Octobre 2025 Par Clotilde de GASTINES Initiatives

Face au manque de formation initiale et continue des médecins généralistes en promotion de la santé et prévention, l’asbl Promo Santé & Médecine Générale (PSMG) déploie une batterie de modules de formation dont les sujets sont proposés et construits, entre autres, avec le secteur de la promotion de la santé.

L’asbl Promo Santé & Médecine Générale (PSMG) multiplie les collaborations avec les acteurs de la promotion de la santé et de la première ligne de soins. L’objectif est de combler un manque, car les médecins généralistes ont besoin d’être davantage formés pour mettre en pratique les principes de promotion de la santé et de prévention. Cela leur permettrait d’y consacrer du temps lors des consultations et de les aider à mieux identifier les besoins de leur patientèle. Réciproquement, les opérateurs de promotion de la santé ont tout intérêt à tisser des liens avec des médecins de première ligne et à faire connaître les besoins de leurs publics.

Pour créer les conditions adéquates, une équipe de sept personnes anime l’asbl, qui va fêter ses 20 ans en décembre. Elle se compose de médecins généralistes pratiquant dans différents milieux et d’une coordinatrice.

Parler un langage commun

hospital scene with diverse group of health care professionals casually chatting in a break room. medical staff doctors and nurses in rest pause in medical office interior

Chaque année, près de 450 généralistes suivent les formations proposées par PSMG à Bruxelles et en Région wallonne, preuve qu’elles réussissent à susciter un intérêt pour les principes de promotion de la santé. Le catalogue de PSMG propose neuf modules de formation, disponibles à la demande pour les GLEM, les Dodécagroupes et les maisons médicales.

Chaque module de formation thématique (alimentation, activité physique, vaccination, etc) intègre systématiquement les principes fondateurs de la promotion de la santé, les concepts et les recommandations sur l’empowerment, la littératie en santé, le travail en réseau et l’interdisciplinarité.

Le module “Entretien motivationnel” présente par exemple les bénéfices de l’approche en promotion santé de manière très concrète. « Demander au patient quelles recommandations il se sent capable d’appliquer dans son quotidien et partir sur un objectif réaliste, c’est moins frustrant et plus motivant dans la relation thérapeutique » constate Dre Séverine Kerckx, médecin généraliste impliquée au sein de PMSG et formée dans cette matière.

PSMG propose aussi un module de formation sur la gestion du temps, car c’est le premier obstacle que les praticien.nes citent lorsqu’il s’agit de mettre en pratique les principes. « Il vise à permettre aux généralistes de changer un petit peu de perspective. Par exemple en étant plus proactif, en faisant le lien avec peut-être des dépliants qu’ils mettent dans leur salle d’attente ou des affiches, trouver un peu plus de temps pour faire de la promotion de la santé, de la prévention, en fonction du motif de la consultation » décrit Gaëlle Fonteyne. La coordinatrice de PSMG regrette toutefois que l’organisation du système de santé ne soit pas vraiment propice à ce que les médecins s’investissent davantage dans la promotion de la santé et la prévention.

PSMG tente aussi promouvoir le travail en réseau et en interdisciplinarité auprès des généralistes. Si les maisons médicales sont propices à cette dimension de la promotion de la santé, de par leur mission et leur organisation interne avec des équipes pluridisciplinaires, « pour les médecins en solo surtout ou en cabinet de médecins généralistes, c’est encore compliqué, parce que cela prend du temps de de se créer un réseau, de l’entretenir », précise la coordinatrice.

Mettre en résonnance besoins des patient.es et besoins des médecins

PSMG a mis en place de tout nouveaux modules de formation et de nouveaux outils co-construits avec des associations du secteur de la promotion de la santé :

  • le module Santé et précarité a été remis à jour récemment, avec Cultures & Santé. Il a pour objectif d’outiller les médecins généralistes, très concrètement, pour qu’ils puissent, a minima, ne pas favoriser les inégalités sociales de santé et mieux prendre en compte les réalités socio-économiques des patient.es afin d’adapter les recommandations, les traitements, etc.
  • le module promouvoir la santé des personnes LGBTQIA+ en médecine générale a été réalisé avec le SASER (Service de Santé Affective, Sexuelle et de Réduction des Risques), qui offre des consultations de dépistage VIH/IST anonymes et confidentiels et des informations sur la promotion de la santé sexuelle en Province de Namur.
  • une collaboration avec le FARES sur la tuberculose a permis de mettre au point une série de nouvelles fiches-outils pour le dépistage et la lecture d’un test cutané tuberculinique.
  • une série d’outils sur la santé bucco-dentaire, réalisée avec le Réseau Santé Diabète – Bxl et une professeure en hygiène bucco-dentaire, fait le lien avec des pathologies en indiquant les interactions médicamenteuses notamment et les points d’attention au moment de la prescription.
  • un nouveau module sur les assuétudes sera bientôt disponible. Un partenariat avec Prospective Jeunesse a permis d’identifier les freins qui existent chez les médecins dans la prévention des assuétudes et de présenter les approches qui peuvent permettre d’accompagner les personnes au mieux, sans nécessairement passer par un traitement à la méthadone.

