Le Baromètre social produit par l’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale présente annuellement une série d’indicateurs qui éclairent différents aspects de la pauvreté en Région bruxelloise. Il expose la situation socio-économique des Bruxellois et, dans la mesure du possible, reprend les indicateurs de pauvreté tels que définis dans le cadre de la méthode ouverte de coordination en matière de protection et d’inclusion sociale de l’Union européenne.
En parcourant les chiffres clés repris ci-dessous, il faut garder à l’esprit qu’une certaine proportion de personnes en situation de pauvreté échappe probablement à plusieurs de ces statistiques, notamment les personnes en situation irrégulière ou sans-abri.
Quelques chiffres
En Région bruxelloise, ‘le taux de risque de pauvreté ou d’exclusion sociale’ se situe autour de 38,4 %. Approximativement un tiers des Bruxellois (30,9 %) vivent avec un revenu inférieur au seuil de risque de pauvreté. C’est nettement plus qu’en Flandre (11,1%), en Wallonie (18,3%) et que la moyenne nationale (15,5%).Le taux de risque de pauvreté est particulièrement élevé parmi les personnes qui vivent dans un ménage sans emploi ou avec une faible intensité de travail.
À Bruxelles, un actif sur cinq (20,8 %) et près d’un jeune actif de moins de 25 ans sur trois (30,2 %) est demandeur d’emploi inoccupé (DEI).Un quart des enfants bruxellois de moins de 18 ans (25,7 %) grandissent dans un ménage sans revenu du travail.
La part de la population dépendant d’une allocation d’aide sociale ou d’un revenu de remplacement (à l’exception des pensions) est élevée en Région bruxelloise : cela concerne 23,5 % de la population bruxelloise d’âge actif (18-64 ans) et 18,3 % des personnes âgées (65 ans et +).
Plus particulièrement, 4,9 % de la population bruxelloise d’âge actif (18-64 ans) perçoit un revenu d’intégration sociale ou équivalent, et ce pourcentage est plus de deux fois plus élevé (10,6 %) parmi les jeunes adultes (18-24 ans). Parmi les personnes âgées, 10,7 % perçoivent la GRAPA.
Ainsi, en Région bruxelloise, un jeune sur dix et une personne âgée sur dix ne dispose pratiquement pas d’autres ressources que leur allocation d’aide sociale.
Un quart de la population bruxelloise (25,6 %) bénéficie de l’intervention majorée en matière de soins de santé (BIM).
En Région bruxelloise, parmi les jeunes de 18 à 24 ans, environ un jeune homme sur six et une jeune femme sur dix a quitté prématurément l’école sans avoir obtenu le diplôme de l’enseignement secondaire supérieur. Quel que soit l’âge, les personnes sans diplôme du secondaire ont beaucoup de difficultés à s’insérer sur le marché du travail : près d’un actif bruxellois ayant au maximum un diplôme de l’enseignement secondaire inférieur sur trois (30,9 %) est au chômage.
Le coût élevé du logement pèse lourdement dans le budget des ménages bruxellois. Entre 2004 et 2013, le loyer moyen corrigé de l’inflation a augmenté de 20 %. L’accessibilité des logements pour les personnes à bas revenus s’est donc fortement détériorée, dans une région où la grande majorité des logements sont occupés par des locataires (61,2 %). En témoigne notamment le nombre croissant de ménages sur liste d’attente pour un logement social (44 332 avant radiations): moins de la moitié des demandes pour un logement social (44,9 %) sont satisfaites.
Au niveau de la qualité des logements, environ 22 % des ménages bruxellois évoquent au moins l’un des problèmes suivants concernant leur domicile : situation de surpeuplement, incapacité à chauffer convenablement leur logement et problèmes d’humidité ou de moisissures. Cette proportion s’élève à environ 35 % parmi les 20 % des ménages bruxellois les plus pauvres.
La plupart des indicateurs suggèrent que la proportion de personnes en situation de pauvreté est globalement plus élevée en Région bruxelloise qu’au niveau des deux autres régions du pays. Cependant, la comparaison de la Région bruxelloise avec les grandes villes du pays indique que la situation socioéconomique serait équivalente, voire plus défavorable encore dans les grandes villes wallonnes selon l’indicateur considéré.
Inégalités socio-spatiales
Les chiffres globaux pour la Région bruxelloise masquent l’importance des inégalités socio-spatiales au sein de son territoire ; il existe en effet de grandes disparités en termes de pauvreté entre les quartiers et les communes bruxelloises.
Le taux de chômage en Région bruxelloise varie largement d’une commune à l’autre: les taux les plus élevés sont observés à Saint-Josse-ten-Noode et Molenbeek-Saint-Jean et les plus faibles à Woluwe-Saint-Pierre et Auderghem. Il varie du simple au triple, de 10 à 30% entre les communes les moins bien et les mieux nanties.
Le revenu médian par déclaration diffère également de façon importante selon les communes bruxelloises : il varie de 14 579 € à Saint-Josse-ten-Noode à 24 822 € à Woluwe-Saint-Pierre.
