Un peu d’histoire
En 1997, grâce au programme européen Interreg II, une enquête transfrontalière sur la santé des jeunes était réalisée dans la province du Hainaut et le département de l’Aisne. Cette enquête a permis de mettre en évidence l’importance du problème de l’excès de poids dans la population des 10-16 ans grâce à des mesures effectuées dans des conditions standardisées. L’enquête a aussi montré la présence non négligeable d’autres facteurs de risque pour les maladies cardio-vasculaires et d’autres maladies chroniques, facteurs tant comportementaux (sédentarité, alimentation, consommation d’alcool ou tabac) que biologiques (cholestérol) ou biométriques (hypertension artérielle).
Enfin, il est apparu de façon non équivoque que les inégalités de santé mesurées pour ces différents facteurs s’installent très tôt. Dans le décours de cette enquête, une collaboration fructueuse a été mise en place entre l’Observatoire de santé du Hainaut (OSH) et les centres de santé scolaire de l’ensemble des réseaux d’enseignement (centres PSE et PMS). Grâce à un réseau international pour la santé du cœur, les résultats du Hainaut de 1997 ont aussi pu être comparés à ceux de 3 autres régions outre le département de l’Aisne: le canton de Vaud (Suisse), le Québec et la région de Sousse (Tunisie).
Devant l’ampleur des phénomènes observés, l’OSH a souhaité poursuivre la surveillance épidémiologique. En collaboration avec une dizaine de centres de santé scolaire partenaires, un réseau des centres de santé scolaire vigies a été mis sur pied. L’idée était de réaliser des enquêtes périodiques sur les comportements de santé, couplées à des mesures objectives lors des visites médicales obligatoires en 6e primaire, 2e secondaire et 4e 5e secondaire.
Un quota de 400 élèves par groupe d’âge est interrogé, pesé et mesuré. L’échantillon est représentatif de la population (sexe, filières scolaires, réseaux d’enseignement et arrondissements de scolarisation). La possibilité de coupler les mesures objectives aux déclarations sur les comportements en répétant l’opération tous les ans ou tous les deux ans est unique à ce jour en Communauté française.
A côté des données de surveillance épidémiologique, chaque enquête fait l’objet d’une recherche thématique dont les résultats sont destinés à alimenter les activités de promotion de la santé. Ainsi, des enquêtes dont le thème de recherche était les assuétudes, le bien-être, la vie affective, la santé buccodentaire, l’asthme et les allergies ont déjà été menées. Cette année, le thème de recherche porte sur la consommation d’alcool et les représentations liées à cette consommation.
Ce qui nous pousse à réaliser une surveillance continue de la santé
L’épidémie d’obésité et d’excès de poids est alarmante. L’excès de poids constitue en soi un facteur de risque pour les maladies cardio-vasculaires et pour d’autres types d’affections chroniques (diabète, cancer, affections ostéoarticulaires, estime de soi et dépression etc.)
L’excès de poids est la pointe visible d’un iceberg. D’autres facteurs de risque comme l’hypertension artérielle et l’hypercholestérolémie sont également présents dès le plus jeune âge. Et c’est aussi dès le plus jeune âge que les comportements défavorables à la santé (alimentation de mauvaise qualité, activité physique insuffisante, consommations excessives de produits comme le tabac, l’alcool ou les autres substances psycho-actives) commencent à produire leurs effets.
L’ensemble des facteurs de risque pour la santé ne sont pas distribués aléatoirement dans la population: il existe un gradient socio-économique défavorable. Les inégalités sociales de santé sont déjà présentes chez les enfants.
En luttant contre les inégalités sociales et en améliorant les comportements alimentaires, en augmentant la pratique de l’activité physique et en réduisant la consommation de produits nocifs, on agit sur les facteurs de risque de la plupart des maladies chroniques.
Les résultats
L’épidémie d’excès de poids semble se stabiliser peu à peu mais à un niveau qui reste inacceptable. En effet, entre 1997 et 2006, on n’observe quasi pas d’augmentation de la proportion des jeunes touchés par ce fléau. Globalement, un quart des jeunes souffre d’excès de poids et parmi eux, environ un quart à un tiers présente une obésité franche.
