Juin 2010 Par S. TRAPPENIERS Carole FEULIEN Vu pour vous

D’événement réservé à un public professionnel au départ, le festival ImagéSanté, tout en restant fidèle à ses racines liégeoises, a étendu au fil des éditions le spectre de ses centres d’intérêt, avec la volonté de toucher un public de plus en plus vaste. Public d’enseignants, d’élèves du secondaire et d’étudiants du supérieur, grand public tout court aussi, la santé étant un sujet très populaire.
En outre, cette année, un gros effort a été fait en matière d’interactivité avec les jeunes, à qui de très nombreux ateliers ont été proposés, et beaucoup d’équipes du secteur francophone de promotion de la santé ont été mobilisées pour l’occasion.
Bref, Éducation Santé a trouvé intéressant de couvrir largement l’événement, et a dépêché sur place pendant toute la durée du festival deux de ses collaborateurs, Carole Feulien et Simon Trappeniers.
Leurs articles paraîtront dans deux numéros. Aujourd’hui, nous commençons par l’interview du patron du festival, le Professeur Philippe Kohl , un focus sur quelques moments forts de la semaine, et des propos recueillis auprès de membres de trois des huit jurys.
La fois prochaine, nous reviendrons en détail sur les ateliers éducatifs, épinglerons quelques films que nos ‘envoyés spéciaux’ ont particulièrement appréciés, et détaillerons le palmarès avec une attention toute particulière au lauréat de la session ‘éducation et promotion de la santé’.

