Mai 2003 Par S. BOURGUIGNON Lu pour vous

Pour la deuxième fois, l’Institut scientifique de la santé publique publie la synthèse de l’Enquête sur la santé en Belgique. Réalisée par interview en 2001, elle présente un aperçu global de l’état de santé et des comportements de l’ensemble de la population. De plus, la répétition de ce type d’enquête (la première date de 1997) permet d’étudier l’évolution des problématiques au cours du temps.
Voici dans les grandes lignes ce qu’elle nous apprend.
Comme le soulignent les auteurs, les résultats d’une telle enquête doivent être interprétés avec prudence notamment parce qu’elle se base sur des informations de caractère subjectif (les interviewés disent ce qu’ils veulent bien et n’ont pas toujours une image correcte de leur état de santé) mais aussi parce que la représentativité d’un échantillon n’est jamais parfaite. Pour cette enquête, ce sont 12.111 personnes qui ont été interviewées à domicile. Ces personnes ont été choisies au hasard sans tenir compte de leur nationalité ou de leur groupe d’âge. Bien que les résultats présentés n’aient qu’une valeur d’estimation, ils donnent néanmoins une bonne image de la santé de la population.
L’enquête, basée sur les principaux objectifs de santé publique ainsi que sur les recommandations internationales en matière d’information sanitaire, aborde 5 grands thèmes: l’état de santé de la population, les styles de vie et les comportements, les mesures préventives, la consommation de soins ainsi que la santé et la société.

Etat de santé

Ce chapitre se focalise sur les problèmes de santé physique (maladies chroniques et affections aiguës) et mentale (mal-être, maladies mentales). Il aborde également la santé subjective, c’est-à-dire l’appréciation que se font les individus de leur propre état de santé. Cette appréciation permet d’évaluer les progrès en matière de santé et de donner une bonne idée de l’état de santé réel de la population. On y lit par exemple que près d’un quart de la population belge (23%) n’est pas satisfait de son état de santé.
Ce chapitre nous apprend aussi que les publics les moins ‘scolarisés’ déclarent plus souvent une mauvaise santé, présentent en moyenne plus de maladies chroniques, souffrent plus souvent de pathologies multiples et de troubles de la santé mentale. C’est également dans ce public que l’on retrouve le plus d’affections de longue durée, de limitations ou d’incapacités de travail.

Styles de vie

Ce chapitre fait le bilan des habitudes et des modes de vie qui ont une influence sur la santé, l’espérance et la qualité de vie. L’enquête pointe plus précisément quatre comportements révélateurs: l’activité physique, les habitudes alimentaires, la consommation d’alcool et de tabac.
D’autres thèmes tels que la consommation de drogues, l’utilisation de méthodes de planning familial et la protection de maladies sexuellement transmissibles sont abordés de manière moins détaillée.
On voit ainsi que 33% de la population pratique au moins une fois par semaine une activité physique de loisir suffisamment importante pour transpirer et que 46 % des gens courent un risque par manque d’activité physique. On note ici aussi que le pourcentage de personnes qui pratiquent une activité physique de loisir augmente avec le niveau d’instruction. Autre enseignement: les femmes pratiquent moins d’activité physique que les hommes.
La nutrition a un impact important sur la santé. L’enquête s’est attachée à récolter quelques informations sur les habitudes alimentaires, l’état nutritionnel des personnes et leurs préoccupations pour leur poids. On apprend que 78% de la population prend ses repas de manière régulière, que 45% présente une surcharge pondérale (ICM de 25 à 29.9); l’ICM est l’indice de masse corporelle qui rend compte du rapport entre la taille et le poids de l’individu ), que 12% souffre d’obésité (ICM de 30 et +) et que 24% désire maigrir.
Concernant la consommation d’alcool , elle est considérée comme abusive si elle s’élève à 6 verres d’alcool ou plus le même jour. En vrac: 20% de la population de 15 ans ou plus consomme au moins une fois par mois 6 verres d’alcool ou plus le même jour, 29% consomme de l’alcool pendant les jours de la semaine, 57% pendant le week-end, 9% en consomme quotidiennement et 6% sont dépendants.
Le tabagisme représente un facteur de risque critique en termes de morbidité et de mortalité. En Belgique, on estime que le tabac est responsable de 20% des décès liés à la maladie. La diminution de la consommation de tabac est par conséquent une priorité de premier plan en santé publique. On compte chez nous 28% de fumeurs et 10% de grands fumeurs (20 cigarettes ou plus par jour). Les hommes sont plus nombreux à fumer (34%) que les femmes (24%). Ils sont également plus nombreux à avoir fumé dans le passé et ils ont aussi commencé à fumer plus tôt. 25% de fumeurs, hommes et femmes confondus, fumaient déjà avant l’âge de 15 ans. L’âge et le niveau socio-économique favorisent l’arrêt du tabac. La comparaison avec l’étude de 1997 suggère qu’il y a une diminution du tabagisme chez les hommes et une légère augmentation chez les femmes, surtout les jeunes (excepté en Région bruxelloise).
Quant à l’usage de drogues : 9% de la population de 15 ans ou plus a déjà consommé au moins une fois du cannabis et quasiment 2% a essayé au moins une fois de l’ecstasy, du speed et/ou des amphétamines. Environ 2% de la population a consommé du cannabis au cours du dernier mois.
Au sujet de la sexualité , on apprend également que 75% des femmes de 15 à 49 ans sexuellement actives utilisent une méthode de contraception. L’utilisation d’une méthode de contraception semble augmenter avec le niveau d’instruction mais la différence n’est pas importante (sauf en Région wallonne).

