L’infection par le VIH/Sida n’épargne pas les enfants… Il n’est pas superflu de répéter qu’aujourd’hui, pas moins de 16 000 nouveaux cas de séropositivité se déclarent chaque jour dans le monde, dont 3 rien qu’en Belgique et que, dans notre pays, 67% des nouveaux cas sont des jeunes de 15 à 24 ans.
La plupart du temps, ceux-ci ont le virus dès leur naissance, et ont été contaminés par leur mère, elle aussi atteinte. En l’absence de traitement, ces enfants vont très vite présenter des signes graves de la maladie, et ont peu de chances de survivre. Le pire est que, bien souvent, la famille de ces enfants (mère, père, frères et sœurs) est aussi atteinte du virus. Dans ces conditions, il est d’autant plus difficile d’assumer les soins de l’enfant.
Cette maladie est trop souvent stigmatisée à cause de son mode de transmission. Cela a un impact considérable sur le développement de l’enfant, et empêche toute communication autour de la maladie. Le secret quant au diagnostic est maintenu vis-à-vis de l’entourage mais surtout au sein de la famille. L’enfant lui-même est souvent très tardivement informé de la gravité de sa maladie.
Pour prendre en charge ces patients, il est nécessaire de réunir autour d’eux une équipe psycho-médico-sociale, qui devra aborder de façon pluridisciplinaire les différents problèmes auxquels sont confrontés les enfants.
Le traitement du VIH/Sida actuellement…
Depuis près de 10 ans, des médicaments permettant de contrôler efficacement le virus sont disponibles. Ils ne guérissent pas l’infection mais l’empêchent de progresser. Ils ont donc profondément changé l’impact de la maladie et les exigences de la prise en charge.
Le VIH/Sida est devenu une maladie chronique et ses complications sont moins fréquentes et sévères qu’il y a 10 ans. Le traitement est par contre difficile à assumer pour le patient. Il implique la prise quotidienne astreignante de médicaments souvent inadaptés pour l’enfant. Les effets secondaires des traitements sont nombreux et nécessitent une surveillance médicale régulière. Et si la prise n’est pas respectée, le virus infectant le patient peut devenir résistant à ces médicaments!
Face à cela, un des objectifs majeurs des équipes de prise en charge des enfants est de réunir toutes les conditions pour une adhésion optimale de ces derniers au traitement. Les soignants vont devoir donner une information adaptée à l’âge de l’enfant sur la cause et les caractéristiques de sa maladie, sur les principes du traitement, les causes d’échec… Un accompagnement aux aspects pratiques du traitement va aussi être envisagé (comment avaler les comprimés de grande taille, comment gérer son stock de médicaments, etc.). Enfin, la prise en charge des adolescents confrontés aux questions que soulèvent l’infection par le VIH à propos de leur espérance de vie, de leur sexualité, de leur désir de fonder une famille, s’avère indispensable dans cette étape difficile de leur existence.
Ce nouveau système de fonctionnement a ouvert la voie à un dialogue plus libre autour de la maladie, tout en respectant la confidentialité. Ce changement a donc aussi naturellement amené les enfants à vouloir rencontrer d’autres patients atteints de la même affection.
Les enfants et adolescents pris en charge au CHU Saint-Pierre
140 enfants et adolescents atteints par le VIH/Sida sont actuellement suivis dans cette clinique bruxelloise. Pour répondre à leurs besoins, l’équipe du CHU a pris, ces dernières années, quelques initiatives. Des outils didactiques ont été créés et présentés aux jeunes malades.
A côté de cette prise en charge individuelle, l’équipe propose aux enfants d’une même tranche d’âge, ayant une connaissance identique de leur maladie, de participer à des ateliers aux cours desquels se partagent le vécu de la maladie, du secret, des traitements…
C’est ainsi qu’un groupe d’adolescents s’est fixé comme objectif d’expliquer à ses pairs ce que c’est d’être né et de vivre avec le VIH/Sida, et a créé ‘La BD contre le silence’, parue aux Editions Dupuis (1).
La BD contre le silence
Pour la première fois, des jeunes séropositifs bruxellois ont choisi de s’exprimer avec leurs mots, de manière anonyme, sur leur maladie. En 2002, il a été décidé, au CHU St Pierre, de proposer à une quinzaine d’enfants et adolescents séropositifs de participer à un atelier d’écriture de bande dessinée. Une année durant, une fois par mois, ceux-ci se sont réunis pour inventer des histoires, imaginer des personnages et des gags. Le tout avec l’aide de trois dessinateurs professionnels.
Pour le CHU St Pierre, l’objectif est atteint: les jeunes ont pu parler par l’intermédiaire des héros de BD qu’ils ont imaginés. Cela a donné des planches amusantes, dérangeantes, interpellantes.
En regard de ces planches, le lecteur trouvera des textes explicatifs, courts et accessibles à un public jeune, rédigé par des spécialistes (psychologues, médecins). Ces textes expliquent clairement des notions parfois compliquées, dénoncent les idées reçues, etc. Des témoignages d’enfants infectés par le virus parsèment aussi tout l’ouvrage.
Les objectifs de l’album sont multiples. Le premier est de permettre à des enfants et adolescents atteints d’une maladie stigmatisée de s’exprimer, via un outil de communication, avec leurs pairs. Le second est d’améliorer, grâce à la diffusion de cet outil, l’intégration des jeunes séropositifs dans la vie de tous les jours, en sensibilisant des adolescents à la vie de certains de leurs condisciples qui n’ont pas tous la chance d’être en parfaite santé. Et enfin, le dernier est de créer un outil de prévention contre le sida destiné aux jeunes de 12 à 18 ans.
Au final, la BD contre le silence est un formidable outil d’éducation pour la santé, original et poignant par ses témoignages; un outil qui fait tomber les préjugés et qui permet de se rendre compte de ce que vivent ces enfants, pas seulement à cause de leur maladie, mais surtout à cause du regard des autres, du secret qui leur pèse…
Cette BD permettra aux professionnels de l’éducation et de la santé de faire passer aux jeunes, avec le sourire, un message de prévention toujours d’actualité!
Un travail de sensibilisation a débuté auprès des acteurs du monde éducatif, politique, mais aussi auprès des instances publiques et privées concernées par la santé des jeunes, afin qu’ils puissent, selon leurs besoins, faire usage de cet album et répondre aux attentes des adolescents dans les mois qui viennent.
La BD contre le silence, une initiative d’Anne Linet, Jack Levy et Thierry Tinlot, avec les dessinateurs Salma, Geerts et Mauricet, un album de 48 pages paru chez Dupuis.
Il est possible d’acquérir la BD au prix de 12 € en la commandant sur le site http://www.labdcontrelesilence.com .
(1) Notons que l’éditeur s’investit activement dans la lutte contre ce fléau. Parallèlement à La BD contre le silence , Dupuis a joint un préservatif à la première édition du 22e épisode de Pierre Tombal, justement intitulé Ne jouez pas avec la mort , et dont l’une des histoires traite du sida.