En mars dernier, le Collège de la Commission communautaire française a adopté le nouveau dispositif bruxellois de Promotion de la Santé pour mettre en œuvre le Plan 2023. Le Collège a ainsi désigné 35 acteurs, quatre réseaux, sept services de support et un service d’accompagnement, à la suite d’un processus de sélection défini par le décret du 18 février 2016 relatif à la promotion de la santé. Retour sur le processus de sélection, les opérateurs désignés et les principaux enseignements.
Pascale Anceaux est attachée experte au sein de la cellule promotion de la santé de la Commission communautaire française (COCOF)
Après l’adoption du nouveau Plan bruxellois de Promotion de la santé en juillet 2022, des appels à projets et à candidatures ont été lancés. La Commission communautaire française (COCOF) a analysé et remis un avis pour 54 dossiers rentrés. Parmi les dossiers retenus, 38 dossiers, qui dépassaient des montants supérieurs à 50 000€ indexés (soit 55 000€ en 2022) pour une des trois années, ont également été soumis à l’avis du Conseil consultatif de la section “Promotion de la santé”, comme le prévoit l’arrêté du 16 février 2017.
L’Administration et le Conseil consultatif ont utilisé une grille d’analyse commune, prévue dans ce même arrêté, avant de les transmettre à Barbara Trachte, la Ministre-Présidente, chargée de la Promotion de la Santé, de la Famille, du Budget et de la Fonction publique. Celle-ci a ainsi pu donner un arbitrage avant de les remettre au Collège qui en a approuvé une grande partie le 17 mars dernier.
35 opérateurs sont actuellement désignés au titre d’acteur dans le cadre du Plan bruxellois de promotion de la santé 2023
Quatre opérateurs sont désignés en tant que réseaux
A ces opérateurs et leur projet, viennent s’ajouter les sept services de support et le service d’accompagnement. Ceux-ci bénéficient en effet d’un statut différent dans le décret. Ils sont soumis à une évaluation à l’issue du Plan et sont reconduits dans le plan suivant si cette évaluation est positive.
L’évaluation ayant été positive à l’issue du plan 2018-2022, les huit services ont remis un projet d’intervention dans le cadre de leurs missions.
Deux appels à candidature visaient la création d’un service de support en matière de démarches communautaires en santé et celle d’un service de support en matière de genre en santé. Les premières candidatures n’ayant pas rencontré toutes les attentes de l’Administration et du Collège, ils sont relancés.
Une mobilisation remarquable
Il faut tout d’abord mettre en lumière l’énorme travail fourni par les opérateurs qui ont dû s’approprier le nouveau Plan et construire leur plan d’intervention autour d’un dossier complexe et exigeant. A ce stade de l’analyse des dossiers et, tandis que les acteurs revoient leurs fiches actions, une série de données et de constats apparaissent.
Le Plan s’articule autour de cinq axes et chacun se décline en objectifs spécifiques identifiés. Chaque objectif spécifique se décline, quant à lui, en objectifs opérationnels, qui sous-tendront les actions menées. Certains objectifs opérationnels sont définis par le plan, au regard de priorités déterminées par les autorités publiques. D’autres objectifs opérationnels devaient être définis par les opérateurs.
L’axe 1 qui vise à promouvoir la santé et les stratégies de Promotion de la Santé dans toutes les politiques a été rencontré par six actions. Cet axe concernant essentiellement les autorités publiques, ce petit nombre d’actions rencontrées par celui-ci était prévisible. Elles devront donc être à l’initiative et mettre en œuvre des actions et des stratégies permettant de rencontrer l’ambition portée par cet axe. L’évaluation du Plan 2018-2022, réalisée par l’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capital mettait en lumière le fait que la partie qui leur était dédiée avait jusqu’à présent été peu investie par les autorités.
