Décembre 2004 Par V. VERTON Initiatives

Louvain-la-Neuve, le jour, Louvain-la-Neuve la nuit, un monde de différences!
Dans les rues, à partir de 22 heures, cartables, crayons bien taillés, chemises à carreaux laissent leur place aux calottes et aux tablards…
Louvain-la-Neuve, son université, son lac, son architecture parfois douteuse, son Aula Magna, mais aussi ses étudiants, ses baptêmes, ses guindailles, sa bière, ses soirées jusqu’au bout de la nuit, ses soirées à boire et à déboires.
L’animation étudiante a des centaines d’années derrière elle, empreintes de folklore, de chants et de traditions. En perpétuelle évolution, elle a toutes les chances de vivre d’autres jours tout aussi mémorables.
Hier encore, l’animation était presque clandestine, limitée à certains endroits sombres de la ville. Aujourd’hui, elle vit au coeur de celle-ci, en pleine lumière, au milieu des étudiants, des commerçants, des habitants. Reconnue de tous, elle fait l’objet d’un véritable partenariat entre les étudiants et les autorités académiques et communales.
Les exemples relatifs à cette collaboration sont légions: tantôt ponctuels, tantôt inscrits dans la durée…

La charte AUNE

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Elle encadre l’ensemble de l’animation sur les deux sites de l’UCL. A l’instar d’une constitution, elle est régulièrement amendée, remaniée, elle fait l’objet des plus âpres négociations afin de coller avec son temps, avec l’avenir de l’animation étudiante de l’UCL et de la ville.
Autour de la table, les acteurs discutent de modalités techniques et pratiques et tentent d’instaurer des mesures touchant à la sécurité, à la santé, à l’hygiène, à l’environnement.
On détermine ainsi de manière contractuelle les zones de nettoyage, les heures de fermeture des différentes surfaces d’animation, les limites sonores à ne pas dépasser, les boissons qui peuvent être vendues et consommées.
L’objectif de la charte est très clair: permettre à l’activité étudiante de se développer tout en évitant les débordements et désagréments qui mettraient en péril le devenir du vivre ensemble sur notre site universitaire.
En début d’année, tous les responsables d’animation signent la charte et s’engagent à l’observer le plus attentivement possible.
Ainsi, de présidents de collectifs en présidents de cercles, de régionales et de KAP (pour ‘kot à projet’), ce sont quelques centaines d’étudiants qui s’engagent à en encadrer des milliers d’autres, nuits après nuits.
Certes, la charte AUNE n’a pas tout résolu et il reste des sujets de frictions entre les étudiants, les autorités académiques, les commerçants et les habitants. Mais «la» charte de l’UCL peut s’enorgueillir d’être à l’origine d’une diminution significative des plaintes pour insalubrité ou pour tapage nocturne, et aussi des interventions des forces de l’ordre et des services de premiers secours.
La «Grande» charte a même donné naissance à des rejetons.
Ainsi, et aussi incroyable que cela puisse paraître, même les baptêmes et autre bleusailles font l’objet d’un accord entre étudiants et autorités universitaires.
Ainsi, avant même que quelqu’un ait pu entendre le gong de la rentrée quelques règles essentielles sont fixées:
-le nombre d’activités de bleusailles par semaine;
-minuit comme heure limite à laquelle devront être clôturées les activités;
-l’accompagnement des participants à leur domicile tous les soirs;
-la date limite que les activités de baptême ne pourront dépasser, celle des 24 heures vélo;
-la réglementation de la consommation d’alcool durant l’activité que ce soit pour les organisateurs ou pour les participants.

Effets probants

Le résultat de ce contrat «UCL-étudiant» est encore une fois facile à évaluer… Pas de plainte, d’incidents graves, pas même une petite hypoglycémie ou un petit étourdissement, c’est dire!
De part et d’autre, on se félicite de ce changement. Il a permis de maintenir l’existence d’une tradition étudiante dans des limites raisonnables et acceptables pour chacune des parties.
C’est bien cette même pratique initiatique, qui, il y a quelques années encore, un peu partout en Belgique signifiait un aller simple pour l’hôpital pour quelques dizaines de «petits bleus».
Passons maintenant à d’autres initiatives, issues du monde étudiant.
Si le monde étudiant dans son ensemble a adopté depuis plusieurs années une réflexion et une attitude proactive en la matière, il ne faut pas le rendre trop angélique pour autant. L’animation reste essentiellement financée par les débits de boisson dont elle dispose et comme partout, du conseil d’administration de l’UCL au petit bar de cercles ou de régionales, on grappille après le moindre centime.
C’est pourquoi les responsables de l’animation étudiante sont particulièrement attentifs aux discours qu’ils tiennent, aux actions qu’ils mènent: il s’agit d’étudiants qui s’adressent à d’autres étudiants.
En aucun cas il ne s’agit de faire passer un message radical, accusateur et moralisateur à nos pairs. Notre but est de conscientiser et de responsabiliser l’étudiant par rapport à sa propre consommation d’alcool, de lui faire comprendre que l’on peut boire autrement qu’excessivement.

