Les relations sexuelles, la contraception, l’hygiène, le regard des autres… Voilà des thématiques pas toujours faciles à aborder avec les jeunes pour les professionnels de la santé que nous sommes. Elles le sont tout autant lorsqu’il s’agit d’en parler avec de jeunes MENA (1), qui ont (déjà) une expérience de vie particulière. Avec leur nouvel outil «Le corps, c’est aussi…», c’est le pari qu’ont fait le CLPS de Namur, l’asbl Cultures & Santé, le Centre El Paso de Gembloux et le centre Fedasil de Florennes. «Le corps c’est aussi…» a vu le jour suite à la demande de professionnels travaillant en contact avec les MENA. Ils cherchaient un support pour aborder avec eux des thématiques évoquant des représentations trouvant profusion de réponses normatives (vie affective et sexuelle, liens mère/enfant, excision, contraception, hygiène…). Ils souhaitaient disposer d’outils pédagogiques pouvant les soutenir dans leurs pratiques professionnelles. C’est très logiquement qu’ils ont interpellé le CLPS de Namur pour initier cette démarche. Celui-ci s’est associé à l’asbl Cultures & Santé pour lancer le projet de construction d’un outil pédagogique, en partenariat avec le Centre El Paso de Gembloux et le Centre Fedasil de Florennes. Cet outil pédagogique constitué au départ d’une affiche a rapidement été envisagé pour permettre d’aborder la connaissance du corps (faisant le lien entre ces thématiques) au-delà de sa dimension anatomique.
L’élaboration de l’outil a commencé par des rencontres individuelles entre une quinzaine de jeunes MENA issus de centres et des professionnels qu’ils connaissaient. «Qu’évoque pour toi le mot ‘corps’?», l’objectif était de recueillir leurs représentations, tout en les informant, bien sûr, des objectifs du programme dans lequel leur témoignage s’inscrivait.
Des photos leur étaient également présentées, afin de faciliter leur expression. Ces expressions sont précisément celles qui ont servi à réaliser les illustrations se trouvant sur l’affiche. Certaines revêtaient un caractère universel, d’autres un caractère plus spécifique dû à leurs histoires. Elles montrent la grande diversité des évocations possibles autour du corps. Trouvant ces paroles de jeunes très intéressantes, les partenaires du projet ont alors décidé d’en faire un carnet de paroles. Par la suite, des ébauches de l’affiche ont été réalisées par une graphiste, et soumises aux jeunes et aux professionnels. Certaines illustrations ont ainsi été ajustées. Sur base de l’affiche une fois finalisée, ce sont des cartes illustrées qui ont été envisagées, afin d’offrir un support supplémentaire à l’expression.
En fin de processus, une affiche, des cartes et un carnet de paroles, accompagnées d’un guide méthodologique constituent l’outil pédagogique. Il est destiné aux professionnels travaillant avec des jeunes à la fois pour montrer la multiplicité des dimensions attachées au corps et pour en approfondir une ou quelques-unes selon les préoccupations des jeunes ou des professionnels. Les scènes illustrées veulent favoriser à la fois une identification, une appropriation et une prise de distance qui peuvent soutenir l’expression des jeunes. On peut dire que ce long processus d’élaboration aura permis aux partenaires et aux jeunes d’expérimenter une véritable démarche de promotion de la santé.
Les MENA, enfants de l’exil
Depuis la fin des années 90, la problématique de migration des mineurs étrangers est devenue réellement préoccupante. Ces jeunes arrivent sur le territoire européen sans père ni mère, sans tuteur légal. En Belgique, ce sont pas moins de 1500 enfants qui arrivent chaque année (plus de 100 par mois, donc !). Ils ont pour la plupart des parcours chaotiques: certains d’entre eux, ayant fui leur pays par crainte de persécution et de mauvais traitement, introduisent une demande d’asile; d’autres demandent une autorisation de séjour pour raisons humanitaires; d’autres encore sont en transit vers un autre pays où ils espèrent pouvoir résider, parfois pour y rejoindre un membre de leur famille.
La fuite constitue pour la plupart de ces jeunes un déracinement et une déchirure. Ils sont désorientés et se heurtent pourtant en plus à la complexité des procédures de régularisation dans les pays qui les accueillent.
Les MENA ont pour la plupart entre 7 et 18 ans, 2/3 sont des garçons, 1/3 des filles. Ils viennent essentiellement d’Afrique sub-saharienne ou du Maghreb, mais aussi du Moyen-Orient et des Balkans.
