Souhaitant renforcer les actions participatives qui permettent aux citoyens d’être acteurs dans la construction des politiques de promotion de la santé, le Ministère de la Santé de la Communauté française a mandaté les CLPS pour qu’ils développent des Conférences locales pour des politiques de promotion de la santé .
L’orientation méthodologique définie par le décret de la promotion de la santé du 17 juillet 2003 stipule que les CLPS ont entre autres missions celle ‘d’initier au niveau de leur ressort territorial des dynamiques qui encouragent le développement de partenariats, l’intersectorialité et la participation communautaire, et qui permettent de définir des priorités d’actions spécifiques pour des politiques locales de santé, en particulier par la réalisation des Conférences locales de promotion de la santé.’
Une méthodologie
Le développement local se définit comme ‘un processus collectif d’innovation territoriale inscrit dans la durabilité. Ce processus s’enracine dans un territoire pertinent, il y fédère et organise en réseau les acteurs économiques, sociaux, environnementaux et culturels pétris d’une culture commune de projet dont la finalité est le bien-être collectif et la centralité: l’être humain’ (1).
Jusqu’il y a peu les politiques de développement se limitaient à une approche sectorielle ou thématique. Elles ont commencé à s’ouvrir à une lecture plus large en se souciant de la communauté humaine sur laquelle elles ambitionnaient de produire un effet ou plus simplement dont elles étudiaient les mécanismes pour mieux comprendre les comportements sociaux et définir ensuite leur mode d’intervention.
Aujourd’hui, la valorisation du développement durable à l’échelon local et la complexité mondiale poussent les acteurs locaux à se définir un projet partagé.
La recherche de sens par un projet stratégique de développement local conduit immanquablement à mettre ce projet en lien avec le territoire sur lequel il se construit. Le territoire est en effet considéré comme le socle du dessein que les acteurs vont démocratiquement élaborer. Ce sont les liens préexistants ou à susciter entre les individus, mais aussi entre les institutions ou organismes sur le micro territoire qui constitueront le capital social de départ et sa capacité d’inventivité pour un futur commun.
Car partager un même lieu de vie donne des repères communs, ce sentiment d’appartenance est un humus particulièrement fertile pour des projets qui concernent le bien-être collectif .
La promotion de la santé est un sujet qui peut bénéficier de cette démarche innovante. La santé doit être ressentie comme un capital individuel et collectif; des mesures de qualité de vie choisies collégialement par des acteurs locaux et inscrites au titre d’objectifs majeurs dans un processus stratégique de développement local feront l’objet d’une appropriation collective lente, pénétrant les valeurs culturelles usitées sur le micro territoire.
Il semble donc opportun de s’inscrire dans un premier temps, dans un processus de sensibilisation au développement local à l’intention des professionnels de l’éducation et la promotion de la santé. Dans un second temps, d’outiller les acteurs locaux et les forces vives pour cheminer vers une démarche proactive associant le citoyen et réunissant les secteurs social, culturel, économique et environnemental.
Ce processus intègre une vision globale, intégrée et systémique.
Un projet, un territoire, des partenaires
Dans ce cadre, le projet développé par le CLPS de Charleroi-Thuin s’est fixé pour objectif de faire émerger les attentes de la population en matière de qualité de vie et de bien-être, de dégager des priorités d’action locales et d’inscrire ces priorités d’action dans la dynamique du développement local afin de les intégrer dans la réalité institutionnelle et associative de la région.
Le projet carolorégien est porté par un partenariat entre
- le CLPS de Charleroi-Thuin promoteur principal des Conférences locales;
- la Maison pour Associations (accès aux citoyens via les associations); celle-ci mène des actions d’appui à la vie associative dans différents cadres (pédagogique, socio-juridique, gestion, informatique, logistique…) et regroupe environ 200 associations professionnelles et non-professionnelles;
- le Centre Régional d’Intégration de Charleroi (accès aux citoyens d’origine étrangère via les associations d’immigrés); celui-ci est un acteur local dans la promotion d’initiatives visant l’intégration des personnes étrangères. Il joue également un rôle d’interpellation du monde politique;
- l’Unité de Développement Territorial et Local de l’Institut de Gestion de l’Environnement et d’Aménagement du Territoire de l’Université Libre de Bruxelles, qui propose un encadrement méthodologique; les recherches-actions menées par l’Unité tant au niveau local, régional que transnational permettent de dégager une réflexion éclairée et des éléments pertinents dans l’élaboration de tout projet s’inscrivant dans une dynamique de développement local.