Une feuille de route devrait être définie afin de garantir, autant que faire se peut, le démarrage et/ou la poursuite des concertations envisagées dans l’axe 1 avec la Fédération Wallonie-Bruxelles pour ce qui concerne les interventions touchant les jeunes, et avec la Commission communautaire commune (Cocom) pour la Médecine préventive (dépistage, vaccination, maladies chroniques).
Les autorités devront également apporter un soutien aux actions réalisées par les opérateurs impliqués dans la mise en œuvre de l’axe 1 et, pour ce faire, organiser un cadre de collaboration sur ce point avec les services de support et d’accompagnement, la Fédération bruxelloise de Promotion de la Santé et l’Administration.
L’axe 2 qui vise à renforcer la participation des publics et l’action communautaire en santé est globalement bien investi par les opérateurs. Les services connus et actifs en démarches communautaires ont naturellement inscrit nombre d’actions dans cet axe. Toutefois, ils ont également articulé une série d’actions à des objectifs spécifiques et opérationnels de l’axe 4.
On constate une différence dans l’analyse des dossiers entre, d’une part, les opérateurs historiques ancrés dans les territoires et expérimentés dans la mise en œuvre de démarches communautaires en santé et, d’autre part, des opérateurs investis dans d’autres missions auprès de leur public souhaitant s’appuyer sur de telles démarches pour améliorer l’efficacité de leurs actions.
L’analyse des dossiers de candidature révèle également que certains opérateurs semblent éprouver des difficultés à pleinement et correctement mobiliser le concept de démarche communautaire en santé dans leur argumentaire. Il subsiste parfois des amalgames entre : participation, outreaching, activités collectives, pair-aidance et démarche communautaire. Cette difficulté s’illustre dans certains projets par le choix d’actions et de stratégies (actions d’éducation à la santé, diffusion de message de type prescriptif…) contradictoires ou qui contrastent avec les stratégies portées par les démarches communautaires.
Il reviendra au service support en démarches communautaires de coordonner les stratégies de plaidoyer et de formation en démarches communautaires et de définir les contours, les objectifs et les priorités de la démarche communautaire en promotion de la santé en veillant à les ancrer dans le secteur de la santé.
Il devra également défendre l’exigence méthodologique de démarches communautaires promotrices de santé. En ce sens, il devra travailler avec les autres services piliers et coordonner leurs actions en matière de démarches communautaires. Il s’appuiera sur les constats et les travaux réalisés par la Fédération Bruxelloise de Promotion de la santé. Cette structure devra être identifiable comme telle et devenir le point de référence et l’ambassadeur de démarches communautaires promotrices de bien-être pour les Bruxelloises et les Bruxellois.
Les exigences posées par l’appel à candidature n’ayant pas été remplies par la seule candidature, le Collège a décidé de relancer un nouvel appel à candidature renforcé et plus précis concernant les missions attendues par un futur service de support en démarches communautaires.
L’axe 3 qui vise à promouvoir et à soutenir des actions visant des environnements et des milieux de vie favorables à la santé est insuffisamment investi par les plans d’intervention des opérateurs alors qu’elle revêt une importance particulière en Région de Bruxelles-Capitale. En effet, la région connait des défis spécifiques qui sont le fruit de ses particularités démographiques, socio-démographiques, d’aménagement du territoire, de mobilité et de logement. En promotion de la santé, les actions combinées sur les environnements/milieux de vie avec des actions sur les aptitudes/comportements ont une efficacité décuplée. Il est donc préoccupant de constater qu’une majorité de projets ne s’inscrivent pas dans cet axe 3. De façon générale, il apparaît donc important d’engager un travail avec l’ensemble des services s’inscrivant dans l’axe 4 afin qu’ils engagent une réflexion sur l’impact des environnements/milieux de vie dans leurs projets.
Spécifiquement, les projets retenus rencontrent insuffisamment les objectifs du Plan qui permettraient de cibler les personnes âgées. De la même façon que dans le Plan précédent, ce public ne sera pas couvert de façon satisfaisante par la politique de promotion de la santé de la COCOF. Il en va de même pour les personnes en situation de handicap. Ce constat a conduit à lancer un nouvel appel projet à destination de ces publics.
