Introduction
Pour mieux décider des orientations à donner à leurs politiques, les ministres responsables de la santé publique en Belgique aux niveaux fédéral, régional et communautaire ont commandité en 2013 l’organisation d’une cinquième enquête de santé. Par souci de cohérence et d’économie d’échelle, ils ont décidé de réaliser en commun cette enquête et ont pour ce faire mandaté une seule et même institution. L’organisation de cette enquête de santé publique a été confiée à l’Institut Scientifique de Santé Publique (WIV-ISP).
Après un rapide survol des principaux résultats dans notre numéro 313, voici un résumé de la partie concernant l’utilisation des services de soins de santé et des services sociaux.
Contacts avec le médecin généraliste
Le médecin généraliste est le prestataire de soins auquel s’adresse le plus souvent la majorité de la population: 4 personnes sur 5 consultent un généraliste au moins une fois par an.
Le médecin généraliste a un rôle déterminant auprès des seniors: 95% des personnes de 75 ans et plus prennent contact au moins une fois par an avec le généraliste et le nombre moyen de prises de contact s’élève chez elles à 8 par an. 84% de ces contacts concernent le suivi d’un problème de santé connu. Dans le cadre du vieillissement de la population, l’importance de la médecine générale dans les soins de santé devrait donc encore s’accroître dans le futur.
Les personnes ayant un faible niveau d’éducation consultent plus souvent le médecin généraliste, et ce, parce qu’elles ont plus souvent des problèmes de santé. Si l’on tient compte de l’état de santé dans les analyses, les différences socio-économiques dans le nombre de consultations disparaissent.
Les Bruxellois font nettement moins souvent appel au médecin généraliste que les habitants de Flandre et de Wallonie, et cela même dans le cas où les résultats de Bruxelles sont comparés à ceux des villes de chacune de ces deux Régions. Il faudrait donc encourager les initiatives visant à promouvoir la médecine générale dans la Région bruxelloise, avec une attention particulière aux personnes d’origine étrangère.
Les personnes peu instruites, ainsi que les jeunes dans leur ensemble, ont plus souvent recours à un médecin généraliste travaillant dans une maison médicale pluridisciplinaire.
L’organisation de la pratique en médecine générale (pratique privée versus pratique de groupe) présente des différences régionales importantes en Belgique.
Consultations chez le spécialiste
Le nombre de consultations chez le médecin spécialiste est sous-estimé dans l’enquête de santé, mais celle-ci fournit néanmoins des informations importantes; elle permet notamment d’étudier les déterminants de la consommation de soins (spécialisés) et constitue par ailleurs une base à partir de laquelle il est possible, du fait de questions similaires, de procéder à des comparaisons avec les autres pays européens.
75% des consultations chez le médecin spécialiste correspondent en fait à des visites de suivi d’un problème de santé chronique.
Consulter un médecin spécialiste semble être un pas plus difficile à franchir pour les personnes avec un faible niveau d’éducation; en revanche, on n’observe pas de différences socio-économiques dans le nombre de contacts avec le spécialiste. Le fait que les personnes peu instruites soient moins nombreuses à recourir à un médecin spécialiste peut être dû à une barrière financière, mais des facteurs de type cognitif pourraient également être en jeu.Les variations socio-économiques dans l’utilisation des soins prodigués par un médecin spécialiste diffèrent en fonction du type de spécialiste. Le gynécologue et le pédiatre sont les spécialistes qui sont plus souvent consultés par les personnes avec un niveau d’éducation élevé.
Lorsque la consultation n’a pas été planifiée par le médecin spécialiste, c’est le patient lui-même qui en a pris l’initiative dans 63% des cas. Dans 24% des cas c’est le médecin généraliste qui a référé le patient vers le spécialiste. Les personnes avec un niveau d’éducation élevé consultent plus volontiers un médecin spécialiste directement. Ce sont surtout le gynécologue, le pédiatre et le dermatologue qui travaillent comme médecins de première ligne: plus de 75% des consultations (non planifiées au préalable) chez ces médecins font suite à une initiative du patient lui-même.
