Tableau de bord de la santé en Communauté française
La promotion de la santé cardio-vasculaire est une des priorités définies par la Communauté française dans le Programme quinquennal de la promotion de la santé 2004-2008. Malgré une meilleure prise en charge, les maladies ischémiques et les accidents vasculaires cérébraux restent en effet la principale cause de mortalité en Belgique.
Selon la Charte européenne pour la santé du coeur, les facteurs de risque de la pathologie cardio-vasculaire peuvent se répartir en trois catégories:
-les facteurs biologiques: hypertension, hyperglycémie, hypercholestérolémie, surpoids/obésité.
-les déterminants du style de vie (il s’agit des principaux facteurs de risque): tabagisme, alimentation déséquilibrée, excès d’alcool, inactivité physique/sédentarité;
-les déterminants démographiques et socio-économiques parmi lesquels on retrouve des déterminants établis (âge, sexe, hérédité, ethnicité) et des déterminants modifiables (revenu, éducation, conditions de vie, conditions de travail).
« Une grande partie de ces facteurs et déterminants peut faire l’objet de stratégies préventives et de promotion de la santé , observe Yves Coppieters , co-auteur du chapitre consacré à la promotion de la santé cardio-vasculaire dans le Tableau de bord de la santé en Communauté française (1). En effet , ils sont souvent comportementaux et peuvent être modifiés à partir d’initiatives très différentes , ayant comme public cible les enfants à l’école , les travailleurs dans les entreprises , les familles ou encore le grand public . En créant un milieu de vie favorable à la santé , le risque de développer des maladies cardio – vasculaires est non seulement réduit , mais il est aussi possible d’avoir un impact sur l’incidence d’autres maladies chroniques importantes dans notre population . Le tabagisme est , par exemple , lié aux trois causes principales de mortalité : les maladies cardio – vasculaires , les cancers et les pathologies pulmonaires obstructives .»
La mortalité
Même si en Belgique, entre 1987 et 1997, le taux de mortalité cardio-vasculaire a diminué d’environ 20 %, les maladies cardio-vasculaires restent la principale cause de mortalité en Belgique (+/- 40 000 décès par an) suivies de l’ensemble des cancers (+/- 30 000 décès par an).
Ainsi, le Tableau de bord rapporte:
27 % des décès d’hommes et 21 % des décès de femmes entre 45 et 64 ans;
36 % des décès d’hommes et 45 % des décès de femmes de plus de 65 ans;
25 % des hommes sont à haut risque cardio-vasculaire;
25 % des infarctus surviennent avant 55 ans;
1 infarctus sur 3 est mortel d’emblée.
En nombre absolu, la mortalité cardio-vasculaire s’est élevée en 1997 à 16 751 personnes en Wallonie et à Bruxelles, 7 209 hommes et 9 542 femmes (2).
La mortalité par infarctus
En Communauté française, les données issues du registre de Charleroi (sur plus de 20 ans de suivi) indiquent une diminution des taux d’événements fatals (mortalité coronarienne) chez les hommes et les femmes, entre 1983 et 2004. Les diminutions de la mortalité dans les pays d’Europe occidentale en général sont dues, pour deux tiers, à la diminution de l’incidence de la maladie et pour un tiers aux améliorations dans la prise en charge du patient. La proportion de décès à l’hôpital représente un peu plus d’un quart des décès enregistrés et ceux à domicile représentent la moitié du total des décès. Ce problème doit être pris en considération étant donné que ces décès représentent des morts rapides qui n’atteignent pas l’hôpital.
La morbidité
Incidence d’infarctus non fatals
Entre 1982 et 2004, l’incidence de l’infarctus a diminué de 30 %. Cette diminution est liée aux effets positifs des campagnes de prévention et, dans une moindre mesure, à une augmentation de la survie, due à une prise en charge du patient meilleure et plus rapide.
D’autre part, le taux d’attaque total de l’infarctus du myocarde est supérieur à Charleroi (milieu urbain) par rapport à la province du Luxembourg (milieu rural), tant chez les hommes que chez les femmes. Ce sont les hommes de Charleroi qui se démarquent le plus.
Incidence d’accidents cérébro-vasculaires et d’accidents ischémiques transitoires
Les accidents cérébro-vasculaires forment la deuxième cause de décès en Belgique, après l’infarctus. Chez les femmes, l’accident cérébro-vasculaire en est la cause principale.
