« Bon pour la santé ». L’argument fait vendre denrées alimentaires et produits sanitaires. Les fabricants en usent et en abusent. Pas toujours à bon droit. Mais les consommateurs se laissent volontiers tenter et parfois abuser. Attention, danger!
«Le yaourt untel combat la paresse intestinale », « La margarine machin diminue le cholestérol », « La ceinture chose permet de mincir sans bouger », « Le produit trucmuche renforce la protection naturelle contre le rhume »…
Les allégations « bonne santé » abondent sur les emballages des denrées alimentaires et des produits sanitaires. Pas sots, les responsables du marketing des grandes entreprises ont très vite saisi tout le profit qu’ils pouvaient tirer des campagnes d’éducation pour la santé s’ils réussissaient à les détourner à leur (plus grand) profit. Et les consommateurs, sensibilisés au lien entre leur alimentation et leur hygiène quotidiennes et leur état de santé, se laissent tenter. Et parfois tromper. Car les arguments utilisés sont parfois douteux. Certains risquent même d’entraîner une consommation inadaptée.
Trois associations de consommateurs belge, française et autrichienne ont tiré le signal d’alarme. Le Bond van grote en van jonge gezinnen (BGJG, homologue néerlandophone de la Ligue des Familles), l’Union féminine civique et sociale et l’Osterreichische Kinderfreunde ont investigué dans leur pays respectif. Elles ont tiré de leurs actions un bilan préoccupant et rédigé des propositions concrètes qu’elles ont soumises aux autorités européennes. Leurs démarches ont reçu l’appui de la Coface (Confédération des organisations familiales de la Communauté européenne) dont toutes trois sont membres.
Allégations fantaisistes
Le message publicitaire qui figurait sur l’emballage de Tropicana Pure Premium a attiré l’attention du BGJG : « Un verre de ce jus chaque matin apporte la dose de vitamine C recommandée par jour, est une bonne source d’acide folique et ne contient pas de matières grasses, peu de sodium et pas de cholestérol»
Evidemment! Aucun jus de fruit ne contient de matières grasses ou de cholestérol… Contactée, l’entreprise a refusé de donner plus de renseignements en se basant sur la confidentialité des informations. Or la loi d’avril 1988 relative à la publicité pour les denrées alimentaires interdit de laisser croire qu’un produit de marque a des propriétés particulières si les produits semblables possèdent les mêmes caractéristiques. Le BGJG a donc soumis le dossier à l’Inspection des denrées alimentaires. Celle-ci a fait savoir à l’association que la firme va changer son message publicitaire.
Plus grave, le cas d’un produit laitier, In’Pulse . Le message publicitaire affirme que les sphingolipides qu’il contient favorisent l’échange cellulaire et facilitent l’élimination des cellules mauvaises. L’allégation sanitaire est claire. Elle suggère qu’une personne menacée par le cancer ou atteinte par la maladie à son premier degré peut contribuer à la combattre en ingérant ce produit. Le Bond contacte l’entreprise qui refuse de répondre à ses questions en se réfugiant elle aussi derrière la confidentialité des informations.
L’association avertit donc l’Inspection des denrées alimentaires en invoquant la loi d’avril 80 qui interdit de suggérer un effet thérapeutique dans la publicité pour denrées alimentaires.
Depuis lors, l’Inspection a averti le BGJG que l’entreprise concernée a décidé de cesser la vente du produit.
Infractions à la législation
Autre cas, autre infraction à la législation: la publicité pour le produit amincissant Diane fat killer . Elle promet aux utilisateurs la perte de deux à quatre kilos par semaine jusqu’à l’obtention du poids idéal et d’une silhouette sexy. Cette fois, le Bond saisit l’Inspection pharmaceutique. En effet, la loi de mars 64 modifiée en octobre 98 interdit de mentionner dans la publicité le nombre de kilos que l’on peut perdre. L’Inspection constate que le produit est bel et bien un médicament, même s’il n’est pas enregistré comme tel en Belgique. Mais l’action est toujours en cours car le nom exact du fabricant et l’adresse de la firme ne sont pas officiellement connus. Seul le numéro d’une boîte postale figure sur l’emballage.
Les associations française et autrichienne ont fait le même genre de constat: allégations fantaisistes voire mensongères et infractions à la législation.
