Septembre 2002 Par C. LAFONTAINE Chantal VANDOORNE Stratégies

Mise en place du processus

Si vous vous intéressez à la promotion de la santé, vous vous êtes déjà probablement demandé sur quelles bases les responsables politiques s’appuyaient pour prendre leurs décisions dans ce secteur comme dans d’autres. Bien sûr, des experts peuvent être sollicités mais on ne peut nier que le point de vue des relais de terrain qui assurent la concrétisation quotidienne des décisions est tout aussi utile à entendre.
Dans les pages qui suivent, nous vous présentons la première étape d’un des processus, les conférences locales de promotion de la santé , que la Ministre de la santé, Nicole Maréchal , veut instaurer pour permettre la remontée de cette parole du terrain. Les responsables de l’organisation de la politique de promotion de la santé en Communauté française espèrent ainsi disposer d’une matière riche pour déterminer les priorités et pistes à développer à court et moyen terme en vue de la construction d’une politique de promotion de la santé organisée et efficace.
Cette nécessité d’un pilotage de la politique de promotion de la santé en Communauté Wallonie-Bruxelles est d’ailleurs inscrite dans le décret du 14 juillet 1997. Cette volonté a été réitérée dans le cadre des différents plans annuels de promotion de la santé. Cependant, le constat a été fait qu’il manquait d’éléments structurés pour mener à bien cet objectif. Par ailleurs, la diffusion du concept de promotion de la santé et la visibilité du secteur, qui constituent des aspects importants de cette politique, représentent des défis plus que jamais d’actualité.
Dans cette perspective, la mise en place de conférences locales, suivies d’une conférence communautaire, pourrait donner un coup d’accélérateur au processus. En pratique, le cabinet de la ministre a sollicité les Services communautaires de promotion de la santé (SCPS) pour définir le processus et la méthodologie de mise en œuvre de ces conférences.
Pour rencontrer cette demande, les SCPS ont rédigé un projet de cahier des charges et proposé de consulter systématiquement les centres locaux de promotion de la santé (CLPS) avant de lancer officiellement le processus des conférences locales. Cette consultation a été réalisée sur la base du cahier des charges et d’un guide d’entretien.

Les conditions de l’interview

Le but de cette première démarche de consultation avait été précisé comme suit aux CLPS:
– identifier comment articuler les conférences locales telle que définies dans le projet de cahier des charges avec les processus de concertation, d’analyse des besoins, de visibilité… déjà mis en place au niveau local;
– identifier les conditions de possibilités d’organisation de ces conférences et les orientations spécifiques à leur donner, en fonction des contextes locaux.
Les SCPS ont confié la réalisation et l’analyse de ces interviews à l’APES-ULG.
Les dix CLPS ont été rencontrés; selon le choix du centre local, l’interview a concerné le coordinateur, l’ensemble de l’équipe, ou certains membres de l’équipe.
Le compte rendu de l’interview (document à usage interne) a été transmis à chaque CLPS afin qu’il vérifie si le contenu de l’entretien avait été correctement reflété et qu’il apporte des précisions si nécessaire.

Les résultats

L’interview était divisé en quatre volets:
* les objectifs à définir pour les conférences locales;
* la représentation que la personne interrogée ou l’équipe avait d’une conférence locale ‘idéale’;
* les critères de qualité pour une conférence locale;
* les moyens et les ressources nécessaires.

