Mars 2008 Par Carole FEULIEN Initiatives

Vous connaissez probablement l’asbl Question Santé, le service communautaire spécialisé dans la communication en promotion de la santé. Mais son action ne s’arrête pas là. Question Santé dispose aussi d’un pôle «éducation permanente». Rencontre avec deux membres de l’équipe, Isabelle Dossogne, coordinatrice du projet et Bernadette Taeymans, chargée des animations. Education Santé: Tout d’abord, pouvez-nous rappeler ce qu’est Question Santé?
Isabelle Dossogne et Bernadette Taeymans : Question Santé est une asbl qui existe depuis 1981. Elle est agréée par la Communauté française en tant que service communautaire de promotion de la santé et organisation d’éducation permanente. Elle collabore également avec la COCOF bruxelloise pour des missions entre autres rédactionnelles telles que la réalisation du magazine Bruxelles Santé .

Question Santé en détails…

Question Santé a pour objet social:
• la mise sur pied et l’évaluation de programmes de promotion de la santé, de prévention et d’éducation permanente, visant à favoriser l’autonomie et la participation de la population, et prenant en compte les multiples déterminants de la santé, notamment socio-économiques, culturels, environnementaux, biomédicaux…
• le développement des aptitudes à l’analyse critique et à la citoyenneté active, plus spécifiquement dans le domaine de la santé.
Concrètement, Question Santé offre:

En promotion de la santé
• Une aide méthodologique
* pour un projet de communication médiatique,
* pour les aspects de communication d’un projet d’action communautaire et/ou intersectorielle,
* pour l’évaluation d’un projet ou d’un outil de communication.
• Une aide logistique
* une information sur les ressources existantes,
* une aide pratique pour mener à bien un projet de communication.
• Des outils de travail
* une documentation et des formations aux méthodes, outils et techniques de communication,
* une documentation, une information, une formation concernant les concepts de promotion de la santé,
* l’accès à un fichier de journalistes travaillant dans le domaine de la santé,
* un guide théorique, méthodologique et pratique Communication et promotion de la santé (2e édition, 2004),
* un guide Agir en promotion de la santé: un peu de méthode (réédition 2005).
Pour en savoir plus: http://www.questionsante.org

En éducation permanente
• Des outils pédagogiques: la plupart sont disponibles sous forme de brochures et sont téléchargeables sur le site internet de Question Santé. D’autres sont présentés sous forme de panneaux ou d’animations sous PowerPoint. Tous ces supports peuvent être utiles pour aider à l’animation.
• Des informations et des ressources: des ressources et des liens sont proposés avec chaque outil pédagogique pour approfondir le sujet si souhaité.
• Des animations: le service éducation permanente propose aux associations et aux collectifs des animations sur les thèmes traités dans ses brochures.
Pour en savoir plus: http://www.questionsante.be