Elargir les horizons : une nécessité

En cohérence avec les principes fondateurs du secteur, PSMG stimule le travail en réseau et l’interdisciplinarité. Elle créé des outils concrets adaptés à la pratique de la médecine générale, et est présent dans certains lieux de plaidoyer et de négociation (notamment les fédérations wallonnes et bruxelloises de promotion de la santé) pour porter le point de vue des médecins généralistes en matière de prévention et de promotion de la santé.

Cette mobilisation part d’un constat. « La formation en médecine générale est encore très axée sur la maladie, les symptômes, le diagnostic, le traitement, assez peu sur la prévention et encore moins sur la promotion de la santé », constate la Dre Séverine Kerckx. La recherche REFORM P2 menée par le RESO (voir ci-dessous) a permis de mesurer l’ampleur de la tâche pour outiller la première ligne de soin ou lever les freins. « Médecins et étudiants ne savent pas toujours bien ce qu’est la promotion de la santé et ce qu’ils peuvent travailler concrètement dans la consultation grâce à la relation qu’ils peuvent choisir d’établir avec leur patientèle et en s’appuyant sur les ressources dont celle-ci dispose », précise la praticienne.

Les actions de prévention viennent plus facilement pour accompagner le changement de comportement, car elles sont souvent plus « concrètes » : proposer une prise de sang ou une vaccination de rattrapage ou encore, donner des conseils en matière d’alimentation ou d’activité physique adaptée à une personne qui a du diabète ou de l’hypertension.

doctor consulting lgbt couple of women in medical clinic with rainbow background. medicine health care for lesbian people concept. professional talks with transgender patients, bisexual family

La prévention est importante et utile mais différentes approches peuvent être envisagées : on peut conseiller de « faire du sport » ou discuter et évaluer l’activité physique d’une personne, se former à l’entretien motivationnel pour aborder cette question de façon ouverte, centrée sur la personne et ses réalités (dont le temps et les moyens financiers disponibles), connaître les initiatives locales et orienter la personne vers une activité physique communautaire, etc.

« Il y a encore peu de mobilisation sur les autres dimensions de promotion de la santé reprises dans la Charte d’Ottawa, comme le plaidoyer, la santé dans toutes les politiques ou les activités communautaires » décrit-elle. Ainsi, si un ou une médecin constate un problème de logement ou de pollution ayant un impact important sur la santé de sa patientèle, il peut se sentir démuni : à qui s’adresser ? Quel peut être son rôle en tant que médecin ? Comment conscientiser les responsables, les pouvoirs publics si la problématique s’aggrave ?

Les rencontres entre pairs au sein des événements organisés par PSMG et le secteur peuvent permettre d’amorcer la discussion et de co-construire ensemble des solutions.

Pour en savoir plus :
– Le site web de PSMG 
– Le catalogue de formation
– Pour demander une formation ou proposer une thématique, contactez la coordination PSMG par mail : coordination@promosante-mg.be, ou sur le formulaire en ligne en bas de la page – promosante.be/formations/, et PSMG vous recontactera pour planifier la formation demandée.

A lire :
– Le site de la recherche REFORM P² menée par le RESO, PSMG et le Département de santé publique de l’ULiège
– L’article d’Education Santé Un référentiel pour former la première ligne en promotion de la santé
– “À l’heure actuelle, il est possible d’exercer la médecine en enfilant des œillères – c’est-à-dire ignorer les inégalités sociales –, en sélectionnant sa patientèle et en percevant un revenu mirobolant. Exercer la médecine dans une optique humaniste, c’est un engagement en soi,” dit Hélène Dispas, médecin généraliste à la maison médicale Potager, – la conférence gesticulée – Une généraliste sur les planches – un article paru dans Santé Conjuguée n°109 en décembre 2024