Janvier 2010 Lu pour vous

La médecine devient mortellement ennuyeuse, redoutablement scientifique et dangereusement marchandisée. Il lui arrive de jouer aux dés avec les conséquences humaines et psychiques de ses prouesses techniques.
Sans cesser d’admirer sa marche triomphale vers le progrès et son efficacité, deux auteurs ont mobilisé leur expérience clinique pour transmettre aux étudiants et aux soignants une autre lecture de la relation soignant – soigné que celle qui surgit des éprouvettes, des scanners et des cotations en bourse de l’industrie biomédicale. Comme dans l’enseignement de Philippe van Meerbeeck et les travaux de Jean-Pierre Jacques , il s’agit de traquer l’inconscient et l’infantile partout où ces registres sont aux commandes, c’est-à-dire aussi bien dans la demande que dans l’effort du soignant.
Comment rendre vivant et concret les effets d’inconscient aux oreilles des étudiants en médecine et des autres «sciences de la santé», alors que leur formation les écrase de savoir et de l’idée de la maîtrise possible? Comment ouvrir les étudiants aux bouillonnements d’un monde globalisé, qui envoie désormais au cœur des métropoles occidentales des malades sahéliens, philippins ou latinos à soigner sans disposer des clés de l’âme de ceux-ci et de leur façon de croire, de faire confiance, de transférer? Pourquoi devient-on médecin et comment les idéaux qui avaient orienté le candidat résistent-ils aux stages et à la formation technicoscientifique?
L’enjeu des auteurs est de montrer à quel point la relation est au cœur même de la pratique des métiers du soin. Elle est au centre, elle est déterminante, elle est un levier thérapeutique formidable. Elle peut aussi produire des effets toxiques, négatifs ou pervers.
Cet enjeu, pourtant primordial et quotidien, est largement méconnu par la plupart des acteurs, comme si l’évolution scientifique de la médecine impliquait de nier la part de subjectivité à l’œuvre dans l’exercice des métiers du soin.
Philippe Van Meerbeeck et Jean-Pierre Jacques, L’inentendu, Ce qui se joue dans la relation soignant-soigné, De Boeck, 2009, 320 pages, 27 euros.