La zone d’action du projet couvre, dans un premier temps, les communes des arrondissements de Charleroi-Thuin (Charleroi, Fontaine-l’Evêque, Courcelles, Pont-à-Celles, Les Bons Villers, Fleurus, Farciennes, Morlanwelz, Châtelet, Aiseau-Presles, Gerpinnes, Ham/Heure-Nalinnes, Montigny-le-Tilleul, Seneffe, Manage, Chapelle-lez-Herlaimont). Ce territoire urbain répond à un profil commun et cohérent en terme de mobilité et de caractéristiques citoyennes.
Les autres communes feront l’objet de la seconde phase de développement du projet.
Pour encadrer le projet, un comité de pilotage local intégrant l’intersectorialité des participants a été constitué. Son rôle majeur est de définir collégialement les stratégies d’action pour la mise en place des Conférences locales de promotion de la santé, de les valider et d’enrichir la réflexion en lien avec les expériences de chacun. Ce comité de pilotage se réunit à chaque moment-clé du processus, pour décider de l’action à mettre en oeuvre et pour ensuite en recevoir les résultats; il reste ouvert à l’accueil de nouveaux intervenants de divers secteurs.
La démarche
Afin de récolter les attentes de la population en matière de qualité de vie et de bien-être, les partenaires ont choisi de développer une démarche de diagnostic participatif suivant une approche intersectorielle.
Pour sélectionner les citoyens participant aux ateliers de diagnostic participatif, les partenaires ont sélectionné des associations et institutions représentatives des secteurs économique, social, environnemental et culturel de Charleroi et sa région. Ensuite, ceux-ci ont joué le rôle d’intermédiaire pour inviter leurs membres, citoyens de la zone d’action, à venir s’exprimer en atelier.
Deux groupes de travail ont ainsi pu s’exprimer en mai 2003 à propos de leur définition du bien-être et de la qualité de vie pour ensuite décliner ces notions en attentes et demandes afin de les améliorer ou les atteindre.
Les résultats qualitatifs ont alors été traités à la demande du CLPS par des épidémiologistes suivant une méthode appelée PRECEDE-PROCEED; celle-ci reprend ce qui a été évoqué selon une grille structurée; les auteurs en sont les docteurs Florence Parent et Yves Coppieters , médecins de santé publique.
Au cours d’une réunion de restitution des résultats, les citoyens, les membres du comité de pilotage et certains experts, ont pu ainsi visualiser cette représentation systématique des problèmes identifiés en ateliers et les points à travailler pour améliorer la qualité de vie et le bien-être des habitants sur la zone concernée.
Ensuite, l’expert épidémiologiste a présenté une lecture croisée des résultats des groupes de travail avec des données ‘objectives’ de la situation carolorégienne (statistiques socio-sanitaires, résultats d’études récentes, etc), ce qui a légitimé les participants des ateliers dans l’essentiel de leurs attentes.
Le Comité de pilotage et les habitants ont pu échanger et décider, en concertation, de l’importance à apporter aux divers domaines d’actions; c’est alors qu’une priorisation des attentes a été dégagée en clôture de réunion. Celle-ci s’établit ainsi, par ordre décroissant:
1. Education et enseignement
2. Environnement
Améliorer les paramètres pour la santé physique et mentale
3. Améliorer la sécurité
Améliorer ou informer à propos de certaines législations et/ou procédures institutionnelles
4. Environnement socio-économique et social
La qualité de la communication au sein de la zone couverte par l’étude a été revendiquée comme élément transversal, à intégrer dans chaque domaine à améliorer.