On distingue différents profils, entre lesquels la frontière est mince, certains ayant pu passer de l’un à l’autre:
– les exilés: ils fuient des conflits armés dans lesquels ils ont parfois perdu leurs parents. Ils ont vécu de réels dangers et ont même parfois été enfants-soldats;
– les mandatés: ils sont envoyés par leur famille, dans l’espoir de la sortir de la misère;
– les exploités: ils ont été aux mains de trafiquants, de proxénètes et ont connu la mendicité et la délinquance;
– les fugueurs: ils fuient des situations familiales compliquées (mariage forcé, violence…).
– les errants: ils ont vécu dans la rue.
En Belgique, dès qu’un MENA entre en contact avec l’Office des étrangers ou la police, le service des Tutelles (SPF Justice) en est informé. Ce service doit veiller à ce que le jeune soit immédiatement reçu dans une structure d’accueil. Chaque jeune se voit par ailleurs attribuer un tuteur qui l’aide à chercher un avocat, à introduire une procédure de régularisation ou à trouver une école adaptée.
Le premier accueil d’un MENA s’effectue ensuite dans un centre d’observation et d’orientation (COO). Là, un premier profil médical, psychologique et social du mineur est établi (phase d’observation). Sur cette base, il s’agit de déterminer le type de structure d’accueil à laquelle il doit être adressé (phase d’orientation). En principe, les jeunes y restent de deux à quatre semaines.
Après ce premier accueil, le jeune est envoyé dans une deuxième structure collective (centre d’accueil fédéral, Croix-Rouge ou initiative locale d’accueil). Il séjourne dans un groupe de vie autonome avec une équipe propre d’accompagnateurs et d’éducateurs. Après une période allant de quatre à douze mois, quand leur procédure n’a pas abouti, les jeunes de 17 à 18 ans peuvent éventuellement être orientés vers une initiative locale d’accueil offrant aux jeunes un accueil individuel supervisé, dans un logement autonome. C’est la troisième phase du trajet d’un mineur étranger non-accompagné.
Jusqu’à ses 18 ans, le mineur étranger non-accompagné ne peut être reconduit à la frontière que sur base volontaire (il bénéficie ainsi de la protection prévue par la Convention de Genève).
Si, avant ses 18 ans, il est reconnu comme réfugié ou s’il obtient un autre statut de séjour, il a droit à l’aide financière d’un CPAS. Une fois qu’il a 18 ans, le jeune dont la demande d’asile n’a été suivie d’aucune décision est envoyé dans une structure d’accueil pour demandeurs d’asile adultes, et ce jusqu’à la fin de sa procédure (2). Pour les non demandeurs d’asile par contre, la procédure s’arrête.
«Le corps c’est aussi…» a pour vocation de créer un espace d’échange et de réflexion autour du corps, abordé sous ses multiples dimensions. Plus spécifiquement, il vise à permettre de mener une réflexion sur les représentations que chacun peut avoir au sujet du corps, à en offrir une vision multidimensionnelle, mais aussi des portes d’entrée pour aborder des thématiques plus particulières (vie affective, hygiène, sport…). Il vise enfin à permettre de recueillir les représentations sur certaines problématiques.
«Le corps c’est aussi…» comprend différents supports:
– l’affiche est constituée d’une mosaïque d’images, destinées à évoquer chez ceux qui la regardent diverses représentations du corps. Elle invite à se détacher du corps anatomique pour s’intéresser à des dimensions telles que l’estime de soi, le rapport à l’autre, etc.;
– les cartes illustrées reprennent les illustrations de l’affiche, offrant ainsi un autre support pour une approche plus individuelle. Elles peuvent aussi servir de porte d’entrée à l’affiche;
– le recueil de paroles reprend les propos des MENA lors de la phase de conception de l’affiche. Il reprend leurs propres représentations du corps. Ce recueil est destiné à divers usages: il est un support à la réflexion pour l’animateur ou lors de l’animation;
– le guide d’accompagnement sert de support (et de soutien) à toute personne qui voudrait utiliser l’outil. On y retrouve notamment 3 fiches d’animation offrant des pistes pour la mise en œuvre d’animations. Ces pistes peuvent être adaptées en fonction du contexte de travail et du public visé. Elles sont là pour faciliter une première prise en mains de l’outil.
Chaque composante de l’outil peut être utilisée séparément, on y retrouve les mêmes éléments mais elles proposent des manières différentes de favoriser l’expression, de manière individuelle ou collective.
