Juin 2007 Données

Une étude épidémiologique sur la santé bucco-dentaire des jeunes scolarisés en Hainaut a été menée en 2005-2006 par l’Observatoire de la santé du Hainaut en collaboration avec la Fondation pour la santé dentaire et le réseau des Centres de santé scolaire vigies. Elle s’intègre dans le processus de suivi épidémiologique de la santé des jeunes mis en place depuis 1997 dans la province du Hainaut.
L’étude comprenait à la fois des examens de bouche réalisés par des dentistes, et un questionnaire abordant, entre autres, les habitudes en matière d’hygiène dentaire.
Elle a été financée par la Province de Hainaut et a reçu un soutien de la Communauté française pour financer les examens buccaux.
Pour réaliser la recherche, 1248 jeunes (1) ont été interrogés au moyen d’un questionnaire auto-administré et examinés par 5 dentistes, selon le protocole recommandé par l’Organisation mondiale de la santé.

Principaux résultats

Bilan des caries
40% des enfants de 10 à 12 ans sont indemnes de caries, 36% à 13-14 ans et 28% chez les aînés. L’indice CAOF, qui totalise le nombre de faces cariées, obturées ou extraites pour carie, est égal ou supérieur à 5 (seuil de gravité par convention) chez 22% des plus jeunes et chez 23% et 39% des aînés.

Valeur moyenne de l’indice CAOF par groupe d’âge et par sexe

10 – 12 ans 10 – 12 ans 13 – 14 ans 13 – 14 ans 15 à 18 ans 15 à 18 ans
Garçons Filles Garçons Filles Garçons Filles
Nombre de faces cariées 1,31 1,59 1,48 2,19 2,25 1,29
Nombre de faces obturées non cariées 1,21 1,10 1,41 1,81 2,54 2,85
Nombre de faces absentes pour carie 0,00 0,03 0,24 0,21 0,33 0,51
Indice CAOF 2,51 2,72 3,13 4,20 5,11 4,65

Source: Observatoire santé Hainaut – Fondation santé dentaire, 2007

Les enfants dont les parents ne travaillent pas obtiennent des scores moins bons. Il existe un gradient en fonction du type d’emploi des parents. Quel que soit ce dernier, la situation s’aggrave avec l’âge.
Les traumatismes dentaires
10% des jeunes interrogés ont entre une et trois dents traumatisées, principalement les incisives supérieures. Ce problème est précoce et touche surtout les garçons.
Orthodontie
Globalement, 31% des jeunes examinés présentent un problème orthodontique. Il n’y a pas de différence significative entre les filles et les garçons.
Chez les 10-12 ans, déjà 15% des garçons et 25% des filles ont été pris en charge par un orthodontiste. A 13 ans, c’est 30 et 31% et à 16 ans, 32 et 39%.
L’existence des problèmes orthodontiques ne varie pas en fonction de facteurs socio-économiques. Par contre, ces facteurs influencent de façon significative leur prise en charge.
Un ou des scellements dentaires (pose d’un vernis dans les sillons dentaires)
Ils sont présents chez 12% des jeunes.
L’hygiène bucco-dentaire
L’état des gencives et la qualité de l’hygiène dentaire sont très médiocres et s’aggravent avec l’âge.
La consommation de sodas, de snacks sucrés et d’eau
65% des jeunes interrogés consomment quotidiennement des sodas et des snacks sucrés alors qu’ils sont au moins 15% à ne pas boire d’eau chaque jour. Selon leurs déclarations, la suppression des ventes de boissons sucrées à l’école entraînerait une diminution de la consommation de sodas pour 71% des jeunes interrogés, et une augmentation de la consommation d’eau pour 78% d’entre eux.

Discussion

Ces résultats sont comparables à ceux d’études réalisées dans des pays voisins, mais toujours en deçà. Trois aspects sont particulièrement interpellants:
– si les indices carieux moyens peuvent être considérés comme relativement ‘conformes’, on peut s’étonner que certains jeunes présentent une forte accumulation de pathologies carieuses qui aurait dû (et pu) faire l’objet d’une interception bien plus rapide;
– les indices de santé parodontale mesurés dans cette enquête sont déplorables et sont malheureusement confirmés par les indices de plaque bactérienne. Gingivite et tartre sont répandus chez les jeunes, preuve que les gestes réflexes d’une bonne hygiène dentaire ne sont pas acquis;
– c’était attendu: le gradient socio-économique est statistiquement significatif tant pour l’indice CAOF que pour le fait de bénéficier d’un traitement orthodontique.