« Grâce à tous ces produits, nous serons en grande forme. Nous recevrons tout ce qui est indispensable pour être en bonne santé et dont, soi-disant, nous manquons , remarque l’Union féminine civique et sociale. Mais comment savoir si nous avons besoin de cette vitamine? Si le fer contenu dans le produit est réellement assimilable par notre organisme? Ces allégations sont sensées nous aider à mieux nous nourrir. En fait, elles risquent de nous embrouiller l’esprit, de nous entraîner vers une alimentation encore plus déséquilibrée et d’aboutir à une augmentation des obésités».
En connaissance de cause
Les trois associations s’opposent donc à de telles allégations si elles ne sont pas associées à un programme d’information sérieux sur la nutrition. Une telle information permettrait aux consommateurs de sélectionner les produits dont ils ont besoin en connaissance de cause. Consommation responsable et éducation pour la santé vont donc de pair, ici, comme souvent.
Le BGJG, l’Union et Kinderfreunde ont formulé des propositions concrètes qu’elles ont soumises à la Commission européenne :
– mise en place d’un règlement précisant les allégations autorisées et interdites en fonction des produits. Ces listes seraient placées sous l’autorité de la future Autorité alimentaire européenne et de l’Agence européenne du médicament (EMEA). Elles seraient mises à jour annuellement et accessibles à tous;
– création d’un sigle officiel européen certifiant la véracité des allégations, la conformité du produit et le lien entre l’allégation et le produit fini. Ce sigle serait suivi d’un numéro d’identification. Il serait obligatoire pour toute nouvelle allégation;
– création par les Etats membres d’une instance chargée de délivrer ce sigle. Elle serait composée de scientifiques (médecins, nutritionnistes, pharmaciens, toxicologues…), de juristes, de sociologues et de spécialistes du marketing ainsi que de représentants des associations de consommateurs.
Anne-Marie Pirard Renseignements: Coface, rue de Londres 17, 1050 Bruxelles. Tél. : 02 – 511 41 79. Fax : 02 – 514 47 73.
Résister à la surconsommation
«Les industries agroalimentaires et les laboratoires qui, par ailleurs, font des recherches sérieuses en nutrition, se sont lancés dans une surenchère publicitaire» remarque l’Union féminine civique et sociale, membre de la Coface. Ce matraquage revêt les formes les plus diverses. Souvent, les entreprises utilisent des arguments pseudo-scientifiques et plus ou moins fallacieux (voir ci-contre). Parfois aussi, elles se servent des découvertes réellement scientifiques des recherches de pointe qu’elles financent pour manipuler l’opinion.
Le matériel « éducatif » réalisé par certaines grandes entreprises est une forme de publicité indirecte particulièrement prisée par les entreprises pour se donner une image de qualité et de sérieux. Et en faire retomber le bénéfice sur les produits qu’elles commercialisent…
Mars incorporated est l’un des maîtres de cette technique. La firme dont le slogan publicitaire combat « le coup de barre » associe intelligemment son label avec l’univers du sport prisé par ceux qui le pratiquent et, peut être plus encore, par ceux qui le regardent! Elle a édité divers brochures et dépliants sur ce thème porteur: « Sport et nutrition », « Athlétisme: bien manger pour gagner », « Cyclisme: bien manger pour mieux rouler », « Chocolat : vrai ou faux ? »…
Tous sont cautionnés par des scientifiques et de qualité irréprochable.
Comme sont irréprochables, à en croire la marque, les ingrédients sélectionnés pour la fabrication des fameuses barres chocolatées. Pour autant, en manger dix par jour n’est pas conseillé pour devenir sportif de haut niveau…
Explicite ou insidieuse, la publicité envahit tous les domaines et incite à la surconsommation. Le réseau Eco-consommation rappelle qu’il est possible de résister à ce raz-de-marée et de s’orienter vers des achats plus sains et plus durables. Différents outils peuvent être utilisés dans ce but: des autocollants qui refusent la publicité dans les boîtes aux lettres aux plaintes envoyées au Jury d’éthique publicitaire ou au Conseil supérieur de l’audiovisuel en passant par la liste Robinson qui permet de ne plus recevoir de courrier personnalisé, de fax ou d’appels téléphoniques à finalité commerciale.
Renseignements : Permanence du Réseau Eco-consommation. Tél. : 071 – 300 301 de 9h30 à 12h30 et de 13h30 à 16h30. Site web : http://www.ecoconso.org