (90 % de reçus) ou de cadre (87 %). Ce taux n’atteint que 81 % pour les enfants d’employés et 78 % pour les enfants d’ouvriers. Globalement, 30 % des enfants d’ouvriers acquièrent un bac général contre 80 % des enfants de cadre. Ce différentiel s’explique, non pas par l’hypothèse non fondée d’un niveau d’intelligence supérieur chez les enfants de cadres, mais bien par une différence de l’usage des suppléments éducatifs (79). Des chiffres édifiants pour ceux qui croient ou espèrent que l’enseignement assure l’acquisition et non la seule transmission de connaissance, ce qui pourrait peut-être déjouer les pièges des inégalités sociales.

Des inégalités de santé marquées par un fort gradient socio-économique

On sait également que la santé, exprimée par l’espérance de vie ou le niveau de morbidité par type d’affections, est caractérisée par un gradient socio-économique qui induit de fortes inégalités. Les enquêtes de santé réalisées en Belgique par exemple illustrent de manière lumineuse ces inégalités qui se manifestent tant dans le mode et la quantité de consommation médicale que dans la prévalence d’affections chroniques. Les caractéristiques physiques de la personnes telles que le surpoids ou l’obésité sont également associées à un tel gradient. Même l’état de leur tissu relationnel n’y échappe pas. Globalement, la valeur moyenne de l’Indice de Masse Corporelle (80) s’élève à 24,9, alors que 46% de la population présente un poids «normal», 33% présentent un excès de poids et 12% sont obèses. A l’opposé, 8% sont maigres et 2% souffrent de maigreur extrême. Si seuls 5,6 % des personnes qui ont obtenu un diplôme de niveau universitaire sont obèses (IMC moyen de 24.0), la proportion atteint 15,6 % chez celles qui n’ont pas de diplôme (IMC moyen 26.0) (81).

Quand la ‘dérive comportementale’ devient une réelle pathologie

Selon le Professeur Arnaud Basdevant , spécialiste français de l’obésité, cette maladie évolue au fil du temps, du stade de la conséquence de certains comportements à celui de pathologie du tissu adipeux (82). Les dernières découvertes en la matière ont permis de montrer que le tissu adipeux s’altère dans le sens où il peut ‘recruter’ de nouvelles cellules graisseuses qui elles-mêmes vont se charger en graisse, aggravant ainsi l’obésité. Les tissus graisseux deviennent ainsi de plus en plus résistants à l’amaigrissement.
Constat similaire pour Michael Schwartz , endocrinologue à l’Université de l’Etat de Washington (83), qui constate que les personnes obèses entrent dans un cercle vicieux d’insensibilisation progressive de l’hypothalamus aux messages de satiété. La leptine est secrétée continuellement par les cellules adipeuses et son niveau dans le sang indique l’état de réserve en graisses, il semble que les personnes qui prennent du poids développent une résistance à l’action de la leptine. Cette dérégulation peut apparaître après quelques repas riches en graisses et si le phénomène est réversible, il l’est d’autant moins que l’état de surpoids est fortement installé. Certains travaux suggèrent même que l’absorption de graisses en grande quantité provoque des transformations cérébrales habituellement associées à des drogues comme l’héroïne.
Plus ‘déterminante’ encore, cette découverte d’une équipe de chercheurs du ‘Children’s Hospital’ de Philadelphie, qui ont établi une relation entre la prise de poids lors de la première semaine de vie et la probabilité de souffrir d’obésité plus tard dans l’existence. Ils ont en effet montré que à chaque fois qu’un bébé prend 100 grammes au cours de sa première semaine de vie, sa probabilité de connaître un surpoids augmente de 10 %. Ils ont également établi qu’une prise de poids trop rapide au cours des quatre premières semaines d’existence augmentait le risque de surpoids à l’âge de 7 ans (84).

La résistance au stress: une histoire de caresses?

Le déterminisme génétique semble toucher les fragilités psychiques pour des raisons qui peuvent apparaître anodines ou dérisoires. Des généticiens canadiens ont découvert que d’importantes modifications chimiques apparaissent autour de l’ADN des nouveau-nés dès qu’ils entrent en contact avec leur mère. Il semble que les caresses d’une mère peuvent activer des gènes situés à l’intérieur des neurones de l’hypocampe, une zone impliquée dans les réactions au stress et la formation de nouveaux souvenirs. Les gènes activés sont responsables de la production de récepteurs destinés à capter certaines hormones du stress, les glucocorticoïdes, et donc à neutraliser leur action sur l’organisme. Plus ces récepteurs sont nombreux et moins le stress peut se répandre et l’expérimentation menée par le biologiste canadien, Michael Meaney , montre que les caresses des mères suscitent la production de ces récepteurs (85).
Si le poids au cours des premières semaines de l’existence peut jouer un rôle sur le risque ultérieur d’obésité, il semble qu’il puisse également avoir une influence sur la probabilité de dépression. C’est l’étonnante conclusion à laquelle des épidémiologistes de l’université de Bristol sont arrivés en enregistrant le poids de milliers de bébés dans les années 50 et en suivant 5.500 adultes 50 années plus tard. Ils ont ainsi calculé que le fait de naître avec un poids inférieur à 2,5 kilogrammes induisait une hausse de la probabilité de rencontrer des problèmes psychologiques de 50 % (86). Devrait-on choisir entre l’obésité et la dépression? Le sentiment que les personnes bien portantes sont souvent plus ‘joyeuses’ que les maigres serait-il fondé? Qui pourra déterminer la combinaison parfaite de responsabilité face à une combinaison donnée de dépression et obésité chez une personne? La question suffit à indiquer le caractère absurde d’une telle démarche.
Ces exemples d’une certaine forme de déterminisme, car il n’est heureusement jamais total, ne devraient cependant pas nous empêcher de percevoir avec la même force, la liberté dont nous disposons. C’est en tout cas la position d’Alain Touraine qui, dans sa défense de la modernité, n’est pas tendre avec ceux qui veillent à prendre les déterminismes en considération car selon lui «les analystes qui ne voient que des victimes et les forces qui les dominent sont à la fois myopes et arbitraires» (87).

La difficile cohérence politique face au paradoxe de cette consommation responsable dans une économie de la consommation irresponsable et de la ‘dictature’ du PIB

Si les mesures et les discours de responsabilisation ne manquent pas, on peut tout de même se demander si le politique veut ou peut réellement établir un cadre où elle peut s’exercer sans renforcer les inégalités sociales, au risque peut-être d’apporter un peu de lucidité aux consommateurs de biens privés.

L’influence du lobbying, l’important c’est de produire!

