Dans le cadre de la 6e réforme de l’État et du transfert des compétences, le Conseil supérieur de promotion de la santé (CSPS) a souhaité établir un état des lieux du secteur afin de documenter la mise en place de cette évolution institutionnelle majeure et de formuler des points de vigilance (1).
Cette démarche est complémentaire à d’autres initiatives comme l’interpellation des décideurs politiques par le Conseil sur le devenir de la promotion de la santé (2).
Il ne s’agit pas ici seulement d’un cadastre des emplois directs et indirects en promotion santé francophone, même si cet aspect de la question est évidemment très important. D’autres informations ont également été récoltées, telles que le niveau et le territoire d’intervention, les effets de levier des financements, etc.
Le CSPS souhaite que cet état des lieux puisse contribuer à documenter l’impact et les conséquences concrètes de la réforme sur les emplois et les activités de promotion de la santé en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) et dans les régions wallonne et bruxelloise.
Les répondants
Les destinataires de l’enquête ont été déterminés sur base de la liste des organismes ayant bénéficié en 2013 d’une subvention pour des programmes d’action ou de recherche et/ou dans le cadre d’un agrément. Il s’agit donc bien d’une ‘photographie à un moment donné’.
Les services de promotion de la santé à l’école (PSE) n’ont pas été consultés, dans la mesure où ils ne sont pas concernés par le transfert entre entités. Les projets communaux faisant l’objet d’un appel à projet spécifique n’ont pas non plus été sollicités.
L’enquête a été diffusée par voie électronique à une septantaine d’opérateurs. 58 ont réagi. Le taux de réponse est donc estimé à plus de 80% et ce malgré la période d’envoi de l’enquête et le bref temps imparti pour y répondre (c’était pendant les congés de fin d’année 2013). On peut estimer en outre que les répondants représentent environ 88% du budget de financement des programmes d’actions et de recherche et des agréments.
Ce taux de réponse élevé appuie le fait que les opérateurs sont soucieux de la politique d’emploi à mener suite aux transferts de compétences aux (et entre) entités fédérées.
Parmi les répondants, les organismes sont majoritairement des asbl (83%). 25 organismes sur 58 comprennent des unités consacrées à la promotion de la santé aux côtés d’autres unités qui mènent des activités en matière de prévention, éducation permanente, soins, accueil, information, etc. Cependant les résultats qui suivent ne concernent que la partie ‘promotion de la santé’ du travail de ces organismes.
Les emplois
Environ 200 équivalents temps plein sont directement financés par la Fédération Wallonie-Bruxelles sur un total estimé de 300 emplois identifiés comme dédiés à la ‘promotion santé’ dans ces mêmes organismes. Ce chiffre ne tient pas compte des emplois dédiés à la promotion de la santé dans des organismes ou services non financés par la Fédération Wallonie-Bruxelles (provinces, communes, mutuelles, fondations, etc.).
Il était aussi demandé aux services de refléter la politique de l’emploi au cours des deux dernières années et les perspectives pour 2014. 45% des répondants mentionnent que des préavis ont été ou allaient être signifiés aux employés dans un proche avenir; 24% estiment que l’emploi est resté stable; 19% précisent que la précarité des emplois a été accentuée (diminution temps de travail, maintien sous CDD, diminution de la durée des CDD, etc.); 12% n’ont pas encore pris de mesures relatives à l’emploi car ils sont en attente de réponses, de financement ou sont en questionnement.
Sources de financement
33% des services répondants (19 services) reçoivent moins de 100 000 €; 57% des répondants (33 services) reçoivent entre 100 000 et 300 000 € (3); et 10% des répondants reçoivent plus de 300 000 €.
76% des répondants (44 services) mentionnent d’autres sources de financement en promotion de la santé telles que: Wallonie (27), Région de Bruxelles-Capitale (15), fonds propres (15), fédéral (10), niveau communal (7), provincial (7)… Plus de la moitié des organismes (53%) mentionnent aussi des ressources non financières comme la mise à disposition de locaux ou encore l’appui pour gestion comptable, secrétariat social, etc. pour assurer leurs missions de promotion de la santé. Il est à noter que 22 organismes ne reçoivent à l’heure actuelle aucun financement des régions.
Effets de levier
Les financements de la Fédération Wallonie-Bruxelles en promotion de la santé opèrent des effets de levier non négligeables. Les plus fréquents sont les aides à l’emploi : 53% des organismes bénéficient d’aides pour les emplois financés par la Fédération Wallonie-Bruxelles en promotion de la santé.
