Le 9 octobre dernier, l’Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à la Jeunesse (plus facile à écrire qu’à dire en abrégé OEJAJ) organisait une journée de colloque intitulée ‘Le bien-être des enfants et des jeunes au cœur des politiques publiques’.
Belle opportunité de valoriser cet outil de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui existe depuis 15 ans, et reste trop peu connu, notamment dans le monde de la promotion de la santé. L’OEJAJ est un inlassable témoin (devrais-je dire gardien) d’une application concrète de la Convention internationale des droits de l’enfant (entendez enfants et jeunes de 0 à 18 ans) à travers les activités qui relèvent des compétences de la Fédération Wallonie-Bruxelles et depuis peu de la Wallonie. On gagne à aller à sa rencontre.
Pour les chercheurs de l’OEJAJ, analyser toute initiative, toute politique, toute qualité de service à la lueur de la participation des enfants et des jeunes va de soi… C’est un devoir pleinement assumé, documenté, argumenté et surtout communiqué avec conviction, avec la volonté de mettre à l’avant-plan les ressources plutôt que les faiblesses des enfants et jeunes. C’est un parti pris qu’il est facile de rejoindre. Mais ne nous y trompons pas, ce parti pris n’a rien de romantique: il est accompagné à l’OEJAJ d’une réelle volonté d’engranger des connaissances fondées, de multiplier les moyens de faire émerger la parole des enfants et des jeunes (y compris la parole non verbale des très jeunes enfants); il se double aussi d’une constante recherche de déconstruction des clichés et stéréotypes qui, positifs ou négatifs, émaillent trop souvent les discours sur les enfants et les jeunes.
La ‘richesse’ des enfants
Déconstruire les clichés, c’était un des maîtres-mots de cette journée de colloque organisée dans un cadre que certains jugent austère, mais qui permet de profiter de la belle lumière d’une journée d’automne: le Palais des Académies à Bruxelles…
L’organisation alternait des introductions par des responsables actuels et anciens de l’OEJAJ, des exposés de chercheurs de l’Observatoire, des tables rondes avec des extérieurs académiques et des experts de terrain, une prise de recul par des universitaires étrangers et engagés. Et tout cela permet de mettre en perspective et en débat les travaux réalisés ou commandités par l’Observatoire, autour de deux fils rouges:
- les activités des jeunes, leurs affiliations, les difficultés rencontrées pour devenir de réels acteurs de leur vie et de la société;
- les composantes du bien-être des enfants: la décomposition d’un certain nombre d’idées reçues, à partir d’une traversée des résultats de recherches sur la pauvreté des enfants, les temps et les rythmes, la qualité de l’accueil.
Les études dont les résultats ont servi de base à ces échanges sont nombreuses. Vous les découvrirez sur le site de l’OEJAJ. Je relèverai ici quelques points forts de ces échanges qui me paraissent propices à jeter des ponts avec les pratiques et politiques de promotion de la santé.
On a ainsi illustré combien l’intérêt pour les ‘NEETs’ (pour Not in Education, Employment or Training, c’est-à-dire des jeunes qui n’ont pas d’emploi, ne sont engagés ni dans des études ni dans des formations) est emblématique du stéréotype d’activation qui tend à dominer l’action sociale. Certaines études montrent combien certains de ces jeunes sont malgré tout engagés et connectés. Pour d’autres, il est important d’augmenter ‘l’agency’ par un travail en amont de sécurisation, de subjectivation, d’apprentissage des codes. Mais ce faisant ne risque-t-on pas que les lieux d’accompagnement de la jeunesse deviennent eux-mêmes l’antichambre d’une logique d’activation?
Face à cette analyse, le projet des organisations de jeunesse prend tout son sens: au centre de celui-ci se trouve la notion de CRACS, acronyme pour Citoyens Responsables Actifs Critiques et Solidaires. Il importe de travailler avec ces jeunes les enjeux structurels liés aux politiques d’emploi et d’insertion. Nous sommes donc bien au cœur d’un débat qui est aussi au centre des pratiques de promotion de la santé: la notion d’empowerment en tant que pouvoir de dire et d’agir, sur le plan individuel et collectif.
Cette matinée consacrée aux activités et parcours des jeunes au-delà de 12 ans était complétée par une soirée de projections au cinéma des Galeries. Il s’agissait de diffuser les créations de jeunes qui ont été invités à s’approprier les résultats d’une recherche sur les ‘trajectoires improbables’ de certains de leurs pairs. Ces trajectoires montrent comment des parcours individuels entamés sous des auspices peu favorables ont connu une inflexion positive.
L’après-midi a permis de parcourir les études qui ont donné la parole aux jeunes, voire très jeunes enfants, en relation avec leur bien-être. Pointons, parmi d’autres, trois éléments de réflexion qui méritent qu’on s’y attarde dans les pratiques de promotion de la santé: l’importance de considérer la richesse qu’apporte l’enfant au moment présent et pas seulement comme un être en devenir; l’importance pour les enfants des personnes ‘avec qui ils font’ plutôt que de ‘ce qu’ils font’ et in fine, l’importance de l’appréhension et de l’utilisation du temps comme marqueur des inégalités sociales.
Au cours de la journée ont surgi de nombreuses pistes sur la manière de prendre en compte les acquis de ces études pour fonder la production et le pilotage des politiques publiques. Corollairement, est apparu l’important effort à réaliser pour diffuser les connaissances et outils rassemblés par ce catalyseur qu’est l’OEJAJ et les aider à s’intégrer dans les représentations des décideurs et des professionnels. Modestement nous espérons que ce bref aperçu vous donnera l’envie d’aller explorer cette malle aux trésors.
Pour en savoir plus sur les présentations de la journéeEt pour les vidéos présentées en soirée (parcours improbables)
L’agency peut être brièvement présentée comme la faculté d’action d’un être; sa capacité à agir sur le monde, les choses, les êtres, à les transformer ou les influencer.