L’exemple de la loi de santé publique française du 9 août 2004, et plus particulièrement les articles 29 et 30 concernant les distributeurs automatiques dans les écoles et la publicité, illustre merveilleusement la difficulté de concilier deux paradigmes (88). Celui de la nécessaire responsabilisation du consommateur de biens collectifs pour maîtriser les dépenses sociales et celui de l’indispensable irresponsabilité du consommateur de biens et services privés dont la production traduit la vigueur d’une économie (89). Même animé par les meilleures intentions, le politique rencontrera toujours de grandes difficultés à assumer des choix qui s’opposent au lobbying des multinationales. L’article qui visait à contraindre la publicité pour les produits alimentaires a été vidé d’une partie de sa substance en offrant la possibilité aux firmes d’acheter le droit de faire de la promotion pour n’importe quels produits sans y ajouter un message à caractère sanitaire, pour autant qu’elles paient une taxe. Les firmes et les annonceurs ont d’ailleurs déjà compris l’intérêt qu’il y avait à détourner les messages officiels. Le confiturier Andros n’a par exemple pas hésité à placer une page pleine dans le Figaro du 20 avril, dans laquelle il rappelle que le programme national nutrition santé (PNNS) recommande de manger cinq fruits et légumes par jour, oubliant au passage de mentionner que ses confitures contiennent au moins 50 % de sucres.
Les pressions et réactions sont vives tant le consommateur fait l’objet de convoitises. Suite à une émission de la chaîne France 2 diffusée le 4 octobre 2004 et intitulée ‘Manger tue’, le Président de la Chambre syndicale nationale de vente et services automatiques, Hubert Boyer , envoyait un courrier (90) au journaliste responsable pour lui rappeler la fonctionnalité des distributeurs automatiques. Il écrivait ainsi que la distribution automatique offre aux jeunes clients les produits demandés et que le ‘jeune’ veut exercer un choix personnel sans contrainte des adultes et satisfaire une impulsion (il aurait sans doute été plus approprié d’écrire pulsion) pour un produit qu’il connaît et apprécie. Hubert Boyer n’hésitait pas à écrire que les distributeurs renforcent le rôle de ‘lieu de sociabilité’ des établissements scolaires. Bernard Depierre , député UMP de Côte-d’Or, est intervenu à l’assemblée pour souligner que cette interdiction allait provoquer la rupture de nombreux contrats et réduire le chiffre d’affaires de 30 à 90 % pour les entreprises concernées. Il demandait alors au Secrétaire d’Etat au Budget et à la réforme budgétaire de prévoir des mesures d’accompagnement ou de reconversion et notamment la réduction du taux de TVA appliqué aux ventes par distributeurs. (91)
Toujours dans le secteur de l’alimentation, le 21 avril 2005, les membres de la Commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire du Parlement européen ont suscité la colère des associations de défense de consommateurs en ‘édulcorant’ un projet de règlement concernant les allégations qui fleurissent sur les emballages de produits présentés comme de réels passeports pour la bonne santé. Les parlementaires européens ont rejeté le principe selon lequel toute allégation devait reposer sur les qualités nutritionnelles du produit, et les fabricants en seront quittes avec une simple notification avant de recevoir l’autorisation de mentionner ces allégations ‘alléchantes’ pour le consommateur obnubilé par la santé parfaite (92).
Les limites du lobbying ne se situent évidemment pas au niveau national ou européen. Lors de l’assemblée générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) tenue à Genève, du 17 au 22 mai 2004, les experts de cette organisation ont demandé aux pays membres de promouvoir l’exercice physique et les régimes alimentaires plus sains. Dans un projet de résolution l’OMS soulignait qu’il était de la responsabilité des industriels de réduire ‘la part de graisses, du sucre et du sel dans les aliments préparés’. Un projet vivement critiqué par le lobby du sucre, qui accuse les experts ne n’avoir pas assez réfléchi aux conséquences économiques de leurs recommandations (93).

La publicité peut-elle être responsable?

Le moteur de la frénésie productiviste et consumériste est constitué par la masse informe de nos innombrables besoins et alimenté par ce qui est devenu un secteur d’activité propre, la publicité. Aucun fragment de notre existence n’y échappe et elle trouve un support sur le moindre élément de notre environnement. Il semble que dorénavant ce ne soit ‘plus le consommateur qui commande le rythme de la production, mais le producteur qui orchestre le désir de consommation. La publicité est une industrie de transformation de la conscience sociale’ (94) et sans doute, morale. Elle est partout et revêt des formes parfois insoupçonnées mais elle ne laisse jamais indifférent même ceux qui croient échapper à ses griffes.
Dans les pays occidentaux, chaque personne est soumise quotidiennement à une moyenne de 4.000 messages commerciaux, il est par conséquent utopique de vouloir échapper aux soi-disant valeurs qu’elle promeut (95). Selon certains, les mythes véhiculés sont ancestraux, mais les moyens, les véhicules ont évolué avec les progrès des modes de communication. C’est cependant toujours la beauté, la force, le pouvoir qui font vendre car la finalité des messages publicitaires est essentiellement mercantile. Elle cherche en effet à maximiser son impact en pénétrant chaque niche de la population et n’hésite pas à concentrer ses efforts sur celle qui s’avère la plus rentable. Selon une étude Ipsos (96), les jeunes constitueraient une génération ‘sans modèle’ qui seraient pour 45 % influencés dans leur comportement de consommateurs par les gens croisés dans la rue et pour 35 % avoueraient n’avoir aucun modèle. Ce qui fait dire à Rémi Oudghiri , directeur du département tendances et prospectives chez Ipsos, que «les jeunes sont de moins en moins intéressants, surtout pour la grande consommation». Un constat qui nous laisse tout de même sceptique, tant le nombre de messages d’annonceurs est élevé et tant le jeunisme semble être porteur. Rien que pour la nourriture et les sodas, un adolescent américain voit jusqu’à 100.000 publicités par an (97).