Le comité de pilotage a alors été confronté à la difficile mission d’élaborer ce qu’on appelle une programmation stratégique en accord avec les éléments diagnostiques (participatifs croisés avec les éléments descriptifs) mis en évidence durant la première phase et le cadre méthodologique souhaité.
La réflexion partenariale a permis de dégager le projet très concret d’organiser des tables rondes sur les domaines d’action prioritaires désignés lors de la restitution des résultats.
Toutefois, ces rencontres devaient associer, à la fois, tous les secteurs social, économique, culturel et environnemental, mais aussi viser directement le citoyen.
La Maison Pour Associations a alors proposé d’offrir le cadre de son Forum associatif en février 2004 pour réaliser ces tables rondes; le projet a été soumis à l’approbation du comité de pilotage, qui a majoritairement marqué son accord.
En effet, cette journée telle qu’organisée selon le programme repris en synthèse ci-après répond à toutes les exigences du cadre des Conférences locales pour la promotion de la santé.
La finalité de cette rencontre était de permettre au secteur associatif d’enrichir sa réflexion pour la réalisation de ses projets actuels et futurs en lien avec la qualité de vie, et aussi de devenir acteur d’une dynamique partenariale à partir des rencontres initialisées ou formalisées ce 13 février 2004.
Le programme de cette rencontre comportait différentes parties complémentaires:
- la première apportait les informations concernant la démarche des Conférences locales depuis ses débuts et comment celle-ci s’inscrivait dans les objectifs suivis par la Maison pour Associations, la qualité de vie étant une préoccupation transversale au développement des activités associatives.
- la deuxième partie proposait une présentation, en trois tables rondes, d’expériences significatives de projets ayant été réalisés localement, faisant appel à une dynamique partenariale et à la participation des citoyens. Ces expériences traitaient de thématiques identifiées comme prioritaires: la communication, l’environnement et l’éducation.
- la troisième partie invitait les participants et les intervenants de chaque table ronde à réfléchir sur des questions-clés quant aux modalités d’émergence et de réalisation d’un projet mais aussi des moyens qui permettent de pérenniser le projet, en envisageant les éléments facilitateurs et les obstacles rencontrés habituellement.
- le temps d’interruption a été mis à profit pour inviter les participants à se positionner à l’aide de posters comme association/organisme impliqué dans un projet et en recherche de nouveaux partenaires ou simplement d’association/organisme intéressé de réfléchir collectivement ou de s’associer.
- la dernière partie mettait en perspective les résultats des échanges des trois tables rondes en superposant le concept de développement local à celui de la promotion de la santé.
La structuration de la journée ainsi que la méthodologie utilisée en table ronde incitaient le participant à entrer dans une réflexion plus aboutie par rapport à son expérience de projet et à identifier les éléments de mise en place d’un partenariat et de participation citoyenne.
Les actes de ce forum (consultables sur le site www.clpsct.org) sont structurés en trois parties:
- la première reprend synthétiquement les exposés de chaque table ronde mais surtout les réponses exprimées et validées par chaque groupe lors des échanges guidés par les animateurs; le débat ayant été axé principalement sur les expériences respectives de chaque participant.
- la deuxième présente une analyse transversale de l’ensemble des résultats qui permet de dégager les grands axes qui auront été soulignés, en terme d’émergence et de pérennisation d’un projet, de la complexité associée à la notion de partenariat (intersectoriel / interthématique) et enfin au niveau de la dynamique participative, citoyenne ou autre.
- la troisième et dernière partie des actes donne accès aux notes recueillies sur les posters lors de l’interruption; une grille d’évaluation a, entre autre, permis de mesurer l’adéquation des thématiques proposées avec les attentes des participants; l’analyse des résultats ainsi que la liste de tous les participants apparaissent également en annexe des actes.
Résultats
Cette lecture transversale se situe dans le cadre prédéfini des Conférences locales de promotion de la santé, suivant la dialectique du développement local.
Comment faire émerger un projet?
Avoir un idéal (utopie) partagé
Avoir une vision partagée
Saisir une opportunité financière ou autre
Détecter un besoin exprimé ou latent
Les acteurs provenant des différents secteurs doivent se projeter et partager dans un même imaginaire, un dessein collectif reposant sur un besoin réel. Sa concrétisation dépendra de la possibilité de le cadrer dans une offre financière accessible.