Rencontre avec le Professeur Philippe Kohl, Président du festival

Organisé par le CHU, l’Université de Liège et le Département Santé et Qualité de Vie de la Province de Liège, ce festival bisannuel consacre pas moins de cinq jours, dans sept salles, à la projection d’environ 200 films en compétition. Il propose aussi des retransmissions d’interventions chirurgicales en direct ou en différé, un programme d’ateliers pour les jeunes, des conférences et des tables rondes, etc.
L’objectif principal d’ImagéSanté est de promouvoir la formation et l’information en matière de santé par l’intermédiaire de tout moyen audiovisuel, en créant un véritable forum international de rencontres entre professionnels de la recherche médicale et scientifique d’une part, mais également du cinéma, de l’industrie, du monde informatique et récemment, de la promotion de la santé. Les deux mots d’ordre du Festival: création et innovation.
Création car ImagéSanté, au travers de son aspect «compétition internationale», se veut un stimulant à la création de nouveaux documents audiovisuels.
Innovation parce que le festival met également l’accent sur les tout derniers développements dans le domaine des nouveaux médias, de l’informatique et de l’imagerie médicale.
Côté cour, le festival s’adresse aux médecins généralistes et spécialistes, aux professionnels du secteur médical et paramédical, à la presse spécialisée et aux professionnels de demain, les étudiants de ces filières. Les principaux thèmes abordés? La médecine préventive, la recherche et les traitements médicaux, les techniques chirurgicales innovantes, l’imagerie médicale en trois dimensions, etc.
Le grand public n’est pas oublié: côté jardin, ImagéSanté s’adresse en effet à toute personne intéressée par les questions liées à la santé et au bien-être, avec un focus particulier sur les jeunes et les seniors. Les principaux thèmes abordés sont l’éducation pour la santé, l’impact de l’environnement sur la santé, le travail et la santé, l’hygiène de vie, l’alimentation, la santé mentale et le bien-être de la personne handicapée.
Pour les jeunes, la volonté est de les informer, par l’intermédiaire du milieu scolaire, sur des thèmes choisis avec et pour eux grâce à un très riche programme d’ateliers thématiques privilégiant une interactivité maximale.
À noter, le festival ImagéSanté réalise également pour ce public un DVD – accompagné d’un carnet pédagogique – regroupant les meilleurs films présentés lors du festival (1).Éducation Santé: Professeur Kohl, les lecteurs d’Éducation Santé ne vous connaissent pas encore. Pouvez-vous en quelques mots leur permettre de faire connaissance avec l’initiateur de ce 9ème Festival international du film de santé?
Philippe Kohl : Je suis chirurgien cardio-vasculaire et chargé de cours, à temps plein maintenant, à l’Université de Liège pour les baccalauréats en médecine, pharmacie, dentisterie… Je suis aussi Directeur du laboratoire de recherche cardio-vasculaire. Côté CHU de Liège, j’ai dû diminuer la charge chirurgicale évidemment et je suis responsable de l’informatisation du centre hospitalier, c’est pourquoi les nouvelles technologies, liées à la santé, m’intéressent tant.
ES: Le Festival ImagéSanté en est déjà à sa 9ème édition. Comment est-il né et comment a-t-il évolué vers sa forme actuelle?
PK : J’étais aux États-Unis en 1994 quand ImagéSanté a commencé. Je n’ai donc malheureusement pas participé à sa naissance. Par contre, en 1996, j’étais déjà modérateur de session et je faisais partie du comité de présélection des films. Au départ, l’événement avait lieu au Palais des Congrès de Liège. Puis, nous avons décidé de venir ici au CHU pour bénéficier d’une fibre optique qui venait d’être installée entre le bloc opératoire et les auditoires, grâce à un subside de la Communauté française.
Cela nous a permis, dès 1998, de faire les premières retransmissions en direct et c’est moi qui en étais chargé.
En 2000, nous avons rencontré de grosses difficultés financières, nous n’avons d’ailleurs fait qu’un jour de festival. Jusque-là, il s’agissait d’un festival exclusivement réservé aux professionnels, essentiellement basé sur la vidéo et c’était purement «médical». C’est à cette époque que j’ai voulu en faire un festival grand public car je pensais que cela n’avait pas de sens d’organiser un Xième congrès médical.
En 2002, nous avons pu redynamisé l’événement. Nous sommes passés à 2 jours et demi et nous avons fait appel à Philippe Longtain (RTBF) pour organiser de manière un peu plus professionnelle les différentes soirées officielles.
Après 2002, nous avons décidé de changer de nom, de logo… Pour ce faire, nous avons dû mener une longue réflexion avec le nouvel organisateur, l’asbl Enjeu. Nous sommes alors devenus «ImagéSanté» avec l’identité visuelle que vous connaissez aujourd’hui.
Depuis 2004, nous sommes passés à une petite semaine de festival. En 2008, nous avons introduit la WebTV et nous avons choisi de faire la remise des prix sous forme d’un dîner de gala.
Et cette année, la grande nouveauté était évidemment la soirée 3D de retransmission d’une opération en direct. Nous avons aussi introduit des sessions spécifiques (médicale, santé environnementale, éducation et promotion santé, biodiversité, mutualités, santé mentale et santé au travail).
ES: Il semble que vous et votre équipe mettiez toute votre énergie à faire grandir le festival de biennale en biennale. En êtes-vous récompensés?