Mesures préventives

La troisième partie consacrée à la prévention, traite de la vaccination contre le tétanos, la grippe et l’hépatite B (des enfants et des adultes), de la prévention des maladies cardiovasculaires qui représente la première cause de mortalité chez nous, des dépistages du diabète et de certains types de cancers.
Pour le tétanos , 68% de la population est en ordre de vaccination.
Une personne sur quatre est vaccinée contre l’hépatite B . Pour ce vaccin, les taux sont encourageants car le programme ne date que de quelques années, ce qui laisse présager une diminution des cas dans un avenir proche.
Concernant la vaccination contre la grippe , on note que 20% de la population (15 ans et plus) a été vaccinée au cours des 12 derniers mois.
Au sujet du dépistage de l’hypertension et de l’hypercholestérolémie , facteurs de risques dans les maladies cardio-vasculaires, 92% des personnes âgées de 15 ans et plus ont bénéficié d’un contrôle de leur tension artérielle au cours des 5 dernières années et 77% au cours des 12 derniers mois. 50% des 75 ans et plus ont appris avoir un taux trop élevé. Il apparaît que ce problème touche davantage les couches de la population les moins scolarisées.
Pour le cholestérol, 63% des 15 ans et plus disent avoir été contrôlés au cours des 5 dernières années et 43% au cours de l’année écoulée. Le taux de couverture augmente avec l’âge. Ce dépistage est passé de 56% en 97 à 63% en 2001. 36% des 15 ans et plus ont un taux trop élevé.
La couverture du dépistage du diabète est de 47% chez les 15 ans et plus. Elle augmente avec l’âge. 13% des personnes dépistées ont un taux de glycémie trop élevé. Un résultat qui inquiète. Ici encore, ce problème touche davantage les personnes moins instruites.
Au sujet du cancer du sein (cancer le plus fréquent chez la femme): 37% des 15 ans et plus ont pratiqué l’auto-examen du sein au cours du dernier mois. La pratique augmente avec l’âge. 40% des femmes ont eu un examen clinique au cours de la dernière année. Cette pratique semble avoir diminué par rapport à 1997 où 53% des femmes avaient eu recours à cet examen au cours de la dernière année. 30% des femmes de 15 ans et plus déclarent avoir subi une mammographie au cours des 2 dernières années. Ce taux atteint 40% chez les 40-49 ans et 57% chez les 50-69 ans. Les femmes moins scolarisées sont moins bien couvertes. On note des disparités régionales du taux de mammographie chez les 50-69 ans: 72% à Bruxelles, 59% en Wallonie et 53% en Flandre. L’enquête montre que le médecin généraliste pourrait davantage motiver les femmes à passer une mammographie surtout dans les milieux défavorisés et parmi les étrangers.
Le cancer du col de l’utérus occupe la 5e place parmi les cancers chez la femme. Le frottis du col est un test de dépistage efficace. La population cible sont les femmes entre 25 et 64 ans. La fréquence proposée est d’un test tous les trois ans. En Belgique, 70% des 25-64 ans déclarent avoir eu un frottis, c’est plus que le taux de dépistage du cancer du sein. 16% ont reçu une invitation au cours des 3 dernières années pour le passer. Les femmes socio-économiquement défavorisées et les étrangères sont moins dépistées.

