Octobre 2024 Par Clotilde de GASTINES Initiatives

En région germanophone, la Mutualité Chrétienne a formé près de 500 professionnel.les et citoyen.nes aux principes d’une Communication NonViolente. Cette initiative vise à améliorer les compétences psycho-sociales de la population.

« La communication bienveillante ou NonViolente, ça rend le vivre ensemble un peu plus léger », explique Sonja Nowakowski, formatrice certifiée, qui intervient depuis 2019 en région germanophone à la demande de la Mutualité Chrétienne.

En cinq ans, le pôle MC de Verviers-Eupen a formé 496 personnes à la méthode de la Communication NonViolente (CNV). Le projet vise à améliorer le bien-être de la population de Belgique orientale en renforçant ses capacités de dialogue et de coopération, autrement dit : ses compétences psycho-sociales.

La communauté germanophone finance ce projet à hauteur de 85000 euros depuis 2019. La formation s’adresse en particulier aux professionnel.les du soin, du care, en particulier aux encadrants de la petite enfance, mais aussi aux bénévoles, aux parents, aux actifs et aux couples. 

La CNV comme outil de promotion de la santé 

La Communication NonViolente (CNV) ou bienveillante émerge à la fin des années 60 sur l’impulsion du psychologue américain Marshall B. Rosenberg. Celui-ci s’inspire du pacifisme (aussi bien du mouvement des Droits Civiques américains, que de la pensée de Gandhi), en reprenant le terme sanskrit « Ahimsa », qui signifie « absence de violence » ou « absence de façon de nuire », ce qui l’amène à créer le terme « NonViolent » – délibérément écrit sans espace et sans tiret. La CNV vise à contribuer à un changement social en créant des relations fondées sur l’empathie, la compassion, la coopération harmonieuse et le respect de soi et des autres.

Incompréhension, énervement, agressivité : des conflits peuvent surgir au quotidien dans le milieu familial ou professionnel. La méthode de la communication NonViolente (CNV) permet de dégager des marges de manœuvre en développant un mode d’expression et d’écoute qui favorise les attitudes constructives et positives. Elle vise à prévenir, aborder et résoudre des situations complexes ou conflictuelles pour faciliter l’exercice de la parentalité, l’activité professionnelle ou bénévole, améliorer la relation soignant-soigné, ou encore remédier aux conflits et ou aux non-dits au sein des équipes. 

En 2024, les formations de la MC se sont principalement adressées à des professionnel.les issu.es du secteur du soin : médecins, aides-soignant.es, infirmier.es, qui travaillent en maison de repos, à domicile, en soins palliatifs, ou en hôpitaux.

Faciliter le quotidien des soins et leur qualité

« Une bonne communication est essentielle que ce soit entre le soignant et le patient ou au sein de l’équipe, décrit Vera Jesinghaus, pilote du projet à la MC. Celles et ceux qui prennent peu de temps pour communiquer et ne prêtent pas attention à leur ton provoquent rapidement des situations et des conflits désagréables. Les principes de la Communication NonViolente peuvent faciliter le travail dans le quotidien des soins et leur qualité ». 

Pour l’aide aux patients, l’établissement d’une relation par le biais de services de communication qualifiés est pertinent pour faire face à la problématique de la solitude des personnes âgées. « Dans le même temps, pour pouvoir exercer cette profession à long terme, ces professionnel.les ont la nécessité de s’entraîner à garder une juste distance ou une juste proximité. Le travail relationnel et de communication permet de réduire les sources de stress » ajoute-t-elle. 

En 2021, une édition consacrée à l’enfance avait déjà permis de former des auxiliaires de puériculture et des assistantes maternelles. Le programme s’étendait sur deux jours de sensibilisation et quatre jours d’approfondissement. Un module spécifique a aussi été ouvert à tous les parents qui le souhaitaient. Ceux-ci ont pu renforcer leurs compétences parentales à l’aide d’un webinaire en ligne d’une durée de 15h. 

La formation vise à ce que chacun.e : 

  • s’exerce à repérer ce qui, dans sa manière de penser et de communiquer, bloque et génère de la violence ou au contraire ce qui facilite la communication et désamorce les conflits ;  
  • développe ses capacités d’écoute ; 
  • apprenne à instaurer un dialogue et à mener des entretiens conflictuels ; 
  • développe sa capacité à clarifier ce qu’il ou elle vit, et à exprimer des demandes claires ; 
  • parvienne à « décoder » l’agressivité en analysant les conflits de rôle ou de hiérarchie de manière à rétablir ou instaurer un dialogue où chacun.e est entendu. 

Les quatre étapes de la CNV 

Les journées de formation sont rythmées par des temps théoriques, en particulier sur la philosophie de la méthode puis par des exercices pratiques très concrets. La CNV se décline en quatre grandes étapes résumées sous l’acronyme OBSD : observation, sentiment, besoin, demande. 

  • Observation (O) : décrire la situation en partant de faits concrets. Cela ouvre la possibilité de formuler des demandes d’actions précises à réaliser dans le futur. 
  • Sentiment (S) : exprimer l’ensemble des sentiments ressentis face à cette situation : que ce soit l’incompréhension, la frustration ou la colère. 
  • Besoin (B) : clarifier se(s) besoin(s), sans penser qu’on se met en situation de faiblesse. 
  • Demande (D) : faire une demande réalisable, concrète, précise et formulée positivement. Le fait que la demande soit accompagnée d’une formulation des besoins la rend négociable. Rosenberg fait d’ailleurs bien la distinction entre « demande » et « exigence ». Les demandes perçues comme des exigences sont vécues comme des actes de domination auquel l’interlocuteur va répondre par la soumission ou la révolte. 

Des sessions sur mesure 

Dans cet espace où la confidentialité est de mise, chacun.e peut partager une situation vécue personnellement, et y appliquer le modèle des quatre étapes à son cas particulier. « On travaille la posture, on essaie d’identifier ce qui va accentuer le conflit, et ce qui peut l’apaiser. Même si je communique de façon non-violente, tous les problèmes ne disparaissent pas instantanément. Mais c’est aidant de se comprendre dans un conflit », précise Sonja Nowakowski qui anime les sessions. Si le temps le permet, elle organise aussi des jeux de rôles pour mettre en pratique les principes essentiels. 

La CNV consiste entre autres à créer des interactions. « Si je propose simplement : « Est-ce que pour toi c’est un bon moment pour se parler ? ». C’est une manière d’ouvrir la porte, et c’est déjà énorme » explique Vera Jesinghaus. Cette proposition toute simple prend le contrepied de l’injonction fréquente : « Ecoute, il faut qu’on parle ». Et ses applications sont illimitées quel que soit le type de conversation. 

« Si on se sent agressé par quelqu’un, il faut pouvoir se demander : « qu’a-t-il voulu faire ? Est-il en stress ? » Ou bien se remettre en question et se demander si on n’a pas fait quelque chose dont il nous tient rigueur », ajoute la pilote du projet.  

Le projet se poursuit cet automne et se prolongera en 2025. La formation donnée auprès des professionnel.les de santé de l’hôpital d’Eupen a convaincu la direction de l’étendre à l’ensemble de son personnel.

Références :  

  • Marshall B Rosenberg : Nonviolent Communication: A Language of compassion, traduit en français sous le titre Les mots sont des fenêtres (ou des murs).