Un problème important qui mérite plus d’attention
Selon l’OMS il est estimé que – hors situation de guerre – plusieurs centaines de milliers de personnes sont tuées chaque année par les armes à feu.
Les traumatismes par arme à feu sont devenus un réel problème de santé publique contre lequel il faut lutter pour diverses raisons:
– c’est un problème important, facteur de mortalité et de morbidité;
– c’est un problème vulnérable contre lequel on peut agir et pour lequel il existe des solutions efficaces;
– c’est un problème qui occasionne des coûts élevés pour la société.
Un problème important
La problématique des traumatismes par arme à feu, longtemps ignorée par notre secteur, ne bénéficie pas d’une large connaissance ni même d’une surveillance systématique. Pourtant les chiffres dont nous disposons sont accablants (1).
En Belgique, en 1996, il y a eu 383 décès par arme à feu. Plus de 70 % de ces décès sont des suicides et 15 à 20 % des homicides.
En moyenne, 90 % des suicides par arme à feu sont commis par des hommes. Le groupe d’âge le plus touché est celui des 20-39 ans.
L’arme à feu utilisée dans le cadre du suicide est un moyen très efficace. En effet, avec une arme à feu le taux de létalité est de 92 % alors qu’il est de 35 % avec des médicaments et de 10 % avec un instrument coupant.
Dans notre pays, l’arme à feu est le troisième mécanisme utilisé pour se suicider au sein de la population générale mais devient le second moyen parmi la population masculine.
Des populations sont davantage concernées par les traumatismes par arme à feu: les policiers, transporteurs de fonds, agents de sécurité… qui, par leur profession, sont constamment en présence d’une arme à feu. Pensons également aux personnes qui dans le cadre de leurs loisirs manipulent une arme à feu, comme les chasseurs et les tireurs sportifs.
Un problème vulnérable
Un problème est considéré comme vulnérable lorsqu’il existe des moyens pour le résoudre.
En ce qui concerne les traumatismes par arme à feu il y a des solutions efficaces pour les éviter, notamment réduire la présence d’une arme à feu au domicile, limiter l’accès à l’arme.
Limiter l’accès à l’arme
Empêcher le particulier de se procurer une arme à feu permet de diminuer le nombre de traumatismes par arme à feu. On constate en effet que c’est dans les pays où la législation relative aux armes à feu est la plus stricte que le taux de traumatismes par arme à feu est le plus faible (au Royaume-Uni par exemple).
Eviter la présence d’une arme à feu au domicile
De nombreuses études ont démontré l’association entre la présence d’une arme à feu au domicile et les traumatismes qu’elle peut engendrer (2).
Le fait de posséder une arme à feu à la maison multiplie par 5 le risque de suicide et par 3 le risque d’homicide.
La plupart des accidents par arme à feu touchant les enfants sont liés à la présence d’une arme au domicile.
Au Canada comme aux Etats-Unis c’est dans les régions où le taux de possession d’arme à feu est le plus élevé que le taux de traumatisme par balle est également le plus élevé.
En fait si le propriétaire d’une arme pense se protéger en gardant celle-ci à domicile il y a 43 fois plus de chance qu’il l’utilise contre quelqu’un de sa famille plutôt que contre un agresseur!
Un problème coûteux
Les coûts occasionnés par les traumatismes par arme à feu sont élevés.
Au Canada les coûts annuels attribuables aux décès et blessures par arme à feu ont été estimés à 6 billions de dollars (3).
En Belgique, faute de données, on ne peut évaluer un tel coût.
La prévention des traumatismes par arme à feu
Les stratégies visant à réduire les traumatismes par arme à feu combinent l’éducation, la réglementation et la technique
L’action préventive se situe à 3 niveaux: l’accès à l’arme à feu, la présence de l’arme au domicile, le rangement de l’arme dans un lieu sûr.
L’accès à une arme à feu
C’est essentiellement la législation qui a pour rôle de contrôler et limiter l’accès aux armes à feu en Belgique. La législation actuellement en vigueur est hélas trop laxiste: les armes de chasse et de sport sont en vente libre, les marchés parallèles sont très bien implantés dans le pays et permettent à tout individu d’acquérir une ou plusieurs armes.
Renforcer la législation dans le sens d’une plus grande rigueur serait une solution prometteuse.
Plaider en ce sens auprès des instances politiques concernées afin de les sensibiliser à cette problématique est une étape essentielle si on veut aboutir à un changement dans la législation.
La présence de l’arme à feu au domicile
Eviter la présence d’une arme à feu au domicile semble être une mesure préventive logique.
Il faut donc envisager de sensibiliser les propriétaires aux risques associés à la présence de l’arme afin qu’ils prennent conscience que garder une arme à la maison est un danger permanent pour toute la famille. Il faut aussi les inciter à s’en séparer s’ils n’en ont pas l’usage.
