Le 4 novembre dernier avait lieu dans le cadre verdoyant de La Marlagne, une journée de rencontre à destination des 80 établissements scolaires inscrits dans le dispositif pilote des Cellules bien-être (1) (CBE), à l’initiative de leur comité opérationnel (2).
Après quelques discours politiques de circonstance, la journée fut d’abord l’occasion pour l’APES-ULg, service d’appui en promotion de la santé et éducation pour la santé de l’Université de Liège, de présenter les résultats plutôt encourageants de la seconde évaluation participative et itérative du dispositif des Cellules bien-être (voir encadré).
Ensuite, les acteurs des Cellules bien-être se sont rencontrés pour présenter leurs réalisations et partager leurs expériences. Chaque cellule présente disposait d’un stand et accueillait ses consoeurs pendant 10 minutes, pour un bref temps d’échange. Ils étaient ensuite invités à changer de stand et à en rencontrer d’autres, selon le principe maintenant célèbre du ‘speed-dating’.
Ensuite, les rôles ont été inversés : les visiteurs des stands sont eux-mêmes passés derrière, permettant ainsi à ceux qui avaient déjà accueilli des collègues, de faire aussi le tour des nouveaux stands.
Lors de ces brefs mais riches moments de discussion, les participants ont véritablement échangé à propos de leurs difficultés, allant parfois jusqu’à chercher des solutions avec leurs collègues des autres écoles. Ils semblaient très intéressés par ce qui était développé ailleurs, certains proposant même à d’autres de venir participer et observer les activités mises en place ou de collaborer. Bien qu’ils soient globalement très contents du dispositif, un certain nombre d’entre eux évoquaient leur essoufflement, certains projets devant pratiquement être menés bénévolement. Cela ne semblait cependant pas entamer leur motivation.
Les stands étaient peu garnis, mais la formule était néanmoins intéressante et la cantine de La Marlagne, outre ses effluves de soupe aux poireaux tout à fait à propos, se prêtait parfaitement à ce genre d’exercice.
Pendant la pause de midi, lors de laquelle on nous a proposé d’excellents sandwiches et des collations saines, les participants semblaient ravis des échanges qu’ils venaient d’avoir et auraient même souhaité les poursuivre !
L’après-midi, ils ont été répartis en 6 ateliers thématiques, définis sur base des points de repère issus de l’évaluation du dispositif :
– des outils pour soutenir une vision partagée du bien-être au sein de l’établissement;
– les étapes pour évoluer vers cette vision partagée entre opérateurs partenaires de l’école;
– les démarches pour accroître la participation des élèves;
– les structures de l’école pouvant soutenir durablement le bien-être à l’école;
– les conditions minimales de développement d’une CBE dans l’établissement scolaire;
– des ressources pour soutenir l’engagement des acteurs scolaires et développer leurs compétences.
Les acteurs, en sous-groupes d’une douzaine de personnes, y ont eu l’occasion d’échanger à nouveau et de tenter de dégager des pistes concrètes d’action pour le futur.
Enfin, la journée s’est clôturée par une ‘table ronde’ (en l’occurrence rectangulaire), au cours de laquelle neuf intervenants (3) aux profils variés ont exposé leur point de vue sur la journée et plus globalement sur le dispositif des CBE et ses défis pour l’avenir. Bien qu’un peu long pour la plupart des participants, l’exercice valut par les interventions intéressantes de Michel Demarteau et Stéphane Houbion, de même que celle de Lise Maskens, courte et efficace, soulignant que les services PSE étaient ravis et demandeurs de participer à ce type d’initiative.
Michel Demarteau a développé l’idée d’une ‘vision partagée’du bien-être comme moteur de partenariat et de cohérence. Au niveau local, la cohérence pourrait être le développement de liens entre les pouvoirs locaux et les écoles, notamment via le levier des plans de cohésion sociale. Les enjeux sous-jacents sont de stabiliser la notion de bien-être, de permettre la négociation pour construire un cadre politique et administratif, de favoriser l’appropriation du concept par le versant pédagogique de l’organisation scolaire.
Quant à Stéphane Houbion, il a rappelé l’intérêt d’une mise en projet globale de l’école qui concerne tant l’école elle-même que son environnement externe. L’expérience menée invite les CBE à poursuivre leur travail en veillant à y impliquer les jeunes – autant que possible – comme levier d’apprentissage, à permettre l’adhésion de chacun comme ferment d’un projet collectif, à s’appuyer sur les acteurs associatifs comme soutien au projet et apport de ressources, à développer les interaction au sein des CBE et entre CBE comme garant d’un partage et d’une mutualisation des acquis. Enfin, il a lié la continuité des CBE au-delà du cadre de financement et l’incitation à un développement humain durable comme pilier de l’apprentissage démocratique et d’une gestion responsable des fonds publics.
En résumé, les organisateurs peuvent se féliciter de cette journée qui a mobilisé un grand nombre d’acteurs dans et hors de l’enseignement. Elle a permis de mettre en évidence le travail de co-construction et de renforcement mutuel des compétences de différents secteurs partenaires proches de l’école que pourtant «beaucoup de choses séparent», comme l’a souligné la Ministre de l’Enseignement obligatoire, Marie-Martine Schyns lors de son discours de clôture.
