Octobre 2013 Par Christian DE BOCK Lu pour vous

Les éditions Mardaga lancent aujourd’hui une collection ‘pour poser les grandes questions qui traversent le domaine de la santé tant physique que mentale’. Un pari a priori audacieux dans un segment du marché de l’édition que l’on pourrait croire saturé.

Nous avons rencontré Karin Rondia , la responsable de ce nouveau projet éditorial.

Éducation Santé : Pourquoi les éditions Mardaga ont-elles fait appel à vous pour leur nouvelle collection santé ?

Karin Rondia : Mardaga a une tradition d’ouvrages réservés à des professionnels. Ils souhaitaient toucher un public plus large en faisant sortir leurs savoirs du carcan académique. Apparemment, ils appréciaient la ligne qui était la mienne à l’époque où je dirigeais ‘Équilibre’ (1), et souhaitaient la retrouver dans leurs publications.
En d’autres termes, avec les auteurs, nous voulons aider les lecteurs à comprendre une problématique, nous ne cherchons pas à seulement transmettre un savoir aride ou à leur ‘conseiller’ tel ou tel comportement à appliquer aveuglément. C’est sans doute aussi ce qui nous rapproche des valeurs défendues par votre revue !

Les trois premiers titres

La mort choisie, comprendre l’euthanasie et ses enjeux, par François Damas

En Belgique, l’euthanasie est dépénalisée depuis 2002. Elle est aujourd’hui considérée comme un acte de soins qui peut être pratiqué exclusivement par un médecin, à condition que le malade en fasse la demande expresse et répétée.
Ce livre constitue le témoignage nuancé d’un médecin en soins intensifs engagé dans la pratique de l’euthanasie. C’est à la fois un plaidoyer pour une meilleure compréhension de ce qu’est réellement cet acte ultime et une réflexion sur la fin de vie dans une société de plus en plus médicalisée. À côté de l’euthanasie, l’ouvrage aborde également les autres décisions médicales relatives à la vie finissante, telles que la sédation ou les soins palliatifs.

Vivre avec Alzheimer, comprendre la maladie au quotidien, par Valentine Charlot

«Si on me dit que je suis personnellement atteint ou qu’un de mes proches est atteint de la maladie d’Alzheimer, qu’est-ce que je souhaiterais qu’on m’explique ?»
Cet ouvrage concret et pratique s’adresse en premier lieu aux malades eux-mêmes et décrit leur quotidien, leur donnant des repères sur le mal dont ils sont atteints, sans généralisation ni angélisme ni dramatisation excessive.
L’auteure, psychologue, neuropsychologue et gérontologue, y explique les symptômes de la maladie à la lumière de ce que l’on sait du fonctionnement du cerveau. Le livre propose aussi des conseils pour accompagner les patients, sans les infantiliser, dans le respect de leurs particularités, en s’appuyant sur ce qu’ils sont capables de faire et en mobilisant leurs ressources pour continuer à communiquer.

Mon enfant est insupportable ! Comprendre les enfants difficiles, par Isabelle Roskam

Les comportements d’agressivité, de provocation et de désobéissance sont fréquents chez les petits. En tant que parent, comment faire face à ces situations ? L’enfant ‘difficile’ est-il foncièrement insupportable ? L’éducation doit-elle être mise en cause ? Quand faut-il consulter ?
L’auteure, psychologue clinicienne spécialiste de la petite enfance, apporte de nombreuses informations permettant de mieux comprendre ces enfants et situations difficiles. Elle fournit aussi des conseils pour les parents débordés tout en aidant les professionnels à remettre à sa ‘juste place’ le questionnement des parents.

Collection Santé en soi, Éditions Mardaga, 18 euros chaque titre.

E.S. : Quelle est plus précisément l’ambition de la collection, en quoi se distingue-t-elle de la ‘concurrence’, qui est vive dans le secteur ?

K.R. : Son objectif est de fournir un solide tour d’horizon d’un problème de santé, en faisant appel à des spécialistes capables de populariser leur savoir et leur expérience sans jargonner inutilement leur propos, mais aussi sans le simplifier à outrance.