Après une aggravation des comportements non favorables à la santé depuis 1997, on voit une stabilisation voire une amélioration progressive de la qualité de l’alimentation.
Cependant, 15% des jeunes de 10 ans, 25% des jeunes de 13 ans et près de 30% des jeunes de 16 ans ne prennent toujours pas de petit déjeuner, compromettant par là même leurs rythmes alimentaires pour toute la journée. Les jeunes qui ne prennent pas de petit déjeuner sont aussi plus nombreux que les autres à ne pas prendre de goûter et à consommer des produits sucrés et gras à toutes les pauses et ce, d’autant plus qu’ils peuvent s’approvisionner dans leur environnement immédiat.
Les recommandations au quotidien pour une alimentation saine des élèves
Pour tous
Prendre un vrai petit déjeuner, avec le moins de sucre raffiné possible;
Goûter pour éviter les fringales de 18h;
Boire de l’eau: 5 moments d’hydratation par jour, par exemple avant de sortir en récréation;
Eviter la consommation de calories vides (sans autre apport nutritif) surtout sous forme liquide;
Consommer fruits et légumes;
Consommer des fruits secs pour emporter des omégas 3;
Apprendre le respect de la différence: les quolibets et remarques sont les plus grands facteurs de risque de développer une vraie obésité ou des troubles du comportement alimentaire de type anorexie ou boulimie;
Stimuler les partenariats: écoles, parents, associations…
Pour les plus jeunes
Mettre en lien l’offre alimentaire à l’école et le contenu de l’éducation nutritionnelle: eau de distribution disponible facilement, pas de vente ou de distribution de produits gras et/ou sucrés;
Lutter contre la sédentarité: garderies actives.
Pour les aînés
Insister sur le petit déjeuner;
Repérer les jeunes qui sautent des repas, qui sont en souffrance avec leur poids;
Se rappeler que bière et alcool sont des grands pourvoyeurs de calories.
La consommation de fruits et légumes, qui constitue un des indicateurs les plus valides de la qualité de l’alimentation, connaît un sursaut favorable. Toutefois en 2005, seuls 4 garçons sur 10 et 5 filles sur 10 déclaraient consommer des légumes au moins six fois par semaine. Pour les fruits, après un sursaut en 2004 peut-être en partie lié à une méthode d’enquête un peu différente, les chiffres sont encore moins favorables puisque seuls 3 garçons sur 10 et 4 filles sur 10 ont déclaré manger un fruit frais au moins six fois par semaine. Rappelons que les recommandations du PNNS sont de consommer chaque jour 5 portions de fruits et légumes, on est donc ici très loin du compte.
Parmi les jeunes qui prennent des sodas chaque jour, la moitié seulement déclare boire de l’eau chaque jour.
La sédentarité quant à elle continue à s’aggraver. Trois quarts des jeunes de 10 ans regardent la télévision au moins deux fois par jour (le matin et le soir, l’après quatre-heure et le soir…) sans compter les heures passées devant les consoles de jeux ou les GSM.
La consommation de tabac par contre a nettement diminué. Elle résulte d’un ensemble combiné d’efforts portant sur plusieurs tableaux: éducation à la santé bien sûr mais aussi législation sur le tabac et augmentation des prix. Cette approche multifactorielle a été essentielle dans les progrès observés
Cette conjonction d’efforts n’existe pas encore vraiment dans le champ de l’alimentation où les jeunes sont soumis à des tentations énormes en totale contradiction avec les recommandations de santé publique.
Enfin, notons que par rapport à l’ensemble des symptômes observés et des comportements de santé défavorables, le gradient socio-économique défavorable persiste. Luc Berghmans et Véronique Tellier , Observatoire de la Santé du Hainaut
Adresse des auteurs: Observatoire de la Santé du Hainaut, rue St Antoine 1, 7021 Havré
Tél.: 065 87 96 00. Fax: 065 87 96 79.
Cet article a fait l’objet d’une présentation à l’occasion de la journée ‘Manger et bouger à l’école’ qui s’est tenue à Bruxelles le 30 janvier 2008.