Initialement, l’outil a été construit pour soutenir des professionnels travaillant avec un public d’adolescents ou de jeunes adultes. L’affiche et les cartes illustrées peuvent facilement être utilisées avec un public maîtrisant peu la langue française, voire la langue écrite puisque la communication est principalement visuelle. Le recueil requiert de savoir lire mais peut être utilisé en présence d’une personne assurant la lecture des paroles (3).
Les acteurs du projet
Le CLPS de Namur
Créé en 2009, le tout jeune CLPS de Namur compte aujourd’hui une équipe de 6 personnes parmi lesquelles un directeur, 3 responsables de projets, une chargée de la gestion administrative et une documentaliste.
Outre le décret du 14 juillet 1997 portant organisation de la promotion de la santé en Communauté française, son cadre de travail est défini par le contrat de gestion conclu avec la Province de Namur et par les décisions prises par le CA et l’AG, dont notamment la réduction des inégalités sociales de santé et la formulation d’offres équitables vers tous les acteurs du territoire provincial.
Pour en savoir plus sur le CLPS de Namur et découvrir ses projets, surfez sur http://www.clpsnamur.be .
Le CLPS de Namur est à votre disposition sur rendez-vous du lundi au vendredi: bld Cauchy, 16/18 – appartement C03, 5000 Namur. Tél.: 081 75 00 46. Courriel: info@clpsnamur.be.
Cultures & Santé
Cultures & Santé est une association sans but lucratif de promotion de la santé, d’éducation permanente et de cohésion sociale, située à Bruxelles et active sur la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Elle a pour objet social l’amélioration de la qualité de vie des populations dans une perspective d’émancipation individuelle et collective. Son travail vise à permettre aux individus et à la collectivité d’agir sur les déterminants sociaux, économiques, environnementaux et culturels, en privilégiant l’engagement des populations dans une prise en charge collective et solidaire de la vie quotidienne alliant choix personnel et responsabilité sociale.
L’association met en œuvre plus spécifiquement des actions à destination des personnes vivant dans des contextes où les inégalités sociales se font particulièrement sentir. Ces projets se réalisent avec les populations concernées et avec les relais associatifs de différents secteurs. Depuis quelques années, Cultures & Santé s’est construit une expertise dans la communication adaptée envers des publics pas ou peu scolarisés. Elle conçoit des outils et démarches pédagogiques en vue d’augmenter la puissance d’agir et l’esprit critique des populations.(4)
Pour en savoir plus sur Cultures & Santé, surfez sur http://www.cultures-sante.be ou lisez notre article «Cultures & Santé, un accès à la santé pour tous» , Éducation Santé 263, janvier 2011 par FEULIEN C, LONFILS M., MANNAERTS D.
Le Centre El Paso de Gembloux
Le centre El Paso est un centre résidentiel pour mineurs étrangers non accompagnés, agréé depuis le 1er juillet 2006 par la Communauté française en tant que Projet Pédagogique Particulier(5).
Le centre dispose d’une capacité d’accueil de 13 places agréées comme Initiative locale d’accueil et 25 autres places réservées aux mineurs pris en charge par l’Aide à la jeunesse. De plus, 6 kots supervisés sont disponibles sur Gembloux et permettent aux jeunes de se préparer à l’autonomie.
Le centre El Paso permet une prise en charge individuelle de chaque jeune au cours de son hébergement, à la fois sur le plan psychologique, médical, scolaire, administratif, social et éducatif. L’ensemble des membres de l’équipe travaille en étroite collaboration afin de le guider, de l’encadrer, de l’orienter dans sa vie de tous les jours vers un meilleur épanouissement.
La préparation du jeune à la vie d’adulte en Belgique ou ailleurs est un objectif de travail commun à l’ensemble des services.Le centre El Paso met également en œuvre pour chaque jeune un projet éducatif individualisé depuis son arrivée au centre jusqu’à son départ. Cela permet de faire un bilan régulier avec l’ensemble de ses référents sur sa situation de vie, en tenant compte de ses progressions et difficultés.
Pour en savoir plus sur le centre El Paso, n’hésitez pas à consulter la page internet qui lui est dédiée sur le site du Guide social: http://www.guidesocial.be/associationdenamur/page.php?page=1
Le centre Fedasil de Florennes
Le centre d’accueil de Florennes fait partie des 22 centres d’accueil pour demandeurs d’asile en Belgique directement gérés par Fedasil (agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile). Le centre a une capacité de 408 places.
