Depuis que les médicaments génériques grignotent (très) lentement de modestes parts de marché aux spécialités de référence, on se rend mieux compte qu’avant que l’industrie pharmaceutique bénéficie d’un formidable financement collectif dans un pays comme le nôtre. A un point tel que la part des médicaments dans les dépenses de santé croît plus rapidement que les autres postes ces dernières années.
Le Dr Van Duppen crie au scandale dans un essai très documenté dont la version française vient de paraître après que l’édition en langue néerlandaise ait suscité pas mal de remous au nord du royaume.
En exposant froidement les chiffres de vente des médicaments les plus ‘populaires’, il démonte les gaspillages invraisemblables des deniers publics et l’augmentation préoccupante des coûts pour le patient (1). Bien entendu, les montants colossaux en cause ne sont pas perdus pour tout le monde, et contribuent à faire de l’industrie pharmaceutique une des plus profitables du secteur marchand.
Dans la première partie de son livre, intitulée ‘La guerre du cholestérol’, l’auteur développe le cas des médicaments hypolipémiants comme exemple d’un genre de hold-up en col blanc sur la sécurité sociale; ensuite il détaille les mécanismes de la poule aux œufs d’or (‘Prix et profit’), pour s’attarder sur les illusions de la ‘Recherche et développement’ et la sophistication des multiples outils de ‘Marketing’ mis en place par l’industrie (2). Il finit par un plaidoyer en faveur d’un système d’appel d’offres public, tel que le pratique la Nouvelle-Zélande, et qui a déjà été employé avec succès en Belgique pour des campagnes de vaccination (l’Etat fédéral et les Communautés ont acheté leurs vaccins à la moitié du prix plein en pharmacie).
Il serait surprenant que la presse médicale ‘sponsorisée’ apprécie ce brûlot, qui se lit comme un polar. Inutile de vous préciser qui sont les coupables!
La guerre des médicaments, Pourquoi sont-ils si chers, Dirk Van Duppen, Aden Collection EPO, Bruxelles, 2005, 292 pages, 20 euros.
(1) L’introduction du système de remboursement de référence, qui aligne l’intervention de l’assurance-maladie pour les produits de marque sur celle pour les médicaments génériques, pénalise fortement les patients si les médecins ne changent pas leurs habitudes de prescription, et c’est malheureusement le cas le plus fréquent.
(2) A ce propos, seuls les naïfs s’étonneront du nombre de ‘problèmes de santé’ qui sont mis en évidence dans les médias dès l’instant où une ‘nouvelle molécule’ est censée y apporter réponse. Qui dit maladie dit médicament, ou, plus fort encore aujourd’hui, qui dit médicament invente la maladie pour aller avec!