Responsabiliser, mais sans enrayer la mécanique d’un PIB dictateur

On comprendra aisément que ce citoyen responsable auquel on fait de plus en plus référence, que chaque gestionnaire public appelle de ses vœux, n’est pas nécessairement le citoyen modèle dont rêvent les producteurs de ces milliers de biens de consommation, certes dont la production participe à la croissance du PIB, mais dont on est en droit de se demander s’ils comblent des besoins réels et non pas seulement des besoins créés de toutes pièces. Dans un article récent, Philippe Defeyt nous parle même de la ’tyrannie du PIB’ dont l’essentiel tient aux limites de l’outil qui agrège toutes sortes de dépenses quelle qu’en soit la nature, mais qui tient également à un usage médiatique, politique et idéologique immodéré (98).
Cette tyrannie du PIB trouve une alliée idéale dans ‘la tyrannie de l’obsolescence organisée’ qui pousse chacun à éliminer des objets qui pourraient encore servir, mais dont on nous persuade qu’ils sont totalement dépassés. La mode, notamment vestimentaire, est un exemple typique d’une société qui ne se soucie pas du gaspillage généré que cette versatilité des goûts impose: perte de temps à choisir ce qui correspond le mieux, non pas à nos besoins, mais à la mode, perte de temps à acquérir les moyens financiers pour devenir le propriétaire de ces signes de reconnaissance, gaspillage d’énergie non renouvelable pour produire ce qui exprime une toute nouvelle conception de l’obsolescence.
L’obsolescence est d’ailleurs devenue personnelle, individuelle et a profondément modifié la consommation de masse qui se caractérise dorénavant d’une certaine façon par sa ‘singularité’. En effet, l’individu unique doit pouvoir disposer d’objets exclusifs, faits à la mesure de ses aspirations, de ses fantasmes, des rêves qu’il croit uniques mais qui sont finalement modelés par la publicité et les media. Le consommateur se façonne en collaborant avec l’offreur (99) à la réalisation de sa propre image, dans les termes de Dominique Quessada ‘ce qui se consomme à travers ce que l’on consomme, c’est la consommation de soi » (100).

Un autre paradoxe: la responsabilisation individuelle dans un contexte de médicalisation des problèmes sociaux

Quel paradoxe de vouloir responsabiliser ceux qu’on cherche à grand renfort d’annonces publicitaires à asservir aux finalités des multinationales! Il est doublé d’un paradoxe non moins singulier mais tout aussi révoltant, celui de la responsabilisation de patients victimes de la médicalisation des problèmes sociaux. On propose de nouveaux remèdes à la solitude, à l’isolement des plus âgés, à l’effritement des relations humaines et de la cohésion sociale. L’exemple de la gestion médicalisée de la dépression est bien illustrative d’une démarche qui vise à conscientiser les individus qu’ils sont en fait malades et qu’une maladie se soigne, notamment avec des produits chimiques tels que des médicaments. Dans un monde moins pressé, moins individualiste, moins axé sur la performance, n’aurions-nous pas l’opportunité de remplacer ces produits par des échanges humains qui toucheraient ceux qui y participeraient bien plus profondément qu’aucune molécule chimique?
Un autre exemple montre que la pression productiviste ne se manifeste pas seulement en amont de processus sociaux problématiques. Dans celui qui mène au surpoids ou à l’obésité, il est également présent en aval, au travers de la médicalisation du phénomène qui, nous en sommes convaincu, est majoritairement social voire sociologique. Les associations de lutte contre l’obésité sont très souvent financées par des firmes pharmaceutiques qui produisent des médicaments qui pourraient devenir rapidement des ‘blockbusters’, ces fameux médicaments dont le chiffre d’affaire dépasse un milliard de dollars. Chez Sanofi Aventis on prétend même avoir trouvé la pilule miracle qui lutte à la fois contre l’obésité et le tabagisme. Le Rimonabant pourrait obtenir le feu vert de la Food and Drug Administration (FDA) aux Etats-Unis dès 2007, une affaire en or au vu du marché potentiel.
Le marché de l’obésité est estimé à 10 milliards de dollars dans les pays développés où 15 à 20 % des personnes sont obèses et le tabagisme concerne 1,3 milliards de personnes dans le monde (101).
Cette médicalisation est évidemment contestable car elle participe à l’inadéquation entre les problèmes et les solutions mais elle est également dommageable pour la santé collective et individuelle. Par exemple, la surconsommation d’antibiotiques est néfaste collectivement en raison de la capacité de résistance des bactéries qu’elle induit. En outre, l’usage systématique de médicaments ou d’actes médicaux peut s’avérer contre-productif, donnant naissance à une ‘iatrogénèse’ que le philosophe Ivan Illich avait déjà mise en évidence il y quarante ans (102). Il semble même que, parfois, les laboratoires recherchent la pathologie qui correspondra aux médicaments qu’ils ont produits. Les derniers exemples en date sont ceux du laboratoire californien Avanir qui considère que rire et pleurer sans raison est une pathologie et qui a, comme par hasard, développé un médicament appelé Neurodex pour traiter cette labilité émotionnelle ‘pathologique’. Quant au laboratoire américain Cephalon, il est prêt à offrir un remède à la somnolence diurne excessive avec le Nuvigil (103). Ces manœuvres de médicalisation articulées par les firmes pharmaceutiques sont fort heureusement dénoncées avec une perspicacité et une rigueur sans cesse croissante (104). Leur mise à jour devrait nous permettre de devenir plus assertifs et de réclamer, en tant que citoyens consommateurs de médicaments mais aussi financeurs de leur remboursement, un rôle dans l’établissement de priorités non seulement de production pharmaceutique mais également de recherches. Imaginons en effet que chaque citoyen du monde ait voix au chapitre dans la détermination du domaine médical qui fera l’objet des recherches pharmaceutiques, on peut aisément comprendre que les centaines de millions d’exclus des soins souhaiteraient que l’on se penche plus sur des maladies comme le paludisme ou même le sida.
Lutter contre la médicalisation, c’est également permettre de réserver des marges budgétaires pour des besoins essentiels et finalement redevenir le premier évaluateur de notre réel état de santé.

Le rôle des déterminants de la santé, l’importance d’un développement durable et d’une consommation responsable

Les déterminants de la santé sont nombreux et assez bien identifiés, mais l’un d’eux joue un rôle particulièrement insidieux, car il touche ceux qui travaillent au quotidien. Bien sûr, l’atmosphère de travail est importante et sa détérioration est souvent à l’origine de plusieurs formes de harcèlements, mais les conditions matérielles du travail peuvent également s’avérer un risque pour la santé des travailleurs. Le nombre des accidents de travail en constitue une manifestation immédiate, mais il existe d’autres formes d’atteintes à la santé du travailleur qui sont moins immédiates, moins visibles et dont la reconnaissance exige souvent un âpre combat. Le risque peut en outre s’étendre aux conditions de vie. L’amiante par exemple a joué et continue de jouer un rôle important dans l’apparition de maladies professionnelles (105), mais présente également un risque potentiel dans les logements individuels. En France, 90 % des logements construits avant 1997 contiennent de l’amiante, le danger n’apparaît que lorsqu’on perce une cloison ou lorsqu’on coupe une gaine ou si, tout simplement, les éléments de l’habitation s’usent et laissent s’échapper des fibres d’amiante imputrescible. La contamination des travailleurs du bâtiment notamment continue aujourd’hui à susciter des remous judiciaires qui peuvent paraître indécents devant la détresse des victimes.