Consommation de soins et médicaments

Ce chapitre permet d’évaluer l’utilisation des services de santé spécifiques et de collecter des informations sur les personnes qui ne les utilisent pas. Ces informations sont utiles aux responsables des politiques de santé et aident à mieux orienter les campagnes de promotion de la santé et également diminuer la surconsommation médicale.
La grande majorité (94%) de la population a un médecin généraliste . 81% a eu un contact avec lui au cours des 12 derniers mois. Le nombre moyen de contacts par personne et par an est de 6,5. Les personnes défavorisées contactent plus souvent leur médecin (ils sont aussi plus souvent malades). A noter: les habitants de Bruxelles vont moins facilement chez le généraliste que ceux des autres grandes villes du pays. Dans 10% des cas, le généraliste envoie son patient chez un autre dispensateur de soins que ce soit pour traitement, avis ou examen complémentaire.
Par rapport aux médecins spécialistes , 50% de la population a eu au moins un contact avec un spécialiste au cours de l’année écoulée. Le nombre de contacts avec un spécialiste est de 3,2 par personne et par an. Les femmes les visitent davantage que les hommes. Sept contacts sur dix chez le spécialiste sont des examens de contrôle.
Le tableau récapitulatif concernant la fréquentation du service d’urgences montre que 12% de la population y a été au cours de l’année écoulée, que 73% des contacts avec ces services se sont faits sans indication d’un médecin et que 56% de ces contacts ont lieu en semaine pendant la journée.
Les données concernant les contacts avec les dentistes constituent une information importante pour les responsables politiques car il est difficile de faire une estimation des moyens nécessaires pour les soins dentaires en Belgique.
On note que 83% de la population possède encore sa dentition. Un pourcentage qui baisse en fonction de l’âge jusqu’à 45% chez les 75 ans et plus. Plus bas est le niveau d’étude, plus le pourcentage de personnes sans leur dentition est élevé. Le pourcentage de personnes ayant leur dentition complète a baissé par rapport à 1997.
49% de la population dit avoir consulté un dentiste au cours de l’année. 8% n’ont jamais été chez le dentiste. 15% des 6-12 ans ont consulté.
Le nombre moyen de consultation chez le dentiste par an et par personne est de 2,1.
Les personnes appartenant aux milieux plus instruits sont plus nombreuses à avoir vu leur dentiste au cours des 12 derniers mois. Toutefois, le nombre moyen de consultations chez le dentiste par an ne varie pas en fonction du niveau d’instruction.
Les gens ont davantage consulté un dentiste en Région flamande que dans les 2 autres régions. Enfin, on n’observe pas de différence dans l’utilisation des soins dentaires entre 1997 et 2001.
Concernant les contacts avec les services paramédicaux (on parle ici de l’infirmier à domicile, du kinésithérapeute, du diététicien, du logopède, de l’ergothérapeute et du psychologue): 13% de la population dit avoir eu au moins un contact avec un kiné, 6% avec un infirmier à domicile et 2% avec un psychologue.
Les groupes de population qui font appel aux différents services paramédicaux peuvent être bien cernés en fonction de l’âge. Les 75 ans et plus font plus souvent appel aux soins infirmiers à domicile. Les jeunes femmes ont plus souvent recours aux services de psychologues et de diététicien. Les enfants et les adolescents sollicitent davantage les logopèdes. Le recours à l’ergothérapeute n’est pas différencié selon l’âge ou le sexe des personnes demandeuses.
On n’observe pas de barrière socio-économique importante au regard des contacts avec les différents professionnels paramédicaux. Au contraire, les personnes issues des milieux moins éduqués ont plus souvent recours aux soins à domicile que les personnes des milieux plus favorisés. Ce qui s’explique en partie par le fait qu’ils ont une moins bonne santé.
Les hôpitaux constituent une partie essentielle de notre système de santé. Le secteur hospitalier représente aussi une partie importante des dépenses de santé. Les informations récoltées à ce sujet sont donc précieuses.
En Belgique, 14% de la population déclare avoir été hospitalisée au cours de l’année écoulée (accouchements non compris). Sur base des données de l’Enquête, on estime le nombre moyen d’hospitalisations à 17 pour 100 personnes par année.
