Janvier 2023 Par Angélique VRANCKEN Initiatives

Il est reconnu que la période « covid » a eu un impact négatif sur la santé mentale de la population en général et sur les jeunes en particulier. En province de Namur, le Réseau Santé Kirikou [1] et l’ensemble de ses partenaires n’a pu faire que le malheureux constat de cette détérioration de la santé mentale des jeunes : isolement social, décrochage scolaire, désenchantement, dépression, passages à l’acte, … Lors d’une réunion mensuelle entre les professionnels de la santé prenant en charge des situations de « crise », nous avons été informés que la commune de Namur débloquait un subside à l’attention des jeunes. Il n’en fallait pas plus pour que la réflexion et la concertation se lancent…

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crédit: Projet Nomade

Angélique Vrancken est Chargée de projets transversaux au Réseau Santé Kirikou et coordinatrice du Projet Nomade.

La première réunion du groupe de travail autour de la mise en place du Projet Nomade regroupait des pédiatres, des pédopsychiatres, des psychologues et des éducateurs du secteur hospitalier. Au départ de leurs constats quotidiens, le champ d’action possible était immense ! Le souhait d’aider un maximum de jeunes nous animait. Mais il fallait être réaliste et nous nous sommes vite rendu compte que nous ne pourrions pas agir sur tous les facteurs, ni toucher la totalité des jeunes de Namur.

A force d’échanges, de réflexion, de partages d’expériences, nous avons donc choisi d’élaborer un projet visant à lutter contre le décrochage social et/ou scolaire.

Le lancement du projet

L’objectif étant fixé, il nous fallait déterminer comment l’atteindre. La nécessité d’une approche plurisectorielle a rapidement été une évidence.

Certains membres du groupe de travail collaboraient avec des associations actives auprès des jeunes (Infor-jeune Namur, Action Média Jeune et Jeune Et Citoyen). Des représentants de ces services ont été invités à rejoindre le groupe de travail. La machine « partenariale » était lancée ! Au fur et à mesure de nos réunions, chacun a invité ses partenaires à se joindre au projet et à alimenter notre réflexion de ses expériences, expertises et constats.

Lors du lancement du projet, nous comptions parmi les partenaires la Maison des Jeunes de Basse-Enhaive, la Maison des Jeunes des Balances, l’AMO Passages, la MADO de Namur, le service de pédiatrie du CHR de Namur, l’Athanor (du CNP Saint Martin), l’@tribu Mobile, Action Média Jeunes, Jeune et Citoyen, Infor Jeunes Namur. Le Réseau Santé Kirikou a été désigné comme coordinateur du projet.

Chacun des partenaires avaient un panel d’animations à proposer : expression créative, atelier de sensibilisation, expression des émotions, etc. Chacune des animations proposées était un outil pour atteindre notre objectif et, par l’intersectorialité des partenaires, le panel était complémentaire.

Il a vite semblé évident que pour lutter contre le décrochage social et/ou scolaire, il fallait faire sortir les jeunes de chez eux. Mais comment ? En allant dans leur milieu de vie, à savoir…leur quartier ! L’idée de base était de voyager dans les différents quartiers namurois et d’organiser les animations chez un service « hôte », le projet étant « nomade ».

La Ville de Namur compte 46 quartiers. Il était ambitieux de vouloir passer dans chacun d’eux. Afin d’objectiver nos choix et d’être au plus proche du public qui nous souhaitions toucher, nous nous sommes basés sur le Diagnostic Local de Cohésion Sociale de Namur et avons choisi de cibler les 8 quartiers diagnostiqués sensibles à savoir Les Balances, Basse-Enhaive, Plomcot, Germinal, Hastedon, Petit-Rhy, Amée et Saint-Nicolas.

Chacun de ces quartiers a une réalité qui lui est propre et pour atteindre notre objectif, il était nécessaire que notre action corresponde au mieux à leur réalité, leur population et, bien évidemment, leurs jeunes.

Nous avons élaboré la stratégie suivante : pour chacun des quartiers ciblés, un « stratège » a été désigné au sein des partenaires. Le rôle de ce stratège était de contacter les associations locales présentes dans les quartiers afin de co-construire avec eux le projet d’animation. Les Maisons de quartier, le Service de Santé Mentale, les Maisons médicales, les écoles de devoirs, les Maisons de Jeunes étaient autant de ressources locales que de nouveaux partenaires. En plus d’étoffer le partenariat du Projet Nomade, cela permettait de cibler au mieux les actions à mettre en place dans chacun des quartiers, en adéquation avec les besoins, souhaits et centre d’intérêts des jeunes.