PK : En tout cas, je peux vous dire que ça a bien marché pour 2010. Nous avons reçu 275 films et 3500 étudiants se sont inscrits! Nos soirées étaient archi-complètes (soirée d’inauguration avec projection d’un film en avant-première, retransmission 3D d’une opération en direct, soirée des mutualités avec projection d’un film grand public, grande conférence liégeoise, soirée de clôture et de remise des prix).
ES: Comment s’est passée la sélection des films en compétition cette année?
PK : La Médiathèque de la Communauté française visionne tous les films avant nous. Elle retient les meilleurs et nous les mettons en compétition.
ES: Pour cette compétition, comment cela se passe-t-il côté jury? Il y a-t-il une grille d’évaluation des films?
PK : Oui tout à fait. Elle porte sur la qualité cinématographique du film, sur le message qu’il fait passer… Nous avons briefé le jury sur comment la remplir. Ceci dit, il est assez autonome. Certains remplissent leurs grilles mais la plupart du temps, ils travaillent au feeling.
ES: Le festival touche maintenant à la promotion de la santé puisqu’un jury y est consacré. Des ateliers pédagogiques sont aussi organisés. Est-ce récent? Pourquoi cet intérêt?
PK : C’est depuis 2002 que l’axe promotion de la santé est assez développé. Nous avons tout de suite vu que le public avait un intérêt pour ce secteur. C’est d’ailleurs dans cette catégorie que nous avons le plus de films, et à mon avis, nous pourrions encore en avoir le double. La salle était souvent complète. Concernant les ateliers, je crois que ce qui fait la richesse du festival, c’est justement le côté éducatif.
Nous avons commencé à accueillir les écoles en 2002, des profs de bio aux profs de moral.
Cette année, nous avons fait appel à des animateurs venant du CLPS de Liège, de la Faculté de Psychologie de l’ULg, de la Plate-forme Prévention Sida… Ce sont des personnes qui ont l’habitude d’animer des ateliers. Le grand principe au niveau des écoles, c’est qu’elles choisissent leur menu: elles peuvent passer des films aux ateliers, aux conférences… Tout est gratuit pour les étudiants et les enseignants et cela marche!
ES: Justement, au niveau des écoles, quel est votre public cible? Les services PSE ont-ils été contactés par exemple?
PK : Pour l’instant, nous avons beaucoup d’écoles secondaires, quelques écoles supérieures et universités. Nous les avons contactées nous-mêmes. Nous n’avons pas encore envisagé d’axe primaire ni contacté les PSE. Pour 2012, il faut que nous nous organisions au niveau logistique mais pourquoi pas.
ES: Que propose ImagéSanté en dehors du festival?
PK : Plusieurs choses se déroulent l’année où il n’y a pas de festival. Par exemple, un DVD des films primés est réalisé. Il est diffusé au niveau des mutualités et des écoles qui en font la demande.
Dans ce cadre, nous organisons une soirée «best of» dans un cinéma de Liège, grâce à notre partenariat avec Les Grignoux (2). C’est aussi l’occasion d’annoncer l’édition suivante.
Nous proposons aussi un cycle ImagéSanté, c’est-à-dire des longs métrages sur une thématique liée à la santé (3), suivis d’un débat. Ca a commencé fin octobre avec «Le dernier pour la route» de Philippe Godeau (dépendance à l’alcool), puis c’était «Oscar et la dame rose» d’ Éric-Emmanuel Schmitt (l’enfant et la maladie), «Shutter Island» de Martin Scorsese (réintégration dans la société après un séjour en milieu psychiatrique), et «Danse avec lui» de Valérie Guignabodet (hypnothérapie). Pour chaque projection, nous essayons d’inviter des intervenants. Pour «Oscar et la dame rose» par exemple, nous avions invité des clowns relationnels et deux pédiatres. Nous avons donc 5-6 soirées en dehors du festival.
ES: On a vu que pas mal d’acteurs de la santé ne pouvaient pas être présents ou seulement un jour, par manque de temps et parce que les déplacements sont longs. Pourquoi Liège? Envisagez-vous de déplacer le festival dans une autre ville, plus centrale?
PK : Historiquement, ça s’est toujours déroulé à Liège. Nous aimerions que ça reste à Liège. Je pense que nous pouvons faire de bonnes choses ici. Nous pouvons continuer à développer considérablement nos activités pour l’instant. Peut-être que nous changerons de lieu si la renommée du festival le justifie un jour.
ES: Et les membres du jury viennent de Liège aussi?
PK : Le jury est international: des gens viennent d’Italie, d’Argentine, d’Angleterre, de Hollande, de France… Ce sont des personnes qui, soit ont elles-mêmes organisé des festivals, soit ont réalisé des films ou ont été directeurs de centres audio-visuels, ou alors ce sont des personnes ayant reçu des prix dans les éditions précédentes. Souvent, je leur demande de revenir. Je demande aussi à des personnes du CHU de participer à l’une ou l’autre journée.
ES: Il y a-t-il une volonté d’ouvrir davantage le festival à l’ensemble de la Communauté française? Cela reste fort liégeois pour l’instant…
PK : Oui tout à fait. L’idée est vraiment de positionner Liège avec son Festival du Film de Santé comme Namur avec son Festival International du Film Francophone, Mons avec son Festival du Film d’Amour…
Nous avons depuis quelques éditions un soutien du Ministère de la Santé, et cette année, nous avons été soutenus aussi par la Ministre de l’Audiovisuel. Nous avons un budget de plus de 400 000 euros, ce n’est pas rien. Autant en faire profiter le maximum de gens. Même si c’est à Liège, cela doit pouvoir attirer des personnes venant de plus loin. Je pense que cela intéresse au-delà de Liège.
ES: Pour 2012, que nous préparez-vous?
PK : J’aimerais développer davantage de relations avec les entreprises pour tout ce qui touche à la prévention des accidents, la santé au travail… et j’aimerais aussi, mais c’est plus ambitieux, faire un festival de longs métrages!
Propos recueillis par Carole Feulien et Simon Trappeniers