E.S.: Quel est le projet du service éducation permanente de Question Santé? En quoi le pôle promotion de la santé et le pôle éducation permanente sont-ils différents?
B.T. : Le nouveau décret d’éducation permanente a engendré une reformulation et un repositionnement par rapport au projet initial. Ce sont les enjeux de société sous-jacents à la santé que nous visons par notre action, les déterminants sociétaux prédominants.
Concrètement, notre objectif en éducation permanente est de repartir de questions de santé telles que le tabagisme ou l’alimentation en posant la question des enjeux de société sous-jacents à nos comportements individuels. Par exemple, des mesures légales ont été prises pour interdire de fumer dans un maximum d’endroits publics. On axe donc fort le discours sur l’interdiction et l’arrêt individuel, mais on se préoccupe moins de tous les mécanismes sociaux, économiques et autres, inhérents à cette problématique.
Notre projet vise à faire réfléchir: le discours dominant actuel cible l’individu qui doit bien s’alimenter, qui doit arrêter de fumer, faire de l’exercice physique…
I.D. : Pour rappel, les objectifs du décret de la Communauté française relatif au soutien de l’action associative dans le champ de l’éducation permanente sont de favoriser et de développer principalement chez les adultes une prise de conscience et une connaissance critique des réalités de la société; des capacités d’analyse, de choix, d’action et d’évaluation; des attitudes de responsabilité et de participation active à la vie sociale, économique, culturelle et politique.
Nous portons la critique sur une approche généralement admise et diffusée qui lie la santé essentiellement au système sanitaire en oubliant l’action des déterminants de la santé. L’idée est d’approcher et de mettre en évidence ces déterminants socio-économiques, environnementaux, culturels, sociétaux… Dans la perspective de l’éducation permanente, la recherche de la santé ne représente pas pour nous un objectif. La santé constitue le champ dans lequel nous agissons.
La compréhension de la notion de santé est proche de la promotion de la santé puisqu’elle «… ne relève pas seulement du secteur sanitaire: elle dépasse les modes de vie sains pour viser le bien-être» (Charte d’Ottawa).
Nous voulons diffuser dans l’espace public des questions de société qui influent sur la qualité de vie et la santé. C’est pourquoi nous avons intitulé le projet «Questions de société… Questions de santé». Les aptitudes qui sont désirées dans le domaine de la santé sont par ailleurs autant d’acquis transversaux qui soutiennent globalement la construction d’une société plus juste et plus démocratique.
Il y a donc des différences et des convergences. À Question Santé, le service éducation permanente bénéficie sans doute d’un horizon de travail plus ouvert puisque la santé ne représente pas un objectif en soi mais un domaine d’actions choisi parmi d’autres grâce à l’histoire de l’asbl.
En caricaturant, on pourrait dire que la promotion de la santé «veut un individu en bonne santé en agissant sur des facteurs individuels et collectifs». L’éducation permanente quant à elle «veut un citoyen conscient des enjeux et des influences qui gravitent autour de lui (et dans notre projet, plus particulièrement autour de sa santé) et capable de faire un choix personnel».
Au sein de l’équipe de Question Santé, les objectifs et les pratiques des services sont complémentaires. D’autant plus que le service en promotion de la santé est tourné vers la communication et le service éducation permanente vers la production d’outils pédagogiques.
E.S.:Pouvez-vous nous parler de vos outils pédagogiques?
I.D. : Les outils pédagogiques sont surtout des brochures. Avec chaque outil, nous souhaitons mettre en évidence et éclairer un questionnement. Nous recherchons des témoignages d’acteurs dont l’expérience est encourageante, enthousiasmante, éclairante, interrogeante… Montrer que des initiatives existent déjà nous semble porteur, surtout si elles interrogent les politiques de logement, les modes de consommation… Savoir que c’est possible.
Pour concevoir ces outils, nous faisons aussi appel à des experts du monde associatif ou individuels sur des thèmes spécifiques. Nous nous appuyons sur des recherches documentées. À partir de là, nous menons un travail de réflexion sur les tenants et les aboutissants de la question.
E.S.: Quels sont les thèmes existants? Comment sont-ils choisis?
I.D. : Les sujets de débat que nous proposons s’insèrent dans une dizaine de collections qui reprennent des enjeux que nous trouvons majeurs pour l’évolution de la société (voir encadré, ndlr).
Nous choisissons les thèmes selon deux logiques: descendante et ascendante.
Descendante quand nous estimons que certaines questions sont à débattre comme celles des politiques de prévention basées sur la peur, la médicalisation des troubles de comportement… Le choix se base sur des hypothèses que nous émettons ou des intuitions.
Ascendante quand des sujets se révèlent suite à des rencontres avec des acteurs de terrain, des associations. Citons pour exemples, la parole des usagers des services de santé mentale, la paternité, la pollution par les particules fines…

Les collections thématiques et les outils pédagogiques du service éducation permanente

Collections thématiques
Ces thèmes ont été retenus car il s’agit d’enjeux de société, déterminants pour l’évolution de celle-ci:
• Environnement physique
• Marchandisation
• Droits du patient, paroles des usagers
• Société interculturelle
• Liens sociaux
• Egalité entre femmes et hommes
• Exclusion, insertion
• Ethique et santé
• Histoire et santé
• Communication et santé
• Expression et créativité