L’évolution technologique dans le champ médical – Du devoir d’informer à celui d’assumer ses choix

(106)
L’évolution technologique couplée à l’exigence de la liberté d’en bénéficier peut aboutir à des dénis de libertés, mais nous n’osons encore invoquer une quelconque systématisation. L’exemple des conséquences de l’arrêt Perruche (107) est symptomatique d’un tel risque liberticide. Deux chercheurs français du CEMS (Centre d’étude des mouvements sociaux), ont analysé les effets de la croissante judiciarisation des relations entre patients et prestataires (108). Même si l’intervention de l’Assemblée nationale en mars 2002 avait permis de mettre un terme à la jurisprudence Perruche, on pouvait craindre que cet épisode douloureux n’ait malgré tout quelques répercussions sur l’accès aux investigations prénatales.
Il est vrai que l’arrêt Perruche tendait à rendre les médecins responsables des ‘erreurs’ de la nature et les invitait, implicitement, à appliquer le fameux principe de précaution que certains n’hésitaient pas à rebaptiser ‘eugénisme de précaution’. L’enquête des deux chercheurs montre qu’une part importante des échographes ont cessé leurs activités; c’est le cas pour 50 % des radiologues dont moins de 30 % de leurs activités étaient consacrés aux échographies obstétricales. Les médecins interrogés invoquent des raisons financières liées à la pratique de l’échographie fœtale, la peur de la judiciarisation croissante de la profession, l’affluence dysfonctionnelle de patients consécutive à l’arrêt des activités de confrères, mais également des raisons éthiques, percevant dans l’arrêt Perruche le refus général de l’enfant handicapé.
On constate ainsi une inégalité d’accès aux échographies qui se dédouble en une inégalité géographique, certaines régions sont littéralement désertées par les échographes, et une inégalité financière, les prestataires qui maintiennent leurs activités demandent des suppléments rédhibitoires pour les moins nantis. Qu’en est-il, dans ces circonstances, du droit ou de la liberté à accéder à un suivi de sa grossesse? Plus grave certainement, que restera-t-il de la liberté de chacun de vivre en fonction de sa conception de la vie s’il est rendu financièrement responsable des choix qui découlent de cette conception?
Lors des débats concernant l’arrêt Perruche, certains ont émis l’idée que les personnes qui acceptaient de donner naissance à un enfant handicapé assument les conséquences financières de ce choix au lieu de les faire supporter par la société. Des tests de plus en plus précoces et performants devraient permettre un jour d’établir un diagnostic de ‘normalité’ du fœtus dont on devrait informer les futurs parents. Eclairés par cette information, des parents responsabilisés quant à leur choix auraient-ils tous la même liberté de l’assumer? Ne pourrait-on craindre une différenciation de l’exercice de cette liberté en fonction des capacités financières à l’assumer? Se fondant sur la liberté individuelle, on introduirait une responsabilisation qui s’opposerait à l’exercice d’une des libertés les plus fondamentales, celle de penser, celle de réfléchir, celle de croire en autre chose que ce que la majorité nous impose.

L’imposture de l’antériorité de la croissance pour atteindre le développement

La responsabilisation est rendue possible par une certaine forme d’individualisme et par une sorte d’inféodation au PIB mais elle est également considérée comme indispensable à la croissance qu’il est devenu redondant de qualifier d’économique. Dans la logique néo-libérale, la croissance est elle-même indispensable au développement et les défenseurs d’une croissance modérée voire d’une certaine forme de décroissance (109) éprouvent des difficultés à dissocier les deux concepts quand ils ne doivent pas se résoudre à récuser les deux (110).
On ne peut cependant confondre la recherche d’une voie durable de ‘vie bonne’ et une querelle sémantique qui ferait oublier que l’on doit assurer un développement autonome des pays qui ne disposent pas actuellement du minimum vital alimentaire et sanitaire. Sans aucune volonté d’imposer une culture ou des valeurs, il nous appartient de promouvoir le principe d’humanité au confins de ses limites géographiques.

Nuancer la responsabilité individuelle et promouvoir la responsabilité collective: un autre paradoxe?

«Nous sommes dans une société où, sous couvert d’assistance ou de providence, nous voulons satisfaire tous les besoins de sécurité sans qu’il y ait un processus d’échange. La responsabilité se paie, comme toute démarche morale. La morale n’est jamais gratuite: elle commence sans doute là-même où le risque se prend, dans ce moment où l’intérêt est menacé, dans cette décision où s’éprouve notre liberté de penser et d’agir contre tous les égoïsmes» (111).
Alain Etchegoyen est conscient des limites de la responsabilisation des individus, mais il se refuse à les ‘déresponsabiliser’ de tout, il aime notamment rappeler la responsabilité des parents dès les premiers moments de l’existence de leur enfant. Il est effectivement important de ne pas confondre la volonté, qui est la nôtre, de mettre en garde contre les aspects inéquitables et d’ailleurs inefficaces de la responsabilisation brutale des consommateurs de biens publics, et une attitude fataliste ou paternaliste qui viserait à laisser dans l’assistance celles et ceux qui doivent toujours garder l’espérance.
Il existe de nombreux domaines où nous sommes responsables de nos actes et où la collectivité peut apprendre à chacun à se sentir concerné par le sort de tous. Le respect de l’environnement est certainement le domaine où l’on peut expérimenter cette nécessaire prise de conscience et responsabilité collective qui passe inévitablement par une modification des comportements individuels.
Nous sommes de ceux qui pensent que nous ne pourrons éviter une certaine forme de décroissance, une adaptation de notre mode de production et de consommation vers une plus grande sobriété. Il en va ici de l’attitude de chacun, mais l’exemple des plus riches sera déterminant pour donner du crédit à l’idée que le sort de la planète est entre nos mains, entre toutes les mains et que cette responsabilité ne souffre pas d’exception. Les positions de Hans Jonas sont connues, elles sont dures à l’égard d’une société qui mène à sa perte une planète qui, suite à l’explosion démographique, pourrait ‘subir un pillage toujours plus effronté jusqu’au moment où celle-ci prononcera son verdict et se dérobera à la surexploitation’ (112). Jonas aura indiscutablement inspiré la pensée écologique, et sa relecture pourrait, dans les circonstances actuelles, susciter un écologisme plus radical. L’évolution nécessaire ne pourra se réaliser sans une revitalisation de la démocratie qui ‘passe par l’articulation du social à l’écologie, de la solidarité à la diminution des consommations matérielles’ (113). Que ce soit pour des raisons sociales, humaines ou écologiques, une autre voie s’impose à nous.
Le paradigme de la croissance qui fournit l’emploi et le bien-être et qui est économe des énergies non renouvelables est devenu, non seulement intellectuellement, mais aussi pratiquement obsolète. Notre planète ne pourrait supporter que chaque pays ait la même empreinte écologique que les Etats-Unis ou même que la Belgique, les processus de production sont de plus en plus économes mais cela restera insuffisant (114). La prise de conscience d’une troisième voie est indispensable et elle doit être mondiale car c’est ensemble que nous pourrons la suivre, en adoptant un rythme de croissance adapté à chaque pays afin d’atteindre le niveau de vie qui assure l’essentiel des ressources pour atteindre l’objectif d’une ‘bonne vie’ (115). Comme l’écrit Jean-Marie Harribey , ‘on peut faire l’hypothèse que la baisse du temps de travail peut contribuer à débarrasser notre imaginaire du fantasme d’avoir toujours davantage pour mieux être, et que l’extension des services collectifs, de la protection sociale et de la culture soustraits à l’appétit du capital est source d’une richesse incommensurable comparée à celle que privilégie le marché’ (116).

