Mars 2006 Par D. PIETTE Tribune

Mesdames et messieurs les décideurs ou responsables de certains programmes de prévention ‘tabac’, puis-je me permettre de vous donner quelques conseils? Lisez ou faites lire la littérature scientifique ou écoutez de temps en temps les experts et/ou les scientifiques.
On ne peut que se réjouir des politiques ‘tabac’ qui se développent à travers l’Europe, en Belgique et en Communauté française.
Toutefois, savez-vous que certaines mesures peuvent être contre-productives, c’est-à-dire déboucher sur des résultats contraires aux effets espérés?
En voici quelques-unes.
L’insistance sur l’âge en-dessous duquel les adolescents ne devraient pas fumer, qui renforce chez le jeune public l’envie de transgresser la loi, la volonté de faire comme les adultes, donc de fumer. Faites la loi, faites-la connaître et respecter mais n’en faites pas la publicité tous azimuts (le fait que les entreprises du tabac recommandent de proposer aux jeunes ce type de messages antitabac devrait d’ailleurs vous mettre la puce à l’oreille). Faites des campagnes pour la prévention parmi les adultes.
Les images ‘d’horreur’ sur les maladies que favorise le tabac peuvent être trouvées intéressantes lors d’un test mais se révèlent in fine contre-productives par le déni qu’elles suscitent (c’est trop horrible, je ne veux rien savoir, je n’ai rien vu). Il faut une perception du danger mais celle-ci ne doit pas être excessive. Les entreprises du tabac n’ont fait aucune objection à cette mesure (reproduction des images sur les emballages), au niveau européen ou belge. Cela aussi devrait vous paraître suspect…
La participation sans préparation, très délicate, d’anciens fumeurs pour faire de la prévention: cela renforce l’opinion qu’il est très facile de s’arrêter et même cela valorise l’idée qu’on est quelqu’un de bien quand on a fumé et qu’on est devenu un ex-fumeur. Même qu’il devient possible de faire de la prévention! Alors, pourquoi ne pas commencer? Puis s’arrêter… Si on y arrive.
L’approche sécuritaire et normative (fais ceci, fais pas ça) avec l’intervention des forces de l’ordre, qui ne sont pas les personnes les plus crédibles pour les jeunes dits ‘à risque’!
L’approche ‘produit’ qui ne tient pas compte de divers contextes.
D’autres éléments à prendre en considération:
-les caractéristiques personnelles de la consommation: pourquoi cette personne commence-t-elle à fumer? Et si elle ne fume pas, va-t-elle se diriger vers un autre risque? Que fera la personne qui arrête de fumer? Manger plus? Déprimer? Agresser son partenaire, ses enfants, ses collaborateurs?
-le contexte de l’aide: un fumeur de tabac et de cannabis va-t-il téléphoner à un centre d’aide à l’arrêt ou s’inscrire dans un groupe de cessation tabagique?
-le contexte psycho-socio-culturel de la consommation: les individus ne sont pas que des paires de poumons: pensons au rôle de modèle des adultes, aux relations entre tabac et consommation, tabac et plaisir, dépendances et bien-être… Soyons modestes: concernant la prévention du tabac (et des dépendances en général), il faut reconnaître que ce que l’on sait le mieux, c’est ce qu’il ne faut pas faire…. Alors, ne le faisons pas!
Danielle Piette