E.S. : Le marché de ce genre d’ouvrages n’est-il pas déjà saturé ?

K.R. : C’est vrai que le rayon ‘santé’ est très bien fourni dans les librairies. Mais la plupart des titres destinés au grand public sont des livres de recettes au sens générique du terme, et aussi très souvent au sens propre d’ailleurs, avec les recettes de cuisine santé et les innombrables livres de régimes, aussi inefficaces pour leurs acheteurs que rentables pour leurs auteurs.
Je me suis rendu compte que le concept que nous souhaitions développer avec Mardaga pouvait se distinguer de l’offre dominante dans ce segment. Heureusement, il y a l’une ou l’autre exception, comme Odile Jacob par exemple, qui réussit à concilier rigueur et attractivité. C’est dans ce créneau-là que nous voulons nous inscrire.

E.S. : Comment s’est fait le choix des trois premiers titres ?

K.R. : Mes activités professionnelles passées m’ont mise en contact avec un grand nombre de spécialistes de la santé passionnés et passionnants. Ces nombreuses belles rencontres étaient évidemment idéales pour leur proposer d’écrire pour le grand public. En ayant travaillé avec eux auparavant, en assistant à leurs conférences, je crois pouvoir juger assez bien de leur capacité à toucher juste.

E.S. : Quel est votre rôle en tant que directrice de la collection ?

K.R. : Nous avons mis au point un canevas commun à tous les titres : des ouvrages d’environ 200 pages, une dizaine de chapitres, un résumé ‘en quelques lignes’ à la fin de chaque chapitre, des mots-clés pour mieux appréhender le sujet abordé et enfin des conseils de lecture pour aller plus loin. Autre caractéristique à laquelle je tiens beaucoup : les auteurs s’expriment à la première personne, ils partagent donc leur expérience personnelle et leurs propres convictions. Ils ne se retranchent pas derrière la pseudo-objectivité de l’expert.
Je suis aussi très heureuse du soin apporté par Mardaga à la maquette des livres et du travail épatant de Cécile Bertrand, qui réalise les dessins de couverture.

E.S. : Quel est le tirage des premiers titres de la collection ? Visez-vous seulement le marché domestique ou espérez-vous toucher d’autres marchés francophones ?

K.R. : Nous prenons le risque calculé d’un tirage de 3000 exemplaires, ce qui peut sembler beaucoup. Nous visons clairement à dépasser la seule Belgique, et les auteurs en ont tenu compte dans leurs manuscrits.
Pour la France, nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur Sodis, le diffuseur du groupe Gallimard. Une collaboration très précieuse, facilitée d’ailleurs par la personnalité de ceux qui ont accepté de préfacer nos premiers ouvrages : ZEP , le papa de ‘Titeuf’ pour ‘Mon enfant est insupportable !’ d’ Isabelle Roskam ; Martin Winckler pour ‘La mort choisie’ de François Damas. Difficile de trouver meilleurs parrains pour baptiser une collection !

E.S. : Les auteurs et les thèmes suivants sont-ils déjà connus ?

K.R. : Je peux vous annoncer un livre sur le dépistage des cancers, un autre sur les pratiques alternatives et le cancer, un essai critique sur le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (2) et un quatrième sur la fragilité du grand âge. Mais cela, c’est pour l’année prochaine !

(1) Voir notre article ‘Ne dites plus Équilibre, zeg nu Bodytalk’, Éducation Santé n° 281, septembre 2012. Avec une pointe d’ironie, Karin Rondia nous déclarait en interview ‘devoir beaucoup à Roularta’, car sans son licenciement, elle n’aurait sans doute pas tenté cette nouvelle aventure chez Mardaga…
(2) Plus connu sous le sigle sigle DSM, abréviation de l’anglais Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, il s’agit d’un ouvrage de référence publié par la Société américaine de psychiatrie qui classifie et catégorise des critères diagnostiques et des recherches statistiques de troubles mentaux spécifiques. Le DSM-V vient de sortir cette année sur fond de controverse, de nombreux spécialistes lui reprochant de ‘fabriquer’ massivement des maladies mentales pour plaire à l’industrie pharmaceutique.