Conclusion

«Est-ce que ce monde est sérieux?» demanderait Francis Cabrel . Ce monde qui s’étonne de l’accumulation des déchets qu’il produit, ce monde qui voudrait que le consommateur, dont le sens critique est broyé par les machines publicitaires, soit responsable quand il s’agit de veiller à sa santé ou de réintégrer le marché du travail lorsqu’il en a été écarté pour satisfaire les exigences de la maximisation des profits.
Pourtant, les yeux sont fixés sur le dieu PIB, le produit intérieur brut, l’indicateur trop peu contesté du progrès économique, malencontreusement lié au progrès technologique, et si vite assimilé au progrès social. Les lois du néolibéralisme s’imposent partout, mais sont aussi confrontées à leurs contradictions internes: libéraliser en Europe et aux Etats-Unis, mais en subventionnant des producteurs qui se trouvent en situation de concurrence déloyale par rapport aux populations des pays en voie de développement; s’effaroucher du succès de la Chine et lui imposer des contraintes en l’accusant du crime d’excès de libéralisation.
Pour que cette machine fonctionne, il faut produire sans cesse plus et donc consommer plus. Pour consommer, il faut octroyer suffisamment de revenus tout en assurant un profit le plus élevé possible. Le consommateur doit donc être ‘éclairé’ par les lumières publicitaires, devenues tellement prégnantes qu’elles aveuglent celui qui ne sait finalement plus pourquoi il passe tant de temps, consacre tant d’énergie à acheter ce qui lui paraît très vite totalement inutile. Pourtant, au même moment, on exige des consommateurs de biens publics, et tout spécialement des patients et des chômeurs, d’être responsables, de se prendre en main, de gérer leur vie de manière optimale. Quel paradoxe! Abrutir le consommateur de biens privés en exigeant qu’il soit, en même temps, un consommateur de biens publics responsable. Une responsabilisation prônée comme une panacée aux déficits publics, à la délocalisation, au manque de croissance, sans tenir compte des regrettables et pourtant croissants déterminismes qui nous touchent tous.
On le voit, la problématique des déficits de l’assurance maladie ou de la hausse des dépenses de chômage ne peut être isolée d’un contexte global qui mêle l’économique au financier, le financier au technologique, le technologique au biologique. Une problématique qui renvoie l’homme à son humanité et à une responsabilité collective de la sauvegarder, elle et le lieu de son épanouissement, la planète. Seule la sobriété peut nous sauver, éviter la fin d’un monde qui n’apparaît décidément pas très sérieux.
Christian Léonard , Economiste, Chef du département Recherche et Développement à l’Alliance nationale des mutualités chrétiennes et Professeur de Politique de la santé à l’Institut Cardijn