Parmi les admissions, 28% sont des hospitalisations de jour. La durée moyenne d’une hospitalisation classique est de 8 nuits. Dans 56% des cas, l’hospitalisation est due à une intervention chirurgicale. Les principales causes d’hospitalisation sont: les problèmes respiratoires, digestifs et auditifs chez les 0-14 ans, les problèmes locomoteurs chez les 15-64 ans et les 65 ans et plus, les problèmes cardiaques et vasculaires chez les hommes de 65 ans et plus.
La durée de l’hospitalisation augmente à mesure que le niveau d’éducation diminue. Globalement, le nombre d’admissions n’a pas augmenté en 2001 par rapport à 1997. On observe que le taux d’hospitalisations de jour est passé de 20% en 1997 à 28% en 2001. Cette augmentation se situe presque exclusivement dans les régions bruxelloise et wallonne qui ont ainsi rattrapé les taux déjà constatés en Région flamande.
Les données sur la consommation de médicaments sont importantes car elles permettent d’assurer la qualité de leur utilisation.
Environ la moitié de la population dit avoir consommé un médicament sur prescription du médecin aux cours des deux dernières semaines. Les femmes consomment plus souvent ce genre de médicaments que les hommes. Chez les enfants, il s’agit surtout de médicaments contre la toux, les refroidissements, la grippe et les maux de gorge.
Les personnes ayant un statut socio-économique plus élevé utilisent moins de médicaments soumis à une prescription. Ce qui peut s’expliquer par leur meilleur état de santé par rapport au public moins favorisé.
Chez les 45-64 ans, les Beta-bloquants sont les médicaments les plus utilisés. On note aussi une consommation importante de médicaments hypolipémiants, de psychotropes (surtout des benzodiazépines), d’anti-inflammatoires, de produits anti-rhumatismaux et de psychoanaleptiques (surtout des antidépresseurs).
28% de la population dit avoir consommé un médicament de comptoir (sans prescription) au cours des deux dernières semaines. Les femmes en consomment davantage que les hommes. Chez les enfants, il s’agit surtout de médicaments contre la toux, les refroidissements, la grippe et les maux de gorge. Chez les adultes, il s’agit surtout d’anti-douleurs et de médicaments contre la fièvre.
Les personnes de milieux socio-économiques favorisés en consomment davantage. La consommation de médicaments de comptoir semble avoir diminué par rapport à 1997 (mais pas en Région wallonne), surtout dans les produits contre la toux, les refroidissements, la grippe et les maux de gorge.
La qualité de soins dépend en grande partie de facteurs relatifs aux patients, à leur comportement et à leur fidélité. La satisfaction du patient en est donc un aspect crucial. Les patients ont souvent d’autres attentes, souhaits, priorités que les professionnels de la santé. Pour une organisation des soins efficace, il est important de pouvoir s’en rendre compte. Cinq aspects spécifiques ont été approfondis pour rendre compte de la satisfaction du patient:
– l’écoute du patient;
– le soulagement rapide des symptômes;
– l’information fournie sur la maladie ou les symptômes;
– l’information fournie quant au renvoi chez un spécialiste ou une admission à l’hôpital;
– la durée d’attente dans la salle d’attente.
La grande majorité de la population est satisfaite des soins dispensés par les médecins généralistes et spécialistes. Environ la moitié de la population est très satisfaite pour les 5 aspects étudiés. L’aspect le moins apprécié concerne le temps d’attente.
La satisfaction des soins varie avec l’âge et le niveau d’éducation: les personnes plus instruites se montrent plus critiques par rapport aux soins donnés.
Pour 63% des hospitalisations, les patients se disent très satisfaits des soins donnés.
Les thérapies non conventionnelles font référence à l’ensemble des pratiques qui n’appartiennent pas au domaine des sciences médicales et qui offrent des soins ‘alternatifs’ Les patients qui y ont recours le font par curiosité et/ou parce qu’ils sont mécontents du traitement reçu en médecine traditionnelle. Les thérapies non conventionnelles peuvent compléter une thérapie conventionnelle ou la remplacer. En Belgique, ces thérapies deviennent de plus en plus populaires même si leur efficacité et pertinence ne sont pas prouvées. En 1997, 8% de la population avait fait appel à une des thérapies non conventionnelles. En 2001, ce chiffre est passé à 11% (surtout au bénéfice de l’homéopathie, l’ostéopathie-chiropraxie). Les femmes ont davantage recours aux thérapies non conventionnelles que les hommes. Ces thérapies sont plus populaires auprès des 35-44 ans que dans les classes d’âge plus avancées. Les personnes plus ‘instruites’ y ont plus recours que celles de milieux moins favorisés.

