Juillet 2001 Par D. FORGEOT Réflexions

Je souhaiterais vous faire part d’un constat plutôt décevant en matière de pratique préventive. Celui-ci concerne la façon dont certains établissements scolaires français répondent à la mission de prévention qui leur incombe au travers des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté.
Ces comités ont été mis en place dans les établissements scolaires depuis 1998. Complément à l’éducation transmise par les parents, ils répondent à la nécessité d’intervenir auprès des jeunes adolescents, afin de les aider à appréhender leur rôle de citoyen et à prévenir les conduites à risques. Ils ont également pour autres missions de développer le partenariat. Cette démarche, bien que répondant à un réel besoin, est loin d’obtenir le succès escompté, notamment en matière d’éducation pour la santé.
Publics captifs, les jeunes jouent le jeu, sont présents sur les actions et participent avec spontanéité. Les difficultés sont plus ressenties au niveau des équipes d’encadrement, dont la motivation et le degré d’implication font souvent défaut. Par équipe, il faut comprendre l’ensemble des personnes intervenant dans l’établissement scolaire: la direction, les professeurs, les conseillers pédagogiques, les surveillants et la médecine scolaire.

Les attentes de l’école: une action « clés en mains»

J’ai été amenée à faire ce constat sur le terrain alors qu’au titre de « conférencière » pour un centre de prévention: « l’Espace prévention », j’anime auprès de publics d’âges scolaires, des interventions de type débat, sur des thèmes de santé ayant un lien avec les cancers (MST-Sida, tabac, alcool, drogues, alimentation, etc.). Ces interventions, j’en suis bien consciente, ne représentent pas la panacée en matière d’action d’éducation pour la santé, surtout lorsqu’elles sont ponctuelles (durée 1h30) et menées auprès de groupes d’au moins 25 à 30 jeunes (une classe). Par ailleurs elles ont le très grand avantage d’être gratuites ; les organismes de lutte contre le cancer à l’initiative de ce centre de prévention, les finançant en totalité.

Danielle Forgeot nous montre une nouvelle fois les limites, souvent dénoncées, d’actions éducatives ponctuelles visant à prévenir des problèmes de santé. Elle remet en évidence la nécessité d’une approche globale de la santé mobilisant l’ensemble des acteurs (élèves, enseignants, professionnels de la médecine scolaire mais aussi parents et intervenants extérieurs) et partant de leurs représentations de santé, de leurs attentes et besoins.
Entre les actions ponctuelles d’information préventive et le développement d’une école en santé (voir notre dossier du n° 158), de nombreux paliers d’investissement sont possibles. L’essentiel est et reste de garantir au mieux un renforcement des compétences ‘santé’ (au sens global) de chacun des acteurs et partenaires.
B.T.

Bon nombre d’établissements scolaires ont donc trouvé dans ce service, une solution très pratique pour répondre à leur mission d’éducation pour la santé. Pour quelques trop rares établissements scolaires, ces interventions composent un temps particulier d’un programme plus ou moins développé, résultant d’une démarche pensée et soutenue par toute ou une partie de l’équipe d’encadrement. Nos interventions trouvent alors tout leur sens, car elles s’intègrent dans un ensemble d’actions complémentaires et propices à la prise de conscience des jeunes en matière de santé.

Un réel manque de savoir-faire

Les conditions d’intervention sont néanmoins loin d’être idéales. Les élèves sont trop nombreux et contraints d’assister à la séance. La salle réservée à cet effet, est souvent une salle de classe qui reproduit le rapport professeur-élèves, alors que l’on souhaite amener une dimension éducative différente. La présence d’un représentant de l’établissement, souvent nécessaire pour limiter les débordements des jeunes, est soit absente laissant le groupe livré à lui-même, soit trop perçue et bloquant alors la spontanéité de réaction des jeunes.
Mais la plupart du temps, notre centre de prévention est utilisé comme un simple prestataire de service, en réponse à une exigence d’action de santé du comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté. Dans ce cas l’intervention fait si peu l’objet d’une réflexion préalable, que les conditions d’intervention sont encore plus inadaptées. Les établissements n’hésitent pas à réduire la durée de la séance pour passer le plus de classes possible, ou surchargent les groupes pour rentabiliser la location d’un car lorsqu’ils se déplacent jusqu’au centre.
L’organisation dans l’établissement scolaire laisse également à désirer: salle non réservée ou non adaptée, horaires non respectés, plannings oubliés, interruption inopinée de l’intervention par du personnel peu ou pas informé. Je passe ici les détails concernant l’accueil qui nous est parfois réservé, et qui reflète également le degré d’implication de l’établissement dans la mise en place de ces actions.
Certes l’éducation nationale ne donne peut-être pas toujours suffisamment de moyens aux établissements scolaires pour mener à bien leur mission d’éducation à la santé. Bien que faisant preuve de bonne volonté, les membres des équipes enseignantes chargées de ces actions, ont un manque évident de savoir faire. Les services de promotion de la santé des élèves (médecine scolaire) sont surchargés de travail et la formation des infirmières et des médecins scolaires n’est pas systématiquement assurée dans ce domaine.

