Vous avez peut-être vu cet été les spots TV assez ‘chauds’ ou entendu les spots radio un peu énigmatiques de la campagne annuelle d’information orchestrée par la Plate-forme prévention sida. Revenons quelques instants sur la préparation de cette communication renouvelée cette année.
Public cible
La Plate-forme prévention sida a choisi les jeunes pour cible de ses campagnes d’été car il s’agit d’une catégorie de la population particulièrement vulnérable par rapport au sida et aux IST. La campagne s’adressait de manière générale aux jeunes âgés de 15 à 25 ans .
Cependant, trois sous-publics ont été définis: les jeunes hétérosexuels/elles belges, les jeunes hétérosexuels/elles d’origine étrangère et les jeunes homosexuels/elles.
Une attention particulière a aussi été accordée au niveau scolaire. Ainsi la campagne tentait de viser les jeunes de l’enseignement secondaire général/technique/professionnel et ceux de l’enseignement supérieur universitaire ou non, ainsi que ceux en décrochage scolaire (fréquentant un service d’accrochage scolaire, par exemple) ou hors du système scolaire (les chômeurs, par exemple). Ce choix a notamment guidé la sélection des jeunes pour la composition de divers focus groupes.
Pour chacun de ces sous-publics, étaient plus particulièrement visés:
-les jeunes qui croient qu’il ne leur arrivera jamais rien, qu’ils soient hétéros, homos ou d’origine étrangère;
-ceux qui ne se sentent pas concernés par le sida et les IST;
-ceux qui n’utilisent pas systématiquement le préservatif lors des relations sexuelles;
-ceux qui ont des difficultés à parler du préservatif avec leur partenaire;
-ceux qui se protègent, afin de les conforter et les pousser à continuer de se préoccuper du sida et des IST.
Les informations recueillies dans le cadre de divers focus groupes ont confirmé l’idée d’un relâchement de la prévention chez les jeunes.
En effet, aujourd’hui, la représentation de l’infection au VIH a bien changé. L’arrivée des trithérapies a permis à cette maladie mortelle de devenir une maladie chronique. De fait, on parle de moins en moins de sida et de plus en plus d’infection au VIH. Les trithérapies d’urgence, traitements préventifs qui permettent d’éviter la contamination après une exposition au risque, commencent aussi à être diffusées.
Il est probable que ces événements médicaux et l’usure psychologique liée à la nécessité de maintenir un comportement préventif dans le temps, jouent un rôle dans le «relapse» de l’utilisation du préservatif.
Les informations récoltées dans les divers focus groupes indiquent aussi que les enjeux de la prise de risque à l’adolescence sont nombreux, en dehors même de l’aspect excitant que peuvent comporter la transgression et la prise de risque. Citons l’importance de la confiance dans une relation affective et sexuelle, la peur d’être maladroit ou de perdre l’érection. Des raisons psychologiques sont également à l’oeuvre, comme l’incapacité de se protéger si l’on a le sentiment de ne rien valoir, ou la volonté délibérée de se faire du mal ou de partager la même maladie.
Pour certains jeunes, les contraintes sociales, culturelles ou religieuses peuvent aussi jouer un rôle majeur. Comment , par exemple, une femme peut-elle imposer une protection quand elle vit une relation inégalitaire et qu’elle ne peut pas échanger sur ses désirs avec un homme?
Il est certain qu’un travail sur l’estime de soi et sur l’éducation à la vie affective et sexuelle à l’école, à côté des campagnes de prévention des IST/Sida, serait un nouveau rempart contre les comportements à risque.
Plate-forme prévention sida
La Plate-forme prévention sida est une asbl créée au mois de septembre 2000. Sa mission est de soutenir la concertation des acteurs de la prévention des IST/Sida dans le cadre de la mise sur pied de programmes de prévention à l’intention du public général et des jeunes en particulier, et d’assurer la réalisation concrète de ces programmes.
Financée par le Ministère de la Santé de la Communauté française, la Plate-forme prévention sida a pour missions:
-le soutien de la concertation des acteurs de la prévention des IST/Sida autour des axes à développer dans les campagnes de prévention;
-la mise en œuvre de la réalisation de ces campagnes.
Chaque année, deux temps forts ponctuent le travail de la Plate-forme.
Une campagne été ciblée sur les jeunes .
Les objectifs de cette campagne sont de sensibiliser les jeunes aux modes de transmission du sida et des IST, de promouvoir et de banaliser l’usage du préservatif et de valoriser une attitude de protection lors des relations sexuelles.
La Journée mondiale de lutte contre le sida .
Cette journée a pour but de sensibiliser tout un chacun à la problématique de la séropositivité et du sida. Diverses activités sont organisées chaque année, comme par exemple, une marche dans les rues de Bruxelles, un événement de sensibilisation autour de la question du sida, le lancement d’une campagne de solidarité envers les personnes séropositives et les malades du sida.
Objectifs
Objectifs de santé
À long terme: réduire l’incidence du sida et des autres IST en prévenant leur transmission par voie sexuelle.
À court terme: contribuer à une augmentation du nombre de jeunes utilisant un préservatif pour se protéger.
Objectifs éducatifs
Améliorer les capacités de négociation et de dialogue des jeunes au sujet de la protection.
Tenter de lever les freins liés à l’utilisation du préservatif par l’invitation à en parler.
Donner aux jeunes la possibilité de nommer le préservatif à leur manière pour s’approprier la campagne et aussi oser en parler en les rendant ‘responsables’.
Encourager les jeunes à maintenir ou à développer un comportement responsable par rapport au sida et aux autres IST.
Améliorer les connaissances quant aux modes de transmission des infections sexuellement transmissibles.
Objectifs de communication
Inciter le public cible à parler du préservatif, banaliser le fait d’en parler avant les relations sexuelles.
Valoriser l’attitude de vigilance vis-à-vis du sida et des IST auprès de trois groupes cibles: les hétérosexuels, les homosexuels et les personnes d’origine étrangère.
Proposer aux jeunes des solutions pour dépasser les freins liés au port du préservatif en osant en parler.
Rappeler l’importance de l’utilisation du préservatif lors des relations sexuelles.
Le processus de création
La récolte d’information
Cette campagne a trouvé ses fondements dans la volonté de mettre en avant des moments ou situations de vulnérabilité par rapport aux IST/Sida.
Pour mieux prendre en compte la diversité des caractéristiques des différents publics et la diversité des thèmes à aborder, une accroche basée sur des tranches de vie a semblé appropriée aux promoteurs de la campagne. Elle a permis de centrer la réflexion sur les vulnérabilités spécifiques que l’on peut avoir à différents moments de sa vie: rupture amoureuse, célibat, en attente de résultats de tests, en soirée, après un rapport à risque, choix de l’arrêt du préservatif au sein du couple, etc.
Pour ce faire une série de focus groupes ont été organisés afin de récolter des récits de prises de risque auprès de jeunes et de pointer avec eux les facteurs qui ont pu favoriser le fait de ne pas avoir utilisé un préservatif. Ainsi des facteurs individuels (en lien avec la trajectoire, le parcours personnel), contextuels (le lieu, l’intimité, l’environnement, l’éducation, les valeurs, la période de l’année, etc.) et des facteurs liés à la relation (en lien avec le type de relation qui existe entre les deux partenaires: est-ce qu’ils se connaissaient avant? Y a-t-il pression de l’un sur l’autre, négociation? Y a-t-il une différence d’âge? Quelle expérience par rapport à la sexualité? Etc.) ont pu être dégagés.
Ces facteurs liés aux moments de vulnérabilité ont été intégrés dans les outils. Sur base des focus groupes et des discussions, des similitudes et points communs ont été mis en évidence.
En terme de lieux/situations de vulnérabilité
Les sorties
Les festivals, les bars, les boîtes de nuit, les soirées privées (anniversaires, crémaillères…) sont des endroits propices à la rencontre de jeunes. Il y a une interaction importante avec la consommation d’alcool, de drogues, consommation qui a tendance à altérer la gestion du risque. C’est un lieu commun pour beaucoup de jeunes qu’ils soient jeunes hétéros ou homos, belges ou d’origine étrangère.
La première fois
L’excitation, l’attente du premier rapport, l’amour infini pour l’autre ou la confiance que l’on a en lui/elle peut faire perdre pied aux plus jeunes et ainsi leur faire oublier des gestes tels que l’utilisation du préservatif.
Les vacances
Pendant cette période lors de laquelle les jeunes se lâchent, s’amusent, font tout ce qu’ils n’ont pas l’occasion de faire pendant l’année, les rencontres sont nombreuses. Mais, il n’est pas toujours facile d’aborder la question du préservatif dans ce contexte.
Le milieu universitaire
La vie d’étudiant est souvent un moment de découverte et de grande liberté… Le passage du domicile familial à la vie en kot, la guindaille dans les cercles, la vie en milieu urbain pour certains, les nombreuses activités sur les campus sont autant d’occasions pour faire des rencontres, qui peuvent occasionner des relations sexuelles. Mais les jeunes trouveront toujours de soi-disant «bonnes» excuses pour ne pas utiliser le préservatif.
Les rencontres via Internet
Un certain nombre d’histoires évoquées, tant par des jeunes hétérosexuels qu’homosexuels, débutent sur Internet. Les jeunes discutent en ligne pendant un laps de temps plus ou moins long, pour apprendre à se connaître. Toutefois, il s’agit plus d’un sentiment ‘virtuel’ de se connaître que d’une réelle relation.
L’école
C’est un lieu qui est cité dans une moindre mesure. Il est intéressant dans la mesure où il indique que le fait de fréquenter le même endroit donne l’impression qu’on se connaît (or, se connaître n’est pas un moyen de prévention).
En termes de facteurs déforçants
L’abus d’alcool, de drogues et autres substances;
la notion de plaisir: le préservatif diminue le plaisir, le goût n’est pas agréable (fellation);
l’envie de sexe, l’excitation, le tension accumulée dans l’attente de la relation sexuelle, l’envie du moment;
le fait de ne pas se sentir concerné, la méconnaissance des risques encourus;
la différence d’âge/d’expérience: on n’ose pas contredire le/la plus âgé(e)/expérimenté(e), rapport de force;
le changement de lieu de vie: maison familiale/ kot/ séjour ‘Erasmus’;
la confiance dans l’autre partenaire, ou pour lui montrer qu’on lui fait confiance;
l’envie de plaire à son/sa partenaire, la peur de le/la perdre, l’amour;
la position des filles par rapport aux garçons;
une mauvaise estime de soi, le sentiment de solitude (surtout pour les jeunes gays);
un sentiment d’invulnérabilité, être avec quelqu’un «en vue» ou de populaire;
l’absence ou la difficulté du dialogue, se sentir gêné de poser la question;
l’absence d’interlocuteur pour parler de sexe;
le coté excitant de la prise de risque;
le fait d’être vierge et donc ‘sain’;
le fait de prendre des risques en connaissance de cause;
l’impression de se connaître, notamment via Internet (chat, site de rencontre, facebook, etc.);
le fait de ne pas avoir le réflexe d’utiliser le préservatif après une longue relation avec un(e) même partenaire;
ne pas avoir de préservatif à disposition;
le fait de ne pas avoir utilisé un préservatif lors du premier rapport sexuel avec son/sa partenaire.
Le processus créatif
À partir de ces éléments, diverses pistes créatives ont été explorées. Trois d’entre elles ont fait l’objet de discussions et réflexions parmi les divers partenaires (services et jeunes) du projet.
« Avant de faire confiance à votre partenaire , faites confiance au préservatif ».
La première piste concerne la notion de confiance. En effet, les jeunes ont évoqué le fait de ne pas utiliser le préservatif car ils ont confiance en leur partenaire. De plus, même si le jeune peut avoir confiance en son partenaire, il ne peut pas faire confiance à ses ex, ni aux ex de ses ex, etc.
Cette piste met en avant le fait qu’avoir confiance en l’autre ne suffit pas pour se protéger du sida. Par contre, avec le préservatif, les jeunes peuvent entièrement faire confiance à leur partenaire, et même aux ex-partenaires de son partenaire, et même aux ex des ex de son ex, etc. Cette piste est sans doute plus difficile à réaliser dans le cadre d’une campagne, sans tomber dans le jugement de valeur à propos de l’autre.
« Le préservatif , parlez – en comme vous voulez mais parlez – en ».
La deuxième piste concerne la notion de dialogue autour du préservatif et a pour but de dédramatiser le fait de parler du préservatif à son partenaire. En effet, les jeunes n’ont souvent pas envie de parler du préservatif car ça casse l’ambiance, c’est gênant, ils craignent aussi la réaction de l’autre. Cette piste donne donc des astuces pour parler du préservatif de manière légère. L’idée est d’inviter les jeunes à trouver leur propre langage pour l’évoquer.
« Le préservatif , le temps de chercher des excuses , c’est enfilé ».
La dernière piste se propose de se centrer sur les raisons de ne pas utiliser le préservatif, car il y aura toujours une ‘bonne’ raison pour ne pas l’utiliser. L’idée était d’essayer de tenir compte de la diversité des facteurs qui empêche une bonne prévention.
Un large consensus, autant du groupe de travail que du groupe des jeunes, s’est opéré autour de la proposition invitant à parler du préservatif avant une possible relation sexuelle. Cette piste était fortement appréciée car elle propose une tentative de solution pour lever les freins liés à l’utilisation du préservatif et dédramatiser le fait d’en parler (et donc de l’utiliser). Elle met en avant la négociation du préservatif plutôt que les problèmes liés à son utilisation (approche positive). Car cela reste gênant, difficile d’en parler, de l’amener, de le proposer… De plus, cette piste offre un grand nombre de possibilités créatives pour les déclinaisons du message sur divers supports.
Le slogan «Le préservatif. Parlez-en comme vous voulez, mais parlez-en» est illustré par une série de codes, métaphores ludiques de l’utilisation du préservatif. Ce concept a l’avantage de pouvoir faire participer le public cible en l’invitant à créer ses propres codes-préservatif personnalisés en fonction de ses valeurs et de ses références. Une affiche vierge à compléter et un concours de codes K-Pote sur Internet ont d’ailleurs été produits afin de donner aux jeunes les outils concrets pour s’approprier la campagne. Les meilleurs codes créés par les jeunes seront utilisés pour la relance de la campagne en 2010.
Afin d’être en adéquation avec la réalité et les attentes des jeunes, les éléments visuels et textuels des divers outils de la campagne ont été testés, et les codes-préservatif, la ligne graphique, les thèmes abordés, les ambiances, les personnages, etc. ont été réalisés sur base des avis des jeunes et des partenaires.
D’après le dossier de presse de la campagne d’été 2009
Plate-forme prévention sida, rue Jourdan 151, 1060 Bruxelles. Tél.: 02 733 72 99. Fax: 02 646 89 68. Courriel: info@preventionsida.org. Site: http://www.preventionsida.org .