Les objectifs des conférences locales

Dans cette première partie de l’entretien, le but était de déterminer avec précision et nuances où pouvaient se situer les objectifs des conférences locales: comment ceux-ci s’intégraient-ils concrètement dans le projet spécifique du CLPS, et en quoi les conférences locales pouvaient être un moyen pertinent/adéquat pour les atteindre.
Les objectifs suivants étaient soumis à l’avis des CLPS:
– instaurer une dynamique participative au plus près du terrain;
– recueillir les besoins et les attentes au niveau local;
– identifier les problématiques spécifiques auxquelles les priorités communautaires ne répondraient pas;
– augmenter la «visibilité» des structures de promotion de la santé et diffuser le concept de promotion de la santé.
Pour chaque objectif, les CLPS devaient répondre aux questions suivantes:
– comment avez-vous travaillé cet objectif jusqu’à présent?
– quel ‘plus’ la conférence peut-elle amener?
– quelles sont les conditions nécessaires pour assurer cette complémentarité?
Passons maintenant en revue les différents résultats obtenus en réponse à ces questions.
Comment avez-vous travaillé cet objectif jusqu’à présent?
Les réponses fournies ont fait apparaître que tous les CLPS avaient déjà travaillé l’ensemble des objectifs au travers de stratégies variées.
Soulignons que la consigne donnée n’était pas de dresser une liste exhaustive des stratégies utilisées pour rencontrer les différents objectifs cités. Ce sont donc les stratégies prioritaires et générales qui ont été évoquées par les CLPS.
Plusieurs CLPS ont mentionné le fait qu’évidemment un même objectif pouvait être travaillé au travers de différentes stratégies mais ils ont également insisté sur l’idée qu’une stratégie concourait à la poursuite de plusieurs objectifs.
Quel ‘plus’ la conférence peut-elle amener?
La majorité des CLPS ont répondu de manière transversale plutôt que de considérer spécifiquement chacun des objectifs proposés.
Les plus-values mentionnées sont l’amplification des dynamiques existantes, la redynamisation des groupes de travail, forum etc., la remobilisation de membres et le recrutement de nouveaux membres , l’élargissement de la dynamique participative à la population, ainsi que la poursuite et l’amplification de l’intersectorialité.
Quelles sont les conditions nécessaires pour assurer cette complémentarité?
Ici aussi les CLPS ont répondu de manière transversale. Leurs réponses peuvent être synthétisées comme suit:
– il est nécessaire de dégager des ressources et des moyens supplémentaires (logistiques, humains) pour organiser l’avant/le pendant/l’après conférence mais également pour offrir des incitants à la participation d’autres secteurs;
– l’implication active du cabinet dans le processus (présence de la ministre aux conférences, membre du cabinet affecté au projet,…) est nécessaire;
– l’implication active d’autres partenaires locaux ou communautaires (Province, Ville, SCPS…) est requise;
– le thème de la conférence (thème ciblé – traitement de question concrète) est important et il y a nécessité de prévoir une méthodologie (objectifs, participation de la population, atelier, évaluation..);
– la nécessité d’un suivi (perte de crédit en cas d’organisation d’un événement unique) est évidente;
– un marketing et une médiatisation importante (soulignant par exemple le fait que ce processus se fait à l’échelle de la Communauté française Wallonie-Bruxelles) sont nécessaires.

La conférence locale idéale

Cette partie de l’interview avait pour but d’identifier les représentations que les CLPS avaient des conférences locales. Pour ce faire, il s’agissait de ‘décrire une conférence locale telle qu’elle se passerait si le CLPS avait toute liberté et toutes ressources pour l’organiser dans l’année (thème, partenaires, méthodologie, participants, suites, …).’
Cette question a permis de mettre en évidence cinq points d’attention pour les CLPS.
– Huit CLPS mentionnent le fait que la conférence locale est un processus qui comporte différents moments (préparation/marketing/travail de lien entre et avec différents réseaux – réalisation/moment fort – suivi). Cela implique une dimension temporelle importante . De plus, les partenaires doivent être associés très rapidement au processus.
– Quatre CLPS estiment que la conférence doit présenter un caractère intersectoriel (en terme d’intervenants, de participants…). C’est possible si certains préalables existent (insertion dans des réseaux…). Pour assurer la faisabilité effective de l’intersectorialité et légitimer une participation des autres secteurs, un CLPS évoque la nécessité d’une concertation interministérielle .
– Quatre CLPS considèrent que la conférence locale doit être thématique (le choix du thème retenu devant se réaliser sur base des thèmes déjà travaillés par le CLPS). Trois autres optent pour une approche globale . Un CLPS hésite entre les deux possibilités. Enfin, un CLPS estime que c’est ‘au politique’ de définir quelques axes prioritaires (cancer, public défavorisé…) parmi lesquels les CLPS pourraient choisir en fonction de leurs réalités de terrain.
Quatre CLPS insistent sur la nécessité de définir très précisément les objectifs poursuivis (objectifs clairs, précis, limités) et la méthodologie (respectueuse de la réalité de terrain), le mandat des différents participants…
– Trois CLPS feraient le choix d’une conférence avec un nombre limité de participants pour assurer une dimension humaine et permettre l’instauration de dynamique participative.