Santé et société

La santé est un phénomène social. La maladie et la santé s’inscrivent dans une société déterminée et nouent des relations étroites avec une série d’autres dimensions de cette société. L’enquête aborde 6 domaines particuliers:
– l’accès aux soins de santé;
– les différences socio-économiques en matière de santé;
– la santé et l’environnement;
– les accidents, la violence et la sécurité routière;
– la consommation de services préventifs de santé et de soins sociaux;
– enfin, la santé sociale.
Au travers de ces six domaines, l’enquête s’attache à faire ressortir l’aspect sociétal des problèmes de santé publique.
L’accès aux soins de santé : les dépenses en matière de santé constituent un poste fixe dans le budget d’un ménage. En Belgique, une famille consacre en moyenne 110 euros par mois, soit 8% de ses revenus pour des dépenses de soins comme des honoraires de médecin, des médicaments, des hospitalisations… Cette dépense augmente avec l’âge par rapport au budget global. Elle est aussi proportionnellement plus élevée au sein des ménages appartenant aux classes sociales défavorisées.
Par rapport à 1997, les dépenses ont augmenté en chiffres absolus (97 euros par mois en 97 et 110 euros par mois en 2001). Elles n’ont par contre pas augmenté lorsqu’on évalue la proportion des dépenses pour des soins de santé par rapport au budget global du ménage.
29% des ménages estiment que ces dépenses sont (très) difficiles à supporter sur le plan financier. Le problème est encore plus marqué dans les ménages défavorisés.
Différences socio-économiques en matière de santé : le niveau d’instruction a été utilisé comme indicateur socio-économique. Sur cette base, on observe des inégalités sociales dans divers domaines de la santé.
L’état de santé : les personnes issues de milieux socio-économiques défavorisés déclarent plus souvent que leur état de santé général n’est pas satisfaisant. Elles souffrent davantage de maladies chroniques (notamment d’hypertension, affections persistantes du dos), de limitations de longue durée ou d’un handicap. Les incapacités temporaires sont plus fréquentes. Elles ont également plus de problèmes de santé mentale. Les résultats de l’enquête mettent clairement en évidence un lien entre l’état de santé des individus et leurs caractéristiques socio-économiques.
Styles de vie : la proportion de personnes qui exercent une activité physique de loisir augmente avec le niveau d’instruction. Le gradient tend à s’inverser si l’on tient compte également des activités physiques accomplies durant la journée dans le cadre professionnel ou durant les activités de la journée.
L’obésité est nettement plus présente dans les classes défavorisées. Les habitudes alimentaires sont moins bonnes dans ce milieu et le nombre de fumeurs y est plus important. Par contre, concernant la consommation d’alcool et de drogues illégales, le gradient social est inversé.
Globalement, on peut dire que les personnes issues de classes sociales défavorisées tendent à adopter des comportements néfastes pour leur santé. Les groupes les plus favorisés sont toutefois plus vulnérables en ce qui concerne la consommation d’alcool et de drogues illégales. Il est donc indispensable de bien cibler les efforts de prévention et/ou les campagnes de promotion de la santé.
Prévention : la couverture vaccinale contre le tétanos et l’hépatite B est moins bonne dans les groupes défavorisés. Pour le vaccin contre la grippe, on n’observe pas ce genre de différence.
Le dépistage de l’hypertension, le contrôle du niveau de cholestérol et le dépistage du diabète ne varient pas au regard du milieu social.
La couverture en matière de dépistage du cancer du sein et du cancer du col de l’utérus est moins bonne parmi les femmes des groupes défavorisés.
En matière de médecine préventive, les inégalités sociales sont plus mitigées: une attention particulière devrait être accordée à la vaccination et au dépistage du cancer dans les milieux socio-économiques défavorisés.
Consommation de soins : les personnes moins favorisées consultent davantage leur médecin généraliste (leur état de santé est moins bon) et les personnes plus favorisées consultent davantage les spécialistes et les dentistes. par les différents milieux.
Le nombre et la durée des hospitalisations sont plus importants dans les groupes défavorisés.
