Octobre 2005 Initiatives

On peut estimer qu’une femme sur 11 sera atteinte d’un cancer du sein au cours de sa vie. Trois-quarts des nouveaux cas apparaissent après 50 ans. Une femme sur 25 décèdera d’un cancer du sein. Un dépistage précoce permet de détecter des cancers débutants, dont le traitement est moins lourd et le pronostic meilleur.

Que peut-on attendre d’un programme organisé de dépistage?

Devant l’ampleur du problème posé par le cancer du sein, les responsables politiques fédéraux et communautaires ont décidé d’unir leurs efforts pour mettre en place un programme organisé de dépistage, à l’échelle du pays, en s’appuyant sur les recommandations européennes.
Les experts du programme «L’Europe contre le cancer» recommandent la mise sur pied d’un programme organisé de dépistage par examen radiographique de chaque sein, tous les deux ans, chez les femmes de 50 à 69 ans. Cet examen est appelé mammotest dans le cadre du Programme en Communauté française.
L’objectif général est de réduire la mortalité due au cancer du sein. Les études scientifiques réalisées dans d’autres pays montrent qu’on peut obtenir une baisse de mortalité par cancer du sein de 30% parmi les femmes réalisant le dépistage régulièrement.
Pour atteindre ses objectifs de santé publique, le programme doit non seulement répondre à des critères stricts de qualité, mais encore obtenir une participation importante, estimée à un minimum de 70% des femmes de 50 à 69 ans.

Programme de dépistage du cancer du sein: comment cela se passe-t-il?

Le Programme de dépistage du cancer du sein invite chaque femme de 50 à 69 ans à effectuer tous les 2 ans une mammographie gratuite dans une Unité de mammographie agréée participant au programme. Le mammotest est totalement gratuit pour les femmes éligibles de 50 à 69 ans, inscrites à l’assurance obligatoire maladie invalidité. Chacune de ces femmes reçoit une invitation personnelle à son domicile durant le mois de son anniversaire. Les femmes nées un jour impair reçoivent leur invitation une année impaire et celles nées un jour pair, une année paire. Les femmes ayant déjà passé un mammotest sont réinvitées deux ans après la date du mammotest précédent.
Le mammotest peut également être prescrit par le médecin.
En ce qui concerne les femmes plus jeunes, il importe de rappeler (malgré certaines initiatives locales dans le sud du pays) que le dépistage systématique avant 50 ans n’est pas recommandé actuellement par les experts européens. Son efficacité n’est pas prouvée par les études de qualité.
Les femmes de plus de 69 ans peuvent continuer à bénéficier d’un suivi individuel.
Le mammotest est gratuit (prise en charge par l’INAMI). Il doit être effectué dans une des Unités de mammographie agréées, répondant à des critères de qualité. La liste des Unités agréées est jointe à la lettre d’invitation; elle est également consultable sur les sites http://www.sante.cfwb.be et http://www.lemammotest.be et pour Bruxelles http://www.brumammo.be . Chaque femme doit désigner un médecin, dit référent, à qui sont transmis les résultats de l’examen. Ce médecin sera chargé de l’annonce du résultat du mammotest.

Comment se déroule l’examen?

La femme prend rendez-vous dans l’Unité agréée de son choix. Elle se présente munie de sa lettre d’invitation ou d’une prescription pour un mammotest (la gratuité n’est applicable que si deux ans se sont écoulés depuis le mammotest précédent, que la femme est inscrite à l’assurance obligatoire maladie invalidité et qu’elle a entre 50 et 69 ans), de sa carte SIS, de trois vignettes et d’éventuels anciens clichés. L’examen de dépistage comprend deux clichés par sein, sous 2 incidences différentes.
Le mammotest pratiqué dans le cadre du Programme organisé de dépistage répond aux normes de qualité les plus sévères.

Le mammotest: l’affaire de toutes les femmes de 50 à 69 ans?

La radiographie des seins (ou mammographie) est appelée «mammotest» dans le cadre du Programme de dépistage du cancer du sein en Communauté française .
Ce programme de santé publique offre des garanties spécifiques. La décision de pratiquer ou non cet examen revient, en définitive, à chaque femme. Et, généralement, les femmes sont conscientes des risques du cancer du sein, mais pour diverses raisons, le «réflexe dépistage» n’est pas encore ancré dans leurs habitudes.
Une enquête postale en Province de Namur a porté sur les comportements des femmes cibles face au dépistage:
-les femmes perçoivent la gravité du cancer et l’efficacité de la mammographie, mais le sentiment de vulnérabilité n’apparaît pas clairement;
-les connaissances sont mauvaises à propos de l’âge recommandé pour un dépistage systématique: seules 30% des femmes répondent correctement (50 à 69 ans). Il en va de même pour l’intervalle de deux ans entre deux examens qui est cité correctement par seulement 54% des femmes interrogées;
-parmi les freins à l’examen, on constate un manque de connaissances pratiques relatives à l’examen, le sentiment d’être peu informée, le manque de suivi médical régulier, le fait de n’avoir pas encore passé de mammographie, la peur, le faible niveau d’instruction;
-les femmes ciblées identifient le médecin généraliste et le gynécologue comme principaux déclencheurs d’action dans la décision de réaliser une mammographie.
Les campagnes répétées d’information et de sensibilisation doivent contribuer à faire du mammotest une démarche simple et facile qui libère d’une angoisse personnelle. Le mammotest doit être progressivement perçu comme un geste simple, gratuit et utile.
Le rôle des médecins est essentiel. En sensibilisant leurs patientes, en leur expliquant l’enjeu et les modalités de ce rendez-vous, ils contribueront à lever leurs réticences et à banaliser un acte de dépistage dont l’efficacité est prouvée dans le cadre d’un programme organisé.
Collignon JL, Martin N., Comportements des femmes de 50 à 69 ans face au dépistage du cancer du sein; enquête réalisée en Province de Namur. Bulletin d’Education du patient. 2000, 19(2) : 82-9