En Région bruxelloise, le pourcentage de personnes qui ont consulté un médecin spécialiste au cours des 12 derniers mois est plus élevé que dans le reste du pays; il en est de même en ce qui concerne le nombre moyen de consultations chez le médecin spécialiste par personne et par an. Il faut mentionner toutefois que ce sont surtout les personnes avec un niveau d’éducation élevé qui s’adressent à un médecin spécialiste.
L’accès aux soins prodigués par le médecin spécialiste pour les personnes qui en ont besoin, quel que soit le niveau socio-économique, doit donc rester un point d’attention au cours des prochaines années de la part des décideurs en matière de santé publique.
Contacts avec le service des urgences
En 2013, 13% de la population a visité un service des urgences au cours de l’année qui a précédé l’interview.
Moins que 2% de la population déclare avoir eu un contact avec un service des urgences au cours de l’année précédant l’interview mais ne pas avoir eu de contacts avec un généraliste au cours de cette même période.
Dans 76% des cas, le contact avec le service des urgences ne fait pas suite à une référence par un médecin et 57% des visites auprès d’un service des urgences se sont déroulées pendant les heures ouvrables (en cours de semaine, pendant la journée).
Certains groupes de la population ont plus souvent recours à un service des urgences: les hommes, les groupes qui ont un niveau d’instruction peu élevé et les citadins, en particulier les Bruxellois.
Consultations chez un dentiste
Le pourcentage de personnes qui visitent annuellement un dentiste a augmenté fortement au cours de la décennie écoulée. Cette tendance est particulièrement nette chez les jeunes entre 6 et 18 ans: en 2004, 63% d’entre eux se rendaient au moins une fois par an chez le dentiste; en 2013, ce taux est passé à 80%.
Les jeunes à Bruxelles consultent bien moins fréquemment le dentiste. 29% des jeunes Bruxellois de 2 à 14 ans n’ont encore jamais consulté un dentiste. Ce pourcentage est deux fois plus élevé par rapport au reste du pays. Il est donc important de sensibiliser les jeunes et leurs parents en Région bruxelloise au sujet de la visite annuelle chez le dentiste.
Il existe une relation étroite entre le fait de rendre régulièrement visite à un dentiste et une bonne hygiène bucco-dentaire. Ainsi, 63% des personnes qui ont visité un dentiste au cours de l’année qui a précédé l’enquête, se brossent les dents au moins deux fois par jour; par contre, ce n’est le cas que chez 46% des personnes qui n’ont pas vu un dentiste au cours de la même période.
Les différences socio-économiques dans l’utilisation des services de soins dentaires restent très marquées. Les personnes les plus instruites se rendent presque deux fois plus souvent chez le dentiste que celles les moins instruites.
Chez les 75 ans et plus, 60% seulement ont encore leurs propres dents mais à peine 34% rapportent avoir eu un contact avec un dentiste au cours de la dernière année. Étant donné la relation étroite entre la santé bucco-dentaire et la santé en général, ce point doit faire l’objet d’une attention particulière.
Une promotion de la santé en faveur des classes sociales défavorisées et des personnes âgées, où l’on insiste sur la visite annuelle chez un dentiste, reste donc plus que jamais une priorité.
Contacts avec les services paramédicaux
Le recours à la kinésithérapie est plus fréquent à mesure que l’on avance en âge, et chez les personnes de 75 ans et plus, les femmes sont aussi plus nombreuses (28%) que les hommes (14%) à y recourir.
Davantage de femmes (4%) que d’hommes (2%) s’adressent à un(e) diététicien(ne).
Ce sont surtout les personnes d’âge moyen (7% à 8% des 35-54 ans) qui consultent un(e) psychologue ou un(e) psychothérapeute.Il est plus fréquent de consulter un(e) psychologue ou psychothérapeute dans les milieux les plus instruits (6%) et en Région bruxelloise (7%).
Parmi les psychologues ou psychothérapeutes consultés, quatre sur cinq travaillent au sein d’un cabinet privé, d’une clinique…
Les proportions de personnes qui consultent un(e) diététicien(ne) et/ou un(e) psychologue ou psychothérapeute augmentent au cours du temps depuis la première enquête de 1997.