Chaque animation organisée dans les quartiers faisait l’objet de réunions préparatoires avec les partenaires locaux. Des réunions de débriefing afin d’évaluer les actions étaient également organisées après chaque animation. Ces réunions de débriefing permettaient également, le cas échéant, de revoir l’adéquation de notre stratégie pour l’animation suivante.

Cette méthodologie a permis d’étoffer le partenariat et ainsi l’offre d’animation : sont venues s’ajouter les ASBL Initiation cirque, Spray Art, Excepté Jeunes et Scan-R.

Parallèlement aux animations par quartier, le Projet Nomade a développé d’autres axes d’action : des propositions de séances de cinéma suivies de moments d’échanges, des animations dans les écoles (atelier animation/parole durant les jours « blancs » et ateliers de sensibilisation aux pairs dans les situations de harcèlement), la collaboration avec les services provinciaux autours de deux expositions durant l’été ainsi qu’un appel à projet à l’attention des jeunes de Namur. Toutes ces initiatives ont été réfléchies et mises en œuvre avec les partenaires du projet.

Et la santé mentale dans tout cela ?

Dés ses prémisses, le Projet Nomade était empreint du désir de renforcer les initiatives déjà existantes sur le territoire. Bien que l’organisation des animations dans les quartiers semblait davantage relever de l’événementiel que d’une réelle action de prévention, la plus-value amenée par ce projet résidait en la présence, dans chacune des animations, d’un binôme de travailleurs du secteur de la santé mentale. Mêlés aux autres animateurs, leur expertise leur a permis de détecter des signes de fragilités chez les jeunes présents et, le cas échéant, de les informer, orienter ou simplement écouter. Il est difficile de chiffrer exactement le nombre de jeunes ayant bénéficié de cette expertise mais certains suivis ou accompagnements ont débuté lors d’une action du projet Nomade.

La présence de travailleurs du secteur de la santé mentale a également eu un impact sur les partenaires présents lors des animations. Le secteur de la santé mentale fait encore l’objet de nombreux a priori, les échanges intersectoriels ont permis de le démystifier.

Et après ?

Le Projet Nomade s’est clôturé le 31 décembre 2022 après 18 mois d’action. Durant toute sa durée, adaptativité, évolution et flexibilité ont été les maîtres-mots.

Nous avons eu à cœur que les actions soient bénéfiques pour les jeunes mais également pour les professionnels. Bien que l’objectif principal soit la lutte contre le décrochage social et/ou scolaire, il est ressorti que, pour l’atteindre, d’autres objectifs devaient être atteints : faire connaître les services, travailler sur les représentations que peuvent avoir les jeunes de ces services, mutualiser les moyens existants et favoriser l’intersectorialité.

Les services et associations travaillant avec les jeunes ont chacun leur réalité, leurs limites institutionnelles et leur champ de compétences. Or, les besoins des jeunes sont souvent transversaux et nous avons pu constater, tout au long du Projet Nomade, que le fait de faire « tomber les barrières » entre les secteurs est favorable aux prises en charge et aux accompagnements globaux de ces jeunes.

Les réunions de débriefing ont permis de mettre l’accent sur l’importance d’avoir des actions régulières pour lutter contre le décrochage social et/ou scolaire des jeunes. Cependant, les moyens dont disposent les acteurs locaux ne sont pas suffisants au vu de l’ampleur de la tâche. Une piste de solution se dégage néanmoins : mutualiser les moyens des différents quartiers permettrait d’organiser des actions plus régulières et plus complètes.

A cette fin, une rencontre entre tous les professionnels impliqués, de près ou de loin, dans les actions du projet Nomade sera initiée début 2023. Cette rencontre sera l’occasion de partager les différentes expériences vécues durant le projet, de mettre l’accent sur les freins et leviers identifiés tout au long du projet et de réfléchir aux perspectives.

En conclusion…

Le projet Nomade fut une merveilleuse expérience tant pour les jeunes que pour les professionnels impliqués. Riche de cette expérience, il y a un réel souhait de continuer ce qui a été amorcé : les collaborations intersectorielles, la mutualisation des moyens et ressources et la multiplication des moyens d’expression mis à la disposition des jeunes (que ce soit par le graff, l’écriture, l’activité physique ou simplement, la parole).

Les jeunes ont des choses à dire et des besoins à exprimer. N’est-ce pas notre rôle, à nous, adultes et professionnels, d’essayer de favoriser cette expression, de les guider ou simplement, d’être là quand ils en ont besoin ?

Les partenaires du Projet Nomade continueront à appliquer les enseignements de cette expérience…