Par ailleurs, si 15,3 % des élèves bruxellois en première année de l’enseignement secondaire ont déjà accumulé au moins deux ans de retard scolaire, cette proportion avoisine les 20 % dans les communes les plus pauvres – la plus élevée étant observée parmi les élèves résidant à Saint-Josse-ten-Noode (22,6 %).
Cette proportion est nettement plus basse dans les communes plus aisées, comme à Woluwe-Saint-Pierre (6,8 %).
Inégalités de santé
La situation socioéconomique des personnes influence de façon très importante leur état de santé. La grande hétérogénéité sociale qui caractérise la Région bruxelloise se reflète dans d’importantes inégalités de santé.
Les inégalités face à la mort représentent le sommet de l’iceberg : entre les résidents des communes bruxelloises les plus pauvres et ceux des communes les plus aisées, la différence d’espérance de vie est de 2,9 ans pour les hommes et de 2,5 ans pour les femmes.Pas moins de 22,5 % des ménages bruxellois déclarent avoir retardé des soins de santé pour raisons financières, et ce pourcentage atteint 40 % parmi les 20 % des ménages les plus pauvres.
Quelques évolutions… pas toujours faciles à saisir
Il n’est pas évident de mesurer l’évolution de la pauvreté à Bruxelles. Tout d’abord, bon nombre d’indicateurs de pauvreté, notamment le taux de risque de pauvreté ou d’exclusion sociale, ne sont disponibles que sur base de l’enquête EU-SILC. Or, la petite taille de l’échantillon pour la Région bruxelloise implique de larges intervalles de confiance limitant de façon importante la fiabilité du calcul des évolutions.
Ensuite, les indicateurs basés sur des données administratives posent souvent des problèmes de ruptures de séries liées à des changements de législation (ex. enrôlement fiscal), rendant difficile l’interprétation des évolutions.
Par ailleurs, les évolutions du nombre d’allocataires sociaux peuvent également traduire des changements au niveau de l’accès à certains droits résultant de modifications de pratiques ou de législations (conditions d’accès au revenu d’intégration sociale, à l’aide sociale équivalente au revenu d’intégration sociale, aux allocations de chômage, etc.), plutôt qu’une variation du nombre de personnes en difficulté.
Enfin, certains groupes parmi les plus défavorisés n’apparaissant pas ou peu dans la plupart des statistiques disponibles, l’évolution de leur nombre est, a fortiori, difficile à évaluer.
Évolution récente
Entre janvier 2013 et janvier 2014, la population bruxelloise a légèrement augmenté (+ 0,8 %). On constate une légère augmentation du nombre de personnes avec une allocation d’aide sociale ou un revenu de remplacement (à l’exception des pensions) parmi les jeunes (+ 1,8 %), la population d’âge actif (+ 1,6 %), et, de façon plus marquée, parmi les personnes de 65 ans et plus (+ 6,7 %).
Certaines évolutions notables plus spécifiques peuvent être soulignées. Parmi les jeunes, une augmentation de bénéficiaires d’un (E)RIS est observée (+ 6,3 %), ainsi qu’une baisse de bénéficiaires d’une allocation de chômage/d’insertion (- 4,0 %). Par ailleurs, le nombre de personnes de 65 ans et plus qui perçoivent une GRAPA a augmenté (+ 8,7 %). Enfin, parmi la population d’âge actif, on note une augmentation du nombre de bénéficiaires d’indemnités d’invalidité (+ 6,7 %).
La baisse importante du nombre de bénéficiaires de l’aide sociale équivalente au revenu d’intégration sociale (ERIS), déjà observée l’année passée, se maintient au même rythme (- 16,3 %). Cette tendance s’explique en grande partie par de nouvelles mesures adoptées au niveau fédéral en matière de politique d’asile et de migration, impliquant une diminution des demandeurs d’asile et des étrangers non-inscrits au registre de la population pouvant prétendre à l’aide financière.
Sur la période 2013-2015, une baisse importante du nombre de chômeurs indemnisés est constatée en moyenne annuelle (- 10,9 %) ainsi qu’une baisse du nombre de DEI (- 4,6 %). Ces baisses peuvent s’expliquer par différents facteurs, tels une augmentation des offres d’emplois (amélioration de la conjoncture), certaines mesures d’emploi mises en place, mais également des changements de règlementation relatifs au durcissement des conditions d’accès aux allocations d’insertion et de chômage.
Pour conclure, les indicateurs de pauvreté indiquent qu’un nombre toujours élevé de Bruxellois vivent dans une situation difficile. Dans un cadre de croissance démographique et de ‘défédéralisation’ d’une série de compétences, la Région est confrontée à d’importants défis en termes de logement, d’emploi, d’enseignement, de santé et d’aide aux personnes.
Pour plus d’informations: Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale (2015), Baromètre social 2015. Bruxelles : Commission communautaire commune. La version complète du Baromètre social 2015 est disponible sur le site de l’Observatoire.