Des moments forts du Festival

Quelques instantanés de la semaine à partager…
Lundi 15 mars, 19h45
La foule afflue au Cinéma le Parc à Droixhe. Ce soir, c’est l’inauguration du Festival ImagéSanté. Mais surtout, c’est la possibilité pour le grand public de visionner en avant-première le film «Fleur du Désert» de Sherry Hormann (2009).
C’est face à une salle comble que se succèdent pendant une cinquantaine de minutes, les discours du Président du festival, le Professeur Kohl , des Ministres Marcourt , Simonet et Henry , du Recteur de l’ULg, du Directeur des Mutualités chrétiennes de Liège et du Directeur de l’asbl Enjeu, organisatrice du festival. Ceux-ci sont entrecoupés d’une sélection d’extraits de films à découvrir à l’occasion de cette 9ème édition, un avant-goût de ce qui attend le public lors de la semaine à venir et cela promet! Philippe Longtain , animateur à la RTBF, est le maître de cérémonie.
Vers 20h50, rideau, le film «Fleur du désert» lance officiellement l’édition 2010 du Festival. Ce long métrage, inspiré d’une histoire vraie, retrace le parcours de Waris Dirie , née dans une tribu nomade du désert somalien. À l’âge de 13 ans, elle s’enfuit pour échapper à un mariage forcé avec un inconnu de 65 ans. Parlant à peine l’anglais, Waris se retrouve livrée à elle-même, à Londres, jusqu’à ce qu’elle soit repérée par un photographe qui fera d’elle une véritable icône de la mode. Au sommet de sa carrière, Waris décide de révéler au public son secret le plus intime: l’excision qu’elle a subie à l’âge de 3 ans. Elle veut que le monde prenne conscience de cette ancestrale et barbare tradition, encore bien présente aujourd’hui. Elle deviendra ainsi Ambassadrice de l’ONU dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
Si le scénario prend parfois des airs de comédie romantique, on a vite conscience que la réalisatrice veut aller plus loin que cela: elle propose de terribles scènes telles que l’excision de la petite Waris ou son interminable fuite dans le désert. Elle dénonce ainsi, au travers du récit de la vie de cette jeune somalienne, la cruelle réalité de nombreuses femmes dans le monde.
Plusieurs fois pendant la projection, j’entends ma voisine s’indigner et l’aperçois essuyer quelques larmes qu’elle ne peut retenir face aux réalités dénoncées. Un film plein d’émotions…
Des discours un peu creux, bien qu’amusants pour certains, mais un film de lancement qui annonce bien des choses pour la suite…
Mardi 16 mars, 10h30
Voilà une heure que le Festival a commencé et le bâtiment principal de la Faculté de médecine de l’ULg connaît déjà une effervescence inhabituelle.
Dans un joyeux brouhaha, les étudiants universitaires croisent les élèves d’écoles supérieures, les animateurs d’ateliers affluent vers le comptoir d’accueil pour être aiguillés vers la bonne salle dans le dédale des couloirs, plusieurs groupes compacts s’engouffrent dans les amphithéâtres devenus temporairement salles de projection. Le bruit est impressionnant, le mouvement enivrant. Et c’est là qu’on remarque deux ou trois personnes comme tétanisées, le nez en l’air, le regard fixé sur l’un des écrans qui diffusent, tout au long de la journée, des opérations de chirurgie «en temps réel».
L’occasion est trop rare pour ne pas se poser un instant, pénétrer – via l’œil de la caméra – dans un bloc opératoire et profiter des commentaires du chirurgien en train de pratiquer son intervention. Retour à l’agitation ambiante: il est temps de se rendre à l’un des 90 ateliers proposés aux jeunes des écoles secondaires tout au long de cette semaine ou à la projection d’un des 200 courts et moyens métrages projetés dans le cadre de ce festival.
Jeudi 18 mars , 19 heures
C’est dans une salle comble du cinéma Sauvenière au centre ville qu’un public composé en grande majorité de professionnels de la santé et de quelques étudiants a pu assister à une première mondiale : une opération de neurochirurgie captée et retransmise en direct et en 3D full HD .
Avec sur le nez la paire de lunettes spéciale prévue pour profiter au mieux de cette technologie très à la mode, chacun a pu non seulement entrer virtuellement dans la salle d’opération située à 16 kilomètres du cinéma, au CHU de Liège, mais aussi «plonger» littéralement sous la calotte crânienne d’un patient atteint d’un méningiome et suivre, étape après étape, l’extraction de la tumeur bénigne.
Cerise sur le gâteau, le public pouvait interagir en duplex avec le chirurgien – le très pédagogue Professeur Didier Martin (aussi Président de la Société Belge de Neurochirurgie) – et l’anesthésiste. Côté salle d’op’, tout s’est bien passé. Côté public, il fallait avoir l’estomac bien accroché lors de cette expédition à 20 000 lieues sous la dure-mère. Ce que n’avait visiblement pas une dame, victime d’un malaise heureusement léger. « Y a t il un médecin dans la salle » a lancé Claire Gilissen , animatrice de la soirée. Assurément, oui!
Samedi 20 mars , 18h45
Après une semaine de «réjouisciences», de projection et de dizaines d’heures de visionnage, les membres des différents jurys et les réalisateurs se sont retrouvés au Palais Provincial de Liège, pour le dîner de gala et la cérémonie de remise des prix du 9ème festival ImagéSanté.
89 films en compétition (sur 200) répartis en 8 catégories, des premiers prix (forcément), des deuxième et troisième prix et une série de mentions spéciales, le tout entrecoupé de discours et d’extraits des productions lauréates, ça fait long, forcément. Ce sont pas moins de 5 heures (!) qui ont été consacrées à la remise des différentes récompenses, lors de la soirée animée cette fois par Maureen Louys , en duo de choc avec Philippe Longtain .
Le palmarès a permis à chacun de découvrir des courts et moyens métrages de qualité, valant réellement la peine de s’y attarder et – il aurait été dommage de s’en priver – a été ponctué de moments de rire, notamment avec la remise d’une mention spéciale au film à la fois drôle et touchant «Les mots du scrabble» de Mathias Desmarres (2007) et de moments d’émotions – citons par exemple la présentation du film lauréat de la session Éducation & Promotion de la Santé, «Tabou» de la jeune réalisatrice Orane Burri (2009) (4).