Le Comité de pilotage communautaire des conférences

Au cours des prochains mois, un comité de pilotage communautaire sera chargé d’accompagner et d’aider à la mise en place de ces conférences. C’est l’asbl Santé, communauté et participation qui en assurera l’animation.

Mission

Accompagner et aider à la mise en place de ces conférences suivant les objectifs définis; il aura un rôle de coordination, de facilitation du processus et des échanges. Il aura un rôle de synthèse et de lien avec les conférences communautaires de promotion de la santé.
Le comité communautaire organisera au moins deux séances de travail sur l’année.

Composition

Les Services Communautaires de Promotion de la Santé (SCPS)
Chantal Vandoorne , APES-ULG
Damien Favresse , Promes-ULB
Philippe Meremans , RESO-UCL
Patrick Trefois , Question Santé asbl
Les représentants des dix comités de pilotage locaux
A déterminer
Les experts extérieurs/i]
Marc Schoene , Président de l’Institut Renaudot, Directeur de la Santé de la ville de Saint-Denis
Philippe Lefèvre , Directeur du Centre de santé de la ville d’Evry
Loïc Cloart , Directeur du Comité régional d’Education pour la santé de Lille
Jean Pol Parent , Coordinateur des Etudes spécialisées en
Pratiques et politiques locales de santé de l’Université de Lille, Directeur du Centre de santé de la ville de Grande Synthe
Jean Simos , Direction Générale de la santé du Canton de Genève
Coordinateur du projet «Promotion communautaire de la santé et de la qualité de la vie» (Genève)
Pierre Laurence , Spécialiste en développement social, des réseaux de santé et du milieu municipal au Québec. Il a conceptualisé et mis en œuvre le concept de «Quartier en Santé».
Un membre de l’Administration
Roger Lonfils Directeur de la Promotion de la santé de la Communauté française.
L’asbl Santé, Communauté, Participation
Martine Bantuelle et Bruno Vankelegom

Quels critères de qualité pour une conférence locale?

Ce troisième volet avait pour but de connaître l’opinion des CLPS sur l’importance des différentes conditions à rencontrer pour organiser une conférence locale:
– caractère récurrent des conférences;
– territoire concerné;
– identité de l’opérateur principal des conférences;
– intersectorialité;
– participation de la population (par voie représentative);
– articulation avec les données disponibles sur les besoins et ressources au niveau local;
– prévision de modalités d’exploitation et de suivi.
Pour chacun des critères repris ci-dessus, les CLPS devaient indiquer s’il était réaliste, et quelles étaient, d’après eux, les modalités concrètes de réalisation.
L’analyse de ces résultats indique que les CLPS fournissent des réponses relativement homogènes en ce qui concerne l’importance des critères listés. Cette homogénéité des réponses est particulièrement frappante en ce qui concerne les quatre critères suivants:
– modalités d’exploitation;
– intersectorialité;
– articulation avec les informations déjà disponibles;
– territoire des conférences.
Par ailleurs, le décalage entre l’importance du critère et sa faisabilité est le plus marqué dans les items suivants:
– participation de la population
– intersectorialité;
– territoire des conférences.