Le Réseau belge des médecins vigies, constitué de médecins généralistes représentatifs de tout le territoire belge, avait enregistré le taux d’accidents cérébro-vasculaires en 1984 et en 1988-1989. Il avait réalisé un nouvel enregistrement en 1998 et 1999 avec comme objectif d’étudier l’incidence de l’accident cérébro-vasculaire et de l’accident ischémique transitoire, ainsi que la mortalité durant l’année suivant l’événement et de comparer l’évolution de l’incidence entre 1984 et 1999. D’une part, ces enregistrements indiquent une diminution significative de l’incidence des deux pathologies. D’autre part, en 1998 et 1999, l’incidence annuelle était estimée à 192/100 000 habitants chez les femmes et à 179/100 000 habitants chez les hommes pour l’accident cérébro-vasculaire, et respectivement à 103/100 000 et à 82/100 000 pour l’accident ischémique transitoire. L’incidence est directement liée à l’âge.
Les facteurs de risque individuels
Comme dans beaucoup d’autres domaines, les facteurs de risque des maladies cardio-vasculaires – tabac, manque d’activité physique, obésité ou stress professionnel élevé – sont plus fréquents dans les groupes sociaux les moins favorisés. « Promouvoir en priorité la réduction des facteurs de risque parmi les groupes de personnes socialement défavorisées permettrait de réduire en partie les inégalités sociales de santé », rappelle Yves Coppieters.
Les facteurs socio-économiques sont des facteurs de risque importants des maladies cardio-vasculaires et influencent l’évolution de la maladie. L’effet du niveau socio-économique s’explique entre autres, pour les niveaux moins favorisés, par un mode de vie et des comportements spécifiques, un moindre accès aux systèmes de santé, à l’information relative à la santé et peut-être une faible compliance thérapeutique. Or, Yves Coppieters attire l’attention sur le manque d’informations croisées entre les déterminants de base (niveau socio-économique et éducation) et la maladie. « Il est nécessaire d’aller plus loin dans la compréhension et pour cela d’approfondir les connaissances , notamment au niveau socio – économique , afin d’agir en amont . Une information épidémiologique de base de type Tableau de bord de la santé doit être complétée par des analyses complémentaires sur les déterminants et les facteurs de risques des individus. Il s’agit avant tout de connaître , par exemple , les causes de l’obésité afin de traiter efficacement le problème .»
Les activités sportives et la sédentarité : 30 % des femmes et 19 % des hommes peuvent être considérés à risque par manque d’activité physique. On observe que la pratique du sport diminue avec l’âge. Par ailleurs, la proportion la plus importante de personnes qui pratiquent intensivement une activité physique se retrouve parmi les personnes ayant un niveau d’instruction supérieur.
Une comparaison entre régions montre que l’activité physique intense est plus importante en Wallonie et en Flandre qu’à Bruxelles. En ce qui concerne la proportion de personnes à risque à cause de leur sédentarité, c’est en Wallonie que la proportion est la plus élevée.
Le surpoids : une relation très nette s’observe entre le niveau d’instruction et le problème de poids, la valeur moyenne de l’indice de masse corporelle étant la plus basse parmi les personnes qui ont un diplôme d’enseignement supérieur. Si les proportions de personnes en surpoids ou présentant une obésité augmentent avec l’âge (jusqu’à 75 ans), les enfants et les adolescents ne sont pas non plus épargnés. Ainsi, en Communauté française, 10 % des élèves sont en surcharge pondérale et 5 % d’entre eux souffrent d’obésité.
Le tabagisme est sans doute le facteur de risque comportemental qui a le plus d’impact en termes de morbidité et de mortalité.
L’hypertension, l’hypercholestérolémie et le diabète constituent des facteurs de risque importants dans l’apparition des troubles cardio-vasculaires. On observe également une augmentation de la prévalence de l’hypertension artérielle dans les trois régions belges. L’importance du rôle du médecin généraliste est soulignée dans la détection de ces facteurs de risque, dans leur prise en charge ainsi que dans le suivi. Cependant, bon nombre de ces facteurs sont méconnus des patients ou de leur médecin et ne sont pas suffisamment pris en charge. En s’attaquant à ces facteurs de risque, on améliorera non seulement la santé cardio-vasculaire, mais on réduira aussi la prévalence de maladies chroniques telles que le cancer, les maladies respiratoires et le diabète.
Les facteurs environnementaux
L’environnement physique : différentes sources de pollution ont été retenues par l’American Heart Association et mises en relation avec l’incidence d’événements cardio-vasculaires. Les quelques toxines spécifiques pour lesquelles une relation a pu être établie avec l’incidence de maladies cardio-vasculaires sont la disulfide de carbone, la nitroglycerine et le monoxyde de carbone. D’autres facteurs de risque environnementaux d’ordre physique sont la fumée de cigarette (tabagisme passif) et les expositions à des températures extrêmes.
L’environnement psychosocial : il existe une relation entre le stress au travail et les maladies cardio-vasculaires, tout comme il existe une relation entre le stress au travail et différents facteurs de risque tels l’hypertension, le diabète, le tabagisme ou l’obésité.