Des moyens pour éveiller les consciences

Même si l’équipe de notre centre de prévention fait des efforts et s’adapte à certaines contraintes liées à l’organisation des établissements scolaires, il nous paraît également important d’éveiller la conscience des professionnels de l’éducation sur la pratique préventive.
Tout d’abord, les méthodes employées par les intervenants en éducation pour la santé n’ont rien à voir avec celles des enseignants. Bien que le terme ‘éducation’ soit commun aux deux fonctions, le type de relation instaurée avec le public dans une action de prévention positionne les participants en tant qu’acteurs. L’intervenant prend alors la place d’un meneur de jeu qui amène les participants à s’exprimer et à réfléchir sur leur propre prévention. Le fait de mener une action de santé dans un cadre différent de celui de la classe habituelle, permet de donner à l’intervention une dimension particulière où les participants se trouvent au même niveau que l’intervenant, facilitant ainsi tous les types d’échanges.
De plus, agir sur les populations nécessite, pour la personne ayant en charge les actions de santé, d’avoir mené au préalable une réflexion sur sa propre vision de la santé. La motivation et l’implication en résultant sont de précieux atouts pour la réussite de l’action; les jeunes sont particulièrement sensibles au fait qu’une action à laquelle ils participent, soit reconnue et soutenue par les adultes qui les entourent.
Bien utilisées dans le cadre d’un programme d’actions, les interventions que nous proposons, sont un bon outil car elles viennent en complément d’autres outils tels que les expositions ou les vidéos (plus souvent utilisées), permettant aux jeunes d’exprimer verbalement leurs préoccupations, d’échanger avec d’autres, de vérifier leurs connaissances et d’en acquérir d’autres. Mais trop souvent, elles sont utilisées seules, sans être rattachées à aucune autre démarche. Elles sont alors dénuées de tout sens en matière d’éducation pour la santé, et ne constituent qu’une réponse à une demande administrative.
Pour amener les professionnels de l’éducation à réfléchir à l’importance de leur place dans cette démarche, l’équipe de notre centre de prévention élabore actuellement une charte de partenariat. Destinée à créer un lien avec les établissements scolaires qui nous sollicitent, cette charte permettra de mesurer l’engagement de chacun des partenaires. Ainsi les responsables de l’action devront préciser les motivations sous-tendant leur démarche et le cadre dans lequel elle s’inscrit. Elle sera doublée d’un cahier des charges précisant les modalités de mise en place des interventions.

Conclusion

En l’absence d’une réelle prise de conscience des professionnels de l’éducation dans ce domaine, et de la mise en place d’une formation adaptée à ce type de mission, il était important que notre centre réagisse contre le laisser faire du « tout et n’importe quoi » en matière d’action d’éducation pour la santé, et permette une ouverture sur des pratiques plus appropriées. Souhaitons que cette charte que nous avons pensée comme une aide pour les établissements scolaires, mais qui, nous en sommes conscients, peut être perçue comme une contrainte, amène une réflexion et donne un cadre spécifique indispensables à l’impact que ces actions doivent avoir sur les jeunes.

Danielle Forgeot , infirmière de santé publique, conférencière

L’espace prévention

« L’Espace prévention » est un centre de prévention qui a ouvert ses portes en janvier 1995.
Il a été créé à l’initiative d’un hôpital spécialisé dans le traitement des cancers: le Centre René Huguenin de St Cloud (92), en partenariat avec une association de lutte contre le cancer: la Ligue Nationale Contre Le Cancer. Seule structure de ce type en Ile de France (Région comprenant Paris et les départements l’entourant), il s’inscrit dans le champ de la prévention primaire et offre à tout public, la possibilité de s’informer sur la survenue des cancers. Il a toutefois pour priorité de toucher les jeunes.
Grâce à une équipe pluridisciplinaire (médecin, psychologues, infirmière de santé publique), il propose des conférences débats à tous les publics scolaires, de la maternelle à la terminale. Les thèmes le plus souvent traités sont: les toxicomanies, l’hygiène de vie, l’équilibre alimentaire, les MST, le sida, le sommeil, le soleil. « L’Espace prévention » offre également à ses visiteurs, la possibilité de s‘informer par le biais d’expositions permanentes et de bornes interactives.
A l’heure actuelle, « l’Espace prévention » élargit sa démarche de prévention au champ de l’éducation pour la santé et s’inscrit en tant que promoteur et conseiller méthodologique, partenaire d’actions de terrain où les jeunes se positionnent en tant qu’acteurs de leur propre santé.
Complémentaire aux activités préalablement citées, une consultation de sevrage tabagique a été ouverte depuis un an, dans les locaux de « l’Espace prévention ». Sa présence dans le centre réaffirme la volonté d’agir dans le sens de la prévention et lui confère une dimension supplémentaire.
Espace prévention, 9 rue Gaston Latouche, 92210 Saint-Cloud, France, tél.: 01.47.11.15.44, fax: 01.47.11.15.43