Un jour de semaine, à 11h30, activité intense chez «Les Uns et les Autres», restaurant social situé au cœur de Molenbeek. Carlo de Pascale, connu pour être le fondateur d’un magasin de cuisine et le chroniqueur culinaire de la chaîne de télé publique, a relevé le défi lancé par la Mutualité Socialiste-Solidaris : cuisiner un repas trois services pour moins de 3,50 euros par personne. Le tout en 40 minutes, secondé par l’équipe du restaurant. Les journalistes présents sont mis à contribution pour mitonner l’entrée : un carpaccio de tomates. Suivront dans les assiettes un tajine de légumes de saison et un dessert composé de fromage blanc et de compote de prunes.
Un régal pour les papilles. Mais que cherchent-ils donc à nous prouver ?
Manger : un acte quotidien pas si banal
Bref rappel de Jean-Pascal Labille, Secrétaire général de l’Union nationale des mutualités socialistes : le cœur du métier de la mutualité, c’est la santé. L’intérêt pour l’alimentation trouve son origine dans un triple constat. Tout d’abord, d’après l’Organisation mondiale de la santé, la moitié des maladies dans le monde seraient dues à l’alimentation, que ce soit par excès, défaut ou déséquilibre. Ensuite, on observe des inégalités sociales de santé frappantes dans cette matière. Enfin, il est possible de mettre en place des choses simples pour améliorer l’alimentation. L’objectif général du projet: favoriser l’accès de tous à une alimentation de qualité.
Des chiffres
Une enquête téléphonique a été menée en février 2012 auprès de 1000 personnes affiliées à la Mutualité Socialiste-Solidaris en Wallonie. L’objectif : sonder les habitudes alimentaires des affiliés. Pierre Baldewyns, responsable du Service promotion santé, nous en expose les résultats. Ce qu’il en ressort ? Si le message des «5 fruits et légumes par jour» est connu, seulement 46 % le mettent en pratique… et 36% dans les groupes sociaux modestes.
Les raisons le plus régulièrement invoquées : le manque de goût pour les fruits et légumes; au sein des groupes sociaux élevés, le manque de temps; et pour les groupes sociaux modestes, le coût de ces denrées.
Des stratégies multiples
Sur base de ces constats, différentes stratégies sont mises en œuvre. Le réseau associatif de la Mutualité va s’engager dans des actions auprès des publics spécifiques qu’il rencontre. Le fil conducteur ? Les plaisirs liés à l’alimentation.
Un livre blanc va être diffusé en 2013, comportant des recommandations politiques. Une enquête de plus grande envergure est également prévue en 2013. Le projet en lui-même est prévu pour s’étaler sur 2 ans et demi, jusque fin 2014, donc. Notons que différents supports et outils du projet se sont déjà vu attribuer le label de qualité du Plan national nutrition et santé.
Et pourquoi une mutualité se mêle-t-elle de faire de la promotion de la santé ?
Bon, outre le fait que c’est indiqué dans un texte de loi de 1990, la Mutualité Socialiste-Solidaris estime qu’elle dispose de quelques atouts ! D’abord, comme le souligne Jean-Pascal Labille, avec ses 3 millions d’affiliés, elle est à même de constituer une caisse de résonnance non négligeable et de faire bouger des choses.
Ensuite, le Service promotion de la santé, en quelque 25 années d’existence, a acquis de solides bases théoriques et pratiques. «Il est important de définir ce qui est éducable et ce qui ne l’est pas», nous précise Catherine Spièce, responsable de projet au sein du service, et par ailleurs co-fondatrice de l’Outilthèque Santé. «En matière d’alimentation, tout n’est pas éducable, car tout n’est pas du ressort de l’individuel.»
Pierre Baldewyns renchérit : «Nous avons construit un modèle explicatif pour répondre à la question ‘Qu’est-ce qui favorise l’accès à une alimentation de qualité ?’ Divers éléments ont été mis en évidence, répartis en trois grands pôles: éléments individuels, éléments de contexte, éléments liés aux produits. Nous avons planché plusieurs mois sur un document de référence, qui constitue le cadre théorique des actions qui vont être menées.»
Et chaque action menée au sein du réseau mutuelliste, pour être labellisée «Goûtez-moi ça !», devra mettre en jeu au moins deux pôles du modèle, autrement dit: ne pas se concentrer sur les pratiques individuelles, mais élargir la vision.
Les projets entendent donc activer différentes stratégies de la charte d’Ottawa. Si, comme le souligne Catherine Spièce, il n’y a pas encore de partenariat avec d’autres acteurs du secteur, des contacts ne manqueront pas d’être noués dans la réalisation concrète des projets de terrain. Et le projet est déjà intersectoriel, dans la mesure où différents services de la mutualité travailleront main dans la main.
Un projet d’envergure se met donc en place. Nous nous en ferons l’écho dans ces pages encore l’une ou l’autre fois d’ici fin 2014. Bon appétit !