Outils pédagogiques
Les outils pédagogiques rejoignent des préoccupations quotidiennes. Ils reprennent des témoignages et des exemples. Ils montrent des manipulations ou des conflits d’intérêts. Ils ont l’ambition de mettre en lumière certains mécanismes de notre société et de les «décortiquer». Ce sont des portes d’entrée proposées pour des débats:
• Antennes GSM (panneaux d’exposition) – Les antennes GSM (brochure)
• Au temps de la retraite, vivre en habitat groupé
• Convergences entre associations de patients et firmes pharmaceutiques?
• Être adulte aujourd’hui. Question de maturité ou de pouvoir d’achat?
• Être père aujourd’hui
• Femmes d’horizons différents face à la contraception
• Femmes et hommes face aux tâches ménagères
• Femmes immigrées et dépistage du cancer du sein
• Fumer à travers l’histoire: du prestige à la culpabilisation
• Hommes et femmes inégaux face à la dépression
• Interdire ou ne pas interdire de fumer
• Jeunes et habitants… Quartier Esseghem
• La santé fait vendre
• Le corps, cible du marketing
• Le tabagisme: une épidémie industrielle
• Les systèmes d’échange local: une source de mieux-être
• Médicalisation des troubles du comportement: instrument de contrôle social
• Mon quartier en noir & blanc
• Pollution de l’air par les particules fines: quelle place pour les habitants?
• Publicité pour les médicaments: soyons vigilants
• Regards sur le vieillir en immigration
• Santé mentale: paroles d’usagers
• Séropositifs et malades du sida: ne pas ajouter le poids de l’exclusion à celui de la maladie
• Tabac: faut-il faire peur?
• Usagers du système de santé, à vous la parole
Pour plus de détails ou pour télécharger les brochures: http://www.questionsante.be

