Avril 2015 Par Les Centres locaux de Promotion de la Santé (CLPS) Stratégies

Au coeur du travail en réseau en promotion de la santé (1ère partie)

Recommandations au départ de l’expérience des Centres locaux de promotion de la santé

Amenées régulièrement à travailler au sein de réseaux (en tant que membres, mais de plus en plus régulièrement en tant qu’animatrices), les équipes des CLPS ont souhaité avoir un échange de pratiques sur ce thème, au départ de questions communes.

Ces questions concernent d’une part des éléments liés au concept même du réseau (sa définition, ses forces et ses faiblesses, sa plus-value pour les personnes qui s’y engagent) et d’autre part des éléments liés à sa mise en pratique (comment on met en place un réseau, comment on le soutient, comment on le rend dynamique, quelle place les équipes des CLPS peuvent-elles prendre dans ces réseaux, etc.).

La méthode choisie a été d’avoir une réflexion structurée sur des échanges d’expériences menées par les CLPS. Ce travail de mise en commun a permis de mettre en lumière les pratiques des uns et des autres et d’identifier celles qui sont plus particulièrement ‘soutenantes’. Complémentairement à cet échange de pratiques, un travail de recherche dans la littérature a été fait pour mettre en relation les éléments forts mis en avant avec d’autres analyses faites sur le fonctionnement en réseau.

L’objet de cet article en deux parties est de rendre compte de ce travail d’analyse de pratiques. L’intention n’est pas de proposer une recette imparable (qui n’existe d’ailleurs pas…), mais, de manière assez modeste, de partager des leviers aidant à une mise en réseau.

Que met-on derrière le terme ‘réseau’ ?

Pour débuter la réflexion, il a d’abord été intéressant de s’entendre sur le terme ‘réseau’. L’objet n’était pas d’en donner une définition en bonne et due forme. Il était de voir ce que chacun met derrière ce terme, et être ainsi certain que l’on parle bien de la même chose en évitant tout malentendu dans les échanges.

Au départ des expériences des CLPS, les éléments clés suivants ont été identifiés à chaque fois que l’on parle de ‘réseau’ :

  • un dispositif qui regroupe, assemble des acteurs (individus et/ou organismes);
  • un regroupement qui se crée au départ d’un intérêt et/ou d’une problématique commune;
  • un mode de fonctionnement qui a la caractéristique d’être dynamique, souple et mouvant;
  • des objectifs qui peuvent être différents en fonction des réseaux : organiser des échanges, structurer des contacts, mettre en place des synergies, co-organiser des projets et des actions;
  • des centres d’intérêt, qui peuvent varier : le réseau peut s’intéresser à une thématique (assuétude, vie affective et sexuelle, etc.), à un regroupement professionnel (réseau de centres de planning, réseau de santé qui réunit des professions médicales, etc.) ou à un territoire ou un lieu de vie (réseau communal ou supra communal, réseau au sein d’une entreprise ou d’une école, etc.).

On retrouve ces éléments mis en avant par les CLPS dans d’autres définitions.

Pour l’OMS, le réseau se définit de la manière suivante : «Un groupement d’individus, d’organisations ou d’institutions qui est organisé de manière non hiérarchique autour de questions ou de préoccupations communes, qui font l’objet d’une action préventive et systématique reposant sur une volonté d’agir et la confiance’Note bas de page.

Autre définition dans l’ouvrage Fonctionner en réseau. D’après l’expérience des réseaux territoriaux d’éducation à l’environnement, la notion de réseau est abordée ainsi : «Il suffit de quelques personnes ayant les mêmes centres d’intérêts, les mêmes besoins, une volonté commune d’agir sur une problématique donnée, qui se rencontrent et décident d’entretenir des contacts réguliers pour qu’émerge un réseau»Note bas de page.

Dans ce même ouvrage, est reprise la définition de Claude NeuschwanderNote bas de page : «Un réseau est constitué par un ensemble de personnes qui établissent entre elles des relations spécifiques. Ces personnes travaillent dans le même domaine, ont des tâches semblables. Surtout elles se reconnaissent les unes les autres un niveau de compétences, une capacité d’influence, une responsabilité tels que les complémentarités apparaissent, les rapports de force disparaissent, la communication et l’aptitude à agir deviennent naturelles»Note bas de page.

Les expériences vécues par les CLPS vont dans le sens de cette définition. De surcroît, une dimension intersectorielle y est aussi présente. Elles ne concernent donc pas uniquement des personnes qui travaillent dans le même domaine ou ont des tâches semblables.

