Depuis la découverte de la pénicilline, l’incidence de la syphilis a fortement diminué, mais malheureusement cela n’a pas été le cas en Afrique. Dans une étude récente, le professeur Chris Kenyon, chercheur à l’Institut de Médecine Tropicale (IMT) décrit comment la syphilis a évolué à des vitesses différentes.
La pénicilline élimine la syphilis précoce, mais pas au même rythme partout dans le monde. On compte 12 pays où plus de 5% des femmes enceintes sont encore touchées par la syphilis. À l’exception des îles Salomon et de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, tous sont localisés au sud du Sahara. Le Libéria (11,8%), le Malawi (10,1%) et la Somalie (8,7%) constituent le top 3 de cette triste liste. Le professeur Chris Kenyon et ses collègues de l’IMT se sont demandés pourquoi et ont réfléchi sur la façon dont la syphilis a évolué au fil des années. Dans son étude, publiée dans la revue PLOS Neglected Tropical Diseases, le 11 mai dernier, il reconstitue l’histoire de cette maladie. Il note que la prévalence mondiale a chuté depuis l’introduction de la pénicilline après la Seconde guerre mondiale. Toutefois, les chercheurs ont enregistré plus de cas en Afrique subsaharienne qu’ailleurs.
6% des femmes enceintes atteintes par la syphilis en Afrique australe
Le Pr. Kenyon a basé sa recherche sur des données issues des tests pratiqués en routine chez les femmes enceintes depuis 1918. Ces données sont davantage représentatives des maladies sexuellement transmissibles au sein de la population d’adultes sexuellement actifs comparés aux taux de détection globaux, dans lesquels les groupes à haut risque sont souvent surreprésentés. Dans la plupart des pays étudiés, le nombre de femmes enceintes atteintes de syphilis avait déjà baissé à moins de 1% avant même l’avènement de la pénicilline. Par contre, en Afrique australe et orientale, la prévalence s’élève toujours à environ 6%, plusieurs dizaines d’années après l’introduction de cet antibiotique.
Les réseaux sexuels favorisent les maladies sexuellement transmissibles (MST) jusqu’à ce que le sida y mette fin
Le Pr. Kenyon suggère que la prévalence de la syphilis a chuté de manière dramatique surtout dans les années 1990 à 1999 et en 2008 en parallèle avec l’épidémie de sida. Cela peut s’expliquer en partie par l’approche systématique de la gestion des MST et par les changements dans le comportement sexuel, mais aussi par le fait que de nombreux réseaux sexuels ont disparu suite au nombre important de personnes décimées par le virus du sida. Néanmoins, le nombre de femmes enceintes atteintes par la syphilis durant cette période est resté nettement plus élevé en Afrique subsaharienne.
Aucune autre association n’a été trouvée – la région géographique prévaut
Les scientifiques ont également cherché à savoir s’il y avait des liens entre la prévalence et les facteurs favorisant la syphilis, tels que l’accès à la détection et à un traitement efficace, les dépenses pour les soins de santé et le produit intérieur brut par habitant. Ils n’ont pas pu trouver de tels liens. La seule corrélation claire est avec la région géographique: l’Afrique subsaharienne.
La syphilis, le HSV-2 et le VIH
D’autres recherches du Pr. Kenyon et de ses collègues ont montré une forte corrélation entre la syphilis, le virus de l’herpès simplex de type 2 et le VIH. La fréquence de la syphilis et de l’herpes avant l’avènement de l’épidémie de VIH ont d’ailleurs pu prédire la sévérité de l’épidémie de sida.
«Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour diminuer le problème de la syphilis, de l’herpès et du VIH en Afrique subsaharienne. Ces recherches devront se concentrer sur les facteurs de risque communs qui favorisent la dissémination de ces trois maladies sexuellement transmissibles. Les réseaux sexuels y jouent probablement un rôle» pense le professeur Kenyon.
La syphilis en Europe
D’après le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies infectieuses, la syphilis progresse partout en Europe, y compris en Belgique. Cette augmentation s’observe surtout chez les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes. En Belgique, 1234 cas ont été rapportés en 2014, comparé à 1030 en 2013 en 778 en 2012. A titre de comparaison, alors que la Belgique rapporte 1238 cas pour une population totale d’environ 11.2 millions d’habitants, certains pays d’Afrique subsaharienne ont rapporté plus de 5 cas par 100 habitants.
«Ici en Belgique nous constatons moins de craintes vis-à-vis du VIH et plus de comportements sexuels à risque, en particulier chez les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes. Un programme performant de détection des nouveaux cas peut avoir eu un impact sur les statistiques de syphilis. Néanmoins le message reste que les relations sexuelles doivent être pratiquées à moindre risque» pense Kenyon.
La syphilis
La syphilis est une infection sexuellement transmissible très contagieuse, causée par la bactérie Treponema pallidum. Elle peut être traitée de manière efficace avec la pénicilline. Sans antibiotique, cette maladie produit des complications dangereuses. Le premier signe de la syphilis est souvent un ulcère indolore. On ne le remarque pas toujours s’il se retrouve au niveau du vagin, de l’anus ou de la gorge,. Dans une phase ultérieure, les bactéries se diffusent dans le sang, ce qui se qui se traduit par une éruption cutanée et des symptômes tels que de la fièvre, des maux de tête, des douleurs osseuses, une inflammation des ganglions lymphatiques et la perte de cheveux. Après plusieurs années la syphilis peut atteindre le cœur ou le système nerveux central. Heureusement en Belgique, on arrive rarement au stade où les dommages sont irréversibles.