Avril 2006 Par P. TITEUX V. BOUTTIN Tribune

Dis moi Céline (1), les années ont passé… Pourquoi n’ai-je jamais pensé à t’écouter?

Les particules sont fines et les problèmes épais

2 février 2006: la concentration de particules fines (2) dépasse 100 µg/m3 dans 21 des 43 stations de mesure qui couvrent le territoire belge, alors que la valeur limite est fixée à 50 µg/m3; dans toute la Belgique, l’indice de la qualité de l’air est médiocre (8 sur une échelle qui en compte 10), voire carrément médiocre à Liège et Charleroi. Un phénomène exceptionnel? Que nenni! 86 dépassements de la moyenne ont été enregistrés à Marchienne-au-Pont en 2005 alors que, depuis le 1er janvier 2005, la directive 1999/30/CE autorise au maximum 35 dépassements de ce seuil par année. Dans le même temps, 82 dépassements étaient recensés à Engis, 68 à Anvers…
Cette situation n’est évidemment pas sans conséquences. On estime ainsi que l’espérance de vie des Belges est amputée de quatorze mois en raison de l’inhalation de particules fines. La Belgique détient à cet égard un triste record au sein de l’Europe des 25, précédant les Pays-Bas, l’Allemagne et le Luxembourg. Au niveau européen, selon le dernier rapport de CAFE (Clean Air For Europ), la diminution de l’espérance de vie atteindrait une moyenne de huit mois tandis que les maladies et les décès causés par les particules fines coûteraient à l’Union entre 5 et 51 milliards d’euros…
Pourtant, nos décideurs tardent à aborder de front cette problématique. Bien sûr, un mauvais indice de la qualité de l’air déclenche une avalanche de recommandations: aux personnes âgées et/ou sensibles, invitées à rester chez elles; aux habitués des footing matinaux ou vespéraux, priés de s’abstenir de pratiquer leur sport préféré… Des mises en garde en forme de pied de nez aux messages dénonçant les risques de l’inactivité et de la sédentarité! Mais le plus grave est sans doute que ce projecteur braqué sur des crises aiguës tend à laisser dans l’ombre voire occulter le caractère chronique du problème . Car qu’on ne s’y trompe pas: nous souffrons autant, sinon plus, de la pollution de fond dans laquelle nous baignons au quotidien que des pics surmédiatisés.
Et dans un cas comme dans les autres – sauf à vouloir vivre sous bulle…- seules des mesures structurelles (maîtrise de la demande énergétique, arrêt de la croissance effrénée du trafic routier…) apporteront une réponse positive et durable au problème. Et Céline n’aura plus alors que des bulletins ensoleillés à nous diffuser!
Ne pleure pas, Céline, il y a longtemps que je le savais, mais je ne l’oublierai plus jamais.
Véronique Bouttin et Pierre Titeux

(1) Cellule Interrégionale pour l’Environnement http://www.irceline.be
(2) Les particules fines sont émises dans l’atmosphère par les processus de combustion: le trafic routier (notamment les véhicules diesel) le chauffage, l’industrie, l’incinération des déchets ou l’usure des freins. On appelle ces poussières les PM10 car leur diamètre mesure moins de dix micromètres (0,01 millimètre). Composées notamment d’oxyde d’azote, d’ozone, d’ammonium, les PM10 sont nocives car elles pénètrent dans le système respiratoire. Elles peuvent atteindre les plus petites ramifications des bronches, passer la barrière sanguine, entrer dans le système lymphatique et entraîner des effets respiratoires et cardiovasculaires explique la pneumologue Margaret Gerbase, chef de clinique aux Hôpitaux universitaires de Genève.