Contacts avec prestataires de thérapies non conventionnelles
En 2013, 8% de la population a consulté un prestataire de thérapie non conventionnelle, ce qui représente une diminution par rapport à 2008 (11% ayant alors consulté).
Les groupes qui ont le plus souvent recours à une thérapie non conventionnelle sont les femmes, les personnes d’âge moyen et les personnes ayant un niveau d’éducation élevé.
Parmi les quatre thérapies non conventionnelles examinées dans l’enquête (homéopathie, acupuncture, chiropraxie et ostéopathie), ce sont les ostéopathes qui ont été plus souvent sollicités par la population (6%) au cours des 12 mois précédant l’interview.
Services de soins et d’aide à domicile
8% de la population a fait appel à des services de soins et d’aide à domicile (en général).
Plus spécifiquement, 4% a eu recours à un service de soins prestés à domicile par un(e) infirmier(ière) ou une sage-femme, 4% à un service d’aide familiale ou aide senior, et à peu près 1% à un service de repas chauds à domicile.
Les femmes sont plus nombreuses à avoir sollicité des services de soins et d’aide à domicile, plus spécifiquement des soins prestés par un(e) infirmier(ière) ou une sage-femme et une aide familiale ou aide senior à domicile. Dans le groupe d’âge des 25-34 ans, ils peuvent être associés à des services ayant lieu dans le cadre d’un accouchement.
Les personnes âgées de 75 ans et plus ont davantage eu recours à ces services à domicile.Les personnes avec un faible niveau d’éducation ont plus souvent utilisé les services de soins et d’aide à domicile, notamment les services prestés par un(e) infirmier(ière) ou une sage-femme.
Près des deux tiers des personnes de 75 ans et plus et deux tiers des personnes à faible niveau d’éducation qui ont utilisé un service de soins infirmiers à domicile, l’ont fait sur une longue période de temps (26 à 52 semaines).
Le recours à des services de soins et d’aide à domicile en général est plus élevé en Région bruxelloise, tandis que l’utilisation d’un service de soins à domicile presté par un(e) infirmier(ière) ou une sage-femme est plus courante en Région flamande.
Hospitalisation
En 2013, 10% de la population a été admise pour une hospitalisation classique au cours de l’année précédant l’enquête, tandis que 7% a été admise pour une hospitalisation de jour.
La durée moyenne d’une hospitalisation classique est de 7 nuits.
Parmi les hospitalisations classiques, on compte 12% d’admissions dans un service psychiatrique ou un hôpital psychiatrique.
La décision de traiter un patient dans un environnement ambulatoire ou hospitalier est influencée non seulement par des facteurs médicaux, mais aussi par des facteurs sociodémographiques et administratifs:
- les hospitalisations classiques augmentent avec l’âge, tandis que les hospitalisations de jour augmentent avec l’âge jusqu’à 74 ans pour diminuer ensuite parmi les 75 ans et plus.
- les hospitalisations classiques sont plus fréquentes parmi les femmes (sans doute à cause des admissions pour un accouchement) et les personnes ayant un niveau d’instruction peu élevé.
- les hospitalisations de jour sont plus fréquentes parmi les habitants de la Région flamande.
Consommation de médicaments
Il y a eu entre 1997 et 2013 une augmentation importante du pourcentage de personnes qui ont pris des médicaments sous prescription; inversement, il y a eu au cours de la même période une diminution marquée du pourcentage de personnes qui prennent des médicaments ne nécessitant pas de prescription.
La poly pharmacie et la poly pharmacie excessive restent des problèmes sérieux, essentiellement chez les personnes âgées; ainsi, plus de 30% des personnes de 75 ans et plus prennent au moins 5 médicaments différents au cours d’une même journée et 6% au moins 9 médicaments.Les médicaments alternatifs et les suppléments alimentaires représentent 9% des médicaments qui sont consommées tous les jours. La prise de médicaments alternatifs et de suppléments alimentaires est donc relativement marginale par rapport à la consommation de médicaments conventionnels.Les produits actifs dans le domaine cardiovasculaire représentent le groupe le plus important avec 39% du total des médicaments remboursés et consommé lors d’une journée habituelle. Les médicaments non remboursés se trouvent essentiellement parmi les analgésiques, les somnifères et les calmants. La consommation de ces derniers a baissé par rapport à 2008 mais cette baisse n’est observée qu’en Région bruxelloise et en Région wallonne.