Les moyens

Cette dernière partie de l’interview avait pour but d’aborder la problématique des moyens en posant la question suivante: ‘A ce stade du processus, voulez-vous indiquer quelles sont les ressources humaines ou matérielles qui vous semblent nécessaires pour préparer une conférence locale qui rencontre ces objectifs et ces critères?’
Tous les CLPS ont répondu difficilement à cette question étant donné le caractère forcément encore un peu vague du cahier des charges.
Plusieurs CLPS ont souligné que des moyens logistiques pouvaient être trouvés relativement facilement grâce à des partenariats mais ont insisté sur la nécessité de mise à disposition de ressources humaines. L’ensemble du personnel affecté au CLPS est déjà mobilisé pour l’accomplissement des missions courantes. Si des moyens supplémentaires ne sont pas dégagés, qu’adviendra-il de la prise en charge de ces missions?

Mise en œuvre des conférences locales

Sur base de la rédaction d’un dossier, des moyens budgétaires et humains supplémentaires seront octroyés aux CLPS pour faciliter l’organisation des conférences.
Les premières conférences auront lieu encore cette année, et chaque CLPS devrait avoir eu ‘sa’ conférence d’ici la fin 2003.
Education Santé vous tiendra informés des modalités pratiques et des acquis de ces conférences.

Mise en perspective

La lecture transversale des réponses fait apparaître que certains points sont mentionnés systématiquement par l’ensemble des CLPS mais que chacun fait allusion à ces éléments à l’occasion de questions différentes. Ainsi:

Les objectifs des conférences locales

Tous les CLPS adhèrent à l’idée que les conférences locales peuvent amener ‘un plus’ par rapport à l’instauration d’une dynamique locale (objectif général). Comme nous l’avons vu, ils estiment qu’elles peuvent permettre une amplification des dynamiques existantes, une redynamisation des membres voire un recrutement de nouveaux membres.
De la même manière, les CLPS considèrent que la tenue de conférences locales pourrait amener une visibilité supplémentaire du concept de promotion de la santé, de sa structure et de ses activités notamment grâce à la dimension ‘Communauté française’ de l’événement (organisation dans les dix CLPS) et à l’implication ministérielle.
Enfin, en ce qui concerne le recueil des besoins et des attentes, les CLPS se positionnent prudemment. Ils se montrent très préoccupés des réponses à apporter aux nouveaux besoins qui pourraient être mis en évidence et de leur suivi.
Nous soulignerons aussi que les objectifs définis pour les conférences locales sont déjà travaillés par les CLPS par le biais de stratégies diverses; chacun poursuit ces objectifs en utilisant des moyens qui correspondent à ses ressources. La mise en œuvre d’une nouvelle stratégie suppose donc nécessairement la mobilisation de nouveaux moyens.