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(1 )Une première version de cet article est parue dans le revue MC-Informations , revue publiée par le Département Recherche & Développement de l’Alliance nationale des mutualités chrétiennes, n° 218, juin 2005 sous le titre La responsabilisation: refus des déterminismes et aboutissement de la liberté individuelle? Justice et équité de l’accès aux biens sociaux et conscientisation à un mode de consommation durable .
(2) Nous analysons de manière détaillée ce processus de privatisation implicite qui touche les systèmes de sécurité sociale dans Léonard Christian, La privatisation de la protection sociale: un phénomène croissant et multiforme, MC – Informations , N° 212, Avril 2004, pp. 3 – 16.
(3) Définie par Durkheim comme l’absence ou la disparition des valeurs communautaires et sociales.
(4) Voir Bourdieu Pierre, L’essence du néolibéralisme, Le Monde Diplomatique , Mars 1998, p. 3.
(5) A propos de cette évolution, voir notamment Ferry Luc, Qu’est-ce qu’une vie réussie? , Grasset, Paris, 2002, pp. 33 – 118
(6) Ehrenberg Alain, La fatigue d’être soi , Odile Jacob, Paris, 2000, p. 16
(7) Auteur de L’Hystérie identitaire , Cherche – Midi, 2004.
(8) Cité par Sallé Caroline, Etre soi-même en faisant comme tout le monde, Le Figaro , 02 juin 2005, p. 21
(9) Touraine Alain, Un nouveau paradigme pour comprendre le monde d’aujourd’hui , Fayard, 2005, p.123
(10) Ibidem, p. 130
(11) Ibidem, p. 143
(12) De Singly François, L’individualisme est un humanisme , L’aube, Paris, 2005, p. 14
(13) De Singly, op. cit., p. 18
(14) Dans un article paru dans La Revue Nouvelle d’avril 2003, nous développons l’idée que l’avènement de la responsabilisation est lié à la montée de l’individualisme. Voir Léonard Christian, La responsabilisation: une conséquence de l’individualisme, Revue Nouvelle, N°4 , Avril 2003, pp. 68–73. Article repris dans le N°144 de mars 2004 de la revue Education Santé .
(15) Aeppel Timothy, L’assurance maladie sème la zizanie entre salariés, Courrier International , N° 661, du 3 au 9 juillet 2003, p. 49
(16) Voir Pieters Guy, Responsabilité et santé, Education Santé, N° 144, mars 2004, p. 8, et pour une contre-argumentation, Deccache Alain, La paille et la poutre. Education et santé, entre responsabilité individuelle et responsabilité sociale, Education Santé , N° 188, mars 2004, pp. 11-13
(17) Van de Cloot Ivan, Des soins de santé gérables, Bulletin financier , Septembre 2003, 76e année, N° 2.390, p. 1
(18) Jacob Antoine, Les pays scandinaves maintiennent l’emploi en combinant flexibilité, allocations et formation, Le Monde , 23 mars 2005, p. 2
(19) Voir Barroux Rémi, Comme fonctionne le système danois de « flex-sécurité », Le Monde, 7 juin 2005, p. 7
(20) Voir Arlet Brice, Embaucher est un acte simple, licencier aussi, La Croix , 2 août 2005, p. 4
(21) Voir Jakubyszyn, Le gouvernement assouplit le droit du licenciement, Le Monde , 02 août 2005, p. 6
(22) Le Medef est le Mouvement des Entreprises de France, l’équivalent de la FEB en Belgique
(23) Hirsch Martin, « Sans grade » et élites face à face, Le Monde , 23 juillet 2005, pp. 1 et 15
(24) de Tricornot Adrien, Ce que les mesures sociales coûtent au citoyen, Le monde , 17 mars 2005, p. 2
(25) Ross Hannes, Profession chômeur allemand, Courrier International , N° 754, du 14 au 20 avril 2005, pp. 44-45
(26) Selon la définition européenne, 60 % du revenu net médian, voir de Tricornot Adrien, La pauvreté s’est installée à des niveaux record, Le Monde , 17 mars 2005, p. 2
(27) Duriez Marc, Premiers succès pour la réforme d’Ulla Schmidt, Espace Social Européen , N° 718, du 1er au 7 avril 2005, p. 11
(28) La rédaction de cet article a été terminée le 5/8/2005, quelques semaines avant les élections allemandes.
(29) Dans ce manifeste, on fait allusion à une couverture maladie universelle, une application de la réforme ‘Hartz IV’ pour les plus de 55 ans repoussée au mois de février 2008 et un alignement de l’aide sociale perçue dans l’est de l’Allemagne sur le niveau perçu à l’ouest (345 euros). Voir de Tricornot Adrien, En Allemagne, le SPD entend poursuivre les réformes mais ajoute des mesures sociales, Le Monde , 6 juillet 2005, p. 6
(30) Calla Cécile, Angela Merkel veut la flexibilité du travail, Le Figaro , 12 juillet 32005, pp 1 et 4
(31) Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du Ministère du travail français. Cité par Bissuel Bertrand, RMI, ASS, AME: les dispositifs d’aide aux démunis limités, Le Monde , 30 décembre 2003, p.6
(32) Voir Guélaud Claire, En 2004, des milliers de chômeurs vont perdre leurs droits, Le Monde , 30 décembre 2003, p. 6
(33) Cité par Cadrey Jean, Prélèvements obligatoires: un choix de société, Alternatives économiques , N° 222, février 2004, p. 68
(34) Fitoussi Jean-Paul, L’équation solidarité – emploi, Le Monde , 31 janvier 2004, p.18
(35) Evidemment, de telles mesures suscitent des résistances et au moment où nous écrivons ces lignes, la réforme a été suspendue et les modifications ne sont pas encore publiées. Il semble que les grandes lignes seraient maintenues mais que la durée de versement des allocations seraient revue.
(36) Bissuel Bertrand, L’abbé Pierre appelle les citoyens à ‘passer à l’acte’ contre l’exclusion, Le Monde, 1er – 2 février 2004, p. 9
(37) Mossé Eliane, Les riches et les pauvres , Editions du Seuil – Points – Economie, Paris, 1985, p. 59
(38) Voir Conseil Supérieur de l’Emploi, Rapport 2002 , p. 9
(39) A l’exception des chirurgiens-dentistes, des ophtalmologistes et des gynécologues
(40) Pour une explication du contenu du plan de soins coordonnés, voir Barroux Rémi, Médecin traitant: cinq clefs pour comprendre la réforme, Le Monde, 1er juillet 2005, p. 7
(41) On retrouve l’essentiel de cette critique des généralistes dans Blanchard Sandrine, Les praticiens doutent de l’efficacité de la réforme, Le Monde , 1er juillet 2005, p. 7
(42) Voir Allard Laurence, Soins médicaux: ce qui restera à la charge des assurés, Le Figaro Patrimoine , 30 avril 2005, pp. 12 et 14. Trois types d’incitations sont donc prévus: l’exclusion de l’assiette de cotisations sociales de la contribution des entreprises à la prévoyance complémentaire, l’exonération de la taxe spéciale de 7 % sur les conventions d’assurance et le droit de déductibilité du revenu net imposable des cotisations ou primes versées, tant par les salariés que par les professionnels indépendants (Voir Beau Pascal, Contrats responsables, que des inconvénients?, Espace Européen , N° 721, 22 au 28 avril 2005, pp. 4 – 5).
(43) Caudron José & Mills Catherine, Le système de santé. Résistances et alternatives. Critique de la contre-réforme Douste-Blazy et perspectives , ESPERE, Le temps des Cerises, Paris, 2004, p. 52
(44) Une enquête menée sur 8.500 femmes aux Pays-Bas entre 1983 et 1995 a permis de montrer que chez les femmes dont le BMI (Body Mass Index) est supérieur à 27, la probabilité de réussite de la première tentative de fertilisation in vitro était réduite de 33 % par rapport aux femmes dont le BMI était normal. (Carpentier Nathalie, Roken vermindert kans van vrouwen op een kind, De Morgen , 07 avril 2005, p. 8)