Regards croisés sur le Festival

Dans nos nombreuses rencontres au cours de la semaine, il fallait bien en sélectionner l’une ou l’autre, un choix toujours délicat. En voici trois épinglées parmi les nombreuses personnes qui ont contribué à la réussite de l’événement.

Françoise Delens, responsable du Service de promotion de la santé (Infor Santé) à la Mutualité chrétienne de Liège et membre du Jury des mutualités

Éducation Santé: Depuis quand la Mutualité chrétienne de Liège participe-t-elle au Festival ImagéSanté et pourquoi?
Françoise Delens : Cela fait trois éditions que la Mutualité chrétienne de Liège est sponsor du Festival ImagéSanté, suite à une interpellation des organisateurs au Collège intermutualiste liégeois (comprenant toutes les mutualités de la Province de Liège). Depuis la dernière édition, 4 mutualités ont accepté de s’unir pour sponsoriser le festival (la Mutualité chrétienne, Solidaris, la Mutualité neutre et Omnimut).
À la Mutualité chrétienne, nous trouvons important de nous positionner auprès du grand public et des professionnels comme des acteurs en promotion de la santé, un domaine dans lequel nous investissons beaucoup et depuis longtemps.
Nous voulons aussi permettre au grand public de s’initier aux nouvelles technologies médicales via les opérations en direct, mais aussi de découvrir différents ateliers pédagogiques, de découvrir de nouvelles choses. Notre objectif est qu’il s’ouvre à la santé, que ce soit sur des sujets très précis ou plus généralistes.
ES: Comment cela se passe-t-il? Dans quelle mesure participez-vous?
FD : En échange du sponsoring, une soirée des mutualités est organisée. Un film (voir encadré) y est projeté en avant-première en leur nom. Il est ouvert à tous gratuitement. Cette année, la Mutualité chrétienne de Liège a offert 15 000 euros pour financer l’événement.
À côté de ça, il y a le jury des mutualités, qui visionne de nombreux films pendant deux jours, afin d’attribuer un prix à l’un d’entre eux et, éventuellement, l’une ou l’autre mention spéciale. Nous sommes quatre personnes plus un président qui n’a rien à voir avec les mutualités, qui est indépendant des organismes assureurs et qui permet de gérer les débats et d’avoir un avis extérieur.Cette année, c’est le film «Ma vie pour la tienne», de Nick Cassavetes , avec Cameron Diaz et Alec Baldwin (2009) qui a été choisi pour la soirée des mutualités. Il relate l’histoire de parents dont la fille de deux ans est atteinte de leucémie. Ces derniers conçoivent un autre enfant, Anna, dans l’espoir qu’il soit compatible pour une greffe de rein. Mais à l’âge de 11 ans, cette dernière engage un avocat pour intenter un procès à ses parents, afin de faire cesser les procédures médicales sur sa personne…ES: Comment sont choisis les films visionnés par les mutualités?
FD : Il faut savoir que la Médiathèque de la Communauté française visionne au préalable tous les films qui s’inscrivent au festival. Ils en sélectionnent certains et donnent des avis. Ce sont donc les films jugés les plus «valables» au cours d’un premier tri qui se retrouvent dans les sessions. Concernant notre jury, nous avons donné de grandes lignes directrices par rapport à ce que nous attendions comme type de films. Nous voulions des films qui mettent en avant des initiatives positives, pas trop orientés «domaine médical» mais plutôt proches des personnes et généralistes au niveau des messages.
ES: Vous proposez aussi des ateliers, qu’en est-il exactement?
FD : Il n’y a que les mutualités chrétienne et Solidaris qui proposent des ateliers car les autres ne sont pas spécialisés dans la production d’outils pédagogiques.
