Juillet 2012 Par Christian DE BOCK Initiatives

Éducation Santé vous a déjà parlé de cette initiative privée de mobilisation générale des ressources dans des communautés urbaines pour contrer la progression du surpoids et de l’obésité chez les enfants (1).
Agir au cœur des villes en motivant les acteurs entourant la famille à transmettre par de multiples canaux un message santé simple et ciblé, telle est la méthodologie de Viasano .

Premiers résultats chiffrés

Les villes de Mouscron et Marche-en-Famenne ont mis en place le programme en 2007 et 2008. Grâce à la récolte des données de poids et taille des enfants de première et troisième maternelles de ces deux entités à deux ans d’intervalle (2), une baisse de 22% du nombre des enfants en surpoids est observée, passant de 9,46% à 7,41%. Pendant la même période, la prévalence du surpoids est restée stable en Communauté française (de 9,53 à 9,58%). En termes d’obésité, aucun changement ne peut apparaître sur une si courte période, selon le Dr Corinne De Laet (HUDERF), ce que les chiffres confirment.
Ces données sont d’autant plus encourageantes qu’elles s’appuient sur des mesures objectives, et non pas sur des déclarations comme c’est souvent le cas (3). Dans son bref survol de la situation épidémiologique européenne en la matière, le Prof. Jean Nève (ULB) s’est d’ailleurs appuyé avec les réserves d’usage sur l’Enquête de santé par interview 2008 de l’Institut scientifique de santé publique (à caractère déclaratif) pour rappeler que près d’un adulte sur deux est en surpoids ou obèse dans notre pays (33% en surpoids, 14% d’obèses). La prévalence chez les enfants et adolescents de moins de 17 ans est selon la même source de 13% en surpoids et 5% obèses.
Les 7 clés du succès

Selon le Dr Nele Jacobs, coordinatrice scientifique Viasano
1.Un engagement politique local fort
2.Un comité scientifique se portant garant du programme
3.Une organisation rigoureuse multipartenariale
4.Des actions concrètes, des outils nombreux et attractifs
5.Une évaluation régulière des effets
6.Une implication financière des communes et des partenaires privés solides pour faire tourner le programme
7.Du temps (les villes s’engagent pour au moins 4 ans).
Lors de la présentation de ces résultats, les représentantes des deux villes wallonnes se sont évidemment félicitées de l’amélioration de la situation dans leurs communes, l’attribuant largement à la réussite de l’implantation locale de Viasano. Brigitte Aubert (Mouscron) et Mieke Piheyns (Marche) sont toutes deux échevines de la santé. Ce n’est sans doute pas un hasard: une condition essentielle à la réussite de pareil programme est évidemment qu’il fasse l’objet d’un engagement politique prioritaire des autorités locales (voir encadré).

Le rôle des partenaires privés

Comme à chaque fois, la contribution financière essentielle des firmes partenaires pose question, et d’autant plus quand on connaît la nature de leurs activités commerciales (4). Le Prof. émérite Vinck plaida leur cause en affirmant que leur apport n’est pas seulement financier, mais leur permet de joue un rôle sociétal essentiel dans la mesure précisément où elles ‘pèsent’ sur les habitudes alimentaires de la population. Propos renforcés par Mireille Roillet , coordinatrice nationale Viasano: ‘Nos partenaires sont souvent montrés du doigt comme faisant partie du problème, ils souhaitent aussi faire partie de la solution’ (5).
De quoi nous autoriser à grignoter un Bifi ou un Bueno (6) arrosés d’une rasade d’ Orangina en toute bonne conscience!
Viasano, rue Royale 109-111, 1000 Bruxelles. Site: http://www.viasano.be .
Christian De Bock
(1) Voir ‘Viasano, vitalité en ville. La santé et le bien-être dans la ville pour et avec la population’ , Éducation Santé n° 221, mars 2007. Voir aussi ‘3e congrès Viasano. Comment promouvoir la santé auprès des populations fragilisées?’ , C. De Bock, Éducation Santé n° 274, janvier 2012.
(2) Données récoltées par les services PSE, fournies par la DG Santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles et traitées par le Prof. Michèle Dramaix (ESP ULB)
(3) Avec le risque de biais bien connu: surestimation de la taille et sous-estimation du poids, avec un effet sympathique sur le chiffre du BMI…
(4) Voici ce que la Ministre de la Santé francophone Fadila Laanan a dit récemment en réponse à une question d’ André du Bus en Commission Santé du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles: «J’estime qu’avant d’envisager un partenariat avec une société privée, il faut s’assurer des finalités. Ceci permet au service public de conserver ses prérogatives de défense de l’intérêt public, ce qui devient impossible si le service public est engagé dans un soutien moral à une initiative dont les effets ne sont pas sous contrôle public. C’est pour cette raison que je n’ai pas souhaité soutenir Viasano, qui est financé par des groupes agroalimentaires. Je tiens toutefois à souligner que les stratégies participatives et de travail en réseau utilisées par Viasano sont développées depuis de nombreuses années par des opérateurs de promotion de la santé que je soutiens.»
(5) Il y a une charte d’engagements réciproques entre l’agence Protein Health Communication (PHC) qui est le maître d’œuvre du programme Viasano et les partenaires privés. Aux termes de celle-ci, PHC s’engage à faire figurer leurs logos en bonne place aux côtés des logos des soutiens institutionnels, scientifiques et autres sur tous les supports de communication. De leur côté, les partenaires s’engagent à ne pas associer directement le programme à une quelconque marque de leur gamme; dans le cas d’une communication institutionnelle, à ne la faire porter que sur la démarche de leur implication dans le programme; à faire figurer le logo des autres partenaires sur les supports qu’ils seraient amenés à imprimer.
(6) Ferrero, le fabricant du Bueno est aussi celui de la célèbre pâte à tartiner Nutella . Suite à une plainte d’une consommatrice américaine, la firme paiera jusqu’à 4 dollars par pot acheté en Californie entre août 2009 et janvier 2012 ou ailleurs aux États-Unis entre janvier 2008 et début février 2012, pour un total plafonné à 3 millions de dollars. Ce n’est pas cher en regard du chiffre d’affaires du Nutella , mais cela fait quand même un peu désordre pour ce géant qui cherche à se payer une virginité nutritionnelle…