Pour les acteurs du ‘bien-être à l’école’ elle fut à la fois l’occasion d’échanger leurs expériences, de se nourrir de celles des autres, d’approfondir les pistes pour l’avenir, mais aussi d’être remerciés pour leur travail et encouragés pour l’avenir, en toute convivialité.
Un bilan encourageant
Nonante pourcent des 80 écoles ont mis en place une CBE. Parmi les 67 écoles ayant répondu au questionnaire, 57 lui attribuent des effets positifs: soit la concrétisation d’actions (organisation de formation écoutants, tri des déchets, embellissement de l’école…), un meilleur climat dans l’école (diminution des conflits, cohésion renforcée de l’équipe éducative…), une plus grande préoccupation pour le bien-être (attention globale sur le bien-être, meilleure connaissance des attentes et besoins des élèves…), une institutionnalisation de la Cellule bien-être (partenariats internes, formalisation et évaluation des projets…), de nouveaux partenaires (échanges plus approfondis entre CPMS ou SPSE et école…) ou encore une meilleure communication à l’externe et la valorisation des expériences (visibilité, reconnaissance du travail réalisé…).
91% ont exprimé la volonté de poursuivre le travail l’année suivante. Des pistes de pérennisation du dispositif (internes et externes à l’école) ont été formulées par un travail de construction et de validation progressive en mars 2013 et ont été introduites dans le questionnaire de la seconde évaluation.
Les pistes internes sont, pour 78 à 88% des participants liées à la communication et la participation (plus de convivialité, élargissement des échanges…); pour 62 à 81%, elles visent l’institutionnalisation du dispositif (inscription des CBE dans le projet d’établissement, répertoire des projets liés au bien-être…).
Pour l’externe, il apparaît indispensable de disposer de personnes de référence (internes ou externes) qui connaissent l’école. Plus spécifiquement, un quart des acteurs des écoles souhaite poursuivre avec le même accompagnateur, dynamique, compétent, proche de l’établissement, et leur apportant un soutien opérationnel, un regard extérieur leur permettant de prendre du recul et une orientation vers des ressources. Il est aussi jugé utile d’inciter les organisateurs de formation à introduire des sujets sur le bien-être, d’échanger davantage entre établissements ou de disposer d’une plateforme internet favorisant les échanges entre CBE par exemple.
De nombreuses informations sur les conditions d’existence d’une CBE ont également été détaillées dans la première évaluation du dispositif. Elles ont fait l’objet d’une validation (actualisation et standardisation) dans cette seconde évaluation. On relève principalement la nécessité d’une coordination désignée et de l’appui de la direction, tout comme la nécessité de temps pour s’arrêter, pour élaborer la concertation et l’action collective.
L’analyse des actions mises en place ou coordonnées par les CBE laisse apparaître 25 thématiques parmi lesquelles l’estime de soi, le vivre ensemble, l’exercice de la citoyenneté, la santé globale, l’ERE (éducation relative à l’environnement), la prévention des assuétudes ou l’EVRAS mais aussi l’accrochage scolaire, le soutien aux enseignants, l’organisation d’espaces détentes, l’organisation de moments d’échanges, etc.
L’APES-ULg a également tenté de refléter le tissage des thématiques abordées, toutes ne jouant vraisemblablement pas le même rôle dans la construction du bien-être. Face à cette diversité de thèmes possibles à rattacher au même concept, l’essentiel reste sans doute les processus mis en place pour que chaque communauté éducative construise une vision partagée du bien-être qui lui soit adaptée.
Enfin, quatre défis majeurs pour l’enseignement et ses partenaires ont été identifiés : évoluer vers une offre intégrée d’appuis aux établissements scolaires; rendre les cadres politiques, législatifs et administratifs de différents secteurs cohérents avec une approche intégrée du bien-être dans les établissements scolaires; accroître la participation des élèves dans la gestion du bien-être à l’école; et travailler les compétences liées au bien-être dans le curriculum pédagogique, en classe.
Un troisième et dernier rapport d’évaluation du dispositif, intégrant des informations disponibles mais encore peu analysées ainsi que des recommandations opérationnelles pour le suivi de ce dispositif, verra le jour durant le premier trimestre 2014. Il sera construit par l’APES-ULg en collaboration avec le Comité opérationnel des CBE.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur http://www.enseignement.be. Le diaporama de la journée et les comptes rendus des ateliers y sont téléchargeables.
(1) Voir l’article de Chantal Vandoorne «L’accompagnement du dispositif pilote Cellule bien-être: un pas vers plus d’intersectorialité», Éducation Santé n°294, novembre 2013, http://www.educationsante.be/es/article.php?id=1621
(2) Direction générale de l’Enseignement obligatoire, Direction générale de la Santé, Service jeunesse de la Direction générale de la culture, Direction de l’aide à la jeunesse, cabinets Schyns, Laanan et Huytebroeck, APES-ULg.
(3) Joëlle Vandenberg (Réseau Idée), Françoise Raoult (Service d’Aide à la Jeunesse de Huy), Nathalie Neuenschwander (Centre PMS III de la Ville de Liège), Lise Maskens (Commission PSE), Stéphane Houbion (asbl Jeune et citoyen), Michel Demarteau (Observatoire de la Santé du Hainaut), Claude Delsaut (Service général du pilotage du Système éducatif), Fransesco Dell’Aquila (Conseiller pédagogique à l’IFC) et Gérard Alard (Service d’Appui à la Direction générale de l’Enseignement obligatoire).