Mai 2003 Par S. BOURGUIGNON Initiatives

Le 24 janvier dernier, la région bruxelloise est officiellement entrée dans le réseau des Villes en Santé de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette démarche s’inscrit dans l’idée de travailler les conditions de vie des Bruxellois pour maintenir ou améliorer leur bien-être. Pour approcher ce but, il est nécessaire d’agir sur toutes les composantes de la vie urbaine. Un appel à projets a été lancé dans 6 communes pour mettre la santé au cœur des préoccupations. Le thème de travail: l’espace public comme espace de vie à partager!
Les 24 et 25 janvier derniers, deux journées de travail ont eu lieu pour lancer le processus, faire de Bruxelles une ville-santé.
La première journée s’adressait aux acteurs institutionnels du secteur de la santé et du développement urbain. Elle s’est clôturée par la labellisation officielle par l’OMS de la région de Bruxelles-Capitale comme Ville région en santé. Le concept des Villes en santé de l’OMS et le programme bruxellois ont été présentés. Des représentants des communes impliquées et des villes partenaires ont eu l’occasion d’intervenir.
La deuxième journée était spécialement dédiée aux acteurs des deux périmètres d’expérimentation. Un jeu de rôle était au programme afin de permettre une visualisation de l’élaboration en partenariat d’un projet de développement durable en santé dans un quartier. Diverses thématiques ont également été abordées en ateliers: santé mentale, environnement, culture, vie sociale, activité économique…
L’appel à projet a pris cours le 1 février et s’est terminé le 31 mars 2003. Les projets sélectionnés et financés doivent répondre à une série de conditions, dont:
– favoriser la participation active des habitants usagers des lieux;
– aborder des thèmes en lien avec la santé, vue sous l’angle du bien-être, du bien vivre ensemble;
– mettre en place un partenariat intersectoriel démocratique et durable;
– élaborer en commun un diagnostic des potentialités et des problèmes;
– suivre une formation visant l’acquisition, par l’ensemble des partenaires, des savoirs et des savoir-faire nécessaires à la compréhension et à la gestion du projet;
– participer à des échanges de savoirs avec d’autres villes belges et européennes;
– élaborer un programme de travail dans la préoccupation du développement durable.
Pour gérer ce programme, une asbl ‘Bruxelles, Ville région en santé’ a été créée. C’est elle qui est chargée de la mise en œuvre du programme, du lancement de l’appel à projets, du suivi…
Divers organismes partenaires (voir plus bas) qui soutiennent le programme ‘Bruxelles, Ville région en santé’ (BVS) pourront apporter aux projets retenus une aide pour répondre à des besoins d’information, de formation, d’accompagnement méthodologique, de stratégies de communication.

Une ville-santé, c’est quoi?

La santé est une ressource majeure de la vie quotidienne et une dimension importante de la qualité de vie des habitants. La bonne santé est une ressource à intégrer dans le développement social, économique et durable d’une ville. C’est une richesse essentielle à entretenir et à préserver constamment.
Une ville en santé est une ville qui crée et renouvelle les conditions de bonne santé pour sa population. Il n’y a pas de modèle unique de ville en santé. C’est une ville qui s’appuie sur ses potentialités, ses ressources à tous les niveaux pour déployer sa conception de la santé.
Une ville en santé offre l’accès à l’eau et à l’alimentation pour tous, l’accès aux soins de santé, à des logements de qualité, à toute une série de services publics, des activités culturelles, des espaces verts, des parcs et des jardins publics, des transports publics bien organisés et non polluants, c’est une ville qui présente un faible taux de pollution et où il fait bon vivre.
Plus concrètement, l’OMS a défini 11 critères qui constituent la ligne directrice du développement durable adapté aux différentes réalités des villes et déterminent les composantes de la vie urbaine sur lesquels il faut agir. Ces critères sont:
1) un environnement salubre, sans risques et de haute qualité;
2) un écosystème stable et pouvant être maintenu à long terme;
3) une communauté forte, solidaire et qui n’exploite pas la population;
4) un haut niveau de participation et de contrôle de la population pour tout ce qui concerne sa vie, sa santé et son bien-être;
5) la possibilité de satisfaire ses besoins premiers;
6) l’accès à une grande diversité d’expériences et de ressources avec une possibilité d’élargir les contacts, les synergies et les communications;
7) une économie locale diversifiée, vitale et innovatrice;
8) l’encouragement du sentiment de lien avec le passé, c’est-à-dire avec le patrimoine culturel et biologique des citadins, ainsi qu’avec d’autres groupes et individus;
9) une structure de ville compatible avec ce qui précède et qui l’améliore;
10) un niveau maximum de services de santé publique accessibles à tous;
11) enfin une priorité à la santé.