(45) Eng Ernest, Too big to ignore: the impact of obesity on mortality trends , Swiss Reinsurance Company, Zurich, 2004
(46) Voir page 33 du rapport
(47) Voir De Morgen , 07 avril 2004, Te koop: levensverzekering per kilo, p. 8
(48) Molénat Xavier, De l’hygiénisme à l’éducation pour la santé, Sciences humaines , Hors-Série, mars–avril–mai 2005, p. 89
(49) Shelke Rajani R.J. & Leeuwenburgh Christiaan, Life-long calorie restriction (CR) increases expression of apoptosis repressor with a caspase recruitment domain (ARC) in the brain, Journal of Federation of American Societies for Experimetal Biology (FASEB) , 02 January 2003
(50) Les chercheurs ont travaillé sur des rats nourris ad libitum et dont l’alimentation a été réduite de 40 % par rapport au niveau ad libitum et avouent que le processus d’apoptose in vivo reste inconnu.
(51) Van Impe Marc, Blijf verstandig, eet weinig, Financiële Economische Tijd , 1er mars 2003
(52) Gordon-Larsen Penny, Adair Linda S. & Popkin Barry M., The Relationship of Ethnicity, Socioeconomic Factors and Overweight in U.S. Adolescents, Obesity Research , 11, 2003, pp. 121–129
(53) Burne Jerome, Hoe dodelijk is dik?, De Morgen , 30 juillet 2005, p. 54
(54) Labour, National Policy Forum Consultation Document – Improving health and social care , May 2003, http://www.labour.org.uk
(55) Voir notamment Wierinck Marie, Plus de marché pour sauver la solidarité? Le pari néerlandais de la réforme de l’assurance maladie, Chronique Internationale de l’IRES , N° 91, novembre 2004, pp. 65 – 78
(56) Le 15 septembre 2003, le ministre français de l’économie, Francis Mer déclarait sur France 2 que « Ceux qui gagnent beaucoup d’argent le méritent: ils apportent à la société une valeur supérieure à ceux qui gagnent moins ». Cité par Bulard Martine, Etat d’urgence sociale, Le Monde Diplomatique Mars 2004, p.3
(57) Hens Evelyne & Huysentruyt Stefaan, ‘Draai de geldkraan voor 85-plussers dicht’, Financiële Economische Tijd, 8 april 2004, p. 3
(58) Kesteloot Hugo, ‘Van de wieg tot 85 jaar’ doet schrikken, Financiële Economische Tijd , 5 mei 2005
(59) Voir Léonard Christian, Priorités et choix en soins de santé , Dossier thématique de mutualités chrétiennes, N° 3, Octobre 2000
(60) 75,4 % des médecins, 76,8 % des infirmières et 67 % des citoyens
(61) Touraine Alain, op. cit., p.128
(62) Voir la contre – argumentation dans le NRC Handelsblad par Bolt Ineke, Schermer Maartje & Van de Vathorst Suzanne, Mensen hebben wél recht op een ongezonde leven, NRC Handelsblad , 28 april 2005, p. 9
(63) Bourcier Nicolas & Plougastel Yann, Michel Onfray en chaire et en mots, Grand entretien dans Le Monde 2 , 2 avril 2005, pp. 25–30
(64) Gori Roland & Del Volvo Marie-José, La santé totalitaire. Essai sur la médicalisation de l’existence , Denoël, L’espace analytique, Paris, 2005 (voir pages 27, 28, 185 et 186)
(65) Kristeva Julia, Décidément ce Pape …, La Croix – Forum & Débats , 8 avril 2005, p. II
(66) Raspiengeas Jean-Claude, entretien avec Michel Serres, Plus fort que la force, La Croix – Forum & Débats , 08 avril 2005, p. III
(67) Voir à propos de l’omniprésence de la publicité Amalou Florence, Le livre noir de la Pub , Stock, Paris, 2001
(68) Thiry Christiane, L’âge? Il change tout le temps, La Libre Essentielle , Spécial Beauté, N° 71, avril 2005, p. 3
(69) Gori Roland & Del Volvo Marie-José, op. cit., p. 189
(70) Bourdieu Pierre, La distinction, critique sociale du jugement , Editions de Minuits, Paris, 1979, p. 122
(71) Bourdieu Pierre, op. cit., p. 123
(72) Bourdieu Pierre, op. cit., p. 135
(73) Maurin Eric, Le ghetto français. Enquête sur le séparatisme social , Seuil & La République des idées, Paris, octobre 2004
(74) Maurin Eric, op. cit., p. 55
(75) Voir son article consacré à l’ouvrage de Eric Maurin. du Granrut Charles, France: une société fragmentée, Futuribles , N° 307, avril 2005, p. 64
(76) Van Zanten Agnès, Lieu d’habitation et offre scolaire – Une enquête dans l’Ouest parisien, Informations sociales , N° 123, mai 2005, p. 67. Ce numéro d’informations sociales est consacré au logement et au cadre de vie, sa lecture complète idéalement celle du livre d’Eric Maurin.
(77) Ibidem, p. 70
(78) Maurin Louis, Que sait-on des inégalités en France?, Futuribles , N° 307, avril 2005, pp. 41–55
(79) Un constat de Bernard Girod de l’Ain, professeur émérite de l’Université de Paris – Dauphine. Girod de l’Ain Bernard, Les chiffres discutables des admissions au bac, La Croix , 6 juillet 2005, p. 25
(80) L’IMC – Indice de Masse Corporelle ou Body Mass Index est le rapport entre le poids exprimé en kilos et la taille exprimée en mètres et élevée au carré (P/T2). On parlera d’obésité pour un IMC supérieur à 30, d’excès de poids pour un IMC entre 25 et 30 et d’un poids normal pour IMC entre 20 et 25. On parlera de maigreur lorsque l’IMC s’établit en dessous de 20 et de maigreur extrême lorsqu’il atteint une valeur inférieure à 18.
(81) Nous avons analysé les inégalités de santé sous l’angle des inégalités sociales sur la base des résultats de l’enquête 2001 sur la santé des Belges dans les articles suivants Léonard Christian & Van Winckel Hilde, Le Belge et sa santé, M-Info, N° 186, février – mars 1999 et Léonard Christian, La nouvelle enquête sur la santé des Belges: une grille de lecture des inégalités de santé, MC-Informations , N° 207, avril 2003, pp. 16–24
(82) Petitnicolas Catherine, Une proposition de loi contre l’obésité, Le Figaro , 30 mars 2005, p. 11
(83) Martindale Diane, Etre accro au Big Mac comme à l’héroïne, Courrier International , N° 649, du 10 au 16 avril 2003, p. 62
(84) Stettler Nicolas, A. Stallings Virginia, B. Troxel Andrea, Zhao Jing, Schinnar Rita, E. Nelson Steven, E. Ziegler Ekhard, L. Strom Brian, Weight Gain in the First Week of Life and Overweight in Adulthood, Circulation , 19 avril 2005, N° 111, pp. 1897 –1903.
(85) Tourbe Caroline, Les câlins ont un effet… génétique!, Science & Vie , avril 2005, pp. 90–94
(86) De Morgen, Geboortegewicht baby’s bepaalt kans op depressie, 05 juillet 2005, p. 27
(87) Touraine Alain, op. cit. p. 145
(88) Loi N° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Cette loi, dans son article 29 prévoit de baliser la publicité et la promotion de l’alimentation. L’article prévoit que les messages publicitaires télévisés ou radiodiffusés en faveur de boissons avec ajouts de sucres, de sel ou d’édulcorants de synthèse et de produits alimentaires manufacturés, émis et diffusés à partir du territoire français et reçus sur ce territoire, doivent contenir une information à caractère sanitaire. La même obligation d’information s’impose aux actions de promotion de ces boissons et produits. Mais il prévoit également que les annonceurs peuvent déroger à cette obligation sous réserve du versement d’une contribution au profit de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé. Cette contribution est destinée à financer la réalisation et la diffusion d’actions d’information et d’éducation nutritionnelles, notamment dans les médias concernés ainsi qu’au travers d’actions locales. Cette contribution est assise sur le montant annuel des sommes destinées à l’émission et à la diffusion des messages hors remise, rabais, ristourne et taxe sur la valeur ajoutée, payées par les annonceurs aux régies. Le montant de cette contribution est égal à 1,5 % du montant de ces sommes. Enfin, les modalités d’application du présent article, et notamment les conditions de consultation des annonceurs sur les actions de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, sont déterminées par décret en Conseil d’Etat pris après avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments et de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé et après consultation du Bureau de vérification de la publicité.