E.S.: Parlez-nous maintenant de vos animations…
B.T. : En général, elles s’inspirent d’une brochure, mais parfois c’est l’inverse. Elles sont très diverses, et visent un public varié. Nous avons fait des animations pour un collectif d’alphabétisation, pour des relais sociaux, pour une école lors d’une journée pédagogique associant parents et enseignants, pour la Ligue des Familles, ou encore pour un groupe en insertion socio-professionnelle…
Il s’agit d’animations ponctuelles ou de cycle d’animations selon le projet du partenaire, son public et sa réalité.
I.D. : Les objectifs des animations ne sont pas d’apporter des recettes toutes faites face à des questions posées. Au contraire, nous souhaitons provoquer des réflexions collectives, des discussions, des débats… Les méthodologies sont donc adaptées en fonction du public participant. Parfois, nous prévoyons des entrées en matière au débat comme une intervention théâtrale, un film ou des témoignages. Par exemple, lors d’un débat «pour ou contre l’interdiction de fumer», la «Compagnie Maritime» a introduit le sujet par une intervention théâtrale.
Comme l’a soulevé Bernadette, des animations se réalisent en aval de la réalisation de l’outil pédagogique. Elles sont demandées suite à la diffusion des brochures.
D’autres animations se déroulent en amont, servant de fil conducteur à l’élaboration d’un outil pédagogique. C’est alors une montée en généralisation, une discussion particulière qui sert de tremplin à une diffusion plus large d’une question.
Par exemple, la brochure «Mourir en exil» a été réalisée suite à la tenue de deux tables rondes sur le sujet. Celles-ci étaient co-organisées avec l’asbl Carrefour des Cultures et réunissaient des personnes issues du monde associatif et de cultures minoritaires en Belgique.
E.S.: Avez-vous des partenariats?
I.D. : Nous avons des accords avec des associations le temps de l’élaboration d’un outil pédagogique ou d’une animation. Etre en contact avec différents acteurs dans divers domaines est un des côtés encourageant et enthousiasmant du projet.
E.S.: Quelque part, vous voulez un peu bousculer le public pour qu’il remette en question sa manière de vivre. Comment cela est-il vécu par les gens?
B.T. : Il est certain que des sujets sont plus «croustillants» que d’autres, suscitent plus le débat lors des animations. Le but est de faire réfléchir, de faire adopter un positionnement personnel. Cela peut évidemment titiller ou déstabiliser les participants. En effet, ce type de démarche peut être difficile car cela bouscule les repères tels ceux que nous martèle la publicité qui nous imprègne au quotidien. Mais ce qui est intéressant, c’est justement que les gens aient des avis différents et que les uns puissent se nourrir de l’avis des autres.
I.D. : L’idée n’est pas tellement de bousculer le public pour qu’il se remette en question mais plutôt de proposer des réflexions et discussions sur des enjeux importants pour le devenir de notre société. Nous mettons des questionnements en évidence. Nous n’arrivons pas avec un objectif de changement précis sur un public. En mettant des outils pédagogiques à la disposition d’associations et du tout public, nous souhaitons ouvrir des perspectives de débat et de mobilisation citoyenne.
E.S.: Vous dénoncez pas mal de faits de société. Vous dénoncez les firmes commerciales par exemple… Est-ce que cela dérange?
I.D. : En abordant une question, nous tentons de montrer les intérêts des différents acteurs: ceux des firmes phamaceutiques comme ceux des associations d’usagers par exemple. Lorsque se pose une question de société, savoir quels sont les objectifs des différents intervenants est important pour en analyser la complexité. Il ne s’agit ni de dénonciation ni de démonstration mais plutôt de monstration. Quels sont les intérêts en jeu? Qui les porte? Il s’agit de décoder, de comprendre pour entrer en débat.
E.S.: En quelques mots, quel type de soutien votre service peut-il apporter?
I.D. : Nous diffusons les brochures et les outils pédagogiques vers le monde associatif et le grand public. Ils peuvent être utiles aux professionnels pour des animations, être distribués pour servir de déclencheur à des réflexions individuelles ou à des discussions en groupe. Certaines brochures comme celles sur les Systèmes d’échange locaux (SELs) ont été utilisées par des groupes de citoyens qui souhaitaient initier un SEL près de chez eux. C’est alors une aide à la sensibilisation.
Des brochures sont également mises à disposition de partenaires avec lesquels nous collaborons pour leur réalisation. Nous participons de cette manière à la visibilité d’une action d’association dont le témoignage nourrit une brochure.
Nous jouons aussi en quelque sorte un rôle de passeurs d’informations ou de mise en relation d’acteurs.
E.S.: Enfin, comment faire pour obtenir ce soutien?
B.T. : Les brochures et animations sont disponibles gratuitement. Tout le monde peut en bénéficier. Il suffit de faire une demande par courriel ou par téléphone. En général, s’il s’agit d’une demande d’animation, une rencontre préalable est organisée pour mieux cerner les attentes.
Vous l’aurez compris, il n’y a pas que le système de soins et nos habitudes de vie qui conditionnent notre santé. Il y a aussi des changements de société – les conditions de vie culturelles, environnementales… – sur lesquels nous n’avons pas ou peu de prise. C’est pourquoi l’éducation permanente et Question Santé font le pari de la participation citoyenne et misent sur la dynamique collective en incitant les gens à se questionner, à analyser et critiquer le monde qui les entoure, et à agir.
Propos recueillis par Carole Feulien
Pour obtenir des brochures, pour concrétiser l’organisation d’une animation, ou pour tout renseignement complémentaire, n’hésitez pas à contacter le service éducation permanente de Question Santé, rue du Viaduc 72, 1050 Bruxelles Courriel: education.permanente@questionsante.be, tél. 02 512 41 74. Contacts: Isabelle Dossogne et Bernadette Taeymans).
http://www.questionsante.be (pour le site du service éducation permanente)
http://www.questionsante.org (pour le site du service communication en promotion de la santé)