Faire de Bruxelles une ville région en santé

Bruxelles offre de nombreuses possibilités pour mettre en œuvre son programme de ville en santé, et il existe à l’heure actuelle une multitude d’initiatives qui vont dans le sens de la conception de l’OMS.
C’est pourquoi les partenaires ont souhaité privilégier une approche transversale et offrir à tout un chacun la possibilité de s’investir et de proposer des initiatives d’amélioration du cadre de vie en vue de mener à des transformations durables.
La démarche proposée est d’élaborer en commun un diagnostic des potentialités et des problèmes au niveau local, dans les communes et les quartiers avec les habitants et choisir ensemble des indicateurs de santé et de bien-être qui doivent permettre d’évaluer l’amélioration de la santé pour tous.
A Bruxelles, les objectifs sont de:
– réduire les inégalités en matière de santé;
– favoriser la coopération entre organismes qui n’ont pas toujours l’habitude de travailler ensemble mais qui tous ont un souci et un lien avec la santé;
– réduire les risques environnementaux, c’est-à-dire les risques de pollution de l’air, de l’eau, de disparition de lieux de ressourcements et d’espaces verts…
– susciter l’implication des habitants dans la gestion de leur ville;
– sensibiliser les gens sur des thèmes liés à la santé.

A Bruxelles, oui, mais où?

Un périmètre d’expérimentation a été déterminé, avant d’étendre le projet à toute la Région.
Une partie de 6 communes bruxelloises (Schaerbeek, Saint-Josse, Evere, Jette, Laeken et Molenbeek) a été choisie comme zone expérimentale. Ce qui n’empêche évidemment pas que d’autres communes s’impliquent également dans une dynamique de ville en santé.

Thématique, l’espace public

Le thème concret proposé est ‘l’espace public comme espace de vie à partager’. L’espace public, qu’il s’agisse d’une rue, d’un square, d’un parc, concerne tout le monde et permet à tous d’y participer sous diverses formes: l’accès à l’habitation, le chemin de l’école ou du travail, la promenade, les achats, le déplacement en voiture, en bus ou à vélo, la rencontre, la fête, mais aussi l’insécurité, la violence, la pollution, le bruit, l’anonymat…
Le concept d’espace public comme espace de vie à partager est fédérateur parce qu’il rassemble tous ces lieux d’expression de la vie sociale et qu’il nous concerne tous.
Une approche multidimensionnelle permet de décliner l’espace public au travers de ses diverses composantes:
Un lieu qui nécessite des aménagements à respecter
Pour les enfants, la rue est terrain de découverte. D’abord à proximité de leur domicile, puis de plus en plus loin au fur et à mesure qu’ils grandissent. C’est de cette manière qu’ils se développent et apprennent à se sentir à l’aise dans la ville, dans la rue. Un lieu de vie à partager par tous est donc un lieu de vie à respecter par chacun: respect du matériel, entretien,…
Un lieu de contact
Discuter avec son voisin, aller chez l’épicier… l’espace public offre pour beaucoup un lieu où on peut discuter, faire des échanges. Il permet de lutter contre l’exclusion. Le manque de lien social peut favoriser les agressions et une forme de violence urbaine. Le manque de relations entre les générations renforce la crainte des personnes âgées envers les jeunes et provoque un isolement.
L’espace public devrait être privilégié comme lieu de contact.
Un lieu interculturel
La rue est un espace commun qui est approprié différemment par des groupes de cultures distinctes. L’incompréhension et la méconnaissance des divers comportements peuvent provoquer des tensions dans la cohabitation et une rupture de la solidarité de quartier. L’appartenance à un groupe social plus ou moins solidaire et homogène induit un vécu différent de l’espace public. Pour certains, il est perçu comme une extension de l’espace privé et l’étranger y est donc un intrus. Pour d’autres, la rue est un repère administratif et géographique du domaine privé. Pour d’autres encore, la rue sert de carte de visite. Cette notion de groupe social apparaît aussi comme groupe ethnique et culturel. L’espace-rue est vécu différemment par un Africain, un Européen, un Méditerranéen…
Une meilleure connaissance des uns et des autres permettrait de lever certains a priori.
Un lieu où le sport peut être pratiqué
La rue est utilisée comme terrain de foot, de skate-board, piste de vélo, de footing, de jeu de marelle… Ces différentes utilisations nécessitent des aménagements et des règles de vie pour que chacun s’y sente en liberté.
Un lieu vert
L’agrément visuel de la végétation se complète par des qualités écologiques: production d’oxygène par photosynthèse, maintien du taux d’humidité, absorption de la poussière… mais aussi par le désagrément dû à la chute des feuilles, à la concentration de déjections animales…
L’habitant participe à la verdurisation par la décoration de son jardin, l’aménagement de son balcon, de sa fenêtre ou de sa façade.
Mais aussi…
Un lieu où la fête est de mise : l’espace public est un lieu privilégié pour organiser diverses activités comme une fête de quartier, un méchoui, une brocante, une braderie…
Un lieu où le bâti et l’architecture ont une place capitale et confèrent la particularité et la beauté de certains quartiers. Il y a aussi les commerces, les services de proximité…