La pandémie a également bouleversé le rapport au travail des Bruxelloises et des Bruxellois, notamment au travers de l’émergence du télétravail. Cette transition vers un nouveau modèle d’organisation du travail interroge quant à ses impacts possibles sur la santé des travailleurs. Il est donc dommage qu’aucun projet ne puisse investir l’objectif du plan qui vise à soutenir des actions de promotion de la santé dans les lieux de travail.
L’axe 4 qui vise à promouvoir et favoriser des aptitudes favorables à la santé rencontre, comme dans le Plan précédent, un maximum de projets : près de 60% des actions s’inscriront dans cet axe. Globalement, il y a lieu d’engager une réflexion sur cette inscription massive dans l’axe 4 qui pourrait contribuer à un retour à des pratiques plus orientées vers l’éducation à la santé et à brouiller les pistes entre les pratiques des services ambulatoires et celles des méthodologies de promotion de la santé.
Deux thématiques sont majoritairement ciblées : la santé sexuelle et la prévention des usages de drogues y compris la réduction des risques. L’évaluation du Plan 2018-2022 avait déjà pointé cette tendance en regrettant un investissement aussi massif sur ces thématiques alors que les diagnostics socio-sanitaires pointent également d’autres besoins.
Dans la définition du nouveau Plan de Promotion de la santé, un accent plus important a été mis sur la santé mentale (individuelle et communautaire). En effet, la crise du Covid-19 a mis en avant l’importance de considérer les inégalités sociales en santé mentale et leur impact sur différentes populations. En concertation avec l’Administration, les opérateurs devront également développer leurs actions en s’appuyant davantage sur l’approche communautaire (pouvoir d’agir de leur communauté) plutôt que de mettre l’accent sur la thérapie communautaire.
Pour ce qui concerne l’alimentation et la lutte contre la sédentarité, beaucoup de projets peinent à s’inscrire pleinement dans les stratégies de promotion de la santé. Une réflexion devrait être menée avec le secteur pour dégager des pistes d’intervention. Par ailleurs, un appel à projet co-porté par Bruxelles Environnement, les services Affaires sociales et la Promotion de la Santé de la COCOF a été lancé dans le cadre de la stratégie Good Food. Cet appel est destiné à soutenir des projets qui permettront d’améliorer l’« accessibilité à une alimentation durable et de qualité » pour toutes et tous avec une approche par quartier en priorisant les quartiers abritant des publics vulnérables.
L’axe 5, réorienter les services, rencontre l’intérêt d’un certain nombre d’opérateurs qui inscrivent leurs objectifs et leurs actions dans le cadre de la formation et de l’accompagnement.
En collaboration avec l’Administration et en fonction des secteurs, un état des lieux des formations proposées (qui forme, à quoi, pour qui) ainsi qu’un cadrage des priorités de formation en promotion de la santé devra être proposé. En effet, il faudra mettre l’accent sur la formation des opérateurs du secteur et, plus largement, au secteur du social-santé ; l’objectif étant que ces concepts s’inscrivent par toutes et tous dans leurs interventions. Par ailleurs, en plus de la formation, l’accompagnement et la fonction de support aux acteurs se retrouvent aussi au cœur des missions des services supports et doivent être déployées et mises en lumière.
Cette première lecture de l’énorme travail mené par les opérateurs dans le cadre du nouveau Plan de promotion de la santé montre la dynamique de ce secteur et ce malgré l’étroite marge de manœuvre que lui offre son budget. Le Plan opérationnel, actuellement en construction, devrait permettre une lecture plus fine de ce que la Promotion de la santé tentera d’amener aux Bruxelloises et aux Bruxellois durant les cinq prochaines années. L’Administration s’attèle désormais à la réalisation du Plan opérationnel qui offrira à sa sortie une photographie de l’ensemble des actions et des objectifs qui seront mis en œuvre durant les années à venir.