De même, sensibiliser l’entourage (aussi bien la famille que les professionnels de la santé) d’un dépressif, d’une personne violente est important. Tout intervenant, lorsqu’il est en présence d’une personne montrant des signes de dépression, de tendance suicidaire ou une prédisposition à la violence, doit notamment chercher à savoir si cette personne a accès à une arme à feu. Il est parfois utile qu’un proche veille à retirer l’arme à feu du domicile.
La législation prévoit la suspension ou le retrait de l’autorisation de détention d’arme à feu lorsque la détention d’arme risque de porter atteinte à l’ordre public.
Le rangement de l’arme dans un lieu sûr et le port de l’arme
Lorsque le propriétaire d’une arme se trouve dans l’obligation de la garder au domicile pour des raisons professionnelles ou lorsqu’il ne souhaite pas s’en débarrasser, il est alors très important que l’arme soit entreposée dans un lieu sécurisé.
En clair cela veut dire:
– conserver l’arme à feu en tous temps dans un endroit hors de portée des enfants: l’arme doit être inaccessible;
– conserver une arme à feu non chargée et verrouillée: l’arme doit être inopérante;
– conserver les munitions dans un endroit différent de celui où se trouve l’arme;
– entretenir ou manipuler l’arme après avoir vérifié qu’elle n’est pas chargée.
– en cas d’absence, enfermer l’arme à feu dans une armoire résistant à l’effraction et conserver les clés en lieu sûr.
Dans la législation belge on trouve quelques éléments portant sur le rangement de l’arme notamment sur le transport de l’arme entre le domicile et le stand de tir ou le lieu d’activité, le port de l’arme au stand de tir.
La technologie permet également d’améliorer le rangement de l’arme. Il existe en effet des dispositifs de verrouillage des armes.
De même il est possible de rendre le port d’arme plus sûr: en effet, certaines armes disposent d’éléments de sécurité incorporés qui permettent d’éviter les tirs accidentels.
Projet de prévention des traumatismes par arme à feu en Communauté française
L’asbl Educa-Santé de Charleroi compte développer un projet de prévention des traumatismes par arme à feu dans le cadre de son programme quinquennal 2004-2009.
La finalité de ce projet est de réduire les risques de traumatismes par arme à feu.
Les objectifs poursuivis sont les suivants:
– informer et sensibiliser les propriétaires d’arme à feu et leur entourage sur les risques associés aux armes à feu;
– inciter les personnes qui n’ont pas usage de leur arme à s’en séparer;
– promouvoir et encourager l’achat de systèmes de verrouillage pour les armes à feu;
– informer et sensibiliser les intervenants de la santé et des services sociaux sur les risques associés aux armes à feu et sur les moyens permettant de réduire l’accès aux personnes dépressives, suicidaires, violentes.
Pour réaliser un tel projet Educa-Santé a recours à des stratégies d’action intersectorielle nationale et internationale, d’information et de développement des aptitudes individuelles.
Dans ce but, Educa-Santé a déjà développé des partenariats avec différents secteurs notamment:
– le Secrétariat permanent à la Politique de prévention;
– les contrats de sécurité et de prévention de plusieurs villes de Communauté française;
– les services d’assistance policière aux victimes;
– les zones de police.
Les membres de ces secteurs ont déjà eu l’occasion d’être sensibilisés à la problématique des armes à feu lors d’un débat sur la prévention du suicide par arme à feu organisé en novembre 2002 à Charleroi en présence de Robert Simon directeur du centre de prévention du suicide de Chicoutimi au Québec.
La prévention des traumatismes par arme à feu s’inscrit dans le cadre d’un projet plus vaste de promotion de la sécurité.
A ce titre, l’asbl Educa-Santé a organisé en juin 2004 une journée de formation sur le thème de: ‘l’amélioration de la sécurité par milieu de vie’. Cette journée était animée par Pierre Maurice et Renée Levaque de l’Institut national de santé publique du Québec.
De plus, Educa-Santé se propose de publier un guide de ‘sécurité dans les milieux de vie’ destiné aux Communes. Ce guide présente une stratégie visant à améliorer la sécurité de la population et aborde la sécurité dans une approche globale.
Martine Bantuelle et Marie-Christine Van Bastelaer , Educa-Santé
Adresse des auteures: Educa-Santé, avenue Général Michel 1b, 6000 Charleroi. Tél.: 071 30 14 48. Fax: 071 31 82 11. Site: http://www.educasante.org .
(1) Institut scientifique de santé publique, http://www.iph.fgov.be
(2) N. ARYA, ‘Confronting the small arms pandemic, unrestricted access should be viewed as a public health disaster’ British Medical Journal, 2002; 324:990-991
(3) Coalition pour le contrôle des armes à feu, http://www.guncontrol.ca