Avec vous!

Le mot d’ordre du programme pourrait être: ‘On ne va pas le faire pour vous mais avec vous…’. Ici, ce sont les gens qui décident eux-mêmes de priorités qu’ils veulent dégager.
Par exemple, en partant d’une situation particulière commune à un quartier, ou pour trouver des solutions à un problème, il peut y avoir mobilisation et participation des habitants, des familles, des membres d’une communauté.
Ce programme se construira sur base des souhaits et des préoccupations des habitants.

Qui sont les partenaires?

Pour la pérennisation de ce projet, une coordination permanente est mise en place entre les administrations de la Région de Bruxelles-Capitale, les trois commissions communautaires et le tissu associatif bruxellois.
Les partenaires techniques sont: l’Observatoire de la santé et du social (et son équivalent néerlandophone), le Centre de la promotion de la santé (CLPS), l’Institut belge pour la gestion de l’environnement (IBGE) et son pendant néerlandophone (BIM), l’asbl Question Santé, le Pacte territorial pour l’emploi en Région de Bruxelles-Capitale (et son pendant néerlandophone), le Centre de documentation et de coordination sociale (CDCS) et son pendant néerlandophone (CMDC), Brussels gezondheidsoverleg (LOGO), Brussels Welzijnsraad, la Société de développement pour la région de Bruxelles-Capitale (SDRB) et son pendant néerlandophone (GOMB), le Secrétariat régional au développement urbain (SRDU) et l’équivalent néerlandophone (GSSO).
Ce programme permet aussi des échanges avec d’autres villes ayant mis en place le concept de ville en santé. Ceci permet de nourrir la réflexion, stimuler des initiatives, faire partager des expériences enrichissantes avec des villes comme Barcelone, Lyon, Belfast, Liège, La Louvière, Anvers…

Quels sont les moyens?

Une plate-forme d’information, de conseils, de relais rassemblant les partenaires est constituée au sein de l’asbl et offrira aux promoteurs de projets une série de services.
L’offre de services se compose de formations, de matériel, de statistiques, d’informations, de cartes, d’aide méthodologique, de recherche, de publications, de relais vers d’autres institutions, programmes régionaux et communautaires.
Cette assistance technique permet à ceux qui le souhaitent (associations d’habitants, groupes de professionnels, comités de quartiers, plannings familiaux, maisons de jeunes…) de développer leur conception de la santé au travers de la thématique de l’espace public privilégiant la participation.
A titre illustratif, un projet qui répondrait aux principes de Bruxelles Ville région en santé pourrait être par exemple: l’organisation d’une fête de quartier par une association rassemblant des habitants et qui privilégie la participation et l’espace public; mais aussi la mise en commun d’un espace public où jeunes et moins jeunes pourraient se parler, boire un verre; l’organisation de promenades découvertes dans différents quartiers pour faire sortir les gens de chez eux; des séances d’information et discussion sur les habitudes alimentaires de bonne santé; l’organisation de la solidarité entre voisins…
Pour plus d’informations, asbl Bruxelles, Ville région en santé, Mme Purnôde, quai du commerce 7, 1000 Bruxelles. Tél.: 02-219 84 44. Fax: 02-219 84 49. Courriel: ville.santé@misc.irisnet.be Site web: http://www.who.dk
Sylvie Bourguignon