Avril 2003 Par N. MARECHAL Initiatives

Depuis le début de l’histoire de l’humanité, les poux sont des fidèles compagnons des hommes, des femmes et des enfants. Selon les moments de l’histoire et les cultures, les poux ont été acceptés, voire même valorisés, ou au contraire rejetés.


Les poux évoquent toujours des images fortes: pou égal tabou, ce sont les personnes sales, les ‘pouilleuses’ qui ont des poux, les têtes rasées ou passées au pétrole pour cause de pédiculose, mais aussi le livre pour enfants ‘Rendez-moi mes poux’.


Dans nos réalités quotidiennes les poux arrivent à perturber la vie des familles, la vie au sein des classes, dans les lieux collectifs…


En se concentrant particulièrement sur le milieu scolaire, on constate que les poux n’y provoquent pas que des désagréments physiques. Ils entraînent des conséquences qui touchent les personnes, individuellement ou collectivement.
L’apparition de ces petits insectes peut être à la source d’une stigmatisation d’enfants ou de familles, de tensions dans les classes, de disputes parfois importantes entre parents, de pressions pénibles sur les enseignants ou sur les directions d’écoles et les services de promotion de la santé à l’école.


Ma volonté politique en tant que Ministre de la Santé est que la pédiculose dans les écoles régresse, afin de réduire la fréquence des situations pénibles qu’elle génère.


Evidemment, en soi, les poux à l’école ne constituent pas un grave danger de santé publique. Néanmoins, taire ou ignorer le problème est une erreur. Car les poux ont tendance à empoisonner les relations à l’intérieur de l’école et la vie quotidienne de nombreuses familles et de façon parfois très importante.

Gérer le problème plutôt que rêver d’une éradication illusoire

Comme ce problème, pour des raisons de santé et pour des raisons sociales, doit être combattu, j’ai décidé d’organiser ce colloque, le considérant comme un moment privilégié pour que les différents acteurs abordent sereinement cette question, tout en envisageant les possibilités concrètes de changer les situations sur le terrain.


Eradiquer totalement les poux de l’école me semble illusoire. Sans doute faut-il également apprendre à vivre avec eux? Cependant, il importe impérativement d’apporter des améliorations de la vie quotidienne quand celle-ci est polluée par les poux.


J’ai voulu placer ce forum dans une perspective de promotion de la santé. Et je remercie le Conseil supérieur de promotion de la santé d’avoir accepté d’en être co-initiateur.


La logique de la promotion de la santé élargit ce champ pour passer de sa dimension strictement médicale et sanitaire à une notion dynamique et positive de processus engageant la population.


Dans cette perspective, les individus et les groupes sont considérés comme des interlocuteurs actifs, acteurs de santé et de qualité de vie. Il y a donc une dimension participative pour des objectifs de citoyenneté et d’émancipation.
La promotion de la santé prend également en compte les déterminants de la santé, l’environnement global de la personne et du groupe. Là se trouve la logique de proximité et aussi d’intersectorialité.


Néanmoins, il y a un arrêté relatif à la prophylaxie des maladies transmissibles, pris en application du décret de la promotion de la santé à l’école, qui prévoit encore l’écartement en cas de pédiculose, tout en le limitant à 8 jours et en l’accompagnant d’un suivi des familles.


Certains parents regrettent que leurs enfants soient écartés de l’école. Ils le regrettent car ils le ressentent comme une exclusion, leurs enfants se sentent montrés du doigt et si l’écartement se prolonge, des difficultés d’apprentissage peuvent survenir.


D’autres parents déplorent que les camarades ‘porteurs de poux’ de leurs enfants ne soient pas écartés de l’école car ils estiment que pour protéger la classe, il vaut mieux écarter les enfants porteurs qu’ils estiment gênants. Paradoxe: l’enfant peut se retrouver dans l’une ou l’autre situation.

Information et dédramatisation

Je conçois ce forum comme une mise en chantier qui débouchera sur des pistes à travailler par la suite. En effet, cette journée-ci constitue un moment de réflexion et de confrontation dont les résultats continueront à être explorés afin d’en tirer des pratiques concrètes et réalisables.


Les perspectives déjà envisagées pour le moment sont une brochure informative à l’attention des parents et un outil pédagogique pour les enseignants.
Par ailleurs, une modification de la législation en vigueur est toujours possible. L’idée qui sous-tend l’organisation de ce forum est bien de débattre ensemble de ce problème, surtout des solutions à y apporter, sans dramatisation.


Les aspects individuels, c’est-à-dire aider les enfants et les parents à se débarrasser des poux par une attitude et des traitements adéquats seront abordés ainsi que les aspects collectifs, c’est-à-dire comment vivre ces situations ensemble au sein de l’école. Les traitements individuels des enfants sont nécessaires, mais ne suffisent pas. Il devient dès lors intéressant d’imaginer des dynamiques collectives s’appuyant sur des solidarités.


Dans l’optique de la promotion de la santé, je souhaite que soient envisagées et étudiées plus spécifiquement et plus précisément les prises en charge collectives de ce problème dans les écoles, favorisant des solutions qui soient bonnes pour chacun et pour tous.


De telles pratiques de dialogue et de solidarité sont productrices de qualité de vie et fournissent des éléments de réponse à ne pas négliger. Quand une maladie ou un «mal-être» apparaît, déclarer les individus responsables ne peut suffire.


Au contraire, en renforçant le «pouvoir faire» collectif, en portant le débat sur la positivité, l’apprentissage à la citoyenneté se trouve renforcé. De nombreuses compétences existent au sein des écoles ou à l’extérieur: l’arrivée des poux dans les classes peut aussi être l’occasion de vivre des moments ludiques, informatifs, éducatifs… Quand la gestion de la situation créée par la présence de poux au sein d’une classe se fait collectivement, celle-ci devient le sujet de l’attention et permet d’éviter la logique du bouc émissaire qui se focalise sur un ou des individus porteurs.


En effet, se centrer sur les poux ou la pédiculose met en exergue des porteurs du problème, des responsabilités. Des frontières risquent de se créer à l’intérieur de l’école: il y a les porteurs et les non porteurs, il y a les bons parents qui traitent leurs enfants et les mauvais parents, il y a les enseignants qui en parlent et ceux qui se taisent, les intervenants de PSE qui pratiquent l’éviction et ceux qui ne la pratiquent pas, etc.


Je nous souhaite d’être imaginatifs et inventifs afin de parvenir à l’élimination d’une grande partie de ces parasites indésirables et de construire des nouvelles approches du phénomène des poux à l’école.


Je remercie les participants au groupe de travail qui a accompagné la réalisation du forum, les intervenants et les animateurs qui ont accepté d’apporter et de confronter leurs savoirs et leurs expériences aujourd’hui, Question santé qui a porté l’organisation du forum, les personnes venues de France pour élargir nos horizons et vous toutes et tous qui avez décidé de consacrer une partie de ce samedi à une danse avec les poux.


Nicole Maréchal , Ministre de la Santé