Ces groupes défavorisés consomment aussi davantage de médicaments prescrits. Un phénomène qui s’inverse concernant la consommation de médicaments en vente libre.
Enfin, les personnes défavorisées consultent moins les praticiens de thérapies non conventionnelles.
Santé et société : généralement, un niveau d’éducation plus élevé se traduit par une meilleure intégration sociale, un meilleur support de l’entourage et une plus grande satisfaction à l’égard des rapports sociaux.
Les personnes des couches sociales favorisées déclarent plus souvent avoir été victimes de violence que les autres.
Les personnes des milieux défavorisés sont plus nombreuses à ne pas attacher leur ceinture de sécurité en voiture et sont moins bien au courant de la limite légale d’alcoolémie autorisée au volant.
Le module consacré à la santé et à l’environnement aborde la question de la qualité de l’environnement physique sur le lieu d’habitation. Les informations recueillies concernent le niveau de nuisance dû aux facteurs d’environnement, les effets du bruit sur la qualité de vie et les actions entreprises pour contrer ces effets.
En Belgique, un ménage sur 5 se dit gêné par des facteurs environnementaux sur son lieu d’habitation (odeurs, immondices, humidité, moisissure, bruits…).
Les accidents, la sécurité routière et la violence sont traités dans un module s’intéressant au problème général des traumatismes: accidents, morsures de chien, actes de violence verbale, physiques ou vols. Les mesures de prévention en matière de sécurité routière sont également abordées.
En Belgique, 9% de la population a été victime d’un accident sérieux au cours de l’année écoulée: 37% d’accidents domestiques, 27% d’accidents au travail ou à l’école, 20% d’accidents de sport et 17% d’accidents de circulation. Généralement, les accidents sérieux impliquent plus fréquemment les hommes que les femmes. Ces dernières rapportent plutôt des accidents domestiques et de voiture alors que les hommes ont plutôt des accidents au travail/école et lors de leurs activités sportives.
La gravité des accidents diminue avec l’âge. Les personnes âgées ont plus d’accidents domestiques. Les accidents de la route sont plus souvent rapportés en Région flamande.
15% de la population déclare avoir subi des actes de violence (surtout verbale, et dans une moindre mesure physique et/ou vols). La violence touche davantage les jeunes. Les violences verbales et physiques prédominent chez les 15-24 ans et diminuent avec l’âge tandis que les vols et cambriolages augmentent avec l’âge.
En matière de sécurité routière, 28% de la population déclare ne pas mettre systématiquement sa ceinture de sécurité à l’avant de la voiture et 65% à l’arrière. 23% ne connaît pas la limite d’alcoolémie autorisée.
La santé sociale est mesurée au travers de l’intégration sociale des individus dans un réseau de relations et du support social dont ils peuvent bénéficier de leur entourage.
En Belgique, 71% des personnes sont satisfaites de leurs contacts sociaux et 7% ont peu de contacts avec leur famille, leurs amis ou connaissances (soit moins souvent qu’une fois par semaine).
16% ont un réseau de relations restreint (de 0 à 3 personnes) alors que la taille moyenne du réseau relationnel est de 9 personnes, 13% reçoivent peu d’aide concrète de leur entourage et 9% des personnes ne bénéficient pas de soutien (pour besoins émotionnels, affectifs, récréatifs, d’information…) de leur entourage.
Les différents aspects de la santé sociale sont jugés satisfaisants chez les 15-34 ans mais déclinent après cet âge. On remarque les hommes de 45 à 64 ans sont moins susceptibles de recevoir une aide concrète de leur entourage.
Généralement, les personnes au niveau d’instruction plus élevé ont une meilleure intégration sociale, un support de l’entourage de meilleure qualité et une plus grande satisfaction à l’égard des contacts sociaux.
Le dernier point a trait aux services sociaux et préventifs . Si on s’intéresse aux populations cibles et aux objectifs spécifiques des différents services de santé sociale et préventive, on observe que l’utilisation de ces derniers est assez faible. Sur 12 services étudiés, seuls 5 sont effectivement contactés par plus d’1% de la population: les services de médecine du travail (15%), la médecine scolaire (13%), l’ONE et Kind en Gezin (5%), les services d’aide à domicile (3% pour la population générale et 28% chez les 75 ans et plus) et les CPAS (2%).