Environ 70% des organismes qui mentionnent des ressources venant des régions déclarent des aides à l’emploi pour les missions de promotion de la santé financées par la Communauté française. Certains opérateurs (10%) disposent d’aides à l’emploi dans le cadre du Maribel social ou des articles 60 des CPAS.
D’autres effets de levier sont aussi cités: la reconnaissance par d’autres pouvoirs publics, des opportunités en termes de partenariats et des subsides complémentaires.
Public cible et territoire
Il y a plus d’équipes majoritairement actives en deuxième ligne (32 sur 55) qu’en première ligne (9 sur 55), 14 autres équipes font état d’un équilibre entre les deux types d’activités.
33 services (63%) déclarent de nombreuses activités vers les enfants et les jeunes. Seuls 15 services déclarent des activités vers les plus de 65 ans.
Le territoire d’intervention des répondants se situe pour 45% presqu’exclusivement ou pour une part majoritaire en Wallonie, 43% situent leurs activités de manière équilibrée sur les territoires bruxellois et wallon. Parmi ces derniers, on retrouve 70% des organismes qui ne déclarent pas d’autres sources de financement que celles de la FWB en promotion de la santé.
Cinq points d’attention fondamentaux
Ces premiers résultats amènent le Conseil à formuler les points de vigilance suivants.
Les risques encourus par l’emploi et l’expertise en promotion de la santé du fait de la 6e réforme de l’État sont tangibles. La politique de l’emploi en promotion de la santé financée par la Fédération Wallonie-Bruxelles est estimée à 200 équivalents temps plein (hors services de promotion de la santé à l’école), mais ces emplois sont majoritairement précaires, donc fragiles en des périodes de resserrement des finances publiques. Les incertitudes liées au financement du secteur entraînent des préavis ou des diminutions de temps de travail pour les employés du secteur. De plus, l’insécurité des emplois engendre une fuite des personnes expérimentées et expertes. Une large part de ce risque est supportée par des asbl (83% des opérateurs) et fragilise donc celles-ci.
Le financement par la FWB du secteur de la promotion de la santé a des effets de levier sur d’autres sources de financement comme des aides à l’emploi ou des ressources non financières. Par un effet domino, l’absence ou la diminution de ces financements pourrait entraîner la disparition de l’activité de promotion de la santé dans un nombre non négligeable d’organismes. Au minimum une centaine d’emplois pourraient être concernés.
45% des opérateurs interviennent de manière équilibrée sur les deux régions. Ces opérateurs sont particulièrement fragiles dans cette période de réorganisation. D’un côté, environ la moitié d’entre eux n’ont aucune autre source de financement que la Communauté française et devront donc se faire reconnaître par les deux régions. De l’autre, ceux qui sont déjà financés par une ou par les deux régions encourent le risque de voir globaliser leur financement dans une enveloppe diminuée.
Les activités des opérateurs financés sont majoritairement des activités de deuxième ligne qui soutiennent le travail des professionnels en lien direct avec les populations. La diminution de l’activité de ces opérateurs risque donc d’entraver le maintien et le développement de la promotion de la santé dans de nombreux services de première ligne.
Si on tient compte de l’ensemble des projets visant de manière majoritaire le public ‘enfants et jeunes’, cela représente une part très significative du budget que la Fédération Wallonie-Bruxelles consacre à la promotion de la santé et à la médecine préventive. Les publics ‘enfants et jeunes’ sont des bénéficiaires directs ou indirects de deux tiers des organismes répondants. Comment ces organismes maintiendront-ils la cohérence de leurs interventions avec les politiques de la Communauté française vers les enfants et les jeunes quand ils seront subsidiés par les régions ?
Le Conseil estime indispensable de veiller à ce que ces résultats puissent être diffusés rapidement de manière à pouvoir être pris en compte dans les discussions concernant la future réorganisation du secteur de promotion de la santé.
Avis d’initiative du Conseil supérieur de promotion de la santé du 31 janvier 2014. Accessible en ligne depuis le 10 mars 2014 sur http://www.sante.cfwb.be/index.php?id=5988
(1) Éducation Santé publiera une synthèse plus complète de ce travail le mois prochain.
(2) Voir Chantal Leva ‘Lettre aux ministres concernés par les transferts de compétences francophones en promotion de la santé’, in Éducation Santé n°298, page 7 à 9, http://www.educationsante.be/es/article.php?id=1674
(3) C’est le cas des Mutualités chrétiennes pour Éducation Santé avec une dotation de 150.000 euros par an (ndlr).