Sur son site internetNote bas de page, l’association Habitat et Participation reprend la définition élaborée par Wilfrid Hertog (Resource Centre of Urban Agriculture – RUAF) : un réseau est un groupe quelconque d’individus ou d’organisations qui, sur une base volontaire, échangent des informations et des biens ou implantent des activités conjointement pendant que l’autonomie de l’individu reste intacte. Cette définition, dit Wilfrid Hertog, nous donne les éléments pour répondre aux questions du pourquoi et du comment :

  • il y a un intérêt, problème ou défi commun au sein d’individus ou d’organisations;
  • il y a un échange volontaire entre les membres et l’autonomie des membres reste intacte;
  • la structure du réseau n’est pas définie. Elle s’adapte aux circonstances et peut prendre des formes différentes, changer dans le temps, être informelle et légère ou formelle et plus lourde.

D’autre part, dans le cadre de cette réflexion, il est aussi utile de savoir qu’il existe différents types de réseaux en fonction de leur mode d’organisationNote bas de page :

  • les réseaux verticaux intégrés (réseaux de distribution, par exemple réseaux de banque, de bureaux de poste, etc.). Pouvoir venant d’en haut, structure hiérarchique, centralisation et déconcentration;
  • les réseaux verticaux fédérés, se construisant en pyramide ascendante (coopératives agricoles, syndicats professionnels, grandes associations sociales, etc.). Source du pouvoir dans l’unité de base, principe de parité des membres, appareil technocratique fort;
  • les réseaux horizontaux contractuels fondés sur le droit à travers la signature d’un contrat (réseaux de promotion d’une marque, franchises, etc.). Importance du label, enjeu autour de la qualité de la prestation;
  • les réseaux horizontaux maillés, fondés sur la complémentarité, l’intérêt et le goût à développer des relations d’échanges pour mieux répondre à des problèmes complexes.

Les réseaux au sein desquels les CLPS sont impliqués, font partie de cette dernière catégorie.

Pourquoi est-ce que les réseaux se créent ?

Dans les expériences échangées, les CLPS ont pu faire le constat que les institutions s’engagent dans un travail en réseau parce qu’elles peuvent en retirer les bénéfices suivants :

  • augmentation de l’efficacité;
  • renforcement mutuel;
  • enrichissement;
  • transfert de savoirs et de compétences;
  • mutualisation des ressources;
  • meilleure articulation/mise en lien.

L’analyse faite sur les réseaux territoriaux d’éducation à l’environnement met en avant des avantages similaires à ceux identifiés par les CLPS. «Au-delà des affinités et de la mise en œuvre de projets collectifs, l’acteur d’un réseau peut avoir d’autres motifs : se tenir informé, être au contact, s’ouvrir, appartenir à une communauté de valeurs et d’idées, accroître ses compétences au travers des échanges, bénéficier d’une caisse de résonance pour ses activités, voire se rapprocher de sources d’information permettant de se placer au mieux sur les appels d’offres publics»Note bas de page.

L’ouvrage Innover dans l’action. Guide pratique sur l’animation des réseaux locaux de services, reprend également des éléments de plus-value liés au travail en réseauNote bas de page : «En plus des nombreuses retombées déjà citées [… améliorer l’accès aux services, réduire les coûts, améliorer la continuité des services, améliorer la qualité des services …], les gestionnaires et les intervenants qui ont expérimenté le travail en Réseaux Locaux de Services notent d’autres avantages lorsqu’ils collaborent avec leurs partenaires.

Ils partagent:

  • des renseignements leur permettant de dresser un portrait plus précis de la problématique;
  • leurs expertises respectives, ce qui favorise la mise en œuvre d’actions qui englobent la complexité des problèmes vécus et des besoins perçus;
  • leurs ressources financières, humaines et matérielles, ce qui augmente leur capacité d’action.»

Le rôle et les implications des CLPS dans les dynamiques de réseau

Les expériences analysées montrent que les CLPS peuvent être impliqués de deux manières dans les dynamiques locales de réseaux : soit ils sont présents en tant que partenaire, au même titre que les autres membres du réseau (les apports sont alors liés à leurs missions de mise à disposition des ressources, de soutien à l’intégration des stratégies de promotion de la santé dans le projet, de création de liens avec d’autres projets existants, d’identification de partenaires utiles au projet, etc.), soit ils sont présents en tant que moteur du réseau. Les réflexions qui suivent sont essentiellement centrées sur ce deuxième mode d’implication.