Notre avis:

Cette enquête fournit des informations précieuses qui permettront sans doute aux décideurs politiques mais aussi à tous les intervenants du secteur de la santé et de la promotion de la santé de mieux cibler leurs actions et, on l’espère, de mettre la priorité sur les défavorisés, ‘grands insatisfaits de leur état de santé’, celles et ceux qui, chez nous, souffrent socialement, économiquement, moralement et physiquement davantage que les autres. La santé pour tous reste encore et toujours un des grands défis à relever ensemble!
Sylvie Bourguignon
d’après la synthèse ‘Enquête de santé par interview, Belgique 2001’ de l’Institut scientifique de la santé publique
Enquête de santé par interview Belgique 2001, IPH/EPI REPORTS 2002 – 25. ISP, rue J. Wytsman 14, 1050 Bruxelles. Tél.: 02-642 57 94. Courriel: his@iph.fogv.be. Internet: http://www.iph.figov.be/epidemio/epifr/index4.htm

Exploitation des données de l’enquête

Il est loisible d’obtenir pas mal d’informations en faisant appel au site internet, qui contient le résumé mais aussi des rapports plus complets par chapitre de l’enquête.
Il offre aussi la possibilité d’extraire des données de la base sous forme de tableaux et de graphiques. C’est relativement simple: il suffit de choisir un sujet dans une liste, et ensuite de sélectionner trois paramètres maximum parmi six possibilités (sexe – âge ou groupe d’âge – diplôme – région – province – niveau d’urbanisation). On peut obtenir les résultats pour 1997 et 2001.
Par exemple, vous découvrirez que 52,4% des personnes âgées de 65 à 74 ans déclarent s’être fait vacciner contre la grippe en 2001, pour 46,2% quatre ans plus tôt, le même tableau vous précisant en plus les pourcentages par sexe et région.
Pas mal! Notez que l’ISP décline toute responsabilité par rapport aux conclusions que vous tirerez de vos requêtes…
L’ISP va plus loin puisqu’il est à même de fournir la base sur cédérom pour une meilleure exploitation des informations qu’elle contient.
Cette fourniture est soumise à certaines conditions. Elle est gratuite pour les administrations, coûte 1500 € pour les universités et minimum 5000 € pour les autres instituts de recherche.
C.D.B.
Renseignements: Lydia Gisle, ISP, section épidémiologie, rue J Wytsman 14, 1050 Bruxelles. Tél.: 02-642 57 53. Fax: 02-642 54 10. Courriel: lydia.gisle@iph.fgov.be.