Numéro spécial des Cahiers de Prospective Jeunesse

Le comportement des jeunes face à l’alcool se modifie, il se rajeunit, il se féminise. Les stratégies commerciales mises en œuvre pour toucher cette cible essentielle deviennent de plus en plus variées et pointues. Comment faut-il réagir? En observant, en dénonçant, en éduquant?
Plusieurs associations des secteurs de la prévention et de la jeunesse ont organisé, le 18 mai 2004, un colloque consacré à cette question. Il s’agissait de faire un état des lieux :
-des données épidémiologiques de la consommation d’alcool par les jeunes;
-des stratégies commerciales et communicationnelles des producteurs et distributeurs d’alcool, ainsi que des messages véhiculés par les médias;
-des actions de prévention ou de promotion de la santé liées à la problématique;
– des aspects juridiques et législatifs de la question.
Le texte de Virginie Verton est extrait de ce numéro de grande qualité.
Le 32e Cahier de Prospective Jeunesse contenant les actes de ce colloque est disponible. Pour le commander (10 €) ou recevoir la liste des autres numéros parus, contactez Claire Haesaerts, Secrétaire de rédaction, tél.: 02 512 17 66, fax: 02 513 24 02, courriel : claire.haesaerts@prospective-jeunesse.be. Site internet : http://www.prospective-jeunesse.be
Pour en savoir plus sur la constitution du Réseau Jeunes et Alcool en Communauté française, contactez Florence Vanderstichelen ou Martin de Duve, à l’asbl Univers Santé, place Galilée 6, 1348 Louvain-la-Neuve. Tél.: 010 47 28 28, fax : 010 47 26 00, courriel:
jeunes-alcool@univers-sante.ucl.ac.be

Pour atteindre ces objectifs, les organisateurs de soirées utilisent des stratégies diversifiées.
Certains utilisent le média de la presse étudiante, à disposition d’un très large public, pour faire passer des messages de prévention à la fois sérieux et ludiques. D’autres s’adressent à la population qu’ils connaissent le mieux: les individus qui participent de manière régulière à leurs propres activités.

Quatre réussites

La Quinzaine de la bière

A l’origine de cette initiative, des étudiants issus du cercle de la Maison des Sciences.
La bière est de loin la première boisson alcoolisée consommée sur le site. Le nombre d’hectolitres bus chaque année ferait frissonner toutes les mamans!
La bière est la boisson de prédilection des soirées étudiantes pour diverses raisons. Il s’agit d’une boisson désaltérante dans les ambiances les plus chaudes, d’une boisson extrêmement démocratique pour le portefeuille de l’étudiant, et pour finir d’une boisson également pratique; servie en gobelet en plastique, elle s’emporte partout et ne peut devenir un projectile dangereux…
La Quinzaine de la bière est diamétralement en opposition avec ce type de consommation de notre breuvage national. La Maison des Sciences s’engage à redonner à la bière ses lettres de noblesse et à donner raison à ceux qui prétendent que la bière fait tout autant partie du patrimoine économique que culturel de la Belgique.
A deux reprises au cours de l’année, le consommateur peut se rendre dans ce cercle étudiant pour apprécier une ambiance plus feutrée et intimiste que les soirées surpeuplées auxquelles il a l’habitude de se rendre. Il appréciera le fait qu’il peut s’asseoir tranquillement à une table avec ses amis, bavarder ou jouer aux cartes… Tout cela, l’étudiant pourra le faire, s’il a réussi à choisir la bière qu’il souhaite boire. Car c’est en proposant près de cinq cents sortes de bières à son public que la Quinzaine de la bière a forgé sa réputation. Les bières spéciales sont alors servies dans les verres qui leur sont spécifiques et elles sont agrémentées des fromages qui y correspondent quand cela est possible.
Lors de cette activité, l’étudiant consommateur boit donc différemment. Il boit généralement moins car les tarifs sont plus élevés que dans les soirées habituelles et il apprend surtout à apprécier ce qu’il boit, à ne pas simplement boire pour boire, bref il apprend à boire autrement.
Le succès populaire de cette activité ne s’est jamais démenti au cours des dernières années. La Quinzaine a encore de beaux jours devant elle.

Les stages de prévention routière

Dans le courant du mois d’octobre 2003, le groupement des cercles louvanistes proposait à tous les étudiants du site de participer à des cours et des stages de conduite préventive. Bien sûr, il n’y a pas de voiture dans les rues de Louvain-la-Neuve, bien sûr… Mais tous les soirs, beaucoup d’étudiants qui ne kottent pas rejoignent leurs pénates en voiture.
Par ailleurs, le guindailleur piéton en semaine devient régulièrement un guindailleur motorisé en période de vacances ou de week-end. Aussi est-il apparu essentiel de pouvoir proposer aux étudiants une activité au cours de laquelle les gestes et les attitudes à adopter pour devenir un bon conducteur leur seraient rappelés.
Une large partie des cours est consacrée à démontrer les effets que peut avoir l’alcool sur le physique du conducteur, sur ses perceptions des distances, des contours, des vitesses. Un éthylotest permet également à l’étudiant de se rendre compte de ce que représente en grammes dans le sang la consommation de quelques petites bières…
Un stage pratique de maîtrise routière est également proposé afin que chacun puisse se rendre compte à quel point, même en étant sobre, il peut parfois être difficile de garder le contrôle de son véhicule.
Cette activité connaît un succès croissant et encourageant pour ses organisateurs. Les résultats restent cependant difficiles à évaluer.