Perspectives: de l’information aux décisions et à l’action

Communication et discussion des résultats
Cette étude est inédite en Belgique, tant par la rareté des études épidémiologiques dentaires en Communauté française que par la possibilité de croiser les données des examens dentaires avec des informations sur les comportements de santé. La base de données recueillies est extrêmement vaste et le travail d’analyse pourra se poursuivre pour affiner les résultats.
Les résultats de cette étude feront l’objet d’une diffusion large auprès des instances officielles en charge de la santé ainsi qu’auprès du monde politique et auprès de l’ensemble des professionnels de santé qui peuvent jouer un rôle (Commission PSE de la Communauté française, INAMI, médecins, infirmières, etc.).
Prévention primaire
Il apparaît essentiel d’intensifier la promotion de la santé bucco-dentaire en Communauté française. Des comportements de base d’une bonne santé dentaire ne sont pas encore acquis par une large part de la population jeune.
Les problèmes de santé bucco-dentaire les plus graves sont nettement plus fréquents chez les jeunes en situation de précarité. Toutefois, le nombre de caries augmente significativement avec l’âge, quel que soit le groupe socio-économique. Les programmes de prévention et de promotion de la santé bucco-dentaire s’adresseront donc à l’ensemble de la population, mais des approches spécifiques restent indispensables auprès des personnes fragilisées.
Suivi, prise en charge précoce
L’intervention précoce apparaît comme un élément essentiel pour stopper l’évolution chez les jeunes les plus à risque. Depuis le 1er septembre 2005, la gratuité est acquise pour toutes les visites et tous les soins des enfants de moins de 12 ans (exception faite de l’orthodontie). Malgré qu’il n’y ait plus d’obstacle financier aux soins dentaires des enfants, le taux de caries non traitées est élevé et le recours aux soins préventifs reste faible. Deux consultations gratuites par an à visée de bilan sont prévues, mais peu sont effectuées.
Les bonnes pratiques de santé dentaire s’installent dans l’enfance. Les services de promotion de la santé à l’école sont un maillon important de la promotion de la santé des jeunes. Il sera discuté avec eux des moyens de suivi possibles à mettre en oeuvre pour s’assurer que les jeunes soient effectivement pris en charge pour un suivi professionnel, ainsi que pour les soins éventuellement nécessaires.
Il semble pertinent, en médecine scolaire, d’introduire une composante bucco-dentaire dans l’anamnèse remplie par les parents comme une composante à part entière du suivi bucco-dentaire.
Nomenclature INAMI
Les résultats de cette enquête, et notamment la fréquence des maladies parodontales, ont déjà inspiré des propositions de réforme de la nomenclature INAMI. Celles -ci ont été inscrites dans l’Accord dento-mutualiste 2007-2008.
Il a été proposé d’étendre la gratuite des soins pour les enfants jusqu’au 15e anniversaire (12e actuellement). La prise en charge prophylactique sera meilleure pour les jeunes entre 12 et 18 ans (détartrage par exemple). Ces mesures sont encore à concrétiser en 2008.
Dentistes
Les résultats seront présentés aux dentistes, et discutés avec eux. Au-delà du curatif, les besoins en traitements préventifs ne sont pas satisfaits. Les recommandations issues de consensus concernant les indications pour la pose de scellements dentaires et pour des traitements prophylactiques doivent notamment être largement diffusées. Les indications des traitements orthodontiques et le gradient socio-économique de l’application de ces traitements devront être discutés.
Suivi épidémiologique bucco-dentaire au niveau de la population et au niveau individuel
Comme le recommande l’OMS, il semble indispensable d’avoir un suivi au niveau ‘population’ de la prévalence des problèmes de santé bucco-dentaire afin, notamment, de pouvoir évaluer les progrès accomplis collectivement. Au niveau ‘individuel’, la proposition d’un carnet de santé dentaire pourrait prolonger celui proposé par l’ONE (voire s’y intégrer pour les plus jeunes), et permettrait à chacun de connaître son bilan de santé bucco-dentaire et de suivre ses progrès personnels.
D’après un communiqué de presse de l’Observatoire de la santé du Hainaut et de la Fondation pour la santé dentaire
Pour tout renseignement sur l’étude:
– Observatoire de la santé du Hainaut, Véronique Tellier, rue Saint-Antoine 1, 7021 Havré. Tél. 065 87 96 00. Courriel: observatoire.sante@hainaut.be. L’étude complète est téléchargeable sur http://observatoiresante.hainaut.be (rubrique La santé en chiffres, page Les publications);
– Fondation pour la santé dentaire, Sourire pour tous, Michel Devriese, avenue De Fré 191, 1180 Bruxelles. Courriel: info@sourirepourtous.be. Fax: 02 374 32 84. Site: http://www.sourirepourtous.be .

(1) Ils sont issus de 47 écoles et 80 classes de 6e primaire, 2e secondaire et 4e/5e secondaire, provenant des différents réseaux et filières d’enseignement et sont représentatifs de l’ensemble des jeunes du Hainaut.