Les critères de qualité des conférences

Le caractère récurrent des conférences
Si les CLPS sont favorables à ce critère, ils apportent des nuances par rapport à la proposition faite dans le cahier des charges. Les CLPS insistent sur le fait que les conférences locales sont un processus qui suppose le développement de différentes étapes (préparation – réalisation – suivi).
Celui-ci doit reposer sur une organisation avec différents partenaires qui ont leur propre rythme de fonctionnement. Cela nécessite donc du temps. Dans cette perspective, un cycle de deux ans leur paraît irréaliste. Certains évoquent une périodicité de trois/quatre ans.
Les autres CLPS avancent plutôt l’idée que c’est l’évaluation de la première conférence qui permettra de décider ou non de sa reproduction.
Le territoire
Les réponses de tous les CLPS démontrent que chaque territoire présente des spécificités et qu’il n’existe pour aucun de territoire homogène. Plusieurs CLPS ont avancé des propositions concrètes qui leur semblaient correspondre aux caractéristiques territoriales locales. Ainsi, certains penchent pour l’organisation de plusieurs conférences (sous-régionales) en raison d’une réalité socio-géographique diversifiée; d’autres opteraient pour la mise en œuvre d’une seule conférence mais qui devrait avoir lieu en un endroit soigneusement sélectionné en concertation avec les différents partenaires associés au projet.
L’opérateur principal
Tous les CLPS se prononcent en faveur d’une organisation qui repose sur un partenariat local et communautaire avec une implication active du cabinet. Certains positionneraient le CLPS comme un opérateur parmi d’autres (mise sur pied de groupe de pilotage local du projet).
Ce partenariat doit être précoce par rapport au processus d’organisation des conférences; implique des partenaires incontournables autres que les membres du pouvoir organisateur et les organismes locaux connus – notamment certains pouvoirs politiques locaux (commune, Province…); repose enfin sur des conditions préalables (implication dans des réseaux, contacts avec des relais, prise de position des décideurs de différents secteurs en faveur du processus…).
L’intersectorialité
Plusieurs CLPS considèrent que le développement d’une intersectorialité réelle de terrain (qui ne se heurte pas sans cesse aux limites des missions et compétences de chacun) présuppose une dynamique interministérielle préalable.
Selon certains, pour légitimer la démarche du secteur promotion de la santé, une déclaration de soutien de la part des autorités des autres secteurs constitue un minimum. Elles pourraient ainsi stimuler la participation des acteurs qui en font partie. En d’autres mots, l’intersectorialité doit absolument être mise en œuvre à d’autres niveaux que celui du professionnel de terrain. Cela semble être la condition sine qua non à l’engagement des relais locaux dans cette dynamique.
D’autres vont plus loin en affirmant qu’il faudrait des incitants, notamment financiers, à la participation des autres secteurs.
La participation de la population
La majorité des CLPS sont d’accord pour considérer que la participation de la population ne peut s’opérer que par l’intermédiaire de représentations déjà structurées (comité de quartier, association de patients…). On ne peut envisager la participation du citoyen ‘tout venant’.
L’articulation avec les informations déjà disponibles, les modalités d’exploitation
Ces deux critères vont de pair. Le positionnement de la majorité des CLPS est clair. Il est inconcevable de se lancer dans l’organisation de conférences locales sans une clarification et un engagement du politique relatif au suivi.
Il est vrai que l’organisation d’un ‘événement unique’ sans suite pourrait provoquer une perte de crédit pour l’ensemble de la structure et plus particulièrement au niveau local (proximité du terrain).
La majorité des CLPS parle des ‘risques’ encourus lors de la mise en œuvre de ce type de processus qui peut susciter des attentes, des besoins, des espoirs auxquels il faudra faire face de façon relativement immédiate.
Les CLPS ne souhaitent pas assumer seuls la responsabilité de ces suivis. Ils n’en ont d’ailleurs ni les moyens, ni le mandat.

Deux conditions de réussite incontournables pour les conférences

]
L’ensemble des CLPS soulignent la nécessité de l’implication active (voire visible) du cabinet et de la ministre dans le processus. Les décideurs doivent apporter crédit et faisabilité au processus; ils doivent clairement se positionner sur l’utilisation et le retour au terrain: pourquoi ces conférences locales, cela va servir à quoi?
L’ensemble des CLPS estiment qu’il est impératif de dégager des moyens supplémentaires pour mener à bien le processus. En effet, tous précisent que les ressources du CLPS sont entièrement mobilisées pour l’accomplissement des missions actuelles. Si les conférences locales devaient être mises en œuvre sans moyens complémentaires, cela nécessiterait de ‘restreindre’ l’investissement dans l’ensemble des autres missions. De plus, il n’y aura pas de marge de manœuvre pour la prise en charge du suivi.

L’intérêt principal des conférences locales

Il nous semble que le réel ‘plus’ des conférences locales aux yeux de plusieurs CLPS tient au fait qu’elles représentent un prétexte propice à un avancement réel des collaborations intersectorielles sur le terrain grâce à l’intervention active du cabinet auprès de différents niveaux politiques (locaux, communautaires, régionaux, provinciaux, fédéraux…).