La campagne MST

La campagne de prévention des maladies sexuellement transmissibles s’est déroulée au cours du mois d’octobre 2003. Son but était clair: sensibiliser les étudiants et les étudiantes sur leurs comportements sexuels. Les derniers sondages enregistrés en Belgique mettaient en évidence une augmentation des maladies sexuellement transmissibles et des pratiques à risque chez les plus jeunes.
Les grands collectifs étudiants de l’UCL se sont donc engagés à réagir. Les journaux étudiants ont par exemple fait paraître différents articles de prévention. Avec l’aide et le soutien d’Univers Santé, une distribution de brochures explicatives rappelant tous les moyens de contraception et de protection a été effectuée de manière large. Lors de certaines soirées thématiques, des préservatifs ont également été distribués aux filles comme aux garçons.
Bien sûr, ces actions étudiantes visaient en premier lieu la prévention… Mais elles voulaient également rappeler les effets que l’alcool peut avoir sur le comportement des individus et mettre en garde contre toutes ces choses qui sont toujours arrivées trop vite, sans trop savoir, parce qu’on avait trop bu, parce qu’on était trop saoul.
Les organisateurs de cette campagne ont souhaité évaluer l’impact de leur action. Un sondage a été organisé et démontre tout l’intérêt qu’il y a à organiser pareille action sur les sites de l’UCL et l’intérêt qu’il y a à réitérer l’initiative au cours des années à venir.

La semaine de «prévention alcool»

La semaine prévention alcool est une activité organisée par les cercles étudiants qui s’est déroulée en novembre.
Le but était d’organiser une activité inter-facultaire s’adressant à l’ensemble du site. L’objectif était de faire de la sensibilisation par rapport à l’alcool en général en suscitant un intérêt lié aux études que suit l’étudiant.
Les étudiants du cercle d’agronomie ont organisé une visite de brasserie et de distillerie mettant ainsi en évidence tout un département de leur faculté.
Les étudiants issus du cercle de médecine, d’éducation physique, de sciences et de pharmacologie ont organisé une conférence et une exposition sur les effets de l’alcool sur le physique des individus et des athlètes de haut niveau ainsi que sur les interactions que la consommation d’alcool peut avoir avec les médicaments.
Le cercle des étudiants en sciences économiques sociales et politiques en collaboration avec le cercle de psychologie a mis en évidence les campagnes et les stratégies de vente qu’utilisent les brasseurs et autres producteurs d’alcool pour écouler leurs produits sur nos marchés. Au cours d’un débat, ils ont eu l’occasion d’interpeller différents dirigeants et négociants d’alcool ainsi que des spécialistes qui ont évoqué les problèmes d’assuétudes liés à l’alcool.
Ces activités ont eu lieu au cours de la même semaine. Elles ont permis à l’étudiant d’être sensibilisé à l’alcool et à sa consommation d’une manière toute particulière et finalement très éloignée des campagnes de prévention de masse. L’objectif est de toucher l’étudiant dans ce qu’il a de particulier.
Le second objectif est de susciter un intérêt général lié au programme de cette semaine prévention alcool dans sa globalité. Une participation à chacune de ces activités a permis aux étudiants de faire l’historique du contenu d’un verre, depuis sa fabrication et son achat jusqu’à son ingestion et de voir quelles sont les étapes de la consommation, l’évolution comportementale de chacun.

Voilà donc quatre exemples d’activités et d’initiatives étudiantes liées de près ou de loin à la jeunesse et à la consommation de boissons alcoolisées. Elles ne cherchent pas à nier la réalité ‘alcoolique’ du monde où nous étudions, mais, lucidement et modestement, à accompagner notre consommation avec respect et bon sens.
Virginie Verton , Présidente du Groupement des cercles étudiants de l’UCL 2003-2004
Ce texte reprend l’intervention de l’auteur lors du colloque ‘Jeunes et alcool’, qui s’est tenu à Louvain-la-Neuve le 18 mai 2004.Il apparaît aussi dans les actes du colloque, disponibles àUnivers Santé .
Adresse de l’auteur: Virginie Verton, c/o Univers Santé, Place Galilée 6, 1348 Louvain-la-Neuve
(1) Signifie animation universitaire. Cela fait référence à une charte entre le vice-rectorat de l’UCL et les collectifs étudiants portant sur la limitation dans le temps des activités de guindaille au profit d’activités de qualité.