Du côté de la Mutualité chrétienne, nous avons proposé 3 ateliers, en collaboration avec Jeunesse & Santé.
Bientôt chez moi , mode d’emploi : destiné aux étudiants du supérieur, traitant de l’emménagement, seul ou en couple, et de tout ce que ça implique au niveau émotionnel, prise de décisions…
Et toi , tu manges quoi ?: pour les ados de 14 à 18 ans, centré sur l’alimentation. L’idée est de les faire parler d’un sujet qui les concerne tous mais n’est à première vue pas très ‘sexy’. On a pris un peu le contre-pied des animations habituelles où on leur montre la pyramide alimentaire, on essaie plutôt de prendre des sujets proches d’eux comme les fast-foods, le «light»… et on essaie d’en discuter sans forcément délivrer un message formaté ou normalisant. L’intérêt est d’éveiller leur esprit critique.
Alcool , jeunes et publicité , un cocktail à décortiquer : destiné aux jeunes de 14 à 18 ans, abordant le marketing entourant les produits alcoolisés (5).
ES: Comment avez-vous recruté les participants? Les ateliers suscitent-ils l’intérêt?
FD : Les inscriptions aux ateliers ont été gérées par l’asbl Enjeu qui organise le festival. D’année en année, il y a des écoles qui sont habituées et reviennent. Elles se pré-inscrivent presqu’un an à l’avance et quand le programme est connu, elles choisissent dans quels ateliers les jeunes vont aller. Cette année, «Bientôt chez moi, mode d’emploi» a moins marché que les deux autres ateliers. Peut-être la bonne tranche d’âge n’a-t-elle pas été ciblée…

Berni Goldblat, président du Jury Éducation et Promotion de la santé

Éducation Santé: Vous voulez bien vous présenter à nos lecteurs?
Berni Goldblat : Je suis réalisateur, producteur et monteur. Je suis membre fondateur de l’association Cinomade qui est basé au Burkina Faso. Je fais aussi des documentaires et de la fiction, en Afrique.
ES: Qu’est-ce qui vous amène à Liège du Burkina?
BG : En 2006, j’ai remporté un prix pour un de mes films. Et en 2008, on m’a réinvité pour être membre de jury. Alors je suis venu. Et cette année, on m’a nommé Président du jury Éducation et Promotion de la Santé parce que j’ai réalisé pas mal de films touchant à la santé. Je fais d’ailleurs de la sensibilisation en Afrique, grâce à mes films.
ES: C’est quoi être Président de jury? Quel est votre rôle?
BG : Il y a des moments où je décide que nous devons avoir des réunions par exemple. J’essaie de mener les débats, de comprendre les avis de chacun. Tout le monde joue le jeu donc ça se passe bien.
ES: Vous êtes-vous fixé des critères pour évaluer les films?
BG : On a une fiche guide mais j’ai d’emblée dit à chacun de faire comme il le sent. Je ne récolte pas les fiches. Chacun évalue selon sa sensibilité. Je leur ai juste demandé de ne pas se laisser impressionner par des films à gros budgets et de tenir compte du fait que même un film techniquement faible peut être très puissant, davantage parfois qu’un film avec beaucoup de moyens. Je pense qu’il ne faut pas perdre ça de vue… Maintenant, si un film peut réunir des qualités pédagogiques et cinématographiques, c’est évidemment l’idéal.
ES: Comment se passe le choix du film à primer?
BG : On se voit chaque soir pendant une heure pour éliminer d’office une série de films visionnés pendant la journée. Et le dernier jour, on se rassemble pour en discuter. J’ai demandé à chacun de venir avec une sélection de 5 films. On va voir si on tombe d’accord sur les mêmes… De toute façon, je suis pour l’unanimité, il faut qu’on trouve un consensus!