Conclusion

L’intérêt de cette démarche d’interview a été évident lorsqu’on a vu l’exploitation très concrète qu’on pouvait faire des résultats. Non seulement, le point de vue des CLPS a pu être pris en compte pour la mise au point du cahier des charges définitif mais, en plus, ces résultats ont permis un ajustement du positionnement des différents acteurs impliqués dans la gestion communautaire des conférences locales et aussi une clarification des enjeux.
Cette démarche de consultation a eu un intérêt plus large. Il nous semble qu’elle a permis de démontrer que, si les CLPS connaissent des situations de terrain très variées, il n’en demeure pas moins qu’il existe entre eux une remarquable communauté de vue par rapport aux objectifs à poursuivre, aux stratégies à développer et aux moyens à mobiliser pour permettre l’installation progressive d’une politique locale de promotion de la santé. De ces interviews émergent aussi la créativité et la richesse des activités qui sont déjà développées pour ce faire.
Ceci est déjà en soit une donnée instructive par rapport au pilotage de la politique de promotion de la santé en Communauté française de Belgique!
Carine Lafontaine et Chantal Vandoorne , APES-ULG
Adresse des auteurs: APES-ULG, Sart Tilman Bât B23, 4000 Liège

Le cahier des charges pour des politiques locales de promotion de la santé

Sur base des informations engrangées dans le cadre des interviews, différentes modifications fondamentales ont été apportées au projet de cahier des charges. Les objectifs ont été définis avec plus de précision, les critères de qualité ont été remaniés et réorganisés, de nouveaux éléments d’informations sur le processus ont été introduits. Un nouveau cahier des charges a ainsi pu être proposé aux CLPS.

1. Principes de base

Les conférences locales de promotion de la santé visent à amplifier les initiatives participatives déjà instaurées au niveau local -le Réseau des mandataires communaux – les groupes divers de coordination – les collèges – les commissions – les plates-formes…
Ces conférences pourraient être amenées à se répéter à intervalles réguliers (tous les 3-4 ans) si elles rencontrent l’intérêt et l’adhésion des partenaires et acteurs locaux.
Les «territoires» concernés par les conférences correspondent à la zone d’action du CLPS ou à des parties de celle-ci.
L’organisation, la mise en œuvre, l’évaluation et le suivi des conférences reposeront sur un partenariat précoce sur les plans local et communautaire.

2. Objectifs généraux et dynamiques des conférences locales

2.1. L’objectif prioritaire est de mettre en place à moyen terme, dans le cadre des priorités communautaires – en particulier la réduction des inégalités sociales face à la santé -, des actions et des projets locaux intersectoriels.
Mais il s’agit aussi de faire remonter au niveau de la Communauté française les attentes, les besoins et les propositions d’intervention pertinents auxquels les priorités communautaires ne répondraient pas, ou répondraient insuffisamment.
2.2. Un objectif intermédiaire à court terme est de soutenir une dynamique d’échanges et de collaborations intersectorielles:
* en favorisant la participation d’un grand nombre de partenaires locaux et d’acteurs de terrain d’origines variées, peu habituelles en promotion de la santé;
* en s’appuyant sur la reconnaissance, l’analyse ou la recherche d’une meilleure compréhension des besoins et des attentes au niveau local.
2.3. Un objectif secondaire est d’augmenter la ‘visibilité’ de la promotion de la santé dans le cadre d’un partenariat avec d’autres secteurs.
Une des conditions nécessaires est que les structures mises en place par le décret du 14 juillet 1997 soient identifiées le plus clairement possible par les acteurs de terrain. Jusqu’à présent, elles ont encore eu peu de temps pour s’assurer une large visibilité. Le soutien actif de la ministre offrira une caution institutionnelle et officielle propice à la reconnaissance par le terrain local. Le caractère communautaire du processus fournira une dimension supplémentaire propice à valoriser les initiatives locales.