Comment rendre le projet durable?
Maintenir la mobilisation
Contrat de confiance (charte de valeurs partagées)
Etre mandaté
Maintien du leadership
Maintien de la qualité
Information permanente sur les résultats
Monitoring participatifDans une deuxième phase, la définition des rôles et missions de chacun va déterminer la qualité relationnelle s’installant entre les divers acteurs et partenaires.
La transparence et la visibilité des décisions et résultats obtenus ouvriront des perspectives de pérennisation ou multiplication de projet(s).
Pour ce faire, les promoteurs de projet doivent mettre en place un outil d’évaluation aux différentes phases des projets.Financement
Joueur de puzzle
Projets électrogènesUn projet important peut récolter un gros financement et devenir ainsi un projet faîtière pour d’autres projets parfois tout aussi importants mais non reconnus.
Le joueur de puzzle met son talent d’ingénierie de financements, et ouvre donc les potentialités pour passer d’un financement à un autre quand le premier se finit, ou d’en rassembler plusieurs pour enfin pouvoir monter le projet dans son entièreté.
Comment susciter la participation des citoyens?
Former la jeunesse à la citoyenneté
Adapter le discours aux publics présents
Gagner la confiance
TempsLa participation citoyenne fait appel à une conception sociétale mise en avant aujourd’hui, sans que les promoteurs en mesurent toutes les conséquences. Cela nécessite un apprentissage de tous et une grande prudence. En effet, cela peut aussi déboucher sur une réflexion à multiples facettes sur la gouvernance à diverses échelles.
Perspectives d’avenir
Aujourd’hui, le comité de pilotage explore de nouvelles pistes permettant d’ancrer et de systématiser sur le terrain:
- recours à un partenariat intersectoriel (la santé étant multifactorielle, il est important de réunir des acteurs d’horizons divers);
- implication des citoyens (participation active aux différentes étapes de la construction des projets).
Il doit également tenir compte des enseignements apportés par son expérience du processus et par les résultats des différentes évaluations:
- manque de représentativité de certains secteurs (économique et, dans une moindre mesure, culturel);
- attentes de concrétisation sur le terrain (actions portant sur les thématiques prioritaires mise en avant).
Meilleure visibilité de tout ce qui se fait dans le cadre des Conférences locales (travail de communication et de médiatisation).Dès septembre 2004, différentes actions seront entreprises:
- La mise en place de cellules d’intervision: lieux de rencontre où les personnes travaillant sur un projet pourront bénéficier d’un regard extérieur sur leur(s) idée(s) et pourront éventuellement soumettre une question précise (méthodologique, idéologique…). Un état des lieux préalable sera réalisé afin d’identifier si ce service n’est pas déjà proposé par des structures existantes.
- L’élaboration d’une grille de lecture de projet intégrant un éclairage sous l’angle de la promotion de la santé. Cette grille, réalisée après vérification de son caractère novateur, permettrait aux responsables de projets de se poser la question «en quoi mon projet a-t-il une influence sur la qualité de vie des personnes?». Le souhait est, à long terme, d’ancrer cette question dans les mentalités.
- La mise en place d’une stratégie de communication, afin de renforcer la visibilité des Conférences locales (en terme de contenu et de méthode).
- Le suivi de certaines actions: marché d’échange de projets et évaluation de l’impact du forum associatif.
Annick Decourt , collaboratrice scientifique de l’ULB et Philippe Mouyart , chargé de projets au CLPSCTAvec le partenariat de l’Unité de Développement Territorial et Local de l’ULB-IGEAT, le Centre local de promotion de la santé de Charleroi-Thuin, la Maison Pour Associations et le Centre Régional d’intégration de Charleroi.(1) Définition de Dominique-Paule Decoster, chargée de cours à l’Université libre de Bruxelles et co-directrice de recherche, dans ‘Processus et acteurs de développement local’, 4e édition 2003-2004, p.6.