Ouvert en urgence en 1992 en tant qu’extension du Petit-Château de Bruxelles, le centre est ensuite devenu autonome en 1997. Assistants sociaux, éducateurs, personnel d’accueil, infirmiers… environ 70 personnes y travaillent à temps plein. Vous l’aurez compris, le centre d’accueil ne se contente pas de répondre aux besoins de base (comme le gîte et le couvert), mais les demandeurs d’asile y reçoivent un véritable accompagnement social, juridique et médical. En outre, le centre organise diverses activités et formations afin que les résidents puissent occuper leur temps de manière utile.
Mineurs étrangers non accompagnés
Les mineurs étrangers non accompagnés qui arrivent en Belgique résident dans un premier temps dans un centre d’observation et d’orientation (COO). Ils sont ensuite dirigés vers une structure d’accueil standard adaptée à leur situation. Le centre d’accueil de Florennes accueille ainsi environ 40 MENA. Ils y résident au sein d’une unité de vie séparée, avec leur propre équipe d’accompagnateurs et d’éducateurs.
Une aile réservée aux familles
En août 2009, la capacité du centre d’accueil de Florennes passait officiellement de 325 à 408 personnes. Cette augmentation fut rendue possible grâce à l’ouverture d’une nouvelle aile accueillant spécifiquement des familles de demandeurs d’asile.
Pour en savoir plus sur le centre de Florennes et connaître ses initiatives, consultez le site: http://www.fedasil.be/Florennes/
Les Centres locaux de promotion de la santé (CLPS)
Les Centres locaux de promotion de la santé, au nombre de dix en Fédération Wallonie-Bruxelles, sont des organismes agréés pour coordonner, sur le plan local, la mise en oeuvre du programme quinquennal et des plans communautaires de promotion de la santé. Les CLPS répondent aux demandes de tous les acteurs du ressort de leur territoire. Ils ont reçu les missions suivantes:
– Accompagner les acteurs locaux dans le développement de leurs projets/actions, notamment via l’accompagnement méthodologique: identifier, planifier, agir, évaluer; la mise à disposition d’un centre de ressources, l’accompagnement personnalisé dans la recherche documentaire et dans la découverte d’outils pédagogiques et la diffusion d’information; la mise en place de formations.
– Valoriser les actions et projets locaux et les diffuser afin de favoriser leur transférabilité.
– Appuyer les autorités locales dans la définition ou l’intégration de priorités relatives à la promotion de la santé dans leurs politiques ou plans territoriaux.
– Initier et/ou renforcer les réseaux des acteurs locaux, notamment via la coordination des acteurs, la mise en place de concertations intra et/ou intersectorielles, le développement et/ou la participation aux dynamiques locales, la création de groupes de travail et d’échanges de pratiques ou de journées d’études, etc., la mise en oeuvre de points d’appui aux écoles en matière de prévention des assuétudes.
– Assurer l’interface entre le niveau local et le niveau communautaire notamment via le relais des attentes et des besoins des acteurs de terrain vers les décideurs, la remise d’avis dans le cadre de la définition des politiques de promotion de la santé, la diffusion de la politique de promotion de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles vers les acteurs locaux.
– Organiser une concertation inter-clps en vue de l’élaboration d’un référentiel commun.
– Constituer une Commission d’avis des projets locaux, chargée de remettre avis sur les programmes d’action et sur les recherches en promotion de la santé menés à l’échelle locale.(6)
L’outil complet «Le corps c’est aussi» est disponible en location au centre de documentation de Cultures & Santé (caution de 30 €) ainsi qu’en téléchargement sur http://www.cultures-sante.be/nos-outils/promotion-de-la-sante/le-corps-cest-aussi.html (à l’exception de l’affiche). Il sera également bientôt disponible dans les CLPS.
L’affiche (60x85cm) et le recueil de paroles (32 pages) sont aussi disponibles gratuitement en version papier (sauf frais de port). Pour les obtenir, contactez Cultures & Santé, Rabia Benamar, rue d’Anderlecht 148 à 1000 Bruxelles, par téléphone (tous les jours entre 9h et 13h, sauf le jeudi) au 02 558 88 18 ou par courriel à rabia.benamar@cultures-sante.be.
(1) MENA: Mineurs étrangers non accompagnés (voir encadré dans cet article)
(2) Extrait du site de Fedasil (Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile): http://www.fedasil.be/fr
(3) Extrait du Guide d’accompagnement
(4) Extrait du site http://www.cultures-sante.be
(5) Projet particulier et exceptionnel d’aide aux jeunes en difficulté selon des modalités non prévues par les arrêtés spécifiques, afin de leur permettre de réussir une expérience de vie originale et positive. Les services qui mettent en œuvre ce type de projet peuvent travailler avec ou sans mandat.
(6) Extrait du site http://www.clps-bxl.org