Critères de qualité des conférences locales

3.1. La couverture territoriale de la conférence correspondra à l’ensemble du territoire du Centre local de promotion de la santé ou à une partie de celui-ci.
Le lieu de tenue de la conférence et la couverture territoriale correspondante seront soigneusement sélectionnés par les différents partenaires locaux associés au projet sur base des critères tels que la réalité socio-géographique, les décentralisations du CLPS, les réseaux existants de relais…
Ces critères interviendront en interaction avec la problématique choisie pour décider de tenir une conférence centralisée ou plusieurs conférences décentralisées.
3.2. Une articulation avec les informations déjà disponibles sur les besoins et ressources au niveau local («cartographies», etc.) est prévue.
Les conférences seront fondées sur une diffusion auprès des acteurs locaux des données déjà disponibles. Celles-ci seront examinées et mises en débat par les participants des conférences.
3.3. L’opérationalisation
Dès la phase préparatoire des conférences, le CLPS mobilisera des partenariats variés, par exemple en mettant sur pied un comité de pilotage local qui pourrait coordonner l’organisation, la mise en œuvre, l’évaluation et le suivi. Le CLPS pourra, en fonction de sa politique d’intégration locale, être le coordinateur du groupe de pilotage ou rester un membre de ce groupe au même titre que les autres.
Les conférences locales ne doivent pas concurrencer les initiatives qui sont déjà en cours, mais au contraire elles devront partir de ce qui existe pour s’ouvrir à de nouveaux partenariats, notamment les citoyens (à travers des représentants associatifs ou autres) ainsi que les organismes qui ne collaborent pas encore aux initiatives mises en place par les CLPS.
3.4. Les conférences doivent rassembler les acteurs locaux au-delà du secteur de la santé (intersectorialité).
La mise en œuvre de l’intersectorialité au niveau du terrain sera précédée, autant que possible, de démarches menées par la ministre en vue de susciter une dynamique interministérielle.
En effet, un des enjeux de la promotion de la santé est de «décloisonner» les secteurs d’activités et les champs de compétences pour agir sur les déterminants de la santé dont la plupart ne sont pas à la portée du secteur médical ou médico-social. Les acteurs de développement social seront largement concernés par cette proposition. Les conférences représentent une opportunité pour ce faire.
3.5. Les non-professionnels doivent être présents et la participation de la population activement recherchée.
Un autre enjeu de la promotion de la santé est la participation des citoyens aux décisions qui concernent leur santé et leur bien-être. Cette participation ne se produira pas spontanément: non seulement le secteur de la santé est bien séparé des autres secteurs professionnels, mais encore et surtout les profanes ne se mêlent pas aux professionnels. C’est donc au moins dans un premier temps par le biais de représentants (membres d’associations, de comités d’habitants, de comités de quartiers, etc.) que la participation de la population sera recherchée. Au-delà de leur présence physique, il importe que les dispositifs et méthodes mis en place pour organiser les conférences favorisent leur participation active aux débats. Ces méthodes et dispositifs devraient être choisis pour permettre la prise de parole des citoyens et favoriser la prise en compte des préoccupations qu’ils amènent. Ceci passe aussi par le langage (éviter le jargon santé publique, le langage trop académique ou trop abstrait, etc.). Des liens seront établis avec les dynamiques citoyennes qui seraient développées sur le territoire (Assises pour l’égalité des chances, ateliers du progrès, cafés politiques, AIR, etc.).
3.6. Des modalités d’exploitation/ de suivi des apports des conférences locales sont prévues.
Les différents partenaires définiront d’emblée, sur base du contrat de collaboration, leurs responsabilités et leurs engagements respectifs par rapport aux modalités d’exploitation et de suivi. Il faudra notamment distinguer les modalités de remontée des acquis de la conférence au niveau communautaire et l’exploitation de la conférence au niveau local.
3.7. Les conférences sont amenées à initier un processus durable.
Une évaluation sera mise en place qui pourra notamment permettre de juger de la périodicité la plus adéquate: une périodicité de trois à quatre ans paraît réaliste. Mais en rapport avec ce qui précède, l’économie du projet réside moins dans la réalisation d’événements que dans l’initiation et l’entretien d’une dynamique durable d’insertion au plan local de la promotion de la santé dans la vie sociale.
La rédaction du cahier des charges est le fruit d’une collaboration entre les SCPS, l’Administration et le cabinet de la ministre