La pharmacie reste le principal endroit pour acheter des médicaments. La consommation de médicaments achetés via Internet reste un phénomène marginal: moins de 1% de la population en Belgique déclare avoir consommé au cours des 2 dernières semaines un médicament acheté en ligne.
La consommation de médicaments prescrits augmente à mesure que le niveau d’éducation diminue; cette tendance se vérifie aussi bien pour les produits qui sont remboursés que pour ceux qui ne le sont pas. Inversement, la consommation de produits sans prescription (qui bien entendu ne sont jamais remboursés) est la plus importante au sein des groupes avec le niveau d’éducation le plus élevé.
Accessibilité financière des soins de santé
En moyenne, un ménage consacre 5% de son budget aux dépenses en soins de santé.Un quart des ménages indiquent que les dépenses en soins de santé sont (très) difficiles à intégrer dans leur budget.8% des ménages indiquent qu’au cours des 12 derniers mois ils ont dû reporter des soins de santé nécessaires en raison de problèmes financiers.
L’expérience du patient
À peine 1% des patients indique que le délai d’attente pour obtenir un rendez-vous chez le médecin généraliste leur a posé problème; dans le cas d’un rendez-vous chez le spécialiste, cette proportion s’élève à 10%. Plus de 90% des patients affirment n’avoir aucun problème avec le temps qu’ils passent dans la salle d’attente du médecin.
La situation est toutefois moins favorable à Bruxelles, en particulier pour ce qui concerne les soins ambulatoires spécialisés: 1 patient sur 5 indique que le délai d’attente pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste leur a posé problème et le même nombre de patients indique que le temps passé dans la salle d’attente du spécialiste était un problème pour eux.
Au moins 95% des patients rapportent que
- le médecin leur a consacré suffisamment de temps pendant la consultation;
- les explications fournies par le médecin étaient suffisamment claires;
- le médecin leur a laissé l’occasion de poser des questions ou d’exprimer des préoccupations concernant le traitement recommandé;
- le médecin les a suffisamment impliqués dans les décisions portant sur les soins ou le traitement à recevoir. La Belgique obtient d’excellents résultats à ces égards par rapport aux autres pays de l’OCDE.
Le pourcentage de personnes qui ont répondu positivement à ces quatre questions ne varie pas en fonction du niveau d’éducation lorsqu’il s’agit des consultations chez un médecin généraliste. En revanche, par rapport aux personnes plus instruites, celles qui sont faiblement scolarisées déclarent moins souvent que le spécialiste leur a fourni des explications claires, que le spécialiste leur a donné l’occasion de poser des questions ou d’exprimer leurs préoccupations et que le spécialiste les a impliqués dans les décisions sur les soins et le traitement.
Seulement 1% de la population indique avoir eu à reporter des soins en raison de problèmes de distance ou de transport, mais près de 4% de la population indique avoir reporté des soins à cause des délais d’attente pour obtenir un rendez-vous. La Région bruxelloise enregistre 9% de patients dans ce cas.
Référence
Drieskens S., Gisle L. (ed.) Enquête de santé 2013. Rapport 3: utilisation des services de soins de santé et des services sociaux. Résumé des principaux résultats.
Nous avons publié les résultats principaux des 5 rapports sur notre page Facebook (https://www.facebook.com/revueeducationsante)
Le rapport complet avec l’analyse des résultats, de même que le rapport succinct, peuvent être consultés sur le site web de l’Enquête de santé à l’adresse http://his.wiv-isp.be/fr.
HISIA, le site web interactif
Les chercheurs et le public peuvent effectuer eux-mêmes certaines analyses via le site web interactif de l’Enquête de santé, à l’adresse http://hisia.wiv-isp.be. Les procédures à suivre pour réaliser des analyses sont expliquées sur le site.
Voir De Bock C., L’enquête de santé par interview, Éducation Santé n° 313, juillet-août 2015.