Dans l’étude interuniversitaire belge Belstress, portant sur les relations entre l’exposition au stress professionnel et la santé des travailleurs, une relation a été mise en évidence entre le support social au travail (mesuré par l’estime, le soutien des collègues et des supérieurs hiérarchiques) et l’incidence de l’infarctus: celle-ci était deux fois plus élevée chez les travailleurs percevant un faible support relationnel au travail que parmi leurs collègues percevant un support social élevé.
Les études belges sur le stress au travail indiquent également que ce sont les femmes et les travailleurs moins qualifiés qui sont les plus exposés au stress et à ses conséquences négatives pour la santé.
Politiques et stratégies
Le Plan Communautaire Opérationnel (PCO) définit comme objectif général la contribution à la prévention de la mortalité et des morbidités évitables dues aux maladies cardio-vasculaires. Les actions dont il est question visent à favoriser l’adoption d’une alimentation équilibrée, l’activité sportive et à prévenir le tabagisme. Elles tendent à susciter au maximum ces comportements tant dans la population générale que pour des groupes socioprofessionnels plus spécifiques.
En Communauté française et au niveau fédéral, il existe une série de nouvelles dispositions en matière de promotion de la santé cardio-vasculaire, de prévention et de prise en charge des patients. Ces initiatives s’inscrivent dans une politique plus large de travail sur la prévention des facteurs de risque.
L’hétérogénéité des acteurs en charge de la prévention et de la promotion de la santé cardio-vasculaire rend toujours difficile l’émergence d’un référent institutionnel capable de coordonner les compétences et les projets liés aux pathologies cardio-vasculaires, en respect des lignes directrices tracées dans le PCO.
De plus, en raison de l’évolution rapide des recommandations en matière de dépistage de l’hypertension, de l’hypercholestérolémie et de l’ensemble des stratégies préventives en matière cardio-vasculaire, il est impératif pour les décideurs dans le domaine de la santé publique, de disposer d’informations mises à jour de manière périodique en respect des recommandations scientifiques internationales.
Dans ce cadre, un cadastre des interventions dans le champ de la prévention et de la promotion de la santé cardio-vasculaire a été élaboré. L’objectif de ce cadastre était de dresser un état des lieux des actions et des acteurs en prévention et promotion de la santé cardio-vasculaire en Communauté française. Ce travail a permis de recenser non seulement les acteurs mais aussi les domaines couverts par leurs interventions, ainsi que les actions et stratégies développées, les groupes cibles, les réseaux par zone géographique et type de prévention (primaire, secondaire ou tertiaire).
À partir du cadastre, les résultats du recensement des projets de promotion et prévention cardio-vasculaire montrent clairement cette diversité tant en ce qui concerne les stratégies et les niveaux d’intervention que des acteurs.
Cette diversité témoigne du dynamisme du secteur. Elle souligne aussi la nécessité de renforcer la cohérence et l’efficience de toutes ces initiatives et actions. Le renforcement de la collaboration, le développement des complémentarités et la coordination de ces initiatives, dans une perspective systémique, doivent être considérés comme une priorité.
Le système d’information sanitaire devra également se doter de moyens permettant, au-delà des indicateurs de mortalité, morbidité et facteurs de risque présentés dans le Tableau de bord, de documenter et d’évaluer ces stratégies et actions développées dans le cadre du PCO.
Colette Barbier
GODIN I., De SMET P., FAVRESSE D., MOREAU N., PARENT F. (eds), Tableau de bord de la santé en Communauté française de Belgique, Service communautaire en promotion santé SIPES (ESP-ULB), Bruxelles, 2007.
Il peut être téléchargé en PDF aux adresses suivantes: http://www.sante.cfwb.be (rubrique Publications et périodiques, Promotion de la santé et prévention) et http://www.ulb.ac.be/esp/sipes (onglet Publications).
(1) Voir ‘Le tableau de bord de la santé en Communauté française’, Éducation Santé n° 236, juillet 2008, http://www.educationsante.be/es/article.php?id=1039
(2) Et selon des données plus récentes, qui concernent la seule Wallonie (données provisoires relatives aux décès survenus en Wallonie, quel que soit le lieu de résidence de la personne décédée, non encore validées par la DG SIE): en 2004 , on attribue aux maladies cardio-vasculaires
21 % des décès d’hommes et 16 % des décès de femmes entre 45 et 64 ans;
33 % des décès d’hommes et 38 % des décès de femmes de 65 ans et plus.
En nombre absolu, la mortalité cardio-vasculaire s’est élevée en 2004 à 11.490 personnes en Wallonie, 5.151 hommes et 6.318 femmes (pour 21 décès, le sexe n’est pas mentionné). Cela fait environ un tiers des décès, toutes causes confondues.