Une sécurité et une garantie de qualité: la double lecture

L’Unité de mammographie procède à la réalisation du mammotest et à la première lecture des clichés. Elle adresse les clichés et la fiche de première lecture au Centre de coordination provincial (ou de la Région de Bruxelles-Capitale), où un radiologue évalue la qualité du cliché et réalise une deuxième lecture sans avoir eu connaissance du protocole de la première lecture. En cas de discordance entre les deux lectures, une troisième lecture est réalisée.
Les résultats sont transmis au médecin renseigné par la patiente. Une lettre reprenant les conclusions et recommandations de suivi est adressée au médecin traitant et/ou au médecin référent que la patiente choisit. Ce dernier annonce le résultat du mammotest à la patiente.
Le mammotest permet de classer les femmes en deux groupes:
-les femmes présentant une anomalie radiologique (cette situation apparaît dans 5 à 7 % des cas quand des normes de qualité sont respectées); elles doivent entrer dans un processus d’investigation complémentaire destiné à poser ou exclure un diagnostic de cancer. En moyenne, pour dix mises au point, un cancer sera détecté. En cas de mammotest anormal, le médecin référent s’assure que la patiente est prise en charge pour des investigations complémentaires;
-les femmes ne présentant pas d’anomalie radiologique (± 90%): elles seront réinvitées systématiquement deux ans plus tard, sauf si elles dépassent l’âge limite ou ont d’autres raisons de sortir du programme.

Premiers éléments d’évaluation

Nous disposons aujourd’hui de chiffres intéressants communiqués par le Centre de coordination provincial du Brabant wallon. Celui-ci a enregistré, de juin 2002 à décembre 2004, 6.728 mammotests, parmi lesquels on a relevé 865 anomalies radiologiques nécessitant une mise au point. Parmi ces 865 anomalies, 59 cancers ont été diagnostiqués.
Par ailleurs, 496 échographies ont été réalisées en raison de la densité des seins, et 1 cancer a été diagnostiqué par ces échographies.
Parmi les 60 cancers:
-6 cancers (10%) n’avaient pas été détectés à la première lecture et ont été “récupérés” par la deuxième lecture. L’impact en terme de qualité et de sécurité de la deuxième lecture est ainsi une fois encore confirmé;
-98% des cancers dépistés l’ont été par le mammotest.
Les indicateurs intermédiaires d’efficacité du Programme sont rencontrés, comme le montre le tableau suivant et, en conséquence, l’impact attendu sur la mortalité devrait être atteint.

Indicateur

Critères européens Brabant wallon
Taux de détection > 6 pour mille 8,9 pour mille
Cancers < 10 mm = ou > 25% 37,2 %
Absence de ganglions envahis > 70% 84 %

Remarque importante: comme certaines tumeurs peuvent apparaître dans les 2 ans séparant 2 mammotests, il faut rester attentif, pendant cet intervalle, à toute plainte des femmes.

Le mammotest: une mammographie de dépistage dont la qualité est contrôlée

Pour garantir la qualité des examens et pour réduire les effets négatifs du dépistage (principalement faux positifs responsables d’examens inutiles; faux négatifs rassurant erronément), le Programme de dépistage organisé est réalisé selon les exigences d’un processus d’assurance de qualité, notamment contrôles des installations de mammographie et de la qualité des clichés et de leur lecture (double lecture), agrément spécifique des radiologues, enregistrement des résultats des mammotests et du suivi des mammotests positifs en vue de l’évaluation de la qualité et de l’efficacité du programme.
Pour le dépistage chez les femmes de 50 à 69 ans, le bilan sénologique comprenant d’emblée une radiographie et une échographie des seins n’a pas sa place en première ligne. Il doit être réservé au diagnostic: mise au point d’une anomalie clinique ou d’une anomalie détectée au mammotest. «Il n’est plus acceptable en termes de bonne pratique, d’utiliser la mammographie “classique” ne comportant pas de double lecture et a fortiori l’échographie des seins dans le cadre du dépistage» (1).
D’après la brochure ‘Le programme de dépistage du cancer du sein en Communauté française’ réalisée à l’intention des médecins généralistes, des gynécologues et des radiologues.

(1) PAULUS D., MAMBOURG F., BONNEUX L., Dépistage du cancer du sein, Bruxelles, Centre fédéral d’expertise des soins de santé, avril 2005