L’article 30, concerne les distributeurs automatiques de boissons et de produits alimentaires payants et accessibles aux élèves qui seront interdits dans les établissements scolaires à compter du 1er septembre 2005.
(89) Blanchard Sandrine & Girard Laurence, Le Sénat veut réduire la portée de deux mesures contre l’obésité, Le Monde , 10 juillet 2004, p. 5 & Blanchard Sandrine, Contre l’obésité, le Sénat maintient les distributeurs dans les écoles mais s’inquiète de leur contenu, Le Monde , 11-12 juillet 2004, p. 7
(90) Voir sur le net http://www.navsa.fr/PRESSE/France2.pdf
(91) Voir sur le net http://www.ump.assemblee-nationale.fr/article.php3?id_article=3126 l’intervention de Bernard Depierre. Un taux de TVA de 19,6 % est appliqué aux ventes de produits à consommer sur place alors qu’un taux de 5,5 % s’applique aux produits à emporter, c’est ce dernier que le député voudrait voir appliquer aux distributeurs.
(92) Voir Blanchard Sandrine, La lutte contre l’obésité se heurte au lobby agroalimentaire, Le Monde , 30 avril 2005, p.8
(93) Voir Bassir Pour Afsané, L’OMS rappelle la ‘nécessité absolue’ de développer les traitements antisida dans les pays pauvres, Le Monde , 21 mai 2004, p. 4
(94). Le Monde Diplomatique de mai 2001 consacre un dossier complet à la publicité intitulé ‘La pieuvre publicitaire’ pp. 9 – 14.
(95) Laurent Raphaël, Parce que la pub le vaut bien, La Libre Entreprise , 19 mars 2005, p. 8. Voir également Amalou Florence, Le livre noir de la Pub, quand la communication va trop loin , Stock, 2001
(96) Peronnau Marie, La publicité a du mal à cerner les 15–25 ans, Le Figaro économie , 6 avril 2005, p. X
(97) Beau Pascal, Obésité, le nouveau mal français, Espace Social Europée n, N° 718, du 1er au 07 avril 2005, p.
(98) Defeyt Philippe, Ivan Illich – Sortir de la société de la consolation, Démocratie, 1er mai 2005, N°9, pp. 1-5
(99) Le site de Nike ( http://www.nikeid.com ) en est un bel exemple. Il y est proposé de ‘fabriquer’ soi-même les chaussures qui pourront nous ‘personnaliser’.
(100) Voir Sallé Caroline, Customiser son ego, Le Figaro , 02 juin 2005, p. 21. Dominique Quessada a publié la Société de consommation de soi chez Verticales en 1999.
(101) Mamou Yves, La pilule miracle de Sanofi Aventis contre le tabagisme et l’obésité, Le Monde , 27 juillet 2005, p. 9
(102) Illich Ivan, Némésis médicale in Œuvres complètes , Volume 1, Fayard, 2004, pp. 581 – 786. Illich y illustre magistralement le caractère relatif des gains d’espérance de vie consécutifs à la mobilisation de la technologie médicale. Il rappelle fort opportunément que les gains les plus importants ont été obtenus grâce aux amélioration de l’hygiène de vie, de l’hygiène dans les actes médicaux simples et à l’amélioration de la nutrition.
(103) Voir Bader Jean-Michel, Des maladies pour vendre des médicaments, Le Figaro , 14 juillet 2005, p. 1
(104) Citons par exemple cette progression étonnante du nombre de maladies mentales reconnues aux Etats-Unis depuis le seconde guerre mondiale: elles sont passées de 26 à 395! (Voir Blech Jörg, Les inventeurs de maladie – Manœuvres et manipulations de l’industrie pharmaceutique , Actes Sud, 2005).
(105) Court Marielle & Tabet Marie-Christine, Amiante: une facture de plus en plus ruineuse, Le Figaro, 6 avril 2005, p. 13
(106) Nous avons consacré un article à la problématique de l’application du progrès technologique au champ de la médecine dans Léonard Christian, Du progrès technique dans le champ d’action de la médecine, MC-Informations , N°214, août 2004, pp. 5-19
(107) Le 14 janvier 1983, Madame Perruche qui a contracté la rubéole au cours de sa grossesse, donne naissance à Nicolas qui présentera un an plus tard tous les symptômes liés à une rubéole congénitale. Les parents de Nicolas avaient exprimé la volonté d’interrompre la grossesse dans le cas où les tests effectués auraient confirmé les craintes de rubéole chez le foetus. Cependant une erreur du laboratoire n’a pas permis aux parents d’utiliser leur ‘libre arbitre’. A l’issue de nombreux débats, jugements et arrêts, un réel précédent a été reconnu par l’arrêt du 17 novembre 2000. Il s’agissait de l’indemnisation du préjudice de l’enfant en plus de celui des parents, mettant en cause la responsabilité médicale. Cet arrêt a suscité un véritable tollé chez les médecins et les associations de parents d’enfants handicapés. Des menaces de grèves chez les spécialistes en échographie prénatale et les manifestations de parents concernés ont débouché sur le vote d’une loi qui précisait que « Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du fait d’être né », ce qui mettait un coup d’arrêt à la jurisprudence Perruche.
(108) Diederich Nicole & Moyse Danielle, L’échographie prénatale après l’arrêt Perruche – Une modification des pratiques?, Etudes , Avril 2005, N°4024, pp. 483-493
(109) Voir par exemple Latouche Serge, Pour une société de décroissance, Le Monde Diplomatique , Novembre 2003, pp. 18 – 19
(110) Voir Latouche Serge, En finir, une fois pour toutes avec le développement, Le Monde Diplomatique , Mai 2001, pp. 6 – 7 & Latouche Serge, Et la décroissance sauvera le Sud…, Le Monde Diplomatique , Novembre 2004, pp. 18 – 19
(111) Etchegoyen Alain, Le temps des responsables , Julliard, Paris, 1994, p. 94
(112) Jonas Hans, Le principe responsabilité , Champ Flammarion, 1998, p. 269
(113) Kempf Hervé, Ecologisme radical et décroissance, Le Monde , 4 mars 2005, p. 5
(114) L’empreinte écologique d’un pays peut être définie comme la surface de terre productive et d’écosystèmes aquatiques nécessaires à produire les ressources utilisées par ce pays et à assimiler les déchets qu’il produit. Il est ainsi possible de calculer le différentiel, pour chaque pays, entre son empreinte écologique et la surface dont il dispose réellement. Selon Serge Latouche, l’ « effet rebond », c’est-à-dire le gain que l’on obtient sur l’empreinte écologique d’un produit au moyen de techniques de production plus performantes et plus économes en énergie non renouvelable est plus que compensé par l’augmentation de sa consommation; Voir Kempf Hervé, interview de Hubert Védrine & serge Latouche, Le Monde , supplément consacré au développement durable, 26 mai 2005, pp. X et XI
(115) Selon l’expression de Serge Latouche, Novembre 2004, op. cit.
(116) Harribey Jean-Marie, Développement ne rime pas forcément avec croissance, Le Monde Diplomatique , Juillet 2004, pp. 18 – 19