Quand le CLPS est moteur du réseau, il peut assumer trois rôles importants: aider à la définition du projet, soutenir l’intégration de la promotion de la santé au sein du réseau et assumer une fonction d’animateur/facilitateur.

Aider à la définition du projet

Les CLPS aident les partenaires à structurer la mise en réseau en répondant aux questions suivantes : quel est le projet commun, qu’est-ce qui réunit les membres, qu’est-ce que les partenaires ont l’envie et la possibilité de réaliser ensemble, quels sont les avantages à s’impliquer dans le réseau en contrepartie de ce qu’on y investit ?

« Chose certaine, les acteurs partent généralement du constat qu’il leur serait difficile d’agir seuls sur le problème observé d’où l’intérêt de travailler en collaboration, de partager des expertises et des ressources et de s’entendre sur des objectifs communs « Note bas de page.

C’est souvent au départ de ce constat que les CLPS peuvent soutenir l’émergence et l’organisation d’un réseau, en rencontrant les défis suivants :

  • mobiliser des partenaires qui ont des objectifs et des mandats différents, des contraintes institutionnelles spécifiques, etc.
  • faire prendre conscience aux partenaires que le fait de mener des actions ensemble va leur permettre de mieux répondre à la complexité des situations que s’ils avaient agi de manière isolée;
  • identifier, avec les partenaires, les besoins de la communauté;
  • tenir compte, dans l’élaboration et le soutien au réseau, des réalités de chacun des territoires (enjeux locaux, ressources existantes, partenariats déjà présents, échecs et réussites d’expériences précédentes, etc.).

Soutenir l’intégration de la promotion de la santé au sein du réseau

Les CLPS fondent leur implication dans le travail en réseau sur les priorités suivantes :

  • inviter des acteurs issus de secteurs différents et des citoyens à collaborer dans le but final d’améliorer la santé et le bien-être d’une population définie (population qui partage une même appartenance géographique comme une commune ou un quartier; qui partage un même lieu de vie comme une école ou une entreprise; qui partage une problématique commune comme le sans-abrisme ou les assuétudes);
  • établir collectivement des priorités à partir d’une analyse et d’une connaissance des besoins de la population (besoins de santé et besoins sociaux, besoins exprimés et non exprimés, etc.);
  • avoir une approche globale de la problématique choisie et identifier l’ensemble des déterminants de la santé qui sont en jeu et sur lesquels il est important d’agir;
  • favoriser, chaque fois que c’est possible, la participation citoyenne dans la dynamique du réseau et dans les différentes étapes des projets élaborés;
  • veiller à ce que les projets développés réduisent les inégalités sociales de santé.

Assumer un rôle d’animateur/facilitateur

Cette position de facilitateur implique différentes tâches : gérer les réunions, soutenir la dynamique de groupe, garantir que le groupe travaille bien dans l’objectif défini collectivement, veiller à la rédaction des procès-verbaux et des invitations, faire avancer et faire vivre le réseau, amener des outils d’aide à la construction de projet, aider à la bonne circulation de l’information (transparence entre les membres du réseau), soutenir l’évaluation du fonctionnement du réseau et des activités réalisées.

Pour pouvoir assumer ce rôle, il faut que les membres du réseau reconnaissent à l’animateur cette légitimité et que celui-ci soit capable de recueillir la confiance nécessaire pour assumer la mission qui lui est confiée.

Dans la seconde partie de cet article, nous aborderons trois éléments de nature à favoriser la réussite de l’animation d’un réseau : le respect d’un certain nombre d’étapes pour sa mise en œuvre, huit attitudes à adopter pour stimuler son dynamisme et la rédaction d’une charte.

Glossaire de la promotion de la santé, Genève, OMS, 1999, p. 18.

Fonctionner en réseau. D’après l’expérience des réseaux territoriaux d’éducation à l’environnement, Poitiers, Réseau École et Nature, 2002, p. 17.

L’acteur et le changement, essai sur les réseaux, Le Seuil, 1991.

Ibid.

http://www.habitat-participation.be/reseau.html, consulté le 9 juillet 2014.

Goudet B., Développer des pratiques communautaires en santé et développement local, Lyon, Chronique sociale, 2009, p. 170-171.

Fonctionner en réseau. D’après l’expérience des réseaux territoriaux d’éducation à l’environnement, op. cit., p. 19.

Innover dans l’action. Guide pratique sur l’animation des réseaux locaux de services, Québec, Observatoire québécois des réseaux locaux de services, 2013, p. 6.

Innover dans l’action. Guide pratique sur l’animation des réseaux locaux de services, op. cit., p. 3.