Karin Rondia, membre du Jury Santé et Travail

Éducation Santé: Comment êtes-vous arrivée à ImagéSanté? Qu’est-ce qui vous a poussée à accepter leur proposition d’être membre du jury?
Karin Rondia : Quand je faisais de la télé (enfin, quand j’en faisais plus qu’aujourd’hui!), j’ai fait partie de très nombreux jurys de festivals de films médicaux et noué de nombreux liens dans ce milieu. Cela explique sans doute qu’on fait de temps en temps encore appel à moi. Lors de l’édition 2006, j’ai été présidente du jury Éducation pour la Santé, mais cette année j’avais demandé à être dans un jury d’une seule journée, par manque de temps.
ES: Parlez-nous un peu de votre jury…
KR : Cette année donc, j’ai fait partie du jury santé et travail. Celui-ci était composé de 5 personnes, sous la présidence d’ Annie Cornet , professeur à HEC-Liège. Nous avons visionné deux types de films, des documentaires sur la pénibilité du travail, le stress, la pression sur les travailleurs, et des films sur des aspects particuliers du travail (handicap, ergonomie…).
Nous avons délibéré assez rapidement. Nous étions tous à peu près du même avis et il n’a pas été difficile de nous mettre d’accord sur le lauréat.
ES: Quel est ce lauréat?
KR : Nous avons choisi de récompenser un documentaire qui parlait de ‘la mise à mort du travail’, titre un peu dramatique pour un reportage très fort, dénonçant les dérives de l’organisation du travail dans les grandes entreprises en France. C’est un film militant, qui prend parti et qui n’hésite pas à donner dans l’émotionnel (voir encadré).

La mise à mort du travail – La destruction, Jean-Robert Viallet, 2009

Dans un monde où l’économie n’est plus au service de l’homme mais l’homme au service de l’économie, les objectifs de productivité et les méthodes de management poussent les salariés jusqu’au bout de leurs limites. Jamais maladies, accidents du travail, souffrances physiques et psychologiques n’ont atteint un tel niveau. Des histoires d’hommes et de femmes chez les psychologues ou les médecins du travail, à l’Inspection du Travail ou au conseil de prud’hommes, qui nous révèlent combien il est urgent de repenser l’organisation du travail.

ES: Le Président du festival nous a confié vouloir ouvrir davantage celui-ci à l’ensemble de la Communauté française, qu’en pensez-vous?
KR : Vous avez raison de souligner le caractère très liégeois de cette organisation, et c’est un peu dommage parce que cela nuit probablement à sa visibilité belge. La faute sans doute à la dimension politique locale, extrêmement marquée. Il est un fait que tout le petit monde liégeois de la santé se retrouve au grand complet dans le jury, avec aussi quelques pointures internationales.
Inviter des gens qui viennent de quelque part à mi-distance entre Liège et Buenos Aires ne ferait en effet pas de tort et permettrait de moins ronronner en vase clos! A souligner toutefois que certains lauréats des années précédentes sont invités à participer aux jurys, ce qui apporte un peu de renouvellement au festival. Ce n’est pas plus mal…
Propos recueillis par Carole Feulien (1) Le DVD et sont carnet pédagogique sont disponibles sur simple demande à l’adresse dd@enjeu.be.
(2) Cinémas Le Parc, Sauvenière et Churchill, Liège.
(3) Programme sur [L]www.imagesante.org[/L] ou en vous inscrivant à la newsletter du festival sur le même site.
(4) Nous reviendrons plus longuement sur ce palmarès dans le prochain numéro.
(5) A découvrir dans le prochain numéro.