Août 2005 Par Véronique JANZYK Lu pour vous

Psychanalyste français responsable d’une Unité de soins spécialisée dans la dépression, La Belle Etoile dans le Jura, Moussa Nabati livre aux Editions Fayard ses constats sur celle qu’il ne nomme pas «maladie» mais «chance de guérir le Moi». Avec, à la clé, des portraits de patientes.
Selon Moussa Nabati, les femmes, deux fois plus nombreuses que les hommes dans sa patientèle, surmontent mieux leur dépression. Elles expriment davantage leur ressenti et une demande d’aide. «Les femmes acceptent mieux le manque, explique-t-il. Elles connaissent tôt la perte dans leur vie. Les règles, c’est de ce registre-là. Avoir un enfant aussi, c’est être dans la séparation.» Un autre exemple où femmes et hommes se montrent différents dans l’épreuve? «Une femme frigide va en souffrir mais continuer à se sentir femme. Un homme impuissant, lui, peut en arriver au suicide. D’ailleurs, ce personnage fondateur de la Vierge Marie, ce n’est pas un hasard. On peut être une femme et ce sans homme. »

Culpabilité et expiation

A la dépression réactionnelle, Moussa Nabati préfère l’idée de la culpabilité des innocents et de l’expiation. Explications: «On va trouver de la culpabilité chez ceux et celles qui ont vécu des difficultés, un traumatisme dans l’enfance. Ils se disent, cela peut être inconscient, que s’ils avaient été plus aimables leur sort aurait été différent. Ce seront des êtres gentils, serviables, trop. Comme s’ils rejouaient toujours la possibilité de se refaire aimer. Leur agressivité est muselée. Je parle de cette saine agressivité qui permet de cultiver son identité, de ne pas être dans la fusion dans le désir d’autrui.» Quant au mécanisme d’expiation qui s’active, il mène à échouer dans des projets, à prendre mal soin de soi. A être boulimique, à présenter des comportements à risque, à fuir dans le travail.
En guise de traitement, Moussa Nabati propose un vrai retour sur soi (même si des médicaments peuvent être nécessaires). Il en appelle à une prise de conscience chez tous les soignants susceptibles d’intervenir autour de la personne déprimée : « Certains devraient réaliser que, chez eux aussi, une culpabilité se manifeste, qui conduit à vouloir faire le bien d’autrui à tout prix. La culpabilité n’est donc pas que négative… »

Société déculpabilisatrice

Notre société brimerait l’expression de la culpabilité, chemin nécessaire vers la déculpabilisation et l’épanouissement : « Le droit à l’IVG, à vivre son homosexualité est important. Mais une femme qui a vécu un avortement est une femme qui n’a pas pu mener une grossesse à terme. Un tel impouvoir mène à la culpabilité. Etre homosexuel, c’est aussi un deuil à faire, celui de l’enfantement. Notre société bloque l’expression émotionnelle relative à cette culpabilité. Je ne connais pas, sous couvert de déculpabilisation, de société plus répressive que la nôtre. La vraie déculpabilisation, c’est quand on peut assumer sa culpabilité.’